Chapitre II – Techniques de Pêche Sportive en Eau Douce

     Par je ne sais quelle pollution due à l'usage, les mots perdent leurs valeurs intrinsèques et surtout, leur signification première.

     En grec, « tekhnê » veut dire ART. Or, la technique de pêche, pour un amoureux de la pêche, reste essentiellement un art — et non une froide et rigide application d'une discipline halieutique quelconque.

     Je ne voudrais surtout pas que les chroniques suivantes soient un modèle, un manuel ou même une simple feuille de route. Je ne souhaite qu'une chose : que ces chroniques soient une source d'inspiration !

24 — Savoir "lire" une rivière !

     Pour qui sait regarder et connaît ce qu'il regarde, la lecture de l'eau est la forme d'activité halieutique qui me passionne le plus ! Lire une rivière, un ruisseau, ou les bords ombragés ou accidentés d'un lac, voilà le summum du raffinement dans l'art de pêcher. Hélas ... ce n'est pas une chose qui s'apprend en quelques leçons... Ce n'est même pas une chose qui s'apprend avec un professeur de pêche ! Savoir lire les eaux, c'est le résultat de nombreuses années de pêche dans des territoires très variés, c'est la soustraction de vos échecs, la multiplication de vos intuitions, et enfin . . . l'addition de vos réussites.

      C'est la confiance en soi surtout, ce bon moral qui permet de « survivre » à l'adversité qui guette les pêcheurs les plus glorieux... c'est la patience dans la recherche, mais la rapidité dans la décision. Comme à la chasse, le pêcheur doit « tirer juste » et surtout : tirer vite !

     Dans les eaux turbulentes d'un ruisseau ou les courants musclés des rivières les poissons ne nagent pas tout le temps 24 heures par jour ! La vérité, c'est qu'ils sont au repos. Ce qui vous apparaît (de la surface ou de la rive) comme une eau très vive se transforme en un calme relatif en profondeur pour peu qu'un obstacle quelconque, généralement un rocher, brise le courant. Derrière cette muraille il y a toujours quelques carrés de contre-courant. Donc les forces s'équilibrent pour former ce qu'il convient d'appeler une « zone de calme ».

     On décèle assez facilement ces zones par la couleur de l'eau (eaux blanches et eaux noires) ainsi que par le son (gargouillements et gloussements, etc.) ou la voix du courant. Non seulement on regarde, mais on écoute ! Pour le pêcheur attentif imbu de son sujet, ce livre-parlé est un trésor de renseignements. Ce sera là, et non ici, que se trouve la truite. Le lancer devra donc se faire là-bas pour que la dérive amène le leurre très exactement là, c'est-à-dire au-dessus et légèrement en amont de la zone de calme où le poisson est embusqué.

Les poissons d'affût

     Tous les poissons qui tiennent l'affût, que ce soit des brochets, des maskinongés, des achigans ou des truites, procèdent à peu près de la même manière. Us ont une base d'opération de laquelle ils s'élancent vers la proie convoitée. S'ils visent juste, ils percutent et gobent instantanément pour revenir immédiatement à leur base.

     Si au contraire, ils ratent la proie (votre leurre, disons) il peut se passer deux choses : soit qu'ils reviennent au point de départ comme si rien ne s'était passé, soit qu'ils changent de lieu d'embuscade. Il est assez rare (dans le cas de la truite surtout) qu'un poisson insiste et cherche une proie qui vient de lui échapper. Le système semble plutôt : un solide coup de queue qui projette l'assaillant vers la mouche flottante ou noyée, le mené blessé ou la larve dérivante — toujours devant la proie — puis, le poisson se retourne vivement et gobe. Le brochet et le maskinongé se conduisent plutôt comme un tireur de skeet... ils se donnent de l'avance, mais juste assez pour percuter le mené par le travers ! C'est après qu'ils retournent la proie dans leur gueule pour avaler. Cela explique bien des touches non concluantes... La cuillère est bien dans la gueule du brochet, mais le triple hameçon ne l'est pas ! Si vous ne donnez pas au prédateur le temps du gobage i.e., qu'il retourne la cuillère, c'est raté ! Ou alors, il est pris par « le rouge à lèvres » et s'il connaît les mailles de votre filet, c'est par une chance très unique sur laquelle vous ne vous faites pas d'illusions ...

Leur champ d'action

     Derrière sa souche, son rocher submergé, sa pointe sous-marine, le poisson d'affût observe tout ce que charrie le courrant. Non seulement il n'est pas sûr de ce qui va passer à proximité, mais il n'est pas de la nature du prochain repas !

     Ceci est tellement vrai qu'il arrive souvent qu'il se trompe et prenne un petit bout de bois pour un mené mort roulant dans le courant, ou la cigarette d'un pêcheur en amont de lui pour un insecte.

     Nous avons jeté un bref coup d'oeil sur le comportement des poissons d'affût en ruisseau ou en rivière. Nous avons vu que leur activité était toute relative car ils passaient la plus grande partie de leur temps à attendre la nourriture que leur amène le courant. Dès qu'une proie quelconque passe à proximité de leur champ d'action, c'est le coup de queue qui projette l'assaillant... et le gobage !

     Puis, c'est le retour vers le lieu d'embuscade. Si les jeunes truitelles paraissent terriblement actives (le Dr Needham observa un sujet de 3 pouces de long changer 107 fois de position en une heure 25 !) ne généralisons pas. L'âge assagit et calme les truites les plus impétueuses... Il faut avoir été à la pêche bien peu souvent pour ne pas savoir qu'il y a des truites qu'on ne dérange pas facilement. . . Plus elles sont grosses, plus elles semblent difficiles sur la nature du menu qui leur convient... à croire que comme nos bonnes grosses matrones, elles aussi sont à la diète ! Puisque nous parlons diète et repas, pourquoi ne pas examiner dès maintenant ce qu'une rivière normale ou un bon ruisseau offre comme possibilité nutritive.

La rivière est un super-marché !

     Je parle d'une rivière bien équilibrée. Une rivière dont les rives sont boisées, les eaux non polluées, les courants variables et obstrués naturellement par les arbres morts, les rochers, les cascades et les battures. Une rivière où les grands arbres projettent des zones d'ombre et des jeux de soleil.

     Bref, une rivière qui est un tout et que l'agriculteur imprévoyant ou ignorant et le forestier avide et insoucieux n'ont pas abîmée par des travaux d'aménagement commercial. Ce super-marché abonde en mollusques divers, crevettes d'eau douce, escargots, etc. Ephémères, aux états successifs de larves et de leur forme ailée, Coléoptères, certains vivant sous l'eau, d'autres évoluant en surface (pris généralement avec violence par les truites !). Moucherons minuscules dont les fameux brûlots.. . Moustiques, à leur état aquatique de larve, de nymphe, et ailé. Perlides (mouches de pierre) dont il existe environ 200 espèces et Lombrics ou ver de terre des jardins ou du fumier — petits rouges.

     Les oeufs de la plupart des cyprinidés ou autres ménés habitant les mêmes eaux. Devenus grands, les prédateurs s'attaquent alors à des proies très importantes : grenouilles, écrevisses, souris (cas de l'achigan) poissons divers de toutes tailles, oiseaux, rats, canetons (cas des brochets et des maskinongés). Quant aux grosses truites — 2 livres en montant — il est important de signaler que ses goûts s'apparentent alors à ceux de l'achigan ! De très belles mouchetées furent capturées à la grenouille et à la souris ! Une chose m'a toujours étonné : je n'ai jamais trouvé de têtards dans l'estomac des poissons que j'ai capturés. Pourtant, ils semblaient constituer la source de nourriture (apparente la plus abondante du milieu observé ... Je serais infiniment curieux de savoir si un lecteur a déjà trouvé des têtards dans l'estomac d'un achigan, d'un brochet ou d'une truite ? Des grenouilles, c'est courant ... alors pourquoi jamais de têtards ?

Les cachettes des prédateurs

     Qui dit prédateur dit poisson d'affût. Quoique la truite grise et le doré soient également des prédateurs... mais ce sont de grands nageurs et des amis des bas-fonds. En rivière ou en ruisseau (et même en lac) les mouchetées, les maskinongés, les achigans et les brochets éprouvent le besoin de se cacher. Où ? Voilà toute la question. L'oeil exercé d'un bon pêcheur ne tarde pas à déterminer les endroits logiques ou plausibles pouvant constituer une bonne cachette.

     Examinez attentivement la rive et, selon les heures de la journée, les zones d'ombres qui prolongent parfois le territoire d'une cachette. Les vieilles souches, les arbres morts — principalement les pins et les sapins — offrent des repaires magnifiques pour les prédateurs. Si vous possédez une carte des fonds où vous pêchez, votre tâche est grandement simplifiée. Sinon, il faut vous fier soit à vos guides ou autres personnes familières avec l'endroit, soit à votre sens de l'appréciation des accidents topographiques qui se prolongent sous la surface de l'eau. La découverte de battures et de hauts fonds dans les lacs est presque toujours un heureux présage qu'aux bonnes heures, il y aura de l'action ! Je ne sais pas très bien comment vous expliquer comment on découvre les lieux d'affût de la truite ... Personnellement, j'éprouve une espèce d'intuition .... je « sais » que c'est là qu'elles se tiennent. Pourquoi ? Je pourrais vous donner de multiples raisons ou ne vous en point donner du tout ! Je le « sens ».

     C'est mieux qu'un pressentiment, c'est presque une certitude ! Le fait de ne pas connaître de touches à tel ou tel lieu où je sais une truite embusquée n'est pas une preuve que je me suis trompé. Du moins, pas à mes yeux. La présentation de la mouche, de la nymphe ou du streamer y est pour quelque chose. Le choix de l'appât aussi, bien entendu. L'heure également.

     Comme je vous le disais dans la première chronique traitant de ce sujet, l'expérience, la multiplication des essais, la soustraction des erreurs et des faillites et l'addition des réussites font de vous un BON ou un MAUVAIS pêcheur. Savoir évaluer la situation rapidement selon son bagage de connaissances halieutiques glanées pendant des années dans des territoires très divers, voilà le secret de la réussite ! Le danger, c'est de se croire bon pêcheur parce qu'on a des connaissances théoriques, résultat de vos lectures (dont cette chronique fait partie !) et non de votre expérience personnelle.

     Les connaissances théoriques se traduisent au bord de l'eau par une confusion générale ! On croit connaître — et l'on connaît peut-être — tous les éléments du problème... l'ennui, c'est que l'on ne sait pas procéder aux opérations qui donneront la solution exacte.

25 — "Quincaillerie" pour les truites

     Tous les pêcheurs du Québec ne sont pas des puristes de la mouche (il s'en faut !) et c'est d'ailleurs pour cette raison, précisément, que pendant des années les parcs provinciaux furent fréquentés dans une très large mesure par des Américains . .. En effet, jusqu'en 1962 (il y a deux ans) la mouche seule était permise dans le parc provincial des Laurentides, par exemple ! Une loi ridicule comme bien d'autres... que personne n'osait changer de peur de... Au fait de peur de quoi ?

     Les gens de Québec (lire du Gouvernement) sont drôles. Ils ont toujours peur de choquer quelqu'un ou quelque chose ! Mais dès que l'on s'avise de préciser au juste de quoi ils ont peur ... nous assistons à ses prodiges d'acrobaties diplomatiques et d'éristiques, dignes de Mégare, certes, mais dont nous nous passerions volontiers en 1964 et sur un sujet aussi simple que la pêche ! Hélas... nos augustes ministres ont des raisons que la raison n'a pas.

     C'est pourquoi nous péchons toujours le saumon à la mouche — exclusivement — bien que les trois quarts des pêcheurs qui désireraient combattre ce poisson ne sont pas équipés pour le faire. En ce moment, je pose une question et je fais, notons-le, abstraction de mes goûts personnels de « moucheur » impénitent : qu'est-ce que ça peut bien faire qu'un saumon soit pris au lancer léger (ou lourd) du moment que le pêcheur respecte la limite des prises quotidiennes ou hebdomadaires ?

     Que veut-on prouver par cette loi ? Est-ce un test ou est-ce une manifestation de discrimination envers le sportsman qui ne manie pas convenablement la canne à mouche ? Je vais encore me faire des ennemis parmi mes confrères puristes de la sèche et de la noyée, mais quand on est honnête pêcheur, il faut penser aux autres. C'est ce que je m'efforce de faire quotidiennement dans cette chronique. Moi, j'adore la mouche ! Mais le voisin, mon lecteur ? Dois-je le forcer à m'imiter ?

     Puisque chaque saison nous trouvons des centaines de livres de leurres métalliques dans les « pools » à saumons des parcs provinciaux et dans le fond des rivières et ruisseaux de clubs où l'on ne pêche « qu'à la mouche » (un snobisme de mauvais aloi), je crois qu'il convient de signaler aux « prolétariens », aux « plébéiens » de la pêche, le genre de quincaillerie qui convient à nos mouchetées, à nos grises, à nos ouananiches et autres salmonidés de nos eaux.

Dare-Devils, Rapala, Jewel-Lures et Cie...

     Je vois encore l'expression horrifiée de ces compagnons de pêche lorsque, sortant de mes poches une canne télescopique et un moulinet de lancer léger miniature, je me mis à lancer des « ordures métalliques » dans les eaux vierges de leur lac ! Et oui. . . j'ai commis cette action « infâme ». Et souvent, encore ! Aux questions : « Comment oses-tu ? » « Pourquoi fais-tu ça ? » Je répondais : Écoutez les gars, soyez pas plus catholique que vous savez qui. . . l'idée c'est d'apprendre quelque chose. Je veux savoir comment réagissent les poissons devant tel ou tel type d'appât. Vos « streamers » sont de vulgaires ménés ou des imitations de cuillères en plume. Racontez-moi pas d'histoires ! Je n'ai pas du tout l'intention de garder les poissons que je vais capturer, tout ce que je vous demande, c'est de me laisser expérimenter. O.K. ? Je dois dire qu'on m'a toujours laissé faire... mais en grognant ! Je suis donc en mesure de vous parler de cette fameuse quincaillerie — un terme péjoratif mais descriptif tout de même — qui excite nos salmonidés. Dans les lacs « jamais péchés » (ou très peu) ; le Dare-devil rouge et blanc (leurre classique s'il en est un ...) reste le champion et les mouchetées, les ouananiches, les ombles arctiques (Arctic char) et autres poissons de la famille réagissent « à mort ». J'ai remarqué que plus le leurre était gros, meilleurs étaient les résultats. Je peux même affirmer que dans des eaux « neuves », on pouvait prendre des truites à peine plus importantes que les leurres en question !

     Les Jewel-Lures (encore très difficiles à se procurer... avis aux fabricants !) sont sensationnels mais donnent moins bien chez les salmonidés. C'est surprenant, mais on note une grande différence dans la taille des prises... un fait que je ne m'explique pas encore. Toutefois, les brochets (même avec les modèles miniatures) répondent bien et j'ai capturé des sujets de 20 livres et plus avec de petits modèles. Les dorés réagissent comme les truites. Le merveilleux dans les Jewil-Lures, c'est qu'on peut varier à l'infini la « terminaison », si j'ose dire, de l'hameçon. Toutefois, le plus efficace — surtout pour la grise — c'est la queue de Ouitouche ou de Corégone. Le RAPALA, en lettres majuscules, est mortel pour tous les poissons de taille « olympique » mais, hélas... ne séduit pas aussi infailliblement que les leurres précités. Pourtant, je me dois d'ajouter (il serait malhonnête de ma part de ne pas le faire) que les Rapalas seraient des « casseurs de ligne » surtout les jours sombres.

     Le leurre qui fonctionne toujours quand les autres « abandonnent », c'est l'Alligator de Delfin (chromé avec bordure rouge).
L'ennui, c'est que peu de gens savent exploiter les qualités de cet appât métallique ... Sans le coup de poignet précis (à tous les quatre tours de moulinet), il ne vaut guère mieux qu'un autre.

     Les cuillères Lucky-Strika, les mieux pensées et les mieux équilibrées sur le marché à l'heure actuelle, sont à considérer quand on pêche lourd. Le ventre cuivré est un tueur de grises et de mouchetées grand-père ! Au coeur de l'été, je vous recommande vivement les Canadian Wigglers qui sont de bons Flat-fishes mais qu'il faut récupérer très lentement. Il y a un choix de 15 couleurs... beaucoup trop à mon avis. Toutefois, les règles suivantes s'appliquent : Orange à points rouges avec tête noire — tous les Esocidés. Jaune avec coulées vertes et points noirs : tous les Centrachidés (en particulier les Achigans). Blanc et rouge (ou argentés) : les Salmonidés. Qu'on ne me reproche pas d'employer des termes savants dans mes chroniques ! Ces termes ne sont savants que pour ceux qui ne se donnent pas la peine de chercher et qui veulent tout avoir et tout connaître sans efforts ... nous avons d'excellents auteurs canadiens-français (Melançon, Legendre, etc.) et il est temps qu'on achète leurs livres et qu'on se renseigne un peu sur leurs travaux.

     En conclusion : Les leurres métalliques (de plastique et de bois également) sont très valables pour les truites et même des leurres qui ont la fausse réputation d'être « exclusivement » pour achigans, dorés ou brochets, fonctionnent admirablement bien quand ils sont maniés par un pêcheur compétent.

     En rivière : Les souris grises « pour achigans » sont des leurres pour truites fantastiques ! Et après, on dira que les truites sont insectivores... ce qui est vrai, remarquez, mais pas toujours... c'est ça la pêche !

26 — Si je n'avais qu'une seule mouche

     Il y a quelques années, j'avais intitulé l'une de mes chroniques quotidiennes : « Si je n'avais qu'un leurre...» Les réactions de mes lecteurs furent surprenantes — en ce sens qu'il n'y eut guère de protestations et qu'au cours de la semaine qui suivit la publication de cet article, un grand nombre de magasins d'articles de sports furent littéralement dévalisés par une clientèle désireuse de tester ce leurre de mon choix. J'avais alors choisi cette admirable et quasi miraculeuse cuiller : l'Alligator, argentée avec rebord rouge-vermillon) de Delphin.

     A noter que cette cuiller ondulante, et non tournante, est encore aussi rare qu'elle l'était en 63 quand j'écrivis cette chronique. C'est le cas de toutes ces merveilleuses inventions Scandinaves, qu'elles soient de Suède, de Norvège ou de Finlande ... Quelqu'un, quelque part, ne s'occupe pas assez de la diffusion de ces leurres-vedettes qui conviennent si bien à nos eaux subarctiques. Dommage !

     Le titre de la chronique d'aujourd'hui est invraisemblable, j'en conviens. On ne peut imaginer un pêcheur n'ayant qu'une seule mouche! Mais admettons que la chose se produise ... Non pas au cours d'un accident quelconque qui aurait détruit toute la panoplie du pêcheur, sauf une seule et unique mouche, mais disons... au cours et à cause d'un pari original visant à placer le pêcheur dans une situation « impensable ».

     Donc vous voici devant la torturante situation d'être obligé de choisir UNE mouche parmi toutes les autres... LA mouche miracle qui peut attraper à peu près toutes les espèces de poisson .. . Tout au moins, LA mouche qui aurait le plus de chances de capturer un poisson au cours d'une journée de pêche.

     C'est méchant comme question, n'est-ce pas ? Avouez que vous n'aimeriez pas vous trouver en face d'un tel dilemme. Mais puisqu'on vous y force, qu'allez-vous faire ?

     Oui, je sais, nous avons tous « notre » mouche préférée ... celle à laquelle nous revenons sans cesse quand toutes les autres ne « fonctionnent » pas ou ne « donnent » pas comme on' voudrait. Quel est VOTRE choix ? Allez, rien qu'UN nom !

Moi, ça serait la discrète « Dark Montréal » !

