Le Riffling Hitch par Marc Gauthier

Une Technique à expérimenter pour augmenter vos chances de capturer le saumon.

     Nous allons aborder une technique de pêche peu utilisée au Québec : le Riffling Hitch. Pour charmer le saumon et le faire réagir, parfois, voire souvent, il faut changer notre approche. Cette méthode donne de l'action très excitante à la surface de l'eau. Je ne suis pas un expert de la technique. L'article que vous allez lire fait partie du cheminement d'un pêcheur content d'utiliser souvent la même mouche ou pour ainsi dire au maximum sept mouches différentes, soit noyées ou sèches, deux techniques bien définies et bien connues. Ma curiosité et le contact avec de grands pêcheurs et de nombreux guides, m'ont amené à essayer toutes sortes de choses...

Le Riffling Hitch, Une technique à expérimenter pour augmenter vos chances de capturer le saumon atlantique
     La première fois que j'ai entendu parler de la technique du Riffling Hitch, c'était lors d'une rencontre avec M. Orri Vigfusson qui vient d'Islande et qui est le charismatique président et fondateur du North Atlantic Salmon Fund, organisme international très actif dans la défense du saumon en Europe; c'était au milieu des années 2000. M. Vigfusson faisait une tournée des rivières de classe mondiale dans le but d'écrire un article, sur ce qui fait justement une grande rivière.

     En Islande, à Terre-Neuve et Labrador, la norme est de pêcher avec le Hitch comparativement au Québec où la norme est la pêche à la noyée. M. Vigfusson a écrit un livre en 1994 intitulé Hitch Craft. Son engouement pour le Riffling Hitch vient du fait que l'action se passe en surface, ce que les québécois apprécient de la technique à la mouche sèche. On peut lire en introduction dans le livre de M. Vigfusson « Sûrement qu'il n'y a rien de plus excitant que le bouillon et la vague que le saumon atlantique fait sous une mouche près de la surface, lorsqu’elle traverse la fosse en patinant ». Pour un poisson, attaquer une mouche sous l'eau dans son propre environnement est compréhensible même si ces dits poissons ne se nourrissent pas en eau douce. Toutefois, l'attaque sur une mouche en surface demeure un mystère. C’est probablement le petit V que fait la mouche qui devient très tentant et qui rappelle une phrygane flottant à la surface de l'eau avant de s’envoler après l'éclosion, ou l'évocation d'une proie dont il se nourrissait il n'y a pas si longtemps en mer ou encore le poisson fourrage tentant de s'échapper de l'attaque d’un prédateur en sautant hors de l'eau. Ou serait-ce simplement une agression contre quelque chose qui envahit son territoire? Mystère...

     Voici donc quelques conseils de M. Orri; il nous met en garde contre un ferrage trop intempestif; après une levée, on variera la taille de la mouche. Il mentionne que la taille des mouches peut être aussi petite que des numéros 10, 12 voire16, selon la rivière. Le type de mouche a peu d'importance, elle doit seulement être montée svelte. Il faut que la soie forme partiellement un arc de cercle. La vitesse de la parade est des plus importantes.

     J'ai aussi rencontré Art Lee, éditorialiste pour le magazine Wild Steelhead and Salmon et Fly Fisherman. Pêcheur et monteur émérite, il s'est commis dans l'écriture d'un livre sur le Riffling Hitch en 1998. Son livre, Tying and Fishing the Riffling Hitch est fort éclairant. On y trouve d’abord une préface de Jack Hemingway, fils de Ernest Hemingway, écrivain célèbre, qui nous a donné quelques textes sur la pêche comme Le vieil homme et la mer, prix Pulitzer 1953 et prix Nobel de littérature 1954 ainsi qu’un texte que j'affectionne particulièrement Big Two-Hearted River. Dans cette préface, Jack le fils, décrit bien comment un pêcheur adopte une nouvelle technique de pêche : comme pour toute nouvelle chose, il faut un certain temps avant que la bonne circonstance n'advienne. Soit que vous ayez pris un bon nombre de saumons et que vous vous sentiez au-dessus de vos affaires, ce qui vous permet de risquer l'usage d'une technique nouvelle et jamais utilisée auparavant, soit que vous êtes tellement désespéré et que vous êtes prêts à essayer n’importe quoi. Jack Hemingway, lui, a bâti sa confiance sur la rivière George ou la grande majorité des saumons capturés le sont avec le Hitch. Fait inusité, il mentionne aussi qu'il utilise le Hitch pour faire patiner plus efficacement des mouches sèches à la pêche au steelhead.

