MONTAGE D'UNE Mouches-tube Sèche

     Après quelques années de pêche assez intensive de la truite, de l’achigan, du brochet et du maskinongé, j’ai eu l’occasion d’essayer la pêche au saumon… Et me voilà piqué pour de bon! Mon premier saumon, une femelle d’environ 15 livres prise à la sèche… que j’ai dû remettre à l’eau sur la rivière Ste-Marguerite (le quota de grands saumons était atteint) ! J’ai toujours été plus attiré par la pêche à la mouche sèche. Dès que l’occasion se présente, je passe toujours une sèche en premier (même si la convention veut que l’on débute avec une noyée). De fil en aiguille, j’ai accumulé des connaissances et des informations sur les techniques et les stratégies de la pêche du saumon à la sèche, par l’entremise de conseils de pêcheurs aguerris, de lectures et d’ateliers portants sur le sujet.
Montage d’une Mouche Sèche pour la pêche du saumon sur un Tube
     C’est justement lors d’un atelier portant sur la pêche du saumon à la sèche présenté au Salon provincial de la pêche à la mouche qu’un détail m’a réellement accroché : le rôle primordial de la portance de la mouche à la surface de l’eau. Selon les animateurs de l’atelier, les pêcheurs de la rivière Matane qui avaient le plus de succès à la sèche durant la période d’étiage étaient ceux qui réussissaient à faire porter leurs mouches très haut sur l’eau. Autrement dit, les mouches qui portaient seulement sur les hackles et dont le corps était au-dessus de l’eau (et non sur ou dans l’eau) étaient plus productives… C’est ce détail qui m’a amené à mettre au point mon système de sèche montée sur un tube.

Montage d’une Mouche Sèche pour la pêche du saumon sur un Tube
     Le principe repose sur le fait que la mouche est montée sur un tube de plastique qui est beaucoup plus léger qu’une hampe d’hameçon en métal. Ce tube s’insère ensuite dans un hameçon modifié. En étant plus légère, la mouche peut être portée par les hackles seulement, elle n’a donc plus besoin d’un matériau flottant pour la confection du corps. J’utilise encore du poil de chevreuil pour la confection du corps de mes mouches, mais pour des raisons esthétiques et non de flottabilité. Je peux me permettre de tailler mes corps très fins, sans perdre de flottabilité. J’aime bien utiliser aussi de la fourrure de phoque. Le poil est très brillant, il donne du volume au corps et si la mouche plonge sous l’eau lors d’une récupération, le poil ne s’imbibe pas. Mais il y a plus. Non seulement la mouche flotte mieux; sa déposition est sans pareille. À ma connaissance, aucune mouche conventionnelle, à grosseur égale, ne se dépose mieux que celles montées sur un tube. Selon plusieurs, la déposition de la mouche est un facteur critique pour la réussite de la pêche à la sèche. Un autre facteur non négligeable est le fait qu’un hameçon brisé (sur une roche, par exemple) ne signifie pas que la mouche est bonne pour la poubelle! C’est là un avantage très grand : la mouche, montée sur le tube, peut être enlevée de l’hameçon brisé et remise sur un nouvel hameçon. Il s’agit donc d’une économie de temps (de montage) et d’argent. Ceux qui montent des mouches sèches comprennent très bien la portée de cet avantage !

Montage d’une Mouche Sèche pour la pêche du saumon sur un Tube
     Par contre, ce système n’est pas parfait, il faut l’admettre. La légèreté de la mouche peut occasionner quelques problèmes au niveau de sa poussée. En effet, elle a tendance à être freinée plus facilement par l’air, elle peut donc être plus difficile à propulser au bout de la ligne. Pour contrecarrer cet effet, j’utilise un avançon beaucoup plus raide, qui pousse littéralement la mouche au bout. Il agit alors vraiment comme un prolongement de la soie. Sa rigidité me permet de pêcher avec une longueur de 15 à 18 pieds. Ça peut paraître long, mais sa raideur fait en sorte qu’il se manie très bien. Ma recette est la suivante, toujours avec du fil pour avançon de manque Maxima : 6 pieds de 30 livres de résis tance, 3 pieds de 20 livres, 2 pieds de 15 livres, 1,5 pied de 12 livres, 1,5 pied de 10 livres et 2 à 5 pieds de 8 livres, selon les conditions de pêche (vent, grosseur de la mouche, niveau de l’eau). Cette recette est également très efficace pour la pêche à la noyée. La description du montage se fait en trois étapes; la fabrication du dispositif de montage, le montage de la mouche et la confection de l’hameçon.