     Chacun ses goûts. Je suis sûr qu'il y aura des milliers de lecteurs qui ne seront pas d'accord avec moi... Mais peu importe. Aujourd'hui, je vous donne mon opinion très personnelle et, je me permets d'ajouter, cette opinion est le fruit d'une longue réflexion qui s'étale sur plus de 20 ans de pêche à la mouche.

    Oui, 20 ans d'erreurs, d'essais, de semi-succès, d'échecs et d'incroyables réussites ! 20 saisons dans des centaines de territoires avec des conditions atmosphériques qui variaient de la tempête de neige du mois d'avril à l'étouffante après-midi tropicale du mois d'août ! Et, géographiquement parlant, du pergélisol de l'Ungava aux onctueux marécages des îles de Sorel ou de l'île-aux-Cochons de la baie Missisquoi !

     Bref, si je n'avais qu'une seule mouche, ça serait cette discrète Dark Montréal qui semble avoir le magique pouvoir d'imiter à la fois les larves, les mini-mollusques, les alevins et, disons-le, tout ce qui nage et flotte entre deux eaux (douces) dans le Québec.

     En admettant que j'ai le droit de choisir la taille de la mouche, j'arrêterais mon choix sur le No 10, plutôt que sur le classique No 8 que l'on trouve chez les marchands qui ont à peu près tous le défaut de vendre (et penser) gros format. Et n'allez pas penser un seul instant que j'ai choisi la Dark Montréal parce que je suis Montréalais... ça serait trop bête ! Si cette mouche s'appelait Dark Toronto, ça serait du pareil au même, n'en doutez pas !

Les grandes vertus de la « timidité »...

     Il y a un instant, je vous parlais de la discrète Dark Montréal qui semblait avoir le pouvoir (magique) d'imiter à peu près n'importe quoi. En y pensant bien, je crois plutôt qu'il s'agit infiniment moins de discrétion que de timidité. La Dark Montréal se voit, et se voit bien — dans les eaux claires comme dans les eaux brouillées. En fait, dans les eaux très limpides, elle se voit trop bien... Dans les eaux opaques, elle se voit juste assez. On ne saurait alors parler de discrétion. Timide me semble le mot exact, surtout si on la compare à d'autres artificielles qui étalent sans vergogne une robe poly-chrome qui ne correspond, soit dit en passant, à aucun animal aquatique ou para-aquatique connu !

     Dans la vitrine d'un magasin d'articles de sport, la Dark Montréal passe pour une erreur... Elle n'accroche pas le pêcheur : Trop terne. Sans imagination. Pas un insecte et encore moins un poisson — disent les gens. C'est vrai. La Dark Montréal n'accroche pas les pêcheurs. En revanche, elle accroche beaucoup de poissons !

     A mon avis, la grande vertu de la Dark Montréal réside dans cette timidité qui persiste de la vitrine au cours d'eau. En définitive, ce sont les poissons — et non les pêcheurs — qui lui donnent raison !

     J'adore le Old Gold, je chéris la Parmachene Belle, j'aime la Royal Coachman, j'estime le Muddler Minnow et je respecte la Joliette Hopper ! Néanmoins, comme l'enfant prodigue ou le mari fidèle, je reviendrai sans cesse à ce havre de sûreté, d'assurance et de tranquillité : la Dark Montréal. Je pourrais vous nommer 100 mouches que j'aime... mais en définitive, UNE seule sur laquelle je peux me fier en tout temps, en toutes circonstances, sous n'importe quel climat. Et VOUS, amis lecteurs, quelle est VOTRE mouche ?

27 — Maskinongé : Un poisson d'automne !
 
     Si les spécialistes pèchent avec succès le maskinongé à partir du 15 juin, et ce, jusqu'aux glaces, la grande majorité des pêcheurs québécois commencent à enregistrer des prises intéressantes à partir de la mi-août.

     Grâce aux statistiques halieutiques du Club de Pêche Molson, les biologistes du Service de la Faune en sont venus à la conclusion suivante : du point de vue pêche sportive, le maskinongé est un poisson d'automne, la fréquence des prises enregistrées le prouve. Dans une très intéressante étude sur le lac Maskinongé de St-Gabriel-de-Brandon, Albert Courte-manche, directeur du Service de la Faune pour le district de Montréal, constatait une progression très nette des prises à partir du mois d'août avec un point culminant pendant les beaux jours de la fin de septembre. Après, les pêcheurs se font plus rares semble-t-il, ou n'enregistrent pas leurs prises. Bien entendu, la température joue un grand rôle, car si les pêcheurs endurent bien les froids du printemps, les froides et pluvieuses journées d'automne les éloignent des lacs et rivières.

     D'autre part, la plupart des pêcheurs sont également des chasseurs et quand vient la saison de tel ou tel gibier, ils quittent la chaloupe pour la forêt. Même en ce qui concerne les oiseaux migrateurs, rarissimes seront les chasseurs de canards à l'affût qui laisseront traîner une ligne ... Bref, il n'y a que les spécialistes, les mordus de la question qui continueront à pêcher l'automne.

Des leurres couleur d'automne !

     Ouvrez n'importe quelle publication halieutique, et vous verrez que la grande majorité des leurres s'adressant au maskinongé ont des couleurs automnales ! L'orange domine nettement, mais le jaune, le rouge et le brun sont à l'honneur.

     Les larges cuillères sont également dorées ou cuivrées. Quant aux rares pêcheurs à la mouche, ils emploient généralement le Mickey Finn, le Yellow Sally, le Squirrel Tail Jungle, le Lord Iris ou la bonne vieille Parmachene Belle.

     Evidemment, toutes ces mouches sont montées streamers et certaines d'entre elles sont plombées ou alourdies spécialement avec des attaches en fil de fer.

     L'eau se refroidit, la lumière change, le maskinongé s'approche donc des bords pour la dernière fois de l'année et tâche de s'engraisser le plus possible avant le long clair-obscur de l'hiver. C'est ce qui explique sans doute son manque de prudence... Personnellement, je crois qu'il tient moins l'affût en automne qu'il ne le fait en saison chaude.

     Même les grosses pièces feront un effort pour se déplacer pour chasser plutôt que traquer le méné. Ce n'est qu'une hypothèse, bien sûr, mais je la base sur les observations des spécialistes à l'oeuvre, et surtout, sur les statistiques.

     Quoi qu'il en soit, le maskinongé n'est jamais un poisson facile à pêcher... Il ressemble peut-être comme deux gouttes d'eau au brochet, mais au point de vue finesse et intelligence, il le surpasse de cent coudées ! C'est pourquoi tant de pêcheurs se découragent d'essayer de le pêcher.

28—Le maskinongé aime l'orange !

     Il ne s'agit pas du fruit qui porte ce nom mais de la couleur des mouches et leurres que le maskinongé semble affectionner. Je ne dis pas que ce gros déprédateur n'attaquera pas un leurre argenté, rouge et blanc ou une ondulante chromée, mais après avoir questionné nombre de spécialistes, j'en viens à la conclusion que les devons ou les flatfish de couleur orange, avec des taches noires ou brunes, sont les leurres auxquels les maskinongés répondent le mieux. Certaines cuillères dorées, avec triple hameçon amélioré de laine rouge donnent également très bien. Ayant inspecté plusieurs coffres d'amis pêcheurs et leur ayant demandé : qu'est-ce que tu prends le plus souvent quand « rien ne marche » ?

     Sept fois sur dix, ils me tendent un flatfish orange avec taches noires ! Il est bien difficile d'affirmer que telle ou telle couleur est l'unique, la seule, la préférée du maskinongé, ou de tout autre poisson d'ailleurs, mais puisqu'il faut faire un choix — et donner le meilleur conseil qui soit — j'en arrive à cette conclusion et à cette couleur : l'orange.

     Ce qui est beaucoup plus certain, ce sont les lieux d'embuscade du maskinongé. Je parle des grands herbiers en bordure des chenaux naturels ou artificiels. Pêcher en bordure de ces herbiers donne presque toujours d'excellents résultats.

     Le plus vieux et le plus célèbre guide de pêche du lac St-Louis, Émile Pilon de Ste-Anne-de-Bellevue, détenteur de plusieurs prises records qui s'échelonnent de 1912 à 1945 (il a encore son commerce de pourvoyeur de pêche !) amène ses clients en bordure des herbiers de la Pointe au Moulin. « Suivez Pilon et vous prendrez du Maskinongé » est encore une phrase valable ! J'en sais quelque chose, car pendant la guerre j'ai « travaillé » pour M. Pilon en conduisant l'un de ses « Cruisers ». On partait le matin avec un bateau plein de pêcheurs et dès qu'on avait atteint les parages de Vile Lynch (on disait Docker), on se faisait suivre par une quantité de « trolleurs »... « Où passait Émile, il y avait toujours du Maskinongé ! »

     Lui connaissait ses herbiers ! A un tel point qu'il pouvait dire à ses touristes (il le fait toujours, d'ailleurs) : "No fish no pay !" — Pas de poisson, pas de salaire ... ça vous coûtera rien !

     Tout ce que je peux vous dire, c'est que M. Pilon n'a pas souvent travaillé pour rien . . . Aujourd'hui, à 80 et quelques années, Émile Pilon est encore guide et fait encore prendre régulièrement du maskinongé. Ce diable d'homme a la carte sous-marine du lac St-Louis dans la tête ! Une « carte » d'une telle précision, qu'on a beau s'ancrer à 3 encablures de lui . . . on ne prend rien.

Quand le maskinongé mord ...

     J'aimerais pouvoir vous donner quelques conseils utiles relatifs aux moeurs et aux réactions du maskinongé. D'abord, une chose à retenir : le maskinongé n'est PAS un brochet (malgré sa ressemblance) et il ne percute pas aveuglément un leurre. Soit qu'il le suive pendant un certain temps, soit qu'il le laisse passer sans bouger et sans faire « une passe ». Si l'eau est à la bonne température — entre 60 et 80 degrés F. Idéale : 72 — et que le maskinongé est à l'affût, le leurre sera attaqué de côté. La touche du maskinongé est franche, violente même, puis on ne sent rien. Plutôt, on sent un poids ou une résistance comme si on était accroché. A ce moment, le maskinongé a le leurre dans sa gueule, mais il n'est pas pris ! Il tient le leurre de travers et dans un instant, il va le retourner pour l'avaler. C'est un mouvement en deux temps.

     1) Il saisit la proie violemment et lui brise les reins ;
     2) il lâche momentanément, retourne la proie, et l'engloutit.

     Cette manière de manger est la cause de plusieurs maskinongés ratés. On reçoit le message violemment, mais on est si surpris qu'on ne ferre pas assez rapidement ! Cette fraction de seconde de retard fait que l'on donne son coup au moment où le maskinongé lâche pour retourner la proie. Le leurre va donc lui glisser d'entre les mâchoires et, sans le vouloir, on l'aide à s'en débarrasser ! Quelquefois, on réussit quand même et l'on attrape un maskinongé « pris par le rouge à lèvres », comme on dit.

     Il faut donc ferrer instantanément — et violemment — pour que les hameçons s'engagent solidement dans les dures mâchoires. Non seulement les mâchoires, mais le palais du maskinongé est couvert de dents ! Le leurre devra glisser malgré la forte étreinte. Après c'est le combat qui commence !

     Si votre maskinongé dépasse le 20 livres, le combat sera toujours « royal », n'en doutez pas ! Les poissons de cette taille donnent toujours de fortes émotions. Mais si le maskinongé est un jeune qui se situe entre les 6 et les 10 livres, c'est différent.

     Trois choses peuvent se produire. Elles vont du fantastique au décevant :
     1) il sortira de l'eau et bondira comme un saumon — fantastique !
     2) il plongera et tentera de gagner l'herbier pour y enrouler votre ligne - agréable et plein de suspens !
     3) il vous fera le « coup de la pitoune », c'est-à-dire se laissera remorquer comme un billot — décevant au possible.

     Le combat royal numéro 1 est commun, mais infiniment moins fréquent que la deuxième tactique. Quant à l'attitude numéro 3, on peut l'attribuer à l'eau trop froide — ou trop chaude — ou à je ne sais quel manque de noblesse qui caractérise certains brochets, en général des « fouets ».

     Si le maskinongé est un sauteur, vous aurez l'émotion de votre vie ! Non seulement cela témoigne de sa vigueur et promet pour le combat qui commence, mais vous savez, visuellement, à quel genre de bétail vous avez affaire ! Vous agirez donc en conséquence, baissant la canne quand il saute, la tenant haute quand il plonge.

     Dans le cas numéro deux, vous tâcherez, autant que faire se peut, de manoeuvrer le poisson dans le chenal — en eau profonde donc — et loin de l'herbier où il tentera de se réfugier. Ne lui laissez aucune chance, suivez-le « au plus près ». S'il parvenait à faire le tour d'un paquet d'herbes, d'un rocher, ou d'un autre objet submergé... il est perdu. A moins que ... à moins que étant bien sûr de ce qui se passe, sachant où il est et dans quelle condition, vous réussissiez à le faire sortir en battant l'eau en surface ou en y jetant quelque objet. Il se peut qu'il parte dans la bonne direction et dégage lui-même la ligne ... J'ai bien dit « il se peut » — rien n'est moins sûr ! Toutefois, la chose m'étant déjà arrivée avec un gros doré, je vous en fais part. J'avais réussi à lui faire peur (avec une rame) et il avait fait le tour d'une souche — dans la bonne direction.
     Quand on présente l'épuisette au maskinongé, il faut qu'il y entre « de lui-même », tête première, jamais queue la première. Le moindre appui et c'est la détente qui brisera sans doute les meilleures lignes.

     Il y aurait des volumes à écrire sur le maskinongé ! Je n'ai « pondu » que 3 chroniques... c'est pourquoi nous en reparlerons au cours de l'été.

29 — Si je n'avais qu'un leurre . . . ?

     Quand on ouvre son ou ses coffres de pêche et qu'on jette un regard attendri, nostalgique ou enthousiaste sur son matériel halieutique, on se demande parfois si on a vraiment besoin de toute cette panoplie bigarrée pour prendre du poisson ! Dans mon coffre d'aluminium Umco modèle 1000S, par exemple, j'ai sept tiroirs et 70 casiers caoutchoutés ! Non seulement tous les casiers sont occupés, mais il y a souvent deux leurres par casier... et dans les gradins, quatre ou cinq !

     La question suivante vient tout naturellement aux lèvres du néophyte ou du débutant : « Vous servez-vous de chacun de ces leurres chaque fois que vous allez à la pêche ? » Non bien sûr... Ce gros coffre ne sert qu'aux dorés, aux brochets ou aux truites grises. Certains leurres sont spécifiques à tel poisson, non à un autre. Ainsi, il ne me viendrait pas à l'idée de trôler le doré avec un chapelet de cuillères Davis, ni de servir à la délicate mouchetée du dare-devil de 4 pouces réservé exclusivement au brochet. Pour le maskinongé, c'est le flatfish U7 orange avec points noirs en bois ... Pour l'achigan (qui refuse les mouches) c'est la série des Delfin et en plein après-midi, le mirrOlure 15 M brun et argent convient au doré. A travers tout ça, les cuillères de tout genre, du celtic au veltic et du wabler au ruby eye wiggler !

     "Je vois très bien, vous répondra le débutant, mais si vous n'aviez qu'un seul leurre ? » Les débutants ont le don de poser les questions les plus embarrassantes... Si je n'avais qu'un seul leurre ? A vrai dire, je n'ai jamais pensé à une éventualité aussi invraisemblable.. . Quand je pars à la pêche, je sais à quel genre de poisson j'aurai à faire, et je m'équipe en conséquence et aussi complètement que possible. Mais le débutant insiste ! Il veut savoir ce qu'un « expert » choisirait s'il se trouvait dans l'obligation de n'apporter qu'un seul leurre. « Imaginez qu'un hydravion vous dépose sur un lac quelconque pour une période de trois jours. Vous avez tout ce qu'il faut pour camper, mais pour pêcher, vous n'avez qu'un attirail de lancer léger et seulement le choix d'un seul leurre. Lequel de toute votre collection allez-vous choisir ? »
     Cette question qu'on me posait récemment, je vous la pose amis lecteurs ! Pas si facile que ça ... n'est-ce pas ?

     Après avoir longuement réfléchi à cette étrange proposition, j'en suis venu à la conclusion suivante.

L'alligator de delfin

     Au départ, j'hésitais entre le classique dare-devil et le Jewel lure BO 2. J'ai bien pensé au flat-fish, mais je ne pouvais me résigner à confier mon sort à un leurre si peu « régulier » dans ses performances, je délaissais le dare-devil pour les mêmes raisons. Quant au jewel lure BO 2 il est excellent pour les truites et les achigans mais il faut le monter avec un ver de terre, les entrailles ou l'oeil d'un poisson fraîchement capturé... Et si l'on veut essayer le doré, il faut y ajouter du méné mort ou vif. C'est alors que j'ai fouillé ma mémoire pour tâcher de découvrir quel leurre j'employais quand tous les autres ne donnaient rien. Un leurre qui puisse convenir à n'importe quel poisson n'importe quand et n'importe où ! Ce leurre, c'est le « ALLIGATOR » de la série Delfin, fabriqué en Norvège. Mais attention, il y a deux couleurs. L'argenté avec mince bordure rouge et le doré ou cuivré avec bordure rouge également. C'est l'Alligator argenté que j'emporterais avec moi !

     Cette « cuillère « (plutôt un wabler) bombée est parfaitement équilibrée. Pas trop grande (environ un pouce et demi), elle ne fait pas peur aux truites. Ses qualités lumineuses en font un outil précieux pour fouiller les bas fonds où vivent les grises et les dorés. Le brochet la gobe sans question ! L'achigan s'y laisse prendre plus souvent qu'on ne le croit. Bref, c'est le leurre le plus complet — et le plus simple — qui soit ! Le triple hameçon de cuivre est exactement de la bonne grosseur. Mais c'est de son action qu'il faut parler. C'est un des rares leurres auxquels on peut imprimer deux mouvements distincts pendant la rentrée : si on le remorque également, c'est-à-dire en tournant le moulinet constamment à vitesse égale, il est ondulant. Si au contraire on le rentre par saccades avec vitesse de récupération variable et jeu de poignet correspondant, il devient dandinant, « écrivant » dans l'eau une série de M majuscules à l'infini. L'Alligator est le mieux pensé de la série Delfin quand il s'agit de le lancer. Il « entre » dans le vent contraire avec succès. Son ventre creux et son dos bossu y sont pour quelque chose. Le vent ne vous renvoie jamais un Alligator comme il le fait avec un dare-devil, ou un wabler, par exemple.

     D'autre part, il est si bien balancé qu'il se mêle très rarement au guide (leader) de ligne ou au nylon. Somme toute, c'est mon choix pour l'épreuve du « leurre unique ».

30 — Les mouches et les leurres pour achigans sont-ils efficaces pour la truite ?

     Sur un lac ou dans une rivière ou un ruisseau à truites mouchetées, plusieurs pêcheurs découragés prennent le temps de s'asseoir et, tout en regardant leur coffre de pêche, se posent de curieuses questions... Entre autres, "est-ce que les mouches ou les leurres étiquetés « pour achigans » ou encore « bass killer » sont efficaces pour la truite ? » La réponse est OUI en lettres majuscules dans une grande majorité des cas ! Pensez-y deux minutes : même si l'achigan et la truite mouchetée sont des ennemis mortels qui ne peuvent vivre dans les mêmes eaux, cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas les mêmes instincts batailleurs et les mêmes goûts alimentaires.

     Au contraire, truites et achigans se sustentent au même « menu » si j'ose dire. Insectes, larves, nymphes, menés, écrevisses, grenouilles et souris, oui même les souris, font partie du régime alimentaire de la mouchetée, surtout de la grosse mouchetée qui devient, dans une mesure de 80 pour cent cannibale et homophage dès qu'elle prend de l'âge, du muscle et du poids.

