La Configuration des Montées Démystifiée par Serge J. Vincent

Que se passe-t-il vraiment quand la surface de l'eau bouillonne d'activité?

    La configuration des montées, ce sont les signes extérieurs de l'activité du poisson chassant les insectes en surface de l'eau: Cela prend la forme de sauts, de gobages, de marsouinages, etc. Chacun de ces signes a une signification précise pour le moucheur expérimenté et l'interprétation préclse de chacun est un gage de succès.

La Configuration des Montées Démystifiée: Serge J. Vincent
     Les anneaux concentriques, causés par l'ascension de la truite vers un insecte flottant en surface, sont familiers à tous les moucheurs. Chez le puriste de la sèche, l'apparition d'un rond de gobage signifie que le moment est venu pour lui d'éteindre sa pipe, de refermer son carnet de notes et d'offrir son artificielle à la truite qui s'est rendue coupable d'avoir trahi sa présence.

     Chez le généraliste, cette perturbation signifie qu'il se trouve là une truite qui se nourrit en surface. Il ne fait pas cas du genre d'insecte qui a incité ce poisson à s'e découvrir, pourvu qu'il ait la possibilité de le capturer à la sèche.

     Chez le moucheur intéressé par la configuration des montées, le mouche-ronnage lui indique qu'il se trouve dans les parages un poisson qui se nourrit, et avant d'entreprendre de mettre à l'épreuve ses engins, il lui faudra étudier la configuration de cette perturbation. Par expérience ou par analyse, il pourra déduire de quelle famille et à quel stade de développement est l'insecte à l'origine du gobage et seulement après en être certain, il tentera de l'imiter en présentant l'artificielle la plus appropriée.

     Pour le bonhomme qui n'a pas approfondi l'art de la mouche, n'importe quel déranqement en surface signifie la présence d'un poisson et il se dépêchera d'employer la première mouche à lui tomber sous la main, avec un succès très relatif.

     Les rides, concentriques ou pas, qui ondulent vers l'extérieur du point ou s'est produite une percée ou une perturbation subaquatique, forment les dessins qui intéressent l'analyste des montées. Nous allons donc analyser seize types différents de montées et les interpréter pour vous. Si vous voulez tirer pleinement profit de ces explications, je vous suggère de garder une copie de ces explications dans la poche de votre veste de pêche et de les revoir au moment où le poisson se manifeste à la surface de l'eau.

MONTÉES SUBAQUATIQUES

     Elles se produisent lorsque les truites se nourrissent sous la surface. À ce moment elles se gavent de nymphes, de larves ou pupes de phryganes, de crevettes et parfois d'autres espèces animales. Nous retrouvons trois montées principales dans cette classe, soit la poussée, la bombette et l'éventail.

LA POUSSÉE

     Le déplacement de l'eau à la surface, que j'identifie comme poussée, survient lorsque la truite laisse son repaire, descend le courant, gobe une nymphe et exécute un tête-à-queue vigoureux lui permettant de réintégrer sa position originale.

    Dans une fosse ou une eau relativement calme, la surface de l'eau se gonfle mais ne se fend pas. Dans un radier, il ne se produit pas de gonflement, mais on peut discerner un miroitement lorsque la truite exécute un tête-à-queue.

LA BOMBETTE

     La bombette ressemble à la poussée, au point même de s'y tromper. Le déplacement de l'eau à la surface accuse alors une forme allongée issue d'une montée normale de la truite qui, au dernier instant, gobe une nymphe se dirigeant vers la surface pour éclore ou une pupe de moucheron (midge pupa) qui est suspendue à quelques centimètres de la surface.

L'ÉVENTAIL

     Le plus simple à distinguer et à identifier, l'éventail n'est cependant pas une montée. L'éventail est le résultat de la position que prend la truite lorsqu'elle se nourrit en ramassant les nymphes au fond de l'eau. La truite "plante le chêne" ou, si vous le vouIez, maintient la queue en l'air et la tête en bas, avec le résultat que dans une eau peu profonde sa queue fend la surface. On aperçoit la queue de la truite décrivant les mouvements de gauche à droite nécessaires à la soutenir dans cette position.

MONTÉE "SURAQUATIQUE"

     Ce comportement des truites est toujours trahi par un déchirement de la surface de l'eau. Cette rupture entraine la création et la dispersion de rides en cercles et sont toujours présentes lors d'une éclosion majeure d'éphémères. J'en compte six dans cette catégorie, soit la ventouse, le siphon, la crevée, la double spirale, la pyramide et le saut.

LA VENTOUSE

     La ventouse est créée par une truite qui, dans une position quasi verticale, aspire un insecte qui vogue à la surface. Ce qui distingue la ventouse du siphon se retrouve dans l'action même du gobage; la ventouse se produit lorsque la truite aspire une petite quantité d'air en acceptant l'insecte, air qui s'échappe par ses ouïes lorsqu'elle referme la gueule et reprend sa position au fond de l'eau.