    Pour revenir au bouquin de Art Lee, il nous informe de l'origine de cette technique de pêche nous vient de Terre-Neuve. Les mouches anciennes ne possédaient pas de tête en acier comme on les connaît aujourd'hui mais était terminées avec un fil tressé appelé gut qui à la longue se détériorait. Les Terre-Neuviens privés d'une tête de mouche et la nécessité étant la mère de toutes les inventions, ils développèrent cette façon originale d'utiliser une mouche. C'est Lee Wulff, un des plus grands pêcheurs de saumon d'Amérique du Nord qui a popularisé cette technique voilà soixante ans. C'est lors de ses voyages exploratoires à Terre-Neuve et au Labrador, qu'il a rencontré Arthur Perry qui lui a montré le Portland Hitch. Le livre M. Lee contient beaucoup d'illustrations expliquant quoi faire et quoi ne pas faire; il parle même d'utiliser le Hitch en pêchant vers l'amont...
     Voici quelques-unes des règles en rafale; ce ne sont pas des paroles d'Évangile mais il recommande d’utiliser les mouches les plus petites possibles, au moins deux grosseurs plus petit que d'habitude; d’utiliser les hameçons les plus légers qui soient sans lésiner sur la qualité ni la solidité. L'attaque du saumon est souvent violente, il préfère donc les hameçons simples aux doubles. Finalement, il recommande d'avoir des mouches montées avec un bon dégagement de la tête pour permettre de bien nouer le Hitch. Après cette deuxième rencontre avec un grand connaisseur sur le sujet, je me suis mis à utiliser la technique mais sans grand succès.

     Une troisième rencontre déterminante dans ma carrière de pêcheur et de gestionnaire a été avec l'auteur Topher Browne qui a écrit Atlantic Salmon Magic, paru en 2011. Cette nouvelle « bible » de la pêche au saumon comporte plus de 400 pages dont une section sur le Riffling Hitch. Une oeuvre magistrale avec des photos saisissantes. M. Browne attache la mouche avec le noeud Turle. Il accorde peu d'importance au patron de mouches ainsi qu’au point de sortie de l'avançon, soit en dessous ou sur le côté. La vitesse de la parade est selon lui, des plus cruciales; trop lente elle perd de l'intérêt et même que la mouche peut couler; trop rapide et on perd son effet de « V ». Des amendements sont parfois nécessaires vers l’aval, surtout à la fin de la parade. On doit aussi ajuster la taille de la mouche en fonction de la vitesse du courant. Plus le courant est lent et plus la mouche sera petite. Il conseille de commencer avec une mouche numéro 8 et de grossir ou rapetisser à partir de là.

     M. Browne nous parle aussi d'un excellent pêcheur de saumon danois qui sillonne les rivières du monde entier et qui a plusieurs vidéos de pêche à son actif : Henrik Mortensen. Il a tourné son vidéo Volume 5 spécifiquement sur la pêche à la mouche sèche sur les rivières de la Baie des Chaleurs. Une autre scène qui illustre abondamment le Hitch est présentée dans le volume 3 Cracking the Code. Une scène en particulier vous marquera car vous pouvez voir plusieurs saumons bouger sur une mouche de taille moyenne et que finalement, la partie se gagne avec une mouche plus grosse !
     M. Mortensen a aussi popularisé l'usage de la mouche tube avec un trou perforé derrière la tête de la mouche. Ce qui rend caduque l'apprentissage des noeuds demi-clé qui forment le Hitch. Elle flotte beaucoup mieux et peut être utilisée même avec des lancers très longs. En condition d'eau basse ou avec beaucoup de luminosité, on doit tenter de produire un V plus subtil.