     Il n'y a donc aucune raison pour que les leurres conçus « exclusivement » pour notre achigan à grosse ou à petite bouche se révèlent exclusifs à cette espèce de poisson. Ayant les mêmes habitudes agressives (poisson de chasse et d'affût), les mouchetées répondront parfaitement à votre panoplie de leurres que vous réservez, à tort, à l'achigan seulement.

     Je pense notamment aux mouches et aux Poppers, aux grenouilles, aux fameux crasy-crawlers et aux ondulentes nues ou chamarrées de plumes ou de poils. Par exemple, les mortels Jewel-lures étiquetés « pour achigans » font des merveilles avec les truites ! Cependant, il faut tenir compte de la taille des poissons au sein du cours d'eau où vous péchez. La gueule d'une truite, même d'une grosse est loin d'avoir les dimensions de celle d'un achigan ...

     Même d'un petit achigan qui ne fait pas ses 3/4 de livres ! L'achigan dit « à petite bouche » possède en réalité une énorme gueule ! Un achigan de 8 pouces percutera un leurre presque aussi gros que lui et réussira, dans une certaine mesure, à l'avaler en partie ... !

     La truite mouchetée, aussi agressive mais plus délicate et de gueule moins caverneuse, n'osera pas s'attaquer à un engin d'aussi forte taille. Les mêmes leurres, d'accord, mais en format plus petit — voilà le secret !

Pas de bruit : faut pas effrayer la truite !

     Combien de fois ai-je entendu cette phrase... ? Un million de fois peut-être ! C'est absolument faux dans l'eau. Ce sont les vibrations, et non le bruit (la truite n'entend pas puisqu'elle n'a pas d'oreilles) que le poisson perçoit. Les vibrations non naturelles telles qu'un chambardement inutile dans la chaloupe, la marche sur les berges ou dans le lit d'une rivière ou d'un ruisseau qui effraient le poisson. Donner un coup de pied dans le fond de la chaloupe, c'est botter l'eau du lac ! Ça, ce n'est pas normal. Mais, si un leurre en surface fait du bruit, c'est autre chose. Le poisson n'entend pas ce que nous entendons : le « Pop » du « Popper » par exemple — seulement les vibrations que la nage erratique du leurre imprime au milieu liquide. N'oubliez pas que le son voyage 3 fois plus vite dans l'eau que sur terre. Les sons, ce sont des ondes. Le poisson, principalement le poisson de chasse ou d'affût est extraordinairement bien équipé pour capter ces vibrations. Le poisson n'a-t-il pas des milliers « d'oreilles » sous les écailles de sa ligne latérale? Et ses pores sensoriels sur le museau ou sous ses mâchoires ? Or, le Crazy-crawler, entre autres, que l'on ne sort du coffre du pêche que lorsqu'on se trouve en territoire d'achigan vous rendra grand service si vous avez la bonne idée de l'essayer en territoire de mouchetées quand les méthodes conventionnelles de pêche ne donnent rien.

30 — Les mouches et les leurres pour achigans sont-ils efficaces pour la truite ?

     Sur un lac ou dans une rivière ou un ruisseau à truites mouchetées, plusieurs pêcheurs découragés prennent le temps de s'asseoir et, tout en regardant leur coffre de pêche, se posent de curieuses questions... Entre autres, "est-ce que les mouches ou les leurres étiquetés « pour achigans » ou encore « bass killer =» sont efficaces pour la truite ? » La réponse est OUI en lettres majuscules dans une grande majorité des cas ! Pensez-y deux minutes : même si l'achigan et la truite mouchetée sont des ennemis mortels qui ne peuvent vivre dans les mêmes eaux, cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas les mêmes instincts batailleurs et les mêmes goûts alimentaires.

     Au contraire, truites et achigans se sustentent au même « menu » si j'ose dire. Insectes, larves, nymphes, menés, écrevisses, grenouilles et souris, oui même les souris, font partie du régime alimentaire de la mouchetée, surtout de la grosse mouchetée qui devient, dans une mesure de 80 pour cent cannibale et homophage dès qu'elle prend de l'âge, du muscle et du poids.

     Il n'y a donc aucune raison pour que les leurres conçus « exclusivement » pour notre achigan à grosse ou à petite bouche se révèlent exclusifs à cette espèce de poisson. Ayant les mêmes habitudes agressives (poisson de chasse et d'affût), les mouchetées répondront parfaitement à votre panoplie de leurres que vous réservez, à tort, à l'achigan seulement.

     Je pense notamment aux mouches et aux Poppers, aux grenouilles, aux fameux crasy-crawlers et aux ondulentes nues ou chamarrées de plumes ou de poils. Par exemple, les mortels Jewel-lures étiquetés « pour achigans » font des merveilles avec les truites ! Cependant, il faut tenir compte de la taille des poissons au sein du cours d'eau où vous péchez. La gueule d'une truite, même d'une grosse est loin d'avoir les dimensions de celle d'un achigan ...

     Même d'un petit achigan qui ne fait pas ses 3/4 de livres ! L'achigan dit « à petite bouche » possède en réalité une énorme gueule ! Un achigan de 8 pouces percutera un leurre presque aussi gros que lui et réussira, dans une certaine mesure, à l'avaler en partie ... !
La truite mouchetée, aussi agressive mais plus délicate et de gueule moins caverneuse, n'osera pas s'attaquer à un engin d'aussi forte taille. Les mêmes leurres, d'accord, mais en format plus petit — voilà le secret !
 
Pas de bruit : faut pas effrayer la truite !

     Combien de fois ai-je entendu cette phrase... ? Un million de fois peut-être ! C'est absolument faux dans l'eau. Ce sont les vibrations, et non le bruit (la truite n'entend pas puisqu'elle n'a pas d'oreilles) que le poisson perçoit. Les vibrations non naturelles telles qu'un chambardement inutile dans la chaloupe, la marche sur les berges ou dans le lit d'une rivière ou d'un ruisseau qui effraient le poisson. Donner un coup de pied dans le fond de la chaloupe, c'est botter l'eau du lac ! Ça, ce n'est pas normal. Mais, si un leurre en surface fait du bruit, c'est autre chose. Le poisson n'entend pas ce que nous entendons : le « Pop » du « Popper » par exemple — seulement les vibrations que la nage erratique du leurre imprime au milieu liquide. N'oubliez pas que le son voyage 3 fois plus vite dans l'eau que sur terre. Les sons, ce sont des ondes. Le poisson, principalement le poisson de chasse ou d'affût est extraordinairement bien équipé pour capter ces vibrations. Le poisson n'a-t-il pas des milliers « d'oreilles » sous les écailles de sa ligne latérale? Et ses pores sensoriels sur le museau ou sous ses mâchoires ? Or, le Crazy-crawler, entre autres, que l'on ne sort du coffre du pêche que lorsqu'on se trouve en territoire d'achigan vous rendra grand service si vous avez la bonne idée de l'essayer en territoire de mouchetées quand les méthodes conventionnelles de pêche ne donnent rien.

     A la pêche, il faut être audacieux ! N'avez-vous jamais entendu parler de truites ayant été capturées avec de très gros leurres à brochet ou à maskinongé !

     Ce ne sont pas des « histoire de pêche ». Cela arrive souvent et m'est arrivé personnellement à maintes reprises. Ça n'a rien de miraculeux, d'unique ou d'extraordinaire, c'est absolument normal et nous ne devrions pas nous en étonner. Ce qu'il y a d'étonnant, en revanche, c'est qu'on a une fâcheuse tendance à cataloguer, sélectionner, classer les leurres en nous disant : « ça c'est pour tel poisson, et ceci — pour tel autre ! »

     Les poissons ne sont pas au courant de nos savantes classifications ! S'ils réagissent aux vertus tonotropiques de tel ou tel leurre, c'est que les vibrations s'épellent pour eux : nourriture, un point c'est tout. Le tonotropisme, i.e. la réaction et l'entraînement vers des vibrations plus ou moins vives, est le seul critère de jugement valable et c'est le poisson, et non vous, qui décide, sachez-le !

     Soyez « téméraire », audacieux, inventif et chercheur — vous aurez du succès !

31 — Il faut "jigger" la truite grise !

     Je sais que la mi-août est une époque difficile à traverser pour la plupart des pêcheurs. Les vagues de chaleur accablante rendent tout séjour sur l'eau fatigant, quelquefois déplaisant. Les poissons cessent de « répondre » aux méthodes conventionnelles de la pêche sportive — ce qui n'arrange guère les choses... Peu de lacs, même très haut dans le nord, gardent ce qu'il est convenu d'appeler la température idéale. Les poissons les plus sensibles aux variations du thermomètre sont évidemment les salmonidés. Le premier poisson à souffrir de la canicule est, sans conteste, la truite mouchetée. Il en résulte des heures de pêche fort réduites : généralement tôt le matin et au coucher du soleil. Certains lacs de montagnes aux berges bien fournies, jetant une ombre généreuse, offrent quand même certaines possibilités de succès dans les heures creuses. Si la mouchetée est affectée par les hautes températures, elle reste tout de même « pêchable ». Rien de tel pour la grise ! Ses exigences thermiques (elle n'est vraiment heureuse qu'entre 35 et 48 degrés F.) sont si aiguës qu'elle disparaît de certains lacs dès la mi-juin et ne réapparaît que tard l'automne. En fait, les pêcheurs du Québec ne s'intéressent à la Grise qu'au printemps et parfois en automne alors qu'elle est en surface.

     Oui, bien sûr, il y a des courageux qui ne lâchent pas facilement... Us continuent à traîner tout l'été de lourds chapelets de cuillères ou à remorquer (par saccade) de grosses ondulantes argentées. Les résultats ne sont jamais très fracassants ! Tout le monde se contente de hausser les épaules en disant : « Que voulez-vous, en été, y'a rien à faire...»

     Je ne suis pas de cet avis. Il y a plusieurs choses à faire et, lors de mon voyage en Saskatchewan, j'ai constaté que les Indiens Cris faisaient quelque chose ! Quoi ? Us jiggaient la grise ! Comment ? C'est ce que nous allons examiner.

Ce qui se passe dans les bas-fonds !

     Il ne s'agit pas des bas-fonds de la métropole dont ni les maquereaux, ni les barbottes, ne sauraient susciter l'intérêt de cette chronique ... mais des bas-fonds de nos lacs où nagent de gigantesques grises que personne ne peut capturer — sauf les biologistes, et avec leurs filets et encore !

     Théoriquement, voilà ce qui se passe : les truites grises ayant atteint une taille et un poids supérieurs, disons à partir de 10 livres, deviennent de moins en moins actives. Ces poids-lourds se fatiguent vite à nager interminablement à la recherche de plancton ...

     La poursuite d'agiles petites proies — comme les oui-touches ou les jeunes corégones — les essouffle également. De poisson de grande nage, les voilà devenus : poissons d'affût !

     C'est cela qu'il importe de bien comprendre. Or, voici le tableau : embusquée entre deux grosses pierres ou dans la fissure d'un rocher sous-marin, la grosse « mémère » prend l'immobilité d'un cylindre. Seules ses nageoires pectorales bruissent imperceptiblement... Dans ce monde du silence, cette truite est une ombre. Soudain, des vibrations lointaines, mais combien percutantes, électrifient la dormeuse. La dorsale se hérisse, la caudale - telle un hélice — ondule et les branchies changent de rythme. Sous chacune des milliers d'écaillés de la ligne latérale, un nerf sensoriel frétille — c'est son radar qui entre en action ! Les vibrations se rapprochent ... Comme l'aiguille d'une boussole, le grand cylindre se place en direction. Les pores sensoriels du nez commencent à fonctionner ...

     La truite « téléguste » (goûte à distance) la proie. Puis, dans le clair-obscur des bas-fonds, voici les reflets métallique du chapelet de cuillères ! Les multiples clins d'oeil passent à 25 pieds de l'affût... Un instant, la grise frémit, toutes les nageoires se tendent et se détendent comme pour prendre un super élan ... mais, trop loin ! Elle connaît sa force comme un chasseur connaît la portée de son arme. Elle n'est plus jeune... Trop lourde pour une longue poursuite, elle sait d'avance qu'elle ne réussira pas... Elle reprend rapidement son calme, se coule dans sa cachette et... attend une autre occasion.

     En d'autres mots, il faut presque que les cuillères leur passent sous le nez pour espérer pouvoir déclencher l'attaque foudroyante et définitive. La cuillère ondulante (wabler) traînée par saccade, même sur le fond, n'obtient guère de meilleurs résultats. Pourquoi? Tous ces engins passent, soit trop loin soit trop vite ! Non seulement la distance joue un rôle, mais aussi la vitesse. Or, dans les circonstances dont il vient d'être question, aucune forme de pêche à la traîne (trolling) ne déclenchera l'attaque. Et ce, même si l'appât est à bonne distance ! Pourquoi ? Parce qu'il est presque impossible de traîner le leurre assez lentement (surtout au moteur ...) pour décider la grosse grise à se déplacer. Les Indiens qui ont compris cela ne font pas de pêche à la traîne - ils « jiggent ».

Comment « jiggent » les Cris

     Il faut que le lac soit calme. L'embarcation est amenée au-dessus des fosses connues (ou supposées), puis laissée à la dérive — pas d'ancre, bien entendu.

     Le matériel : une bonne canne de lancer léger montée avec monifilament de 6 à 10 livres-test. La jigg est un gros hameçon ordinaire empanaché d'une imposante touffe de poil de chevreuil, d'orignal ou autre mammifère à poils soyeux, mais fermes. Le tout doit peser environ une once et demie et faire entre 3 ou 4 pouces de long.

     Laissez descendre la jigg jusqu'au fond — c'est parfois long... Dès que vous avez atteint le but, donnez un vif coup de canne en l'air — mouvement du poignet, seulement. Ce traitement ferma agir la jigg d'une curieuse façon: d'abord, elle repose sur le fond ; puis elle reçoit votre coup ; à cause de la grande profondeur, donc de la longueur de la ligne, le « plumeau » ne s'élèvera que d'environ 8 à 10 pieds du fond -si la canne à lancer léger est assez raide. La transmission du coup de canne s'épuise au prorata de la distance. La jigg monte et descend avec une extrême lenteur. Répété maintes fois, ce mouvement insolite agacera la grosse grise. A cause de la lenteur du mouvement, elle jugera qu'elle n'aura aucune difficulté à se saisir de cette proie « mourante »... et se déplacera, sans effort, pour venir « cueillir » le leurre.

     Je n'ai pas à insister sur le plaisir que vous aurez à sortir une grosse grise sur une canne de lancer léger avec un nylon de 8 livres-test... Ne plombez pas la « jigg » ; n'essayez pas d'améliorer une cuillère ; soyez patient. Le salaire de la réussite sera enivrant, croyez-moi !

32 — Vive le printemps !

     On ne peut pas se tromper, le printemps est vraiment là ! Même s'il y avait encore des jours de grisaille et, qui sait, des giboulées, on le sent dans l'air ! Et le soleil... Ce merveilleux soleil qui commence enfin à chauffer ! Déjà les façades sud des maisons se déneigent et, dimanche dernier, j'ai pu marcher sur dix pieds carrés de gazon jaune à la recherche de mon premier ver de terre. Au soleil, le thermomètre marquait 65 degrés F. et si j'avais eu une loupe, j'aurais pu enflammer les herbes sèches. Hélas, la terre n'était dégelée que sur une profondeur de quelques pouces et je n'ai pas trouvé de vers. J'espère que les oiseaux qui guettaient le même coin que moi ont été plus chanceux ! Il est vrai qu'eux peuvent entendre « marcher » le ver, ça aide.

     Parlant d'oiseaux, j'ai aperçu quelques corneilles et une bonne dizaine d'étourneaux ou sansonnets (sturnus vulgaris) qui arrivent du sud généralement beaucoup plus tard. La glace du lac des Deux-Montagnes est encore bien solide et l'on y voyait circuler plusieurs voitures autour des cabanes de pêche, Dimanche dernier, il s'est pris peu de dorés mais d'assez belles perchaudes du côté de Belle Plage et de l'Ile Cadieux.

     Comme les journaux vous l'ont sans doute appris, la route trans-Canada passe par cette région et traverse l'Ile-aux-Tourtes afin d'enjamber la rivière Outaouais en amont de Ste-Anne-de-Bellevue. J'espère que le dynamitage nécessaire aux opérations de la construction de ce pont ne fera pas trop de tort à la population de dorés ou de maskinongés habitant ces lieux.

     Les pêcheurs familiers avec le lac des Deux-Montagnes savent bien que la bouée noire à feu clignotant de l'Ile-aux-Tourtes est un des meilleurs endroits à doré du lac. Le chenal, entre la pointe de cette île et celle de l'Ile Cadieux, est encore un bon endroit à maskinongé et donne aussi chaque saison de très beaux brochets. La construction des piliers de ce nouveau pont une fois terminée, je prévois un grand changement dans l'ordre des poissons qu'on pourra pêcher dans ce coin. Ces pilliers serviront en quelque sorte de « déflecteurs » du courant.

     Je présume que des achigans vont faire leur apparition dans ces zones de courants alternants. L'ombre que projettera le pont sera également utile pour cacher les prédateurs.

Etes-vous prêt ?

     Ceci nous amène naturellement à parler de l'équipement de pêche. Avez-vous jeté un coup d'oeil sur le vôtre depuis l'automne dernier ? Ou est-ce que par hasard, vous auriez peur d'ouvrir votre coffre et d'y trouver un fouillis de leurres rouillés ? En ce cas, pourquoi retarder davantage et qu'attendez-vous pour faire le grand ménage du printemps ? Si vous êtes un pêcheur soigneux de votre matériel, les conseils suivants ne s'adressent pas à vous car il est bien évident que vous aurez déjà, ou que vous vous apprêtez à faire les opérations suivantes.

     D'abord, le MOULINET. Le moulinet est sans contredit la pièce la plus importante de votre matériel halieutique. Il faut, au moins une fois par année, le démonter complètement et nettoyer au varsol, ou mieux encore au dissolvant Hoppe's No 9 dont vous vous servez pour vos armes. Remontez-le avec grand soin et huilez (après avoir bien essuyé chaque pièce) avec le meilleur lubrifiant qui soit, Hoppe's Lubricating Oil.

La canne

     Examiner avec la plus grande attention tous les anneaux de votre canne à pêche. La moindre égratignure ou « filage » de ceux-ci indique qu'il vous faut la remplacer. Rien n'est plus important qu'un anneau parfaitement lisse car le fil de pêche doit pouvoir y coulisser librement sans la moindre friction étrangère. La friction de la ligne dans les anneaux doit être réduite au minimum, c'est pourquoi la plupart de ceux-ci sont construits en verre ou en matière plastique extrêmement lisse. Beaucoup de poissons réussissent à casser la ligne à cause d'anneaux défectueux, surtout le premier qui fait la tête de votre canne.

     Examinez aussi les anneaux servant à retenir le moulinet et assurez-vous que celui-ci ne jouera pas quand vous imprimez à la canne les vibrations du lancer et les mouvements de poignets du ramené. Il faut que les attaches des anneaux ne s'effilent pas. S'ils paraissent en avoir besoin, vernissez-les. Assurez-vous que votre canne a gardé sa souplesse et n'a pas pris un mauvais pli pendant la saison dernière ou dans son lieu de remisage. Enfin, nettoyez bien la poignée avec un dissolvant afin que le liège soit propre et non graisseux. Votre main ne doit pas glisser sur la poignée.