     Il arrive que cette montée soit accompagnée d'un petit bruit perceptible au moucheur ayant l'oreille entraînée. Cette montée en ventouse se caractérise par une vague circulaire qui, après un petit instant de pseudo-solidité, rayonne vers l'extérieur jusqu'au moment où les rides secondaires aient (couvert une aire généreuse. J'ai observé que la Hendrickson et la March Brown amènent ce type de montée, de même que certaines autres éphémères qui voguent à la surface pendant la ponte de leurs oeufs.

LE SIPHON

     Le siphon est un "embryon" de la ventouse et se prévaut de qualités de paresse et de confiance désarmantes. Cette montée n'est pas réservée qu'aux moucherons et pupes. Les insectes qui tombent à la flotte, sous les arbres et arbustes qui surplombent l'eau, sont souvent gobés ainsi par de grosses truites.

     Durant cette montée, la truite n'aspire pas d'air et la minuscule aréole est le résultat du déplacement de l'eau en tourbillon causé par le retrait de sa tête.

LA CREVÉE

     La crevée est causée par une attaque soudaine de la truite qui s'élance hors de l'eau lorsqu'elle désire impatiemment une phrygane ou une Green Drake qui essaie de se dégager de sa carapace nymphale et de voler vers la liberté.

     Cette montée n'est intéressante que si le moucheur peut identifier l'insecte qui intéresse sa' proie, car même une terrestre poussée par le vent en surface peut entraîner la charge de la truite si elle est en chasse.

LA DOUBLE SPIRALE

     Ceci se produit quand deux cercles concentriques se chevauchent et rayonnent de leurs centres respectifs. Cette montée est souvent due à un gobage subaquatique de la Blue-Winged-Olive au stade nymphal, et les deux cercles, sont créés respectivement par la tête et la queue de la truite.

    J'ai aussi d'autres hypothèses sur cette montée, mais je ne voudrais pas vous induire en erreur sans les avoir vérifiées et mises à l'essai.

LA PYRAMIDE

     Cette montée est la projection d'une colonne d'eau angulaire en hauteur. Cette minuscule colonne 'est plus large à sa base et se termine en espèce de pinceau; j'en ai rencontré le plus souvent à la brunante et elles m'apparaissaient comme blanches contre un fond foncé.

     La pyramide est synonyme de phrygane. Lorsque la nymphe de la phrygane atteint la surface, l'insecte ailé essaie vigoureusement de se défaire de sa carapace. Cette action de sa part excite la truite qui, comme dans le cas de la crevée, se rue vers sa victime mais, en la gobant, arrête son élan. Ce déplacement projette une petite colonne d'eau dont la forme s'apparente à celle d'une pyramide.

     Cette montée foudroyante se produit durant l'euphorie d'une éclosion. La truite, à ce moment, attrape l'insecte ailé dans les airs ou, en retombant, gobe celui qui s'assèche les ailes en voguant sur l'eau. Souvent ceci se produit lorsque la truite happe une nymphe qui tente de percer la surface. C'est une montée spectaculaire qui se produit le soir.

MONTÉES EN CHASSE

     Le déplacement de l'eau causé par les agissements des truites qui se baladent près de la surface, en quête de nourriture, est généralement à l'origine de ce type de montée. Trois types de montées en chasse me sont connues et ce sont: le marsouinage, le tête-à-queue et le sirotage.

LE MARSOUINAGE

     Ce ternie décrit à la perfection une action particulière de la truite, bien qu'il soit employé à tort et à travers par les pêcheurs et auteurs qui n'ont pas approfondi cette discipline de l'identification des montées. La truite marsouine lorsqu’elle imite son cousin des mers en décrivant un arc en surface avec son dos, dans un gracieux mouvement.
J'ai longtemps associé cette montée au gobage des "spent spinners" (éphémères adultes décédées), mais mes expériences me portent à croire que les terrestres noyées et même certaines nymphes qui hésitent, à quelques centimètres de la surface, causent à l'occasion ce ballet chez les truites.

LE TÊTE-À-QUEUE

     Le tête-à-queue est la plus commune et la plus importante parmi ce groupe de montées. Dans cet exercice, la truite fend l'eau avec sa tête et repique du nez vers le fond. La queue demeure apparente pendant un instant avant de disparaître en hochant. Cette montée est rituelle et survient quand la truite prend les "spent· spinners" ou les "duns" (jeunes adultes, subimagos) et les pupes de moucherons (gnats).

LE SIROTAGE

     La surface n'est pas brisée dans cette montée qui est associée à un doux siphonnage d'un petit insecte du genre des diptères. Elle est caractérisée par un ou deux minuscules anneaux concentriques qui se dissipent en un rien de temps.

CONCLUSION

     Les dessins qui accompagnent ce traité sont assez représentatifs des montées décrites, mais n'oubliez pas que l'observation sur le terrain n'a pas d'égale. Le carnet a toujours sa place dans une veste de moucheur et son rôle se voit valorisé lorsqu'il est employé à noter les caractéristiques de montées dont on est témoin.

Références

» Texte: Serge J. Vincent (1975)
» Illustrations : Jeannot Ruel.
» Québec Chasse & Pêche

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