     M. Browne parle aussi du ferrage et de différentes expériences où l'on doit ferrer dès que l'on croit que le saumon a la mouche dans la gueule. Il y va d'une description où il pense que le saumon se sert de sa gueule pour toucher les choses vu qu’il ne possède pas de mains. Une réflexion que je trouve très probante après avoir vécu maintes expériences où l’on voit ou sent le saumon sur la ligne sans pouvoir le piquer. On ne parle pas ici d’enlever la mouche de la gueule du saumon avant qu'il ne la prenne, erreur que l'on voit souvent à la sèche. Le ferrage est en relation avec la vitesse du courant, où c'est plus rapide, on a souvent peu à faire. La soie flottante s’impose ainsi que le bon vieux monofilament Maxima de 8 livres test, de la longueur de la canne. On doit parfois stripper ou retirer de la soie durant la parade de la mouche pour qu’elle ait constamment l'effet « V ». M. Browne a aussi produit un livret avec 100 mouches à saumon de son choix qui comporte une section complète sur le Hitch. Sa préférée? la Blue Charm ! Il insiste, la mouche est moins importante que la taille, la forme et l’action. La Sunray Shadow sur tube de plastique est aussi un nom à retenir. J'ai relaté ces rencontres pour démontrer que pour essayer et maîtriser une nouvelle technique de pêche il faut souvent plusieurs essais avant que vienne le succès.

     Toute cette littérature c'est bien beau mais parlons expérience en rivière. J'ai choisi pour les photos du présent article, le meilleur secteur que la Société Cascapédia peut offrir : la descente en canot sur le secteur C 3 avec les guides Perry Coull et Carl Bujold. J'ai donc accompagné les pêcheurs qui ont les eaux cette journée-là et qui sont des habitués : Martine et Garry. Nous sautons dans nos embarcations respectives, moi avec mon matériel photographique et eux avec l'attirail de pêche. Bien sûr, nous sommes en mission et on ne pêchera qu'avec le Hitch ou presque... L'avant-midi avance bien mais aucun saumon ne se manifeste. Nous sommes presque à la fin du parcours, à un point situé tout juste en amont de la fosse Berry Mountain, des fosses sans nom... On les aime celles-là, n'est-ce pas?

     Un premier saumon est capturé avec une petite mouche dans un courant assez rapide et le Hitch a fait le travail. Après les photos d'usage et la remise à l'eau, on continue. Au petit « pot » suivant, nous avons un bouillon sur le Hitch, je me mets donc à suivre la mouche avec l'objectif pour capter cet instant magique de l'attaque en surface, pas évident en mode photo… Voilà qu'un saumon revient faire un bouillon sur la mouche et j'appuie sur le déclencheur et saisit une partie de la scène. L'excitation est à son comble. Nous avons un ou deux saumons intéressés ! On les taquine longuement mais ils ne reviennent pas. Carl décide d'y aller avec une mouche sèche, un classique de la Baie des Chaleurs : la Labatt Bleue. Peu de temps après son entrée en scène elle provoque un autre bouillon magistral mais pas de ferrage possible, pas même une tirette. L'avant-midi se termine là-dessus, j'étais maintenant obligé de croire les guides Perry et Carl, lorsqu’ils racontent haut et fort qu'ils capturent un grand nombre de saumons avec cette technique. Le sceptique a été confondu mais pas si sceptique en réalité car le Hitch figurait déjà dans mon arsenal.

     Durant mon utilisation de cette technique au fil des ans, j'ai eu moult levées mais peu de saumons sur la ligne. En fait, la plupart des saumons que j'ai attrapé l’ont été avec une invention de Marc Leblanc qu'il nomme la Stone. Cette mouche ressemble étrangement à une nymphe de plécoptère. Lorsque le saumon décide de l’attaquer, c'est avec férocité.

     En terminant, je tiens à vous relater une expérience que le guide émérite Steve Bujold a vécu en 2012, durant une semaine en juin où il a guidé deux pêcheurs qui ont utilisé des techniques diamétralement opposées. L’un a pêché de manière conventionnelle à la mouche noyée et l'autre avec le Hitch toute la semaine. Résultat : sur 12 saumons capturés, deux de plus l’ont été par la manière conventionnelle. Mais l’autre pêcheur a eu des levées à la tonne et beaucoup d'action. En réalité, c'est ce qui est le plus excitant; toute cette action à la surface. J’ai omis de vous dire que la mouche utilisée par le pêcheur pour pratiquer le Hitch était une sèche !
Alors, la prochaine fois que vous pêcherez le saumon et qu'il ne se passe rien, ayez une petite pensée pour d'autres approches. Le Riffling Hitch n'est pas une recette miracle mais elle a permis la capture de dizaines de milliers de saumons.

     Bonne expérimentation !

Les Étapes du Noeud Riffling Hitch

Références

» Texte et photos : Marc Gauthier (2013).
» Illustrations de Galen Mercer, tirées du livre Tying & Fishing the Riffling Hitch de Art Lee (avec la permission de l’auteur).
» Magazine Pêche à la Mouche.
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