La ligne

     Personnellement, car je pêche beaucoup, je change ma ligne tous les ans, je n'ai pas confiance en la longévité de l'élasticité du nylon après une saison d'usage constant. Si vous avez peu péché, votre nylon peut encore vous servir. Il faut le sortir du tambour et l'enrouler sur le dossier d'une chaise, par exemple. Il faut, autant que possible, qu'il perde le pli acquis par un long séjour sur la bobine du tambour. Il est important que vous fassiez passer au nylon son test annuel de résistance aux poids pour lequel il a été conçu. Un nylon de 5 livres DOIT pouvoir subir la pression d'un poids de cinq livres. L'élasticité de celui-ci doit être contrôlée en bandant le fil jusqu'à ce qu'il se casse. (Mettez des gants, le monofilament coupe !)

     Les bobines de rechange de fil neuf ne doivent jamais traîner dans le coffre d'un pêcheur. Elles doivent être soit dans une boîte qui ferme bien, à l'épreuve de l'humidité, soit dans un sac étanche en polythène, par exemple. Des leurres risquent de tomber de leur casier. Les hameçons se prenant dans le fil roulé pourraient égratigner celui-ci.

L'étui

     Il est presque essentiel de posséder un bon étui pour ranger sa canne après s'en être servie. Les plus commodes sont en aluminium (qui ne rouille jamais) et sont particulièrement recommandés pour leur robustesse à laquelle s'allie l'extrême légèreté de ce métal. Une poignée en cuir ou une courroie que l'on peut passer en bandoulière devrait être fixée au cylindre. La plupart des magasins d'articles de sport en vendent mais n'importe quelle ferronnerie peut vous fournir le matériel nécessaire pour vous fabriquer vous-mêmes votre étui. Outre que cet étui rigide protège la canne des coups qu'elle pourrait recevoir dans vos déplacements, il garde toujours la canne bien au sec.

33 — L'entretien des leurres

     Il n'est pas question d'établir une liste détaillée des divers objets que doit contenir un coffre de pêche. C'est une affaire personnelle dont le choix est dicté par l'intelligence du pêcheur en accord avec ses nécessités et le genre de pêche qu'il affectionne. Si la boîte des premiers soins, la lampe de poche, le couteau à lames multiples et la carte de la région où l'on pêche ne doivent jamais être absents du coffre de base, il en va tout autrement pour le coffre portatif contenant le strict minimum en engins de pêche. Examinons ce coffre et préparons-nous à bien l'aménager.

Le nettoyage

     C'est le grand ménage du printemps ! Si vous ne l'avez pas encore fait, il est grand temps de vous y mettre car n'oubliez pas que l'ouverture est proche. De toute façon, même si votre coffre vous paraît « en forme » et tout bien à sa place, un examen s'impose car la mémoire est courte et l'automne dernier, c'est loin . . . Ne serait-ce que pour vérifier, il faut tout sortir et tout nettoyer. D'abord, il faut réquisitionner la cuisine familiale et chasser sans pitié ses habitants habituels ! Vous aurez besoin du plat à vaisselle, du varsol, de la laine d'acier, et quoi encore. Des guenilles en masse et de la bonne flanelle pour l'ouvrage de finition. Un peu de patience et du courage pour jeter aux ordures les leurres trop abîmés, même s'ils vous rappellent des heures glorieuses. . . Un hameçon rouillé n'est pas récupérable et doit être jeté. Je n'insisterai jamais assez sur l'importance des hameçons en parfaite condition. Combien de belles captures s'échappent à cause d'un ardillon émoussé, d'une pointe mal aiguisée, d'une hampe tordue ! Les émérillons (swivels) qui présentent la moindre trace de rouille doivent disparaître du coffre. Ah ! Ces lignes vrillées !

     La première, et j'ajoute la seule qualité essentielle d'un émérillon, c'est qu'il tourne librement et qu'aucune rugosité n'entrave son mécanisme. Les meilleurs sont, sans contredit, les émérillons à roulement à billes. Ils sont plus chers mais combien supérieurs aux autres modèles ! Vérifier soigneusement chacun d'eux, spécialement ceux qui servent aux longues ou lourdes trolles. Je n'ai pas à vous parler des cauchemars d'une ligne de trolle vrillée ! Attention aux agrafes (clips) des leaders ! Ont-elles bien gardé leur souplesse et sont-elles toujours aussi dures à fermer qu'à ouvrir ? Une agrafe « molle » ne remplit plus sa fonction et l'on perd non seulement le poisson mais le leurre aussi.

     Une fois le coffre entièrement vidé, plongez-le dans l'évier et lavez-le à grande eau avec savon et varsol. Séchez-le avec soin et essuyez chaque tiroir et chaque casier. J'espère, pour votre tranquillité et votre agrément, que vous avez depuis longtemps délaissé le coffre de fer ou d'acier pour le modèle en aluminium, léger, pratique et qui ne rouille jamais! Vous sauverez énormément d'argent et de temps de nettoyage et d'entretien avec un coffre en aluminium. Il y en a de toutes tailles mais comme coffre géant ou de base, je recommande chaleureusement le « My Buddy » Tacklemaster à 6 tiroirs et 50 casiers. Il est assez profond et haut pour contenir tout le matériel de pêche y compris les outils et les moulinets. Toutefois, si vous êtes un perfectionniste et que vous tenez à TOUT avoir avec vous, les coffres des mécaniciens professionnels avec tiroirs de toutes tailles sont ce qu'il y a de mieux.

     Placez tous vos leurres dans le plat à vaisselle et laissez-les tremper longuement dans une forte solution de détergent et l'eau de javel. Agitez de temps en temps. Après vient le plus difficile et long travail de les sortir un à un et de les essuyer avec soin. Ce bain nettoyeur enlèvera sûrement la peinture usée ou qui tient mal. Tant mieux ! Vaut mieux qu'elle s'en aille dans la cuisine que dans la chaloupe ou dans le lac. Il est sage de se procurer des petits tubes de peinture métallique ou de peinture à l'huile pour le bois ou le plastique des leurres. La plupart des marchands de fer en ont. Refaites la peinture des leurres endommagés aussi soigneusement que votre main d'artiste vous le permettra. Pour les cuillères métalliques, du simple vernis à ongle de couleur (entre autre) fait bien l'affaire. Les femmes pardonnent toujours aux pêcheurs ce raid annuel dans leur trousse de beauté... enfin, « presque » toutes les femmes.

     Un autre travail long et fatigant : examen de chaque hameçon et limage de ceux-ci afin que les pointes et les ardillons soient bien acérés. Mais ce travail est payant et se traduit par des prises qui ne lâchent pas en action. Toutes les cuillères ou leurres métalliques devraient être passés au Brosso ou autre polisseur de métal avant de réintégrer leur place. Enfin, bien agencer les places qu'occuperont les leurres (toujours les mêmes) et placer les plus usuels ou les plus classiques à portée de la main. La série des daredevils et des flat-fish dans les premiers tiroirs, par exemple.

34 — Faites-les mordre !

     Pour être efficace, une amorce ne doit pas nécessairement être d'un volume imposant, le tout est de choisir la recette qui donne les meilleurs résultats tout en ayant la qualité de ne pas vous coûter trop cher !

La pomme de terre

     La pomme de terre se sert cuite aux poissons. Pour préparer l'amorce, il est préférable de passer le tubercule au presse-purée et de l'incorporer à d'autres produits. Exemple : pain essoré et pommes de terre composent, intimement liés, une bonne amorce pour tous les poissons. En boules de mêmes tailles, ces appâts ont tendance à couler au fond et le pain se diluant rapidement « ira chercher » son poisson. Si vos moyens vous le permettent, incorporer toujours aux amorces des vers de terre. Sinon choisissez des éléments de base pouvant se « tenir » sur l'hameçon et qui ne se désintégreront pas au contact de l'eau.

Les coquilles d'huîtres

     Les coquilles d'huîtres dont on ne sait que faire et que l'on jette par milliers pendant la saison des « parties » ont une grande utilité dans la préparation des amorces blanches. C'est-à-dire qui forment un nuage qui attire invariablement les poissons. Pour augmenter la densité d'une amorce et créer cette traînée blanche si prisée des poissons, broyer au moyen du moulin à café les coquilles d'huîtres préalablement concassées au marteau, afin d'obtenir une fine poudre. N'employez jamais d'ingrédients chimiques pour obtenir le même résultat (le plâtre et le kaolin). C'est défendu par la loi régissant la pollution des eaux. Ce n'est pas spécifié dans les lois, mais tout ingrédient non naturel et non nutritif ne devrait jamais être déversé dans les eaux.

Le sucre en poudre

     Le sucre en poudre étant un liant sapide, il est excellent à employer dans la composition de certaines amorces. Le sucre en poudre n'est qu'un des nombreux exemples qui démontrent ce qu'un pêcheur intelligent et imaginatif peut employer dans la composition d'amorces. Seule l'expérience vous dictera les meilleures recettes.

     Je n'ai tenu ici qu'à vous engager sur cette nouvelle voie qui fait partie de la connaissance et des habitudes du poisson. C'est un peu de la « pêche psychologique » que je vous propose... En conclusion, disons qu'il n'est nullement besoin d'encombrer le lit de votre rivière ou votre lac au point d'amorçage d'une grande quantité de nourriture.

     Il faut procéder comme pour un aquarium d'appartement : par petites doses et à intervalles réguliers. En action, le pêcheur au coup ou au lancer fera bien de garnir ses hameçons d'un peu de la matière même dont il se sert pour l'amorçage. Par exemple, si l'amorçage contient beaucoup de pain, il serait utile de se confectionner des pilules de mie de pain, fantastique invention du grand champion de pêche de France, M. Maréchal, et qui sont véritablement « mortelles » pour la mouchetée de nos ruisseaux.

     Recette : On pétrit entre ses doigts des pilules de mie de pain de grosseur convenable, c'est-à-dire ne dépassant pas la taille d'un petit pois très fin, et on enfile chacune de ces pilules sur un fil à coudre blanc, en se servant d'une aiguille. (Enfiler l'aiguille est le plus difficile !). Lorsqu'on a enfilé ainsi, en chapelet, sur un fil de plusieurs verges de long, quelques centaines de pilules, on met le tout à sécher dans un endroit sec et régulièrement chauffé. Au bout de quelque temps, les pilules sont complètement sèches. Il suffit alors, pour en achever la préparation, de couper le fil entre les pilules et de le nouer sur lui-même de façon à faire de chaque pilule une sorte de noquette.

     Les pilules se conservent indéfiniment dans une boîte métallique placée à l'abri de l'humidité. Au bout d'une mouche japonaise minuscule, la pilule de mie de pain ressemble à un « oeuf » que serait en train de pondre l'insecte ... Comme je vous l'ai dit, les mouchetées de ruisseaux ne résistent pas I Les amorces sont valables pour toutes les espèces de poissons, même les sujets de forte taille. Non pas que ceux-ci mangeront la nourriture composant l'amorce, mais ils seront attirés vers le lieu d'amorçage par la présence toujours nombreuse d'une quantité de ménés ou autres poissons peu importants qui constituent la base de leur menu habituel.
Il est bien dommage que l'on fasse si peu de cas de l'amorçage au Québec. Je ne dis pas que cela soit essentiel pour tous les genres de pêche mais rares sont devenues les eaux très poissonneuses... En été, surtout, les lacs « paresseux » peuvent se révéler encore de bons lacs quand on pratique l'amorçage avec intelligence et discrétion.

     Un pourvoyeur (Outfitter) de ma connaissance avait l'habitude d'ancrer dans certains endroits précis, des têtes de vaches ou de boeufs qu'il se procurait aux abattoirs pour presque rien. Inutile de vous dire que les ménés des herbiers voisins ne tardèrent pas à se risquer en eau libre pour venir » picorer « la délicieuse carcasse... Le maskinongé et le brochet ne furent pas long à découvrir cet intéressant comptoir de provision ! En trollant ou en lançant dans ce lieu aux bonnes heures, les clients du pourvoyeur retournaient chez eux bien contents ! Bref, quel que soit le genre d'amorçage, c'est une pratique payante et dont je souhaiterais voir se répandre l'usage chez nous.

35—Pour le doré: la pêche à la "baloune" !

     Non c'est pas une farce, je n'ai jamais été plus sérieux. De quoi s'agit-il ? D'abord de la pêche au Doré et ensuite, d'une méthode de pêche — peu conventionnelle, j'en conviens ... — originale, certes, mais des plus efficaces !

     Je ne me lancerai pas dans de longues explications. La pêche « à la baloune », c'est exactement ça : l'emploi de « balounes » de caoutchouc, non pour capturer le doré, mais pour repérer les bancs de poissons, une fois qu'on en a capturé un. Voici ce qu'il faut faire et comment ça fonctionne.

     Achetez-vous une bonne provision de petits ballons de caoutchouc chez un marchand de jouets. Les pharmacies vendent aussi des objets qui peuvent devenir des « ballons »... Je vous dis ça au cas où il n'y aurait pas de marchands de jouets dans votre voisinage.

     Ensuite vous allez à la pêche comme d'habitude. Vous capturez un doré. Traitez-le avec délicatesse car cet animal-là va vous rendre de précieux services ! Gonflez le ballon et attachez-le avec une ligne de nylon d'environ 25 pieds de long. Cette ligne sera fixée (au moyen d'un noeud coulant) à la queue du doré, c'est-à-dire entre la seconde nageoire dorsale (la molle) et la caudale — on jurerait que cette partie de l'anatomie des poissons a été faite pour ça ! Et vous laissez aller votre doré. Où ira-t-il ? Voilà qui est intéressant et qui vous fera faire bonne pêche : les dorés sont des poissons grégaires. Non seulement ils vivent en compagnie, mais ils pratiquent aussi une sorte de ségrégation de taille, par conséquent, d'âge. Ainsi, un doré de trois livres vit en compagnie d'un « troupeau » de dorés du même âge et du même poids. Ce qui explique que les dorés de tel ou tel coin d'un lac ou d'une rivière où vous péchez ont tous la même taille.

     Or, amis pêcheurs, dès que votre doré sera libéré, il n'aura qu'une préoccupation : retourner au fond rejoindre ses confrères ! Puisqu'il remorque la baloune et que cette dernière, vu la longueur du nylon et la légèreté du caoutchouc gonflé, ne lui cause aucun ennui, il nagera normalement et reprendre sa place parmi la compagnie.

     Attendez cinq bonnes minutes et voyez où va la baloune, comment elle se promène en surface, etc. Quand les choses se seront stabilisées, vous aurez trouvé la compagnie de dorés ! Et vous ne la perdrez pas de vue de la journée, même si les dorés décident de chasser le méné sur une distance de 15 milles ! Le plus beau de toute cette affaire, c'est que si vous attachez plusieurs balounes à plusieurs dorés de taille et de poids différents (même au risque de perdre un gros sujet ...) votre lac ou votre rivière sera marquée, pendant plusieurs jours et tant que tiendra le fil de nylon (10 Ibs test) et le ballon. Oui, des balounes rouges, jaunes, vertes ou blanches (selon la taille des dorés) se promèneront en surface et vous indique¬ront en tout temps où se trouvent les dorés ! C'est pas magnifique, ça ?! ?

     Ce qu'il vous reste à faire : vous approcher doucement à distance de lancer des balounes et, au moyen d'un bon rapala, d'une mouche ou d'un Buby Eye Wiggler, d'attraper les dorés que vous savez là !

La pêche à la « minoune » !

     Après la pêche aux balounes, voyons comment on peut pêcher aux « minounes » ! Le terme « minoune » évoquera sans doute chez vous des images autres que la pêche ... Quoi qu'il en soit, cette méthode est également efficace sinon très « morale »... En effet, la « minoune » sera une femelle doré qui, en ce moment, sera près des frayères, ayant frayé, ou s'apprêtant à le faire, car les lois halieutiques du Québec sont si mal faites, si désuètes, que malgré la date d'ouverture, une grande quantité de dorés — dans les territoires du Nord — n'ont pas encore frayé.

     On comprendra facilement que ce n'est pas parce que l'honorable ministre Untel a décidé que TOUS les dorés du Québec avaient fini de faire l'amour le 20 mai qu'il en est ainsi ! Ça serait vraiment trop simple...

     Donc, vous capturez une femelle. Je suppose que vous êtes assez connaisseur pour pouvoir apprécier la différence entre un mâle et une femelle doré... Dans le cas contraire, vous en serez vite averti. La pêche aux « minounes » fonctionne, la pêche aux « minous » ne fonctionne pas !

     Passez un mince fil de fer à travers la gueule de la « minoune » doré afin de lui clore le bec. Pas seulement la mâchoire inférieure ou supérieure, mais les deux. Ceci est important, car si vous ne le faites pas, le doré pourra se libérer en un laps de temps plus ou moins rapide selon qu'il aura compris ou non qu'il lui faut couper le nylon qui le retient à votre chaloupe - ancrée 30 ou 40 pieds plus loin, disons.

     Ce type de pêche se fait sur ou à proximité des frayères. Attiré par la belle « minoune », plusieurs dorés (minous) accourront pour faire ce qu'il faut faire pour faire d'autres dorés.

     Lancez autour ! Les dorés moins amoureux mordront.

Les meilleurs leurres à dorés

     La liste suivante n'est ni définitive, ni garantie — ce n'est que le résultat d'un choix personnel dicté par l'expérience que j'ai de la pêche aux dorés. Vous serez d'accord ou pas, mais l'important c'est qu'on me paie pour vous donner mon opinion, et la voici :
Hors concours et bon premier sur la liste : le RAPALA — dos brun, flancs argentés. Pas les imitations japonaises ou autres, le vrai, l'original RAPALA made in Finland ou in Sweden. Ne croyez pas le vendeur de leurres, regardez vous-même s'il s'agit bien du vrai.

     2) Le MirrOlure à dos brun, flancs argentés ; pas n'importe lequel : achetez le numéro OOM, Sinker.
     3) L'Alligator de Delfin ; argenté — barre rouge.
     4) Le Rudy Eye Wiggler de Gibbs ; doré le jour, argenté matin ou soir.
     5) Une cuillère Bear Valley No 6 ou 8 ; argentée dessus, cuivre dessous - avec un avançon de nylon de 24 pouces. Vous y attachez : soit un méné vivant, soit un artificiel, soit un méné exotique (voir chronique des poissons rouges) ou l'une ou l'autre des mouches suivantes :
     a) Memphremagog smelt; b) Gray Ghost (tandem seulement) ; c) Mickey Finn du type Streamer ; d) Parmachene Belle Streamer.

     Pour pêcher à la traîne, les Flat-fishes sont assez bons mais les rendements ne sont pas réguliers... La même chose peut être dite des Daredevils en général, sauf en ce qui concerne l'original Daredevil - avec le petit diable imprimé sur le blanc de ce leurre tricolore.

36 — La pêche à la mi-août

     C'est le pire moment de l'année. Ruisseaux et rivières sont à leur plus bas niveau, les éclosions d'insectes : plus ou moins sporadiques, l'habitat du poisson : transformé.

     En ce qui concerne la truite mouchetée, la vie en surface est presque inexistante, sauf pour la pêche du soir ... C'est au fond ou près de sources froides qu'elle se tient. Le thermotropisme, c'est-à-dire l'entraînement et la réaction vers des eaux plus ou moins chaudes (ou froides), conditionne la plupart de nos poissons et les « trous de pêche » n'offrent que des souvenirs.

     Chaudes journées, humides et lourdes à l'approche des pluies de septembre ; également, brume. Le pêcheur habile ferait bien d'observer la brume qui s'élève de nos lacs du nord. Les coins les plus vite dégagés sont les endroits chauds. Les îlots de brume qui résistent, même quand le soleil paraît, indiquent les régions froides. Il faut prendre des amers, des alignements, afin de retrouver ces endroits précis pour la pêche du jour et du soir. Le thermomètre vous aidera pour cette investigation.

     En eau chaude, le poisson digère plus vite mais ne mange pas plus souvent, au contraire. Comme tous les autres êtres habitant les zones tempérées, la chaleur accablante les rend somnolents. Seuls les tout jeunes trouvent encore assez d'énergie pour se balader ou pour batifoler ! Cas des truitelles moucheronnant dans les herbiers de la rive sous un fort soleil et malgré une température d'eau oscillant dans les 70°F. !

     Heureusement, tous les cours d'eau ne sont pas frappés par la même léthargie et certains lacs laurentiens restent bons sinon excellents pour la pêche. Les lacs partiellement ou entièrement alimentés par les sources sous-marines, ou encore enchâssés entre de hautes montagnes et bénéficiant d'une ombre rafraîchissante pendant une grande partie du jour sont à conseiller et à rechercher.
Les rivières et les ruisseaux turbulents offrent de bonnes possibilités de pêche, à condition que le niveau des eaux se soit maintenu malgré la sécheresse.

     Toutefois, une lueur d'espoir : depuis quelques jours, des pluies assez régulières et des vents du sud et de l'est permettent d'envisager un regain d'activités halieutiques sans être obligé d'attendre la mi-septembre.

     J'ai passé la fin de semaine dans la région de St-Michel-des-Saints (pays de la truite mouchetée !) et j'ai beaucoup voyagé sur les routes de la Consolidated Paper, parlé à de nombreux touristes pêcheurs ainsi qu'à leurs guides. Je me suis déplacé en hydravion à partir du lac Kiagamac et j'ai survolé la région au sud-est du parc du Mont-Tremblant.

     Que les pêcheurs retenus en ville par leurs occupations se consolent ! Les conditions de pêche furent loin d'être bonnes dans toute cette région même dans les lacs peu péchés, accessibles seulement en avion... On réussit quand même lorsque les clubs privés ou les pourvoyeurs (Outfitters) ont une connaissance approfondie de leurs territoires.

     Je n'ai pas l'habitude de dire à tort et à travers que ce lac, cette rivière ou ce club sont « les plus beaux de la province » ! Pour vous décrire le territoire de madame Carmel Daury (mais oui, cet amateur-sportif est une femme !), je n'ai qu'un mot : fantastique. Ce mot s'applique également à la personnalité de madame Daury et de son personnel du club Kan-A-Mouche ...

37 — Ces légendes qui persistent

     Les gens — et parmi eux, des pêcheurs jugés sérieux — ont des drôles d'idées en ce qui concerne la pêche du printemps. Malgré les moyens modernes d'information, certaines légendes persistent...

     Parmi ces légendes, j'en ai relevé quelques-unes, fort pernicieuses, auxquelles beaucoup trop de pêcheurs accordent encore toute leur foi :

     • Quand l'eau est trop froide, les poissons ne mordent pas, car ils ne « peuvent pas s'ouvrir la gueule »... (sic) !
     • Inutile de pêcher à la mouche avant la mi-mai car les insectes ne sont pas encore « sortis »...
     • Il faut beaucoup de soleil pour « réveiller » les poissons qui ont « dormi » pendant l'hiver . . . Ainsi, la truite grise commence à mordre seulement quand les ménés se sont réveillés...
     • Plus l'eau est brouillée, plus il faut employer des leurres brillants . ..
     • Plus l'eau est claire, plus il faut employer des leurres sombres ...
     • Quand le brochet « perd ses dents », il saigne de la gueule et ne peut plus mordre car il est devenu trop « sensible »...
     • Les perchaudes, les barbottes, les crapets et les brochets du sud du Québec ne sont bons à manger qu'au printemps — à cause de l'eau froide ...

7 réponses à 7 légendes

     Il me paraît important de répondre à ces légendes et de tenter de régler, une fois pour toute (du moins je l'espère ...) ces discussions entre pêcheurs dont les connaissances en matière de dictons populaires n'égalent que leur ignorance en matière de faits scientifiques.

     1. Si cela était vrai (qu'ils ne peuvent s'ouvrir la bouche), ils seraient morts bien avant le printemps car TOUS les animaux doivent manger pour vivre — les poissons ne font pas exception et très peu d'espèces possèdent cette faculté propre à certains mammifères : le pouvoir d'hiver-nation totale ou partielle.
     2. Dès que la glace a disparu d'un cours d'eau — et dans certains cas, même avant — les insectes (ou leurs larves) sont déjà très actifs. Les éclosions peuvent être observées dès les premiers rayons de soleil aussi bien sur terre que sous l'eau. Ainsi, à peine une heure après que la glace d'un lac a disparu, la pêche à la mouche est possible, souhaitable même ! D'ailleurs, les mouches artificielles ne sont pas des mouches, précisément. Les insectes ne « sortent » pas, et les mouches artificielles imitent surtout les ménés, du moins les Streamers et les noyées.
     3. Les poissons ne sont ni des ours, ni des marmottes, ni des batraciens. Us ne dorment pas. En fait, rarissimes sont les espèces qui ne sont pas très actives, ou tout au moins aussi actives, en hiver qu'en été. En réalité, beaucoup de poissons mordent « mieux » en hiver qu'en été — c'est le cas de la perchaude, entre autres. La truite grise ne fait pas exception, mais il sera plus facile de la capturer dès que les ménés (dont elle se nourrit) gagneront en grand nombre leurs frayères — cette concentration (près des ruisseaux, généralement) lui fera quitter les grands fonds pour les bords, et un leurre bien choisi et bien lancé fera (peut-être ...) des merveilles.
     4. Faux ! C'est le contraire. Un leurre brillant est peu visible en eau brouillée. C'est un leurre de couleur sombre (ou opaque) qu'il faut employer.
     5. L'inverse est vrai ! En eau claire, le leurre brillant sera visible et en imitant le reflet sur la livrée des ménés attirera ou aura plus de chance d'attirer — et de plus loin — les poissons déprédateurs.
     6. Le brochet ne perd pas ses dents de façon systématique au printemps. Cependant, plusieurs brochets saignent de la gueule — en toutes saisons. Lors de batailles pour la possession des femelles, certains brochets se blessent... et pas seulement à la gueule. Des brochets avec des dents « branlantes » sont capturés à longueur d'année — comme tous les pêcheurs observateurs vous le diront. Cela ne les empêche jamais de mordre.
     7. Certaines espèces ont une chair plus ferme en eau froide qu'en eau tempérée. Cela ne veut nullement dire que ces poissons ne sont « bons à manger » qu'au printemps... En fait, le brochet et l'achigan, pour ne nommer que ces deux-là, sont meilleurs en été ou en automne qu'au printemps. Cette légende ne subsiste qu'à cause des habitudes culinaires des Québécois : 90% des pêcheurs font frire le poisson (dans la poêle et ne connaissent ou n'osent pas expérimenter des recettes plus subtiles.

38 — La méthode du thermomètre

     Ce titre un peu « courrier du coeur » ne s'adresse pas aux demoiselles qui « sortent » trop, mais aux pêcheurs qui pensent à d'autres « demoiselles » qui elles ne « sortent » pas assez — les truites ! Et, pour plus de précision : les truites mouchetées. Qui dit thermomètre dit température. Il ne s'agit pas de prendre la température d'une truite, mais du milieu dans lequel elle vit, c'est-à-dire l'eau. Pour le bien-être de la truite, et pour le succès du pêcheur, il importe que l'eau soit à la bonne température.

     Dans certains baux de maisons ou d'appartements, il est parfois stipulé que le propriétaire doit maintenir l'habitation à une température de 71 degrés F., du 15 septembre au 1er mai de chaque année.

      On peut donc conclure que la plupart des êtres humains sont heureux quand le thermomètre marque 71 degrés. Ce qui convient parfaitement aux hommes ne s'applique pas aux truites. Il faut soustraire au moins 20 degrés pour que la truite soit heureuse et se conduise normalement. 68 degrés, par exemple, c'est déjà très chaud... et la truite se « sent » comme nous, quand le thermomètre marque 91 degrés. Plus chaud que ça, on enregistre des accidents, des « maladies » — dont la prostration caniculaire est un exemple. Quand le thermomètre marque 100, les journaux annoncent infailliblement des morts causées par la « grande vague de chaleur ».
Les humains (des êtres à sang chaud peuvent résister plus facilement aux grands écarts de température que certains animaux. Nous, on commence par se déshabiller ! Les animaux (déjà « nus », si l'on peut dire) ne le peuvent pas !

     Si une pièce d'eau quelconque atteint (en profondeur) une température de 70 et quelques degrés, les truites meurent.

     Quelle est donc la température idéale qui convient aux truites ? Entre 51 et 57 degrés F. Plus froid, la truite répond mal au pêcheur. Plus chaud, c'est la même chose. Heureusement, un lac n'est pas un aquarium où la température est constante partout. On relève plusieurs « couches » de température — de la surface au fond et plusieurs endroits, ou zones, PLUS ou MOINS chaudes. II n'y a pas que les sources sous-marines qui amènent la chaleur ou la fraîcheur, il y a les zones plus ou moins éclairées. Donc, le soleil joue un rôle, comme l'ombre et le vent, d'ailleurs. A mon avis, tous les pêcheurs devraient se procurer un thermomètre de pêche et connaître les températures idéales correspondant aux poissons qu'ils pèchent.

Le thermotropisme, qu'est-ce que c'est ?

     Ce mot (thermotropisme que l'on remontre dans tous les ouvrages consacrés aux questions halieutiques, qu'est-ce que c'est ? Tout simplement la réaction et l'entraînement vers des eaux plus ou moins chaudes. Le thermotropisme est le plus étendu et le plus exigeant des tropismes. Un bon pêcheur connaît, non seulement les températures qui conviennent à telle ou telle espèce de poisson, mais il connaît aussi la température des différentes zones de son lac, selon les saisons.

     Un lac, ça vit ! Il peut être glacé, ou « fiévreux...» Convenir admirablement aux brochets, aux crapets ou aux carpes mais impensable pour les salmonidés.

     Avant de parler des différentes couches de température qu'un lac peut offrir, voici le tableau des poissons et de la température idéale correspondante :

     Les poissons réagissent de façon très sensible aux variations de température et, selon leurs moyens, ils chercheront ici toujours les températures qui conviennent le mieux à leurs nécessités vitales du moment. En septembre, par exemple, les truites se dirigent vers des eaux plus chaudes et plus favorables au développement de leurs glandes sexuelles et a l'incubation normale des oeufs. En été, c'est près des sources froides qu'il faudra les chercher. Au printemps et à l'automne, sur les bords du lac et dans les creux de rivières.

     Toutefois, je dois vous mettre en garde contre les températures dites « idéales ». En effet, il n'y a pas que la température de l'eau qui compte, il y a aussi l'oxygène — le branchio-tropisme est plus impératif encore ! Au-dessous d'une certaine dose d'oxygène, c'est l'asphyxie, ne l'oublions pas ! Or combien de lacs ont, en effet, de très grandes zones de températures dites idéales — mais sans oxygène, par conséquent « mortes ».

Les zones et les havres de fraîcheur

     Cette chronique parle surtout de la truite mouchetée, mais il va sans dire que ces commentaires concernent aussi les autres espèces de poissons — il n'y a qu'à réajuster les degrés F. Une pièce d'eau, disons un lac, est constituée en trois grandes zones ou couches d'eau qui ont des températures particulières, certes, mais aussi une oxygénation particulière. Ces zones ou couches varient selon les lacs, bien entendu.

     1. la surface
     2. le milieu, ou l'entre-deux eaux
     3. le fond

     En général, la couche en surface est la plus oxygénée, mais aussi la plus chaude... Les salmonidés ne la fréquenteront donc qu'au printemps. Le soleil, le vent, et l'ombre des rives « règlent » cette couche. La pluie aussi d'ailleurs. La couche No 2 est située assez profondément pour ne pas être influencée par le vent, les vagues ou la pluie, mais le soleil (l'éclairage) joue encore un rôle et c'est le règne de la pénombre, sinon de l'ombre. Les plantes aquatiques jouent ici un grand rôle en matière d'oxygénation.

     Enfin, la couche No 3 — le fond — qui est souvent « mort » s'il est trop profond, trop froid et dépourvu d'oxygène — ce qui est fréquent.

     Le fond a souvent la température idéale, mais comme il n'y a pas d'oxygène, ça ne vaut rien ... et l'on voit les pauvres pêcheurs faire inlassablement de la pêche à la traîne dans des eaux ou rien ne vit ! C'est également le cas de certaines rivières où il n'y a que deux couches : la surface et les bords, très oxygénés, le fond et les creux où il n'y a pas âme qui vive!

     Il n'est donc pas toujours recommandé de pêcher profond comme certains manuels halieutiques le conseillent... S'il est vrai que la Grise est un poisson de fond, encore faut-il qu'il y ait quelque chose à respirer dans ce fond idéal parce qu'il est froid !

     Certains pêcheurs me disent : « J'comprend pas... Voici un lac profond « à mort » avec de la bonne eau froide et claire, mais y'a pas une maudite truite grise ! »

     Je leur dis : et l'oxygène, qu'est-ce que vous en faites ? On me répond : « Y'en a en masse, les bords sont pleins de ménés, et dans certains trous, y'a encore de la mouchetée ! »

     Les bords (couche no 1) oui, les « trous » (couche no 2) oui, mais pour la grise, c'est le no 3 qui vous manque !

39— La pêche à la mouche

     Nous abordons là un sujet d'une complexité incroyable dont le profane ne peut se faire la moindre idée !

     Je n'ai pas la prétention de résumer, même brièvement, en quelques pages ce qu'est la pêche à la mouche... Des experts, dont je ne fais pas partie, ont écrit des centaines de livres sur la question. Et cette question est loin d'être réglée !

     La pêche à la mouche, c'est le summum du raffinement, le triomphe du génie inventif de l'homme, l'exemple type de l'artisan rejoignant l'art ! C'est le sport noble par excellence. Pour un puriste pêcheur à la mouche, les autres modes de pêche n'existe pas ! C'est tout dire ...

     Même nos lois reconnaissent la noblesse de la mouche au point d'en exiger l'emploi pour pêcher certaines espèces de poissons jugés indignes d'un autre appât. Le saumon par exemple. Certains clubs de pêche interdisent à leurs membres toute autre forme de pêche. La pêche à la mouche, c'est le « Gentlemen agreement » du monde halieutique. Les Ecossais et les Britanniques pèchent à la mouche avec une délicatesse, une parcimonie et un flegme traditionaliste frappants. Les Français, avec vigueur, précision et théorie. Enfin, les Américains et j'ajoute les Canadiens, avec luxe, abondance et technique.

     On associe souvent le mot « luxe » avec la pêche à la mouche. A mon avis, c'est une erreur. Les mouches coûtent beaucoup moins cher qu'on ne se l'imagine et l'on réalise de sérieuses économies, car il est rare de « perdre » une mouche. Comme me le faisait remarquer André Houle, de la firme Houle & Frères, « vous pouvez vous accrocher dans les arbres ou buissons en arrière ou en avant de vous, mais vous allez facilement la chercher... tandis que dans l'eau ! » Les mouches auxquelles on accorde un peu de soin durent beaucoup plus longtemps que la majorité des leurres à lancer léger. Pour la pêche en lac, les pertes sont inexistantes. Même en ruisseau, l'expérience aidant, on perd rarement sa mouche (à moins de pêcher très noyé). Ceci nous amène à parler des deux grandes catégories de mouches.

Le choix de la mouche

     Le débutant est avant tout séduit par les jolies artificielles et leur grande variété. Un livre (américain) publié récemment donne plus de 5,936 modèles de mouches ! Avec les variantes et les adaptations ainsi que les diverses tailles qui vont de la fourmi, grosse comme une tête d'épingle, à la gigantesque « demoiselle » ou libellule de 4 pouces, il y a tout un monde ! Il y a probablement sur le marché commercial 10,000 sortes de mouches artificielles !

     Le choix est donc illimité. C'est justement cette question de choix qui déroute complètement le néophyte et qui l'éloigné au lieu de le rapprocher de ce sport magnifique. Voici pourquoi : son manque de faculté d'observation (les insectes réels), de technique et d'expérience en action de pêche l'amène à attribuer la majorité de ses échecs à son incapacité de trouver la mouche exacte. Dites-vous bien ceci : Ce n'est pas la mouche artificielle qui compte le plus, c'est la façon de la présenter ! La plupart des débutants (un débutant est un pêcheur à la mouche de deux ans d'expérience !) pèchent par un manque de délicatesse notoire dans la façon de présenter la mouche. Il arrive au bord de l'eau et commence la pêche. Les montées sont rares, il y a peu d'éclosions et le poisson a tout le temps d'examiner. La mauvaise présentation lui enlève toute chance de réussite. Il s'acharne (défaut majeur !) et change de mouche sans arrêt (erreur !) mais chaque présentation continue d'être défectueuse. D'autre part, ne sachant pas observer les insectes véritables, le débutant ne s'aperçoit pas que l'éclosion principale vient d'avoir lieu ou commence. Les poissons sont alors anxieux de saisir les premiers insectes, moins méfiants. Il lance. O joie infinie : il prend une belle truite ! Et il croit (pauvre lui !) qu'il vient de découvrir la mouche exacte... Alors, il est fou de joie. Il fouette le pool ou le coin de rivière avec une énergie qui, trois fois hélas... se solde par des refus catégoriques des poissons. L'éclosion bat son plein. Il y a trop de mouches sur l'eau. Tout va mal. Ce n'est plus la bonne mouche, la canne est trop raide, le fil trop pesant, le vent est contraire, la lumière a changé ... Les heures passent. Soudain ! Une autre truite saisit la mouche artificielle ! Ah ! la voilà, la vraie mouche ! Le débutant oublie que le soleil couchant vient de changer les circonstances. La truite ne voit plus le nylon et la mauvaise présentation est favorisée par l'absence d'une lumière directe... La truite, moins méfiante, ne voit pas les erreurs.

     Pendant ce temps, le jeune pêcheur ne jure que par cette mouche à laquelle il attribue des vertus miraculeuses. Il est devenu « théoricien » et prouvera aux experts avec une abondance de vocabulaire analytique qu'il a « découvert » la bonne mouche après avoir résolu le problème I II ne se rend absolument pas compte de ses erreurs dans la présentation et de son manque flagrant de connaissances halieutiques et techniques. Bref, il ignore la règle fondamentale d'après laquelle la valeur du pêcheur compte pour 85% et celle de la mouche pour 15%. La pêche à la mouche est un art. Si le choix des mouches, selon les circonstances, est important, la présentation de celles-ci l'emporte toujours dans la balance de la réussite. Ceci nous amène à parler de l'équipement.

40 — La canne à mouche

     « La canne à mouche est comme les femmes : elle se dérobe dès qu'elle est maltraitée ! » Cette réflexion humoristique de Charles Ritz, un des plus grands experts du monde de la pêche à la mouche, cache une connaissance rare de cette importante question : le choix d'une canne.

     S'il est vrai que n'importe quel bout de branche peut prendre du poisson, qu'on peut parfaitement moucher avec un manche à balai, l'instrument bien pensé, bien équilibré augmente considérablement vos chances de succès. Évidemment, encore là, tout dépend de celui qui manie la canne. Un expert peut faire des prodiges avec une canne japonaise de $3.95, tandis qu'un débutant jettera l'effroi dans le milieu aquatique s'il manie un bambou refendu de $75, avec la grâce d'un pachyderme...

     Tout est affaire de technique et de bon jugement. Il n'y a pas de cannes parfaites. Les plus grands experts vous diront que même les meilleures cannes qui soient ont des défauts. Ces défauts, il faut apprendre à les connaître assez bien pour qu'ils n'en soient plus ! C'est alors qu'on devient possesseur d'une canne « parfaite ».

Choisir la bonne :

     L'achat d'une canne à mouche se fait généralement dans un magasin. C'est bien dommage. J'ajoute même que c'est à cause de cela que les plus grandes erreurs sont commises. Si on pouvait essayer sa canne sur l'eau, on éviterait 80% des « découvertes » décevantes. Même si vous fixez à la canne un moulinet afin de l'équilibrer et fouettez l'air « comme à la pêche » vous n'aurez pas une idée exacte de ce que cette nouvelle canne donnera en action. Car, et ceci est d'une importance primordiale, ce n'est pas le moulinet qui balance, équilibre, la canne. C'est le fil ! Comme le dit si bien Charles C. Ritz, «... c'est la soie qui joue le rôle principal par son poids et par la forme de son fuseau ». L'idéal serait de pouvoir pêcher sans moulinet du tout ! Ou que le moulinet soit ailleurs que sur votre canne. Dans votre poche par exemple I Seulement, il faudrait avoir 3 mains... Si les Martiens ou les Vénusiens existent, et qu'ils aient trois bras, ce sont de dangereux pêcheurs de truites !

     La canne à mouche est un objet personnel qui doit convenir en tous points à votre taille, à votre musculature et à votre système nerveux. Votre canne ne doit jamais vous fatiguer. Si, après une longue journée de pêche, vous la sentez « lourde » et « raide comme un manche à balai », c'est que ce n'est pas le type de canne qui vous convient.

     Quelquefois, il s'agit d'une chose aussi simple que de la forme de la poignée. Celle-ci est souvent cause de crampes et d'ampoules. Il faut toujours choisir les poignées longues, cylindrées, à peine galbées. Le diamètre doit en être moyen. Encore que tout dépende de votre stature et que les principes généraux dont je viens de vous parler ne s'appliquent pas si vous êtes un lutteur ! Je connais des hommes qui ont des mains deux fois plus larges que les miennes... maniant ma canne, ils ont sans doute l'impression de pêcher avec une paille !

     Le poids étant l'ennemi de la précision, les moulinets, les anneaux et ferrures les fixant sur la canne doivent être ultra légers. Le moulinet de la canne à mouche n'a qu'une très négligeable importance. Je vais peut-être m'attirer l'ire des experts, mais j'estime que le moulinet (pour la pêche à la mouche, va sans dire !) n'est là que pour remiser le fil. Tout ce qu'on exige de lui est sa légèreté. Bien plus important est le choix de la longueur de la canne et du nombre d'anneaux. Ritz pense qu'une canne doit avoir entre 11 et 13 anneaux, suivant sa longueur.

     L'anneau de pointe doit être très léger, celui du départ aussi. Les anneaux intermédiaires doivent être du type snake en acier trempé, bronzé ou chromé. Si vous achetez une canne de bambou, attention à la couleur !

     Certains bambous sont camouflés avec de la teinture marron, ayant pour but de leur donner l'apparence d'avoir été trempés. Ne concluez pas à un défaut si votre canne offre des teintes différentes de bambou. Au contraire ! Les cannes camouflées sont généralement de couleur uniforme.

     On ne devrait jamais acheter une canne à mouche en hiver! Vos bras, votre poignet sont rouillés. On n'est plus entraîné. On ne se souvient pas... en d'autres mots, en janvier ou février, « on n'a plus ça dans le bras ! »

     Ne pas confondre souplesse et faiblesse. Le test suivant est généralement concluant : tenez-la fermement en main et donnez un coup sec de l'avant-bras sans plier le poignet. Puis observer la canne jusqu'à ce qu'elle s'immobilise. Si le scion accuse trop de vibration et ne s'immobilise pas rapidement, c'est qu'il est trop faible ou de qualité inférieure. Agiter la canne d'un mouvement régulier du poignet (comme le font la plupart des acheteurs) est un geste aussi gratuit qu'inutile.

     Cela me fait penser aux « experts » qui donnent des coups de pied sur les pneus des voitures neuves dans les montres des garages ... Agiter la canne de cette façon ne donne aucune indication précise sur les qualités de cette dernière.

     Voici donc 9 règles générales qui s'appliquent au choix d'une bonne canne :

     1) maximum de légèreté à la main ;
     2) démarrage instantané de l'action, extrême sensibilité aux moindres impulsions du poignet ;
     3) régime lent ou rapide facultatif à toutes distances (la longueur de la canne modifie plus ou moins ces régimes) ;
     4) progression de la puissance en rapport constant avec l'accentuation de la courbe ;
     5) absence totale de vibration de la pointe du scion ;
     6) haut rendement de puissance, mais moelleuse et souple ;
     7) très efficace contre le vent (cinquante pour cent des journées de pêche sont venteuses, peut-être plus ou moins selon les régions) ;
     8) grande précision de pose ;
     9) réduction au minimum de l'effort du lancer et adaptation à la majorité des conditions de pêche.

     Pour qui veut pratiquer la pêche à la mouche, le choix de l'équipement pose un problème, car nous avons vu que chez le marchand, il est très difficile pour ne pas dire impossible de déterminer la valeur d'une canne. Le débutant doit donc faire contre mauvaise fortune, bon coeur, et se fier aux conseils de compagnons de pêche plus âgés ou plus expérimentés ; à défaut de ceux-ci, au marchand.

     Règle générale, les cannes les plus chères ne sont pas nécessairement les meilleures, surtout si vous penchez du côté du bambou refendu. Heureusement, les cannes de fibres de verre sont presque toutes assez bonnes car elles sont construites « à la chaîne » à partir de nombreux prototypes, qui ont fait leurs preuves. Nombre de pêcheurs croient que la canne faite sur mesure est la solution idéale. Je n'y crois pas ! Pour qu'une canne soit « parfaite », il faut, je le répète, de nombreux prototypes et de nombreux essais en action de pêche. Le prix de revient pour un modèle unique est donc tout à fait inabordable pour 95% des pêcheurs. Après tout, qui peut débourser $150 ou $200 pour une canne ? Les avantages de la canne en fibre de verre sont les suivants :

     1) la canne en fibre de verre est plus flexible ;
     2) elle se redresse moins vite ;
     3) elle est plus moelleuse ;
     4) elle est plus solide et demande moins de soins ;
     5) elle est plus légère.

     Ne perdons pas de vue que je m'adresse ici aux débutants ou aux néophytes car n'est considéré pêcheur à la mouche qu'un homme qui a fait au moins deux ou trois saisons complètes ... et encore, les grands pêcheurs et les « experts » comme Michel Chamberland vous regarderont toujours de travers ! Concluons notre chapitre sur la canne en disant qu'il ne faut pas la choisir trop longue. De 7 pieds 1 pouce à 7 pieds 9 pouces ou 8 pieds. Vos lancers seront meilleurs et plus longs. Dans le commerce les cannes bon marché ou « standard » sont à mon avis trop longues (9 pieds). Tâchez de ne pas dépasser 8 pieds 3 pouces pour un maximum d'efficacité.

Le fil de pêche

     Il ne doit être ni trop lourd, ni trop léger. Les matières synthétiques modernes ont permis de fabriquer de très bonnes « soies » à des prix très abordables. Le nylon a définitivement détrôné la soie véritable pour l'avançon ou bas de ligne. Quant à la ligne elle-même, les techniques de fabrication et de tissage ont atteint une telle perfection qu'il est inutile de discuter le pour et le contre des quelque dix bonnes marques en vente couramment chez nos marchands. Un conseil toutefois : choisissez un fil de diamètre moyen. N'oubliez pas que le va-et-vient constant de la ligne dans les anneaux ou les viroles use celle-ci tout en « fatiguant » votre canne.

     Une ligne lourde flotte peut-être moins, mais pose d'autres problèmes, notamment en ce qui concerne la bonne présentation de la mouche. D'autre part, une lourde ligne fait « vieillir » votre canne. Encore une fois, seule l'expérience vous indiquera quel type de ligne convient parfaitement à votre canne et vous permet les meilleurs lancers et, surtout, la meilleure présentation. Pour ce qui est de la couleur, je ne vois pas l'importance qu'elle peut avoir... disons simplement que la plupart des experts ont des fils de couleur ambre ou brun clair, quelquefois jaune. Avec le temps et selon la fréquence de vos voyages de pêche, les meilleures lignes s'abîment. On note des craquelures. Tous les commerçants vendent des vernis synthétiques du type Duco-Dulux qui sèchent rapidement, mais au préalable, il faut nettoyer la ligne. Travaillez dehors et tendez votre ligne entre deux arbres, par exemple. Si votre fil est de soie, appliquez avec les mains les produits commerciaux pour le nettoyage avant de vernir. Pour une ligne de nylon, paraffinez ou cirez. Essuyez ensuite avec du papier. Une ligne bien entretenue dure plusieurs saisons…

Les moulinets

     Comme je crois l'avoir déjà dit, les moulinets n'ont guère d'importance pour la pêche à la mouche. C'est votre main gauche qui fait tout le travail de récupération. Toutefois, il faut remiser le fil. Le moulinet auto-récupérateur ou automatique est définitivement le plus commode et, je pense, le plus employé. Son prix est cependant plus élevé que celui des moulinets de type conventionnel. Cela vaut la peine et le débutant y trouvera de nombreux avantages. Mais quand on pêche des poissons de grande taille, le moulinet conventionnel retrouve son utilité.

     Certains pêcheurs vont vouloir « travailler » le poisson, disons un saumon, avec le moulinet. C'est pourquoi il y a des moulinets semi-automatiques qui tout en récupérant la ligne automatiquement, permettent la récupération conventionnelle. C'est une affaire de goût.
Les mouches sèches
41 — Les mouches artificielles

     Il y a deux grandes catégories de mouches artificielles : les mouches dites sèches (Dry fly) et les mouches dites noyées (Wet-fly). On peut ajouter ce que j'appellerais un compromis entre la mouche noyée et la cuillère de l'ultra-léger : Les Steamers et toute une variété de nymphes et d'insectes aquatiques, quelquefois fabriqués en caoutchouc, ce qui les déclasse aux yeux des puristes qui ne jurent que par plumes et poils !

     Le fabricant de mouches présente son travail sous trois formes : Flottante ou sèche, noyée et nymphe. Les mouches artificielles doivent ressembler le plus possible aux véritables mouches. C'est pourquoi l'artisan doit avoir quelques connaissances entomologiques et posséder une collection d'insectes susceptibles d'être imités.

     Cet artisan est souvent un artiste et si vous n'avez jamais visité un atelier de fabrication d'artificielles, vous ne pouvez pas vous rendre compte de l'immense travail que cela représente.

     A Montréal et j'ajoute dans toute la province de Québec, il n'y a qu'un seul fabricant de mouches artificielles digne de ce nom : André Houle de la firme Houle à" Frères. Le mot « firme » sonne un peu curieusement aux oreilles des connaisseurs d'ici et d'outre-frontière, car les frères Houle travaillent sur une base commerciale, certes, mais selon l'antique tradition de l'artisan : modèle unique, création, chef-d'oeuvre dans le sens véritable de ce mot.

     Il est excessivement difficile de trouver dans le commerce une mouche artificielle parfaite. L'artificielle ne peut se fabriquer « à la chaîne » et les Japonais ont beau être habiles, ont beau inonder le marché par une inépuisable quantité, la qualité est notoirement absente ! Il n'y a pas beaucoup de bons fabricants d'artificielles dans le monde, deux douzaines d'experts tout au plus et nous avons la chance que les frères Houle fassent partie de ce « club » exclusif. Hélas, n'importe qui ne peut pas acheter sa provision chez les frères Houle... car voyez-vous, ils ne vendent pas à n'importe qui !

Comment choisir une mouche :

     Il ne s'agit pas de choisir une mouche pour prendre du poisson, mais d'en déterminer la qualité et de décider si vous allez l'acheter ou non. Prenons une mouche sèche ou flottante, n'importe laquelle : Posez-la sur le dessus de votre main. Le hackle (mot qui désigne la touffe de poil permettant la flottaison) doit supporter, avec l'aide des ou de la plume de queue, tout le corps de la mouche y compris l'hameçon. Donc, l'hameçon ne doit pas toucher la peau de votre main ! C'est le test de ce qu'on appelle : L'équilibre normal de pose et de flottaison (l'hameçon ne touche pas l'eau). J'aime autant vous dire que les mouches en vente dans le commerce ne passent pas souvent ce test ! On peut aussi faire cette opération dans un plat d'eau. La bonne mouche sèche flotte et ne coule qu'après un temps assez long. Les autres... flottent comme des cailloux, c'est bien simple !

     N'oublions pas que l'artificielle, si parfaite soit-elle, n'est qu'une marionnette au bout de votre fil. C'est à vous de l'animer du mieux possible. Voici les 7 principales qualités qu'il faut rechercher dans la mouche flottante ou sèche :

     1) l'équilibre de pose et de flottaison ;
     2) la silhouette optima (aussi vraisemblable que possible) ;
     3) la visibilité pour le pêcheur (couleurs claires de préférence) ;
     4) les Hackles doivent être « lumineux » et de toute première qualité (non teints, gris acier de préférence ou roux, les seuls qui reflètent la lumière) ;
     5) le corps imperméable de préférence ;
     6) la solidité ;
     7) l'hameçon doit être des plus légers tout en étant très solide.

     Pour qu'une artificielle se pose naturellement sur l'eau, son montage doit être absolument impeccable. La mouche doit se poser bien droite sur l'eau les « ailes » déployées ou dressées (cocked up) comme disent les experts. Le corps même de la mouche doit être aussi imperméable que possible. Ces conditions remplies, les poissons ne la refuseront pas. Du moins, ri vous savez la présenter! Tout l'art de la pêche à la mouche est là.

     Évidemment, nous ne faisons qu'effleurer le sujet ! N'ayez surtout pas l'impression, après avoir lu quelques conseils et instructions, que vous êtes un pêcheur à la mouche... Je pratique la pêche à la mouche depuis un bon nombre d'années, et cependant j'estime que je suis encore un débutant. J'ai surtout des connaissances théoriques (qui me permettent d'écrire ces points de vue quotidiens) mais je manque d'expérience en Action de Pêche et j'en apprends toutes les fins de semaine. Et c'est cela le merveilleux de la pêche, on n'a jamais fini de découvrir !

42 — Stratégie de la pêche au doré

     Nous avons vu, trop rapidement hélas, un peu des moeurs lucifuges qui conditionnent le Doré dans ses déplacements à l'heure du lunch. Cette heure nous intéresse particulièrement et tout notre attirail de pêche n'a été inventé que pour avancer, susciter, provoquer l'appétit de ce noctambule impénitent.

     Entre noctambules on se connaît et je dois dire que les plus grandes émotions que j'ai jamais ressenties à la pêche au Doré le furent pendant la nuit. Pêcher au clair de lune est un plaisir merveilleux, quelle que soit la façon dont vous écrivez le mot pêcher... c'est une question d'accent. Mais dans cette chronique, l'accent est circonflexe et toujours au poisson.

     Le Doré, disais-je, fuit la lumière et ne s'aventure sur les hauts-fonds que le printemps quand la température de l'eau est à 57 degrés F. à la poursuite des ménés et cyprins divers qui se réveillent de leur torpeur hivernale.

     Tout ça se passe au début de mai. Si vous péchez la nuit, c'est dans 10 à 15 pieds d'eau, aux pieds des rapides ou dans le courant des tributaires de lacs que vous le trouverez. C'est la seule époque de l'année, sauf pendant un très court laps de temps en automne, que le doré se cantonnera en nombre dans si peu d'eau. Dès le mois de juin, et dans certaines eaux, bien avant, il ira vers des eaux bien moins éclairées et beaucoup plus profondes. Comme la truite, avec laquelle il cohabite parfois nous l'avons vu, ses exigences respiratoires et thermiques sont aiguës. Ses tropismes (réaction et entraînement vers un autre milieu dans un but précis) ne sont pas loin d'être analogues.

Le doré chasse en meute

     Comme les loups et les seigneurs d'autrefois, le Doré, poisson grégaire ne l'oublions pas, chasse de compagnie. De grands bancs de sujets d'à peu près la même taille et du même âge se réunissent à la fin du jour et se dirigent vers les baies. De préférence, voilà pourquoi il est important de consulter les cartes, ils choisiront des baies étroites, longues et profondes. L'idée, c'est de bloquer l'embouchure !

     Ceci fait, ils avancent alors en rangs serrés vers le fond de la baie, poussant devant eux des « nuages » de ménés et cyprins divers qui, se sentant cernés, deviennent complètement affolés. Puis c'est la curée, le carnage. Nageant rapidement en tous sens, virevoltant, plongeant, remontant, les nageoires tressaillantes et la gueule grande ouverte soudainement transformée en entonnoir à ménés !

     Dans cette frénésie sustentatoire, il arrive que le doré avale n'importe quoi y compris branchages et cailloux et quelquefois la queue d'un confrère quand ce n'est pas le confrère tout entier s'il est de taille inférieure !

     Cette gloutonnerie quotidienne mais nocturne explique que le jour les pêches sont moins bonnes. Mais c'est surtout la lumière qui compte. Par jour très couvert, on peut avec un minimum de chance, se trouver dans la baie que les dorés auront choisi de vider. C'est alors votre chaloupe qui s'emplira et vous trouverez que la limite quotidienne de 10 sujets ou 30 livres n'est pas aussi libérale que ça !

Technique de pêche

     Sachant où, et comment se comporte le doré, il s'agit de le prendre. Au printemps, c'est relativement facile car il a faim. Après c'est une autre affaire... Voyons : 80% des dorés capturés le sont à la pêche arrêtée ou au coup. Avec des appâts vivants dont le méné constitue la plus grande partie.

     A mon avis, le meilleur appât vivant pour le doré est le Moxostome doré, aussi appelé Carpe à Cochon ou en anglais « Golden Sucker ». Voici pourquoi : Il est peut-être moins voyant que le Méné des Ruisseaux (Notropis cornutus frontalis) ou « Common Shiner » mais combien plus robuste et dur à vivre... ou est-ce à mourir ? La petite carpe cochon de 6 pouces peut rester active au moins une heure ! Remarquable performance. De toute façon, si au bout d'une heure, ça n'a pas mordu, il est grand temps de changer de place ! Le secret de la pêche au méné, tout au moins en ce qui concerne le Doré, c'est de ne pas plomber sa ligne à moins qu'un fort courant ne vous y oblige. En haut du leader de votre hameçon, une cuillère d'environ un pouce de circonférence et c'est tout ! rien d'autre. Ce poids est suffisant pour forcer la carpe à rester au fond, du moins après quelques minutes d'efforts pour se libérer. Tout l'intérêt de munir son avançon (bas de ligne portant un hameçon) d'une cuillère réside dans ce que le poisson servant d'appât en se débattant et en se promenant fait tourner la cuillère.

     Ce n'est donc plus un appât que vous avez au bout de la ligne mais deux ! La cuillère, par ses reflets et par les vibrations qu'elle imprime à l'eau attire le Doré, la petite carpe est l'agent moteur de cette pêche arrêtée trollant pour vous le fond du lac et plat principal du menu offert au Doré ! Il est important de s'assurer que la corde n'est pas trop longue et qu'en tout temps, quels que soient les mouvements imprimés par l'appât, l'hameçon et la cuillère sont au moins à un pied et demi, 2 pieds du fond.

43 — Stratégie de la pêche en ruisseau

     Deux grandes théories s'affrontent et font l'objet de livres entiers et de commentaires dans les magazines halieutiques, commentaires et controverses qui ne sont pas près de se terminer ! C'est la méthode upstream et son opposée : down-stream. C'est-à-dire pêcher en lançant en amont du lieu où vous vous trouvez, laissant le leurre dériver avec le courant, ou au contraire : lançant en aval dans le courant et récupérant votre leurre contre celui-ci jusqu'à vous. Intrigantes questions qui ont leurs farouches adeptes... Je n'ai pas la prétention de trancher la question mais je donne mon opinion fondée sur mon expérience personnelle : je préfère la méthode upstream. Je pêche toujours en marchant dans l'eau ou sur les rives vers la source du cours d'eau. Donc je « monte » vers la truite. S'il m'arrive de redescendre et de pêcher downwstream, c'est au retour de ma journée de pêche alors que je sais que je n'aurai plus le temps de refaire un trajet montant. Voici les raisons qui me poussent à vous recommander la première méthode et les avantages sérieux que vous pourrez en tirer :

En amont, c'est bon !

     A moins d'avoir le soleil dans le dos, projetant ainsi votre ombre sur les eaux devant vous, la pêche en amont a de nombreux avantages. Si vous êtes en bottes culottes et que vous marchez sur le lit même du ruisseau, votre marche sur les pierres et dans la boue ne pourra pas être décelée par les truites qui se trouvent devant vous, le courant descendant emportant bruits et eau trouble en aval. D'autre part, les poissons se tiennent toujours le nez dans le courant. En d'autres mots, ils vous tournent le dos. En lançant devant vous, votre leurre va dériver de façon naturelle ou dévaler les cascades comme le font les petits ménés, les écrevisses ou les larves d'insectes charriés par les eaux. Les truites embusquées dans leur retraite au bord des rives, derrière les pierres ou sous les billots vont venir cueillir le leurre devant elles.

     Quand elles ratent leurs coups, elles ont la possibilité de revenir sur elles-mêmes s'aidant du courant pour faire une seconde passe sans se fatiguer. Souvenez-vous que la mouchetée n'est pas aussi bonne nageuse que l'on croit... sa queue carrée indique que c'est un poisson d'affût, non de poursuite. Elle est capable d'un effort, d'un bond, d'une pointe de vitesse momentanée vers la proie qui dévale le courant, tandis que poursuivre un leurre en remontant le courant lui est pénible. La mouchetée, c'est un torpilleur qui percute une proie. La grise, sa cousine, est un croiseur qui patrouille les grands fonds, témoin sa queue échancrée, principe de l'hélice.

     Pêcher upstream ou en amont, c'est présenter de la façon la plus naturelle qui soit un menu auquel la nature du cours d'eau l'a habituée. Evidemment, l'appétit aidant, elle commettra les imprudences dont il vous faudra profiter. L'opération « touche » se produit en 3 mouvements, toujours les mêmes, et que l'on peut décrire de la façon suivante : 1) la truite voit venir la proie, 2) elle se laisse dépasser par celle-ci, 3) se retourne vivement et gobe le leurre. Si elle rate son coup « au passage », elle essaiera peut-être de récupérer la proie d'un coup de queue downstream. A ce moment, la touche est moins franche car elle est mal placée. Si vous ne l'avez ni blessée, ni trop effrayée, elle retournera vers sa cachette d'origine et l'on peut recommencer l'opération. Il faut toutefois lui laisser le temps moral de revenir à sa cachette et de se placer en position d'attente et d'attaque. Donc, est-ce bien clair ? Lancer, dérive et récupération qui correspondent aux 3 mouvements de chasse : voir venir, se laisser dépasser, gober la proie en se retournant qui sont le modus operandi de la mouchetée en eau courante.

En aval, c'est pas mal !

     En aval, il faut bien le dire, ce n'est pas mal non plus. Car, si on a beaucoup plus de touches en péchant upstream, les touches que l'on reçoit en remontant le courant sont en revanche, beaucoup plus franches et nettes. Cela s'explique facilement quand on considère que la ligne dérivant avec le leurre n'est pas tendue dans la méthode upstream. Elle l'est au maximum quand on remorque dans le courant le devon ou la cuillère. Dans le premier cas, la truite peut cracher le leurre avant que vous n'ayez pu imprimer le coup de ferrage, dans le second cas la touche et le ferrage sont automatiques par réflexes mutuels...

     Je considère donc que pour pratiquer avec un constant succès la méthode upstream, il faut être plus habile et savoir prévoir le moment d'impact avant qu'il n'ait lieu. L'expérience est le meilleur professeur. Quel que soit le nombre de brochures, de livres ou d'articles de ce genre que vous consulterez, c'est dans l'action, dans le ruisseau même, que se décidera l'issue de la pêche. Tendre la ligne au bon moment, sans altérer la dérive naturelle du leurre, demande un doigté que la littérature ne pourra pas vous donner... En revanche, la pêche en aval ou downstream ne diffère pas tellement de la pêche en eau calme, car la ligne est constamment tendue. En conclusion, vous aurez beaucoup plus de touches en péchant upstream que downstream, mais seront-elles concluantes ? Voilà toute la question et toute la controverse qui divisent en deux clans les pêcheurs de ruisseaux. Plus de touches et moins de poissons, ou plus de poissons mais moins de touches car chaque touche compte ? A vous de juger. Seule votre habileté décidera de votre choix.

44 — La pêche à la grise . . .

     Ce géant de la famille des Ombles qu'on appelle truite peut mesurer jusqu'à 6 pieds de long et peser 90 livres! C'est donc, avec l'esturgeon, le plus gros de nos poissons des eaux intérieures. Je n'ai pas besoin d'ajouter, je pense, que des truites de 90 livres ne se prennent pas tous les jours ... Pourtant, dans les filets des pêcheurs commerciaux des Grands Lacs, et plus particulièrement du Lac Supérieur, ainsi que dans les grands réservoirs du nord, comme le Grand Lac des Esclaves et de l'Ours ou le Mistassini et même le Réservoir Gouin, il arrive qu'on tire des bas-fonds des spécimens de cette taille et d'un poids qui enregistre parfois 100 livres.

     Inutile de souligner que ces « monstres » ne mordent pas à la ligne ou du moins, très exceptionnellement, car leur appétit correspond à leur taille. C'est-à-dire que pour une truite de 100 livres, par exemple, il est normal d'avaler tout rond un brochet de 10 livres ou une carpe de même poids... Ce n'est généralement pas avec des appâts aussi importants que l'on fait de la pêche à la traîne (trolling), à plus forte raison au coup ou arrêté. Ce serait pourtant ce qu'il faudrait faire, (avec 200 pieds de forte ligne en cuivre) si l'on voulait ramener en surface une Grise de ce poids et de cette taille.

     Heureusement pour les pêcheurs qui auraient tendance à être cardiaques, la truite grise oscille dans les 5 ou 6 livres en moyenne avec une longueur de 28 pouces.

     Cette truite ayant plusieurs « alias », il convient de les dévoiler car étant très répandue dans toute la province, son nom change parfois avec les légions, ce qui prêle à confusion. L'Omble Gris ou Truite Grise n'est pas toujours grise, comme on le verra tout à l'heure, et s'appelle aussi TOULADI, Truite SAUMONEE, Truite DE LAC, MACKINAW, TOGUE et s'il fallait inclure les noms qu'elle porte en anglais, on n'en sortirait pas.

     De toute façon, quelle que soit sa couleur : grise, argentée, gris-bleu, dos vert olive brun ou noir, ventre blanc ou jaunâtre, mouchetures accentuées ou à peine perceptibles, c'est toujours la même truite !

     Il est tout à fait normal et courant de prendre, dans le même lac, des Grises qui ne se ressemblent pas du tout, sauf en ce qui concerne leur caudale (queue d'un poisson) fourchue. Cela nous indique tout de suite que c'est un poisson de grande nage. D'ailleurs c'est le principe de l'hélice que nos ingénieurs navals ont mis tant de temps à découvrir... Examinons attentivement l'étymologie latine : Salvelinus cristivomer namaycush. Le salvelinus nous indique la famille des Ombles, le cristivomer veut dire que les « dents » de son palais, le vomer, sont en forme de croix et enfin namaycush qui est un rare tribut des savants systématiciens à la nation indienne des Cris. Apprenez par coeur le mot NAMAYCUSH ! Voici pourquoi : sur le million et quelques lacs de la province de Québec, plusieurs portent encore des noms indiens, (et tant mieux !) qui ont le grand avantage de dire quelque chose ... Ainsi, en jetant un simple coup d'oeil sur les cartes, vous verrez que plusieurs lacs ont des noms dans lequel « namaycush » est inséré soit en entier, soit en suffixe ou en préfixe.

     Par exemple, si vous voyez le nom MITCHENAMAY-CUSH, vous savez tout de suite qu'il y a de la Grise dans ce lac. Voyez-vous, les Indiens avaient l'intelligence de donner aux choses des noms qui correspondaient à la nature de celles-ci. Un Abénaquis qui s'appelle O'Bomsawine (Celui qui Allume et Entretien le Feu) par exemple, est tout de suite identifié et l'on sait à qui on a affaire. Par contre, quand on s appelle Deyglun ... ça ne veut rien dire !

     Il n'y a que les blancs, prétentieux ou en veine de gloriole, pour donner aux lacs des noms qui ne veulent rien dire. Combien y a-t-il de lacs verts, rouges, noirs ou Des lies dans la province ? Et combien d'autres portent des noms de saints ou de personnages aussi illustres qu'inconnus? Si je connaissais les langues indiennes, les cartes seraient pour moi un véritable trésor de renseignements ! Lac Ada-oua-sou (lac de la Truite Mouchetée), Rivière Ouananichi (du petit saumon), Rapide Atti-ka-mek (Où vit le Caribou des eaux) c'est-à-dire le Corégone ou Poisson Blanc, Ruisseau Goumki-Ouiche (ruisseau du Casastome Aspirant ou Carpe à cochon), etc.

     Le nom indien renseigne non seulement sur les habitants des eaux mais aussi sur le caractère de l'animal en question.

     Ainsi, At-chi-gane que nous prononçons et écrivons ACHIGAN veut dire aussi « Celui qui se débat ! » Bref, que ce soit en Micmac, en Algonquin, en Montagnais ou en Cri, les noms des cours d'eau ou des régions sont toujours à examiner. Rien ne me fâche plus quand je projette un voyage en canot vers un lac qui, selon la carte et la région, semble être un « paradis » pour la truite et qui s'appelle Solitaire, Echo ou Du Repos de m'apercevoir que le guide indien (qui ne connaît ce lac que pour en avoir entendu parler) me déconseille d'y aller car le nom indien du lac est KI-NONGE, ce qui veut dire brochet !

45 — Pour prendre de la truite grise

     Nous avons rapidement passé en revue les caractéristiques de la truite grise et nous avons vu, entre autres, qu'elle n'était pas toujours « grise ». Que c'était un poisson benthique aimant séjourner dans les eaux froides (elle est heureuse à 57 degrés F.), les grandes pressions et le clair-obscur. Examinons maintenant ce qu'il faut avoir dans son coffre pour prendre de la grise.

« Les chapelets » :

     Il ne s'agit pas ici d'objets du culte mais d'une longue série de cuillères argentées, chromées ou dorées, disposées à la file indienne comme les grains d'un chapelet Ces chapelets de cuillères ont toutes les tailles allant du gigantesque attirail Davis Spoons aux minuscules Bear Valley. Pourquoi tant de cuillères, et que faut-il mettre au bout de cette traîne ?

     Les bas-fonds où vit la grise étant peu éclairés, des cuillères métalliques à très forts reflets sont indiquées. D'autre part, autant de cuillères tournant côte à côte produisent dans l'eau de très importantes vibrations qui permettent aux truites, même très éloignées du lieu ou dans des eaux opaques, de repérer la traîne. Enfin, ces cuillères représentent un banc de ménés. Au bout du chapelet, on met généralement un gros méné vivant ou mort.

     Il y a plusieurs théories à ce sujet. Plusieurs pêcheurs soutiennent qu'un méné mort est tout aussi valable qu'un vivant car, même traîné à faible allure, le méné est incapable de nager correctement au bout d'un pareil poids. Je n'ai pas l'intention de discuter ces théories du « vivant ou du mort » car aux profondeurs où l'on pêche la grise, le méné ne vivra certes pas très longtemps, même s'il est accroché par le museau. Sorti de son seau et embroché ou enfilé dans un spinning gear ou monture ariel, le méné meurt instantanément... Mort ou vif, l'important est de choisir un bon méné ! Sans aucun doute le meilleur appât pour la grise est le corégone ou poisson blanc. Ce n'est pas une hypothèse mais une certitude. Voici pourquoi :

     Le corégone est un poisson qui partage les mêmes eaux et vit aux mêmes profondeurs que la grise. C'est son menu habituel, à croire que ce poisson blanc, mangeur de plancton, n'a été créé que pour ça ! Les maîtres pêcheurs de grises comme Arcade Pilote du Lac des Iles, me disait que : «...quand on a la chance de prendre un petit corégone, ou quand on en trouve un mort à la dérive, ça vaut la peine de changer tout de suite d'appât ! » Le petit corégone mord quelquefois au ver, le soir. Si, lors d'une pêche nocturne à la barbotte, il vous arrivait d'en prendre quelques-uns, conservez-les précieusement.

     Voici la recette pour conserver les poissons morts : S'il s'agit de poissons pris la veille et devant servir d'appât le lendemain, il suffit de les saler légèrement avec du sel fin et de les enrouler séparément dans une toile.

     Mais si c'est pour plus longtemps, c'est au formol qu'il faut les traiter. Afin de leur conserver toute leur couleur naturelle, les poissons doivent être plongés, vivants si possible, dans une solution contenant : 5% de formol et 95% d'eau distillée. Au bout de quelques jours, on peut retirer les poissons du bain de formol, les nettoyer à grande eau, et les mettre définitivement dans des bocaux contenant : 1/3 de glycérine et 2/3 d'eau distillée.

     Mais, pour que vos poissons-appâts gardent leurs couleurs naturelles, il est important de les garder dans l'obscurité. Comme on les met généralement dans un bocal de verre, peignez celui-ci (à l'extérieur, bien sûr) avec de la peinture noire. NOTA : Toutes les pharmacies vendent du formol. Plus vous péchez profond, plus votre chapelet doit être important, sinon en nombre de cuillères, du moins dans la taille de celles-ci. Bien que l'on trouve dans le commerce des cuillères dorées, les chromées ou les argentées sont, à mon humble avis, les meilleures.

     Il faut placer le petit corégone (si vous en avez !) ou méné, à environ 6 ou 8 pouces de la dernière cuillère. Certains vieux pêcheurs placent leur méné encore plus loin et se confectionnent des leaders de 24 pouces ! Si vous péchez dans des eaux où les ménés morts ou vifs sont interdits, un DEVON argenté et articidé les remplace. Le « Flat-fish » aussi, mais c'est moins bon. Ce qui n'est pas mauvais du tout et qui est très populaire dans l'Estrie, ce sont les mouches-tandem appelées Gray Ghost. Il y en a de toutes tailles et de couleurs fort savantes.

     Je vous engage à les essayer partout où les ménés sont interdits. Pour troller la mouchetée qui refuse le lancer léger, les Gray-Ghost sont des leurres de choix, au bout d'une cuillère Bear Valley de petite taille. Les chapelets de cuillères sont de lourds instruments de pêche et la ligne qui les remorque doit être ultra-solide. Sujets aux accrochages multiples je conseille les cordes nylons plombées ou pas de 35-45 livres de test. Mieux encore, les lignes de cuivre. Mais ces dernières nécessitent un « moulinet » géant.

     Évidemment, au bout d'une corde aussi forte et d'un poids semblable, la grise ne peut livrer un combat digne de sa taille ! Il en est tout autrement au bout d'une canne de lancer léger de quelques onces et d'un leurre de faible poids ! C'est ce que nous examinerons en parlant des Wablers, des Ruby Eyes Wiglers et autres leurres mortels pour notre amie, la grise.

Du léger pour la grise !

     Nous avons parlé assez abondamment, je crois, des chapelets de cuillères pour la pêche à la traîne. Efficaces, ces leurres n'en sont pas moins fort encombrants et très lourds, partant, le combat que pourrait vous offrir la Grise est réduit à son strict minimum et votre plaisir de même ...Mais, heureusement, on peut pêcher autrement avec grand succès cette timide géante de la famille des Ombles. Nous allons donc examiner une double méthode tout aussi bonne à la traîne dans des eaux profondes qu'en surface pour la pêche de printemps et d'automne.

Le Wabler :

     Cette meurtrière « cuillère » qui n'en est pas une, puisqu'elle ne tourne pas, 4 fois plus longue qu'elle n'est large, a sur la Grise un pouvoir d'attirance très louable. Le secret de l'efficacité du Wabler réside dans le fait, qu'au contraire des autres « cuillères » ondulantes à triple hameçon, l'action du leurre n'est pas entravée mais améliorée quand on ajoute aux hameçons un appât !

     Généralement c'est la moitié postérieure du corps d'un méné que l'on fixe au triple hameçon. Mais certains pêcheurs y accrochent un méné entier. D'autres, quand ils n'ont pas de ménés ou quand la loi interdit leur usage, fixent à l'une des branches une lanière de lard. Peu importe ce qu'on accroche au triple hameçon, l'important est que l'action de ce leurre n'en soit pas diminuée. Car il faut se souvenir que tous les leurres métalliques ou autres, ont été pensés et dessinés en fonction des hameçons qui leur sont fixés. Modifier la disposition de ces hameçons, ou encore y accrocher un appât change complètement l'allure et l'action du leurre. Le Wabler fait exception.

     Deuxième « vertu » du Wabler : On peut lui imprimer une action supplémentaire des plus subtile avec des mouvements de poignets et d'avant-bras imprimés à la canne. C'est tout le secret du Wabler ! En trollant, les mouvements seront lents et réguliers (rythme de va-et-vient).

     Mais au lancer, la récupération peut varier infiniment selon l'adresse du pêcheur. C'est l'art du dandinement erratique auquel la Grise est fort sensible et par l'Achigan, nous le verrons, complètement adulé... si j'ose dire ! Les Wablers chromés ou argentés sont, à mon avis, les meilleurs, bien que l'on en trouve de dorés dans le commerce.

     En terminant, disons que tout bon pêcheur devrait avoir dans son coffre une série de Wablers de diverses tailles.

Les Ruby Eyes Wiglers :

     Ce leurre étrange qui semble vous regarder en chien de faïence de ses deux yeux rouges appelés un peu prétentieusement « rubis » fait tout de suite penser à un ouaouaron chromé (!) ou à un petit Doré ! Peu importe à qui ou à quoi il vous fait penser, l'important c'est que le Ruby Eyes Wigler est un leurre magnifique pour des tas de poissons et je connais des fanatiques (mais là je ne suis pas d'accord !) qui ne pèchent qu'avec ça ! Oui, le Wigler est excellent pour le Brochet, l'Achigan, le Doré et la Grise qui, aujourd'hui, nous intéresse particulièrement. Mais attention ! il y a 2 sortes de Ruby Eyes Wiglers.

     Personnellement, et c'est également l'avis de nombreux maîtres-pêcheurs dont Arcade Pilote, spécialiste de la Grise, un seul format est valable. Le Wigler légèrement concave et en fer de lance et non en losange arrondi et parfaitement uni. Ils sont très semblables chez le marchand, mais pas dans l'eau ! Examinez donc attentivement le Wigler et assurez-vous qu'il est concave et que son « dos » est légèrement surélevé. Ce leurre peut être classé parmi les cuillères puisqu'il tourne. Tout comme pour le Wabler, on peut attacher un demi-poisson ou une couenne de lard au triple hameçon sans entraver l'action propre à ce leurre. Au risque de commettre une « hérésie » et de m'attirer l'ire de plusieurs confrères pêcheurs, j'avance que plus le Ruby Eyes Wigler est gros, plus il est efficace ! N'exagérons pas et n'employons pas de Wiglers géants quand la moyenne des poissons du lac où vous péchez se situe dans les 3 ou 4 livres, mais tenons-nous-en dans les Wiglers de 4 ou 5 pouces. Vous serez surpris des résultats même chez les poissons de petite taille ! D'ailleurs, on peut toujours constater l'efficacité d'un leurre en observant les réactions qu'il provoque en eau basse sur la population de ménés. Si ceux-ci le suivent avec intérêt jusqu'à la chaloupe, bien que le leurre soit deux et trois fois plus gros qu'eux, c'est un signe certain que cet engin de pêche est très au point.

Et pour l'ultra léger...

     Nous avons vu la pêche à la traîne et au lancer léger. Mais pour l'ultra-léger au printemps et à l'automne alors que la Grise fréquente les eaux riveraines et que la température de ces eaux oscille dans les 50 à 60 degrés F. les émotions que vous procureront les « poids-bout » d'un mince monofilament de 4 ou 5 livres de test, d'un micro-moulinet genre PILOTE (J. J. KLEIN : Demandez les brochures chez votre marchand préféré), la Grise montre ce qu'elle sait faire... et c'est peu dire ! N'oublions pas qu'il s'agit d'une truite géante qui, de plus, nage mieux que toutes ses « cousines » grâce à sa nageoire fourchue (la caudale). Ce n'est pas une « sauteuse », ses moeurs lucifuges et son amour des bas-fonds sont incompatibles avec les acrobaties aériennes des insectivores de sa famille, mais qu'importe ! Elle piquera vers le fond avec la puissance d'un sous-marin atomique (!) et, si elle est de taille, videra votre bobine ou votre tambour dans un merveilleux et caractéristique ZZZiiiiiiiizzz qu'on n'oublie jamais ! ! ! Pardonnez les points d'exclamation, je n'en suis pas revenu... et n'en reviendrai jamais ! TOUS les leurres, cuillères, devons, mouches (tandems) ou mouches noyées employés pour la Grise si vous les présentez habilement et que vous ayez le sens inné du coup de poignet, agent-moteur de l'Action avec un grand A ! Alors vous connaîtrez le succès.

46 — Les Indiens et la Grise . . .

     Ayant eu souvent l'occasion de pêcher avec des guides indiens, je me suis toujours préoccupé de savoir comment eux péchaient quand nous n'étions pas là ! Car, si vous avez eu affaire à des Indiens, vous n'ignorez sans doute pas qu'ils n'ont pas le même attirail de pêche que nous, et c'est peu dire !

     Les Mitchell, les Sub-matique, les Alcedos, les Pfluegers, les Ocean-Citys, les South-Bend et combien d'autres les laissent assez froids et s'ils se hasardaient à sourire... Mais je n'en dis pas plus car je ne voudrais pour rien au monde choquer nos braves ethnographes !

     D'abord, saviez-vous que les Indiens avaient inventé le Devon ? Pas la marque de commerce, bien sûr, mais le principe du leurre pour attirer le poisson à portée de harpon. N'ayant pas inventé ou pensé à l'hameçon, nos Indiens (avant l'arrivée des blancs) avaient quand même mis au point un ingénieux système de leurre ! Ils sculptaient un petit méné quelconque, généralement un Corégone, (en Cri : Atti-ka-mek, le Caribou des eaux) ces poissons blancs étant, comme on sait, fort nombreux, l'attachaient au bout d'une longue « babiche » (lanière de cuir) et l'agitaient dans l'eau. Ici, une parenthèse s'impose, car ils péchaient la Grise surtout sous la glace.

     Donc, ayant attiré la Grise à proximité du trou dans la glace au moyen de ce « devon », ils pouvaient l'harponner. Je ne vous conseille pas d'essayer cette méthode car, non seulement il est interdit de pêcher sous la glace, mais les truites Grises (moins nombreuses qu'autrefois, va sans dire...) ne se laisseraient plus prendre avec d'aussi primitifs moyens ; à moins d'explorer un territoire absolument vierge, ce qui pose des problèmes financiers considérables ... ! Mais, avec l'arrivée des blancs, et de leurs hameçons, une autre méthode très efficace et encore très valable qu'ils emploient toujours, et que je me flatte de connaître, est à conseiller et à suivre : Le poisson mort coulé au large ! Cette méthode est extraordinaire partout même dans les lacs sur-pêchés « où il n'y a rien » !

L'obliger à mordre !

     Dès les premières semaines de juin, tout le mois de juillet et août et une partie de septembre, on ne peut pêcher la Grise que très profondément (à la traîne) à moins que... A moins qu'on l'oblige à mordre : ce que font les Indiens ! Comment ? Voilà :

     Prendre un gros méné mort, (Corégone si vous pouvez ...) et cousez-le sur un fort nylon auquel vous attachez, ici et là, de petits hameçons ou très petit triples hameçons. Fixez votre canne sur la rive entre des pierres, ou si vous avez un quai : sur un porte-perche bien solide, et ramez ou avironnez vers le large avec votre poisson mort fixé au bout du leader de votre ligne. Cette opération nécessite un tambour ou une bobine d'au moins 300 pieds de fil, Si la profondeur de l'eau est suffisante, vous ne raterez pas votre coup, veuillez me croire ! Laissez couler à pic votre poisson mort fortement plombé. Revenez au bord et tendez la ligne légèrement. Placez le moulinet au cran d'arrêt ou de cliquet et... attendez l'action ! Ce n'est pas une méthode de pêche très sportive, je l'avoue, mais les résultats sont excellents. L'ennui, c'est que ça peut prendre des heures, voire toute une nuit, avant qu'une ENORME truite grise, et je dis bien énorme, vienne cueillir votre appât. De toute façon, quand elle a saisi cette proie, les nombreux hameçons cousus avec le méné s'engageront dans sa gueule. Que vous soyez présent sur la rive ou non, (si vous êtes là, vous aurez l'émotion d'entendre geindre votre moulinet !) la truite est bel et bien prise ! Il ne vous reste plus qu'à la ramener vers la terre, ou si vous aimez l'action en barque ou en canot, aller combattre au large.

     J'ai eu le grand plaisir de capturer des Grises avec cette méthode indienne dans des lacs aussi poissonneux et habités que le Lac Bec-Scies de St-Sauveur-des-Monts, par exemple. Des amis, ayant suivi cette méthode, ont assez bien réussi au Lac Manitou, au Lac Nomininguc, Lac Simon et combien d'autres lieux dits « vidés » ! Car, souvenez-vous bien d'une chose : même si un lac est « infesté » par des poissons indésirables, ces mêmes poissons vivent sur les rives. La Grise vit sur les bas-fonds. Ils peuvent faire, certes, un tort considérable pendant la fraie, mais il est surprenant de voir à quel point la Grise se maintient ! Le fait qu'elle « ne mord pas » ne signifie pas nécessairement qu'il n'y a « plus de truites dans le lac ». Que non !

     Cela signifie, hélas, qu'elle a trop à manger.. . Vos trolles la laissent indifférente et vos lancers l'agacent beaucoup plus qu'ils ne la mettent en appétit ! (Cas du saumon qui ne mange pas en eau douce.) C'est ce qui se passe dans de nombreux lacs du nord autrefois excellents pour la Grise, mais farcis de ménés, de carpes, de perchaudes, barbottes et autres indésirables. Le Lac des Iles, par exemple (12 milles au sud-ouest de Mont-Laurier), où l'on peut prendre 3 mulets, 2 perchaudes et 1 barbotte à la minute (aux vers) alors qu'il faut troller des heures pour prendre une Grise de 5 livres... et l'on se demande pourquoi elle mord quand il y a tant de choses à manger ! Espérons que ces quelques révélations vous auront aidé à mieux connaître et comprendre les moeurs timides de notre truite Grise. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter bonne pêche !

47 — Quels appâts utiliser ?

     Les truites sont particulièrement sensibles au phototropisme (réaction et entraînement vers des eaux éclairées) et c'est précisément ce qui se produit quand la première tâche de lumière apparaît après un hiver long et obscur. On peut espérer voir les truites se concentrer autour de ce « puits de lumière » aux embouchures des cours d'eau.

Peureuses mais engourdies

     Il est faux de croire que les truites (ici je parle des Mouchetées) sont plus nerveuses dès qu'apparaît la lumière. Le contraire semble être plus exact. Cette lumière soudaine, qui les attire certes, les rend en même temps d'une méfiance proverbiale . . . D'autre part, la température de l'eau, alors qu'il y a encore de la glace sur une grande partie du lac, oscille dans les 45 degrés F. Or, ce n'est pas très loin des températures hivernales et la truite est « engourdie » si l'on peut dire. En tout cas, elle n'a pas, à cette température, la nervosité de l'attaque foudroyante qui fait sa réputation.

     Pour que la truite se conduise au maximum de sa « condition de truite », il faudra attendre que l'eau ait atteint 57 degrés F. C'est également l'époque où les ménés ou cyprins divers consentiront à sortir de leur retraite et voyager par bancs en eau peu profonde, par conséquent plus chaude. C'est l'heure de gloire des devons, flat-fishes et dare-devils au leader de votre ligne !

Et les mouches ?

     Il semble n'y avoir aucun rapport entre la température qu'il fait et la présence pour le moins insolite de « mouches » sur un lac dont la glace vient à peine de caler ! Ainsi, des fanatiques de la pêche à la mouche (qui ne toucheraient à aucun autre appât pour tout l'or du monde...) m'ont assuré qu'une demi-heure à peine s'était écoulée entre le calage de la glace et leur premier lancer que déjà une truite se faisait prendre !

     Or, en avril, les insectes sylvestres sont très rares pour ne pas dire inexistants. Réjouissons-nous que la truite ne soit pas au courant de cette vérité entomologique ! C'est donc sans discernement qu'elle mouchonnera avec enthousiasme sur vos artificielles. C'est du moins ce que je vous souhaite !

L'éternel appât...

     Depuis l'aube des temps, tout au moins depuis que l'homme est devenu assez intelligent pour inventer l'hameçon, les vers de terre sont et restent l'appât le plus sûr. Quelle relation peut-il bien exister entre un ver qui vit sous terre et un poisson qui vit dans l'eau et comment sont-ils arrivés à se connaître, me direz-vous ?

     Aussi paradoxal que cela puisse vous paraître, les poissons consomment une grande quantité de vers de terre que les courants, les éboulements des berges, les inondations des terrains lacustres ou fluviatiles leur procurent régulièrement chaque saison.

     La truite, ou tout autre poisson à l'affût, guette non seulement les insectes et les cyprins, mais surtout les vers arrachés aux rives et que le courant transporte à proximité de leur lieu d'embuscade.

     C'est au printemps que les inondations, les forts courants, les neiges fondantes, amènent le plus de vers de terre dans le lac ou à la rivière. C'est pourquoi cet appât naturel est le préféré du pêcheur de truites pendant les premières semaines suivant l'ouverture. Avec un bon ver de terre, toutes les combinaisons sont permises car il ne demande que d'être posé sur l'ardillon. Petites cuillères et vers donnant l'illusion que ces cyprins s'attaquent au lombric, à la « St-Sauveur » pour donner plus de « corps » à la mouche, au triple hameçon du devon pour stimuler le méné à moitié étripé par un prédateur, etc.

     Somme toute, c'est un snobisme de mauvais aloi que de dédaigner l'humble ver de terre qui a conduit bien des pêcheurs de la branche d'arbre de leur enfance au luxueux purisme du bambou refendu !

Parlons d'amorces

     Cette préparation à la pêche pratiquement inconnue dans notre pays est chose courante en Europe en tout temps de l'année. Je ne saurais insister assez sur les vertus de l'amorce comme moyen d'attirer et de « conditionner » le poisson à venir se nourrir dans l'endroit de votre choix.

     Au cas où quelques lecteurs ignoreraient la signification du mot amorce, voilà : Le terme AMORCE englobe toutes les denrées que le pêcheur jette à l'eau pour attirer le poisson sur son coup et pour créer une zone de gagnage, c'est-à-dire un endroit où la faune aquatique viendra se nourrir régulièrement. En somme vous créez un trophotropisme (réaction et entraînement vers une nourriture plus abondante) artificiel chez les poissons de votre lac.

     L'amorce donne d'excellents résultats, surtout si le lac n'est pas très grand. Votre choix du point d'amorce est capital et doit présenter les conditions suivantes : Un endroit ombragé, un fond accidenté où les retraites et cachettes sont multiples (au besoin on peut créer un abri artificiel en calant dans le lac un gros paquet de branchage ancré au moyen de pierres) et si possible, à proximité d'un tributaire afin qu'en été la température ambiante du lieu d'amorce soit plus favorable qu'ailleurs. Suivant les poissons que l'on désire capturer et suivant l'esche que l'on désire employer dans ce dessein, il est nécessaire de bien choisir les produits de base afin qu'une habitude se crée rapidement chez le poisson. Amorcer aux vers de terre serait trop onéreux bien que, si la chose était possible, les résultats seraient étourdissants ! Certains produits servant de base à l'amorçage sont meilleurs que d'autres (votre intelligence et votre expérience vous le diront mais voici les meilleurs :

Le pain

     Le pain peut servir de base à presque tous les amorçages. Le pain rassis dont on se sert très souvent peut être mis à ramollir dans de l'eau et essoré ensuite dans un linge. Il forme alors une bouillie assez compacte, qu'on peut mélanger avec un peu de terre ou avec d'autres produits de la cuisine de votre camp. La terre n'a jamais constitué une amorce en soi, mais peut effectivement servir d'excipient. Le seul rôle de la terre dans l'amorçage est de donner du poids à l'ensemble des denrées qu'on désire poser sur le fond. Les farines (de céréales) sont très bonnes et doivent être incluses dans la plupart des amorces. Non cuites, ces farines se dissipent rapidement pour former un nuage blanc qui se dilue rapidement et qui attire les poissons par sa sapidité.

     En revanche, si on ajoute de l'eau chaude, on alourdit la farine et celle-ci coule au fond plus rapidement. Par raison d'économie, le son remplace bien la farine. Son extrême légèreté lui permet de se répandre très loin du lieu d'amorçage et de rabattre vers vous les poissons en vadrouille. Nourrir les poissons qui vous nourriront, n'est-ce pas là un geste humanitaire et charitable ? Car dites-vous bien que 75% des poissons qui se nourriront à vos frais ne se feront pas prendre, soit en raison de leur taille soit en raison de leur sagacité. Mais il reste les autres... C'est à ceux-là qu'il faut penser !

48 — Les heures solunaires

     Plusieurs compagnies qui fabriquent des leurres ou autres engins de pêche emploient les tables solunaires comme médium de publicité soit en les imprimant dans leurs catalogues, soit au revers de petits calendriers de poche, etc... Je ne crois pas au « calendrier de la pêche », je l'ai dit et redit, et ma position sur ce plan n'a guère changé depuis l'an dernier!

     Je ne crois pas non plus — et pour les mêmes raisons — à l'astrologie et aux horoscopes qui en découlent... mais ça c'est une autre histoire. Je ne crois pas au destin sous quelque forme que ce soit. Si j'aime m'attribuer mes succès, j'accepte mes défaites ou mes faillites avec la même sérénité.

     J'aime pouvoir me reprocher mes défaillances. Je n'admets pas qu'elles puissent être la conséquence d'une influence extra-terrestre. Mais moi, je suis un être humain, pas un poisson ! Il est indéniable que les animaux réagissent autrement que nous, et ce, nous en avons la preuve quotidiennement.

     A mon avis, ce qui différencie l'homme de l'animal, c'est qu'il a la possibilité de choisir. Il est vrai que certaines truites arrivent à vous faire douter de cet axiome... Toujours est-il que théoriquement, les animaux subissent des influences terrestres (climatiques pour la plupart ou saisonnières si vous voulez) et extra-terrestres (le soleil et la lune y jouent un rôle très apparent, sinon très compris de la plupart d'entre nous).

     Nul ne peut nier l'influence des marées sur le comportement de la faune aquatique de nos côtes. Les pêcheurs, par ricochet, règlent leur vie (leur gagne-pain) sur le comportement de la faune qu'ils exploitent. Le pêcheur sportif me semble commettre une grave erreur en ignorant des facteurs aussi connus et prouvés que l'influence de la lune sur les masses liquides de cette planète. Si la marée est un phénomène très visible dans les régions maritimes, il existe néanmoins en eau douce, et ce, quelle que soit l'importance de la pièce d'eau en question. On nous assure même que notre oeil subit une marée !

     Je n'en ai jamais éprouvé les effets, quoique au clair de lune, j'avoue que j'ai le clin d'oeil facile... passons.

     Mais il n'y a pas que la lune, il y a aussi le soleil. Ces deux astres en conjonction provoquent les « grandes » ou fortes marées. Celles-ci ont lieu à différentes heures. En eau douce, l'influence de ces astres paraît moindre mais elle existe tout de même, et si vous êtes l'observateur que j'imagine que vous êtes, vous avez sûrement remarqué le phénomène.

Un signal impératif...

     Quelquefois, en dehors de la mouche de mai, au coup du matin ou du soir, pendant environ une demi-heure au plus les poissons ont le diable au corps ! Ils gobent comme des fous 1 Je ne dis pas que vous avez observé ce phénomène tous les jours, mais je suis sûr que si vous êtes un pêcheur constant et régulier, la chose vous est arrivée. Pendant ces moments de grande attraction (invisible pour vous) les poissons éprouvent une espèce de frénésie à se nourrir... ou à attaquer ! Il n'y a pas d'autres mots pour décrire l'enthousiasme délirant des truites ou des achigans pour tout ce qui passe à proximité de leur repaire.

     A ces moments, n'importe quel modèle de mouche, de nymphe ou de streamer est pris ! Dans certains ruisseaux, j'ai vu l'eau « bouillonnée » à droite et à gauche pendant un laps de temps assez considérable... inutile d'ajouter que j'ai fait de bonnes pêches !

     Notant tout dans mon carnet de pêche qui ne me quitte jamais, je me suis aperçu de deux choses : les jours du mois ou l'attraction solunaire est la plus forte sont les quatre ou Cinq jours entre le dernier quartier et le premier quartier de la lune; les tables solunaires sont formelles à ce sujet et toutes mes confrontations carnet de pêche-table solunaire confirmaient ces observations. De plus la plupart des grandes périodes d'activité se situaient entre 11 heures du matin et une heure de l'après-midi. Heures « pourries » selon la majorité des pêcheurs ... Pourtant, comme si un signal impératif leur avait été donné, les poissons entraient en action comme par magie ! Cette magie ou ce spectacle magique dont l'horaire vous est offert est le travail d'un pêcheur américain.

John Alden Knight a raison ...

     Quand il assure que les poissons d'eau douce se nourrissent de préférence durant la période maximum d'attraction lune et soleil ; qu'il existe quatre périodes d'activité par jour : deux majeures et deux mineures (l'une et l'autre doivent être exploitées au maximum).

     On a souvent accusé ce savant de charlatanisme. Quelques universités de son pays ont même tenté de le traduire en justice ... J. A. Knight est toujours sorti vainqueur des attaques dont il fut victime. M. Knight ne prétend pas vendre un procédé infaillible de pêche, il ne fait que livrer au grand public le fruit de ses observations basées sur des calculs connus du mouvement de la lune et du soleil.

Théoriquement, ça fonctionne.

     Bien sûr, la météo locale ou la pression barométrique dans telle ou telle région peut renverser complètement les « prévisions » de Knight. Ce n'est pas un calendrier « miracle » qui assure « toujours » le succès, mais c'est au moins une aide précieuse pour le pêcheur qui sait s'en servir et qui sait se servir de sa tête, pas seulement de son manche de ligne, pour opérer dans des eaux en apparence peu prometteuses.

     Mais méfiez-vous des contrefaçons, des copies, des « calendriers » du pêcheur qui ne sont basés sur rien d'autre que sur la naïveté des pêcheurs prêts à tout, car ils ne connaissent rien. N'allez pas vous fier aveuglément à Knight non plus. . . votre bon jugement est seul garant de votre succès.

     Les tables solunaires doivent rester ce qu'elles sont : un accessoire (agréable) susceptible d'améliorer le sort du bon pêcheur que vous êtes.

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