1. Fabrication du Dispositif de Montage:

La tige de montage : Cette tige est essentielle puisqu’elle soutiendra le tube lors du montage de la mouche. Cette tige sera enlevée une fois la mouche montée et ne fait donc pas partie intégrante du travail final J’utilise un hameçon Partridge Carey Stevens #1/0 duquel je coupe l’oeillet et la pointe. Il pourrait tout aussi bien s’agir d’un substitut; ce qui importe, c’est que la tige en question puisse être fixée solidement dans l’étau et avoir un diamètre variant entre 1 et 1,5 millimètre.

Fixation du tube sur la tige de montage : On utilise deux épingles pour fixer le tube (qui est en fait une gaine recouvrant une aiguille de la compagnie « Abbott » servant à l’installation d’un soluté pour bébé) sur la tige de montage. En premier lieu, le tube (coupé à la longueur désirée) est enfilé sur la tige; on insère d’abord la première épingle à l’arrière du tube et la deuxième par la suite. Les épingles doivent être insérées sur une distance d’au minimum 8 à 10 millimètres, depuis l’arrière du tube. Deux faits justifient cette étape : de un, le tube doit nécessairement être fixé solidement sur la tige pour procéder au montage; de deux, l’étirement de l’extrémité arrière du tube, provoqué par l’insertion de ces épingles permettra ensuite l’insertion de l’hameçon lors de l’utilisation de la mouche. Cette étape est donc cruciale pour l’efficacité de la mouche. Pour finaliser cet étape, on fait pivoter le tube afin que les épingles se retrouvent en dessous (pour ne pas nuire au montage). Le tube est maintenant prêt pour le montage.

2. Montage de la Wolf Brown Chocolate:

     On applique un fond de fil sur toute la longueur du tube de la même façon que sur un hameçon, en prenant soin cependant de ne pas approcher le fil à moins d’un millimètre des extrémités car le fil pourrait glisser hors du tube.

     Queue : J’utilise du poil de corps de chevreuil naturel foncé et assez long afin d’éviter qu’il ne flair trop, ce qui résulterait en une queue trop large. La longueur équivaut au ¾ de la longueur du tube et la queue doit être assez touffue. Ce fait est important puisque le poids de la mouche sera réparti surtout sur l’arrière de celle-ci; une queue dense sera plus efficace pour bien supporter la mouche à la surface de l’eau. Il est à noter que je fixe le poil au moins jusqu’au milieu du tube et j’y applique une goutte de laque. Ceci pour assurer la solidité de la queue.

     Ailes : J’attache une pincée du même poil de chevreuil que je sépare en deux et que je relève. Les ailes se situent au ¾ du tube et sont un peu plus courtes que la queue; des ailes trop longues exercent une trop forte traction dans l’air et la propulsion de la mouche est alors beaucoup plus difficile.

     Ferret : Je le confectionne selon la méthode conventionnelle : 3 tours à l’arrière et je barre le tinsel avec deux tours de fil assez serrés. Je replie l’excédant vers l’arrière. Ce dernier servira à la confection des côtes.

     Corps : Il occupe les 2/3 arrières du tube et est composé d’un substitut de fourrure de phoque teint brun foncé. On peut la rouler directement sur le fil et tourner le corps ou utiliser la méthode de la loupe. C’est selon votre goût.

     Côtes : On fait 3 tours de tinsel médium or (celui que l’on avait replié vers l’arrière lors de la confection du ferret).

     Hackles : On sélectionne des plumes d’une selle noire et d’une selle brune, que l’on tourne ensuite une par-dessus l’autre de façon à faire une collerette brune et noire. La qualité des plumes est un facteur déterminant dans la flottaison de la mouche. Trois facteurs sont à considérer à mon point de vue. Par ordre d’importance :

     • la raideur des fibres de la plume car plus elles sont raides, plus elles supporteront efficacement la mouche au-dessus de l’eau;

     • le moins de duvet possible au centre de la plume afin d’éviter qu’elle ne se gorge d’eau;

     • un rachis le plus fin possible qui évitera d’écraser les fibres de la plumes posée précédemment.
Application le la laque : On en applique évidemment sur la tête mais il est très important d’en appliquer également sur le ferret. La partie arrière de la mouche est la plus vulnérable. Ceci s’explique en partie par l’étirement provoqué par les épingles insérées à l’arrière du tube. Lorsqu’on retire ces dernières, le tube reprend sa forme initiale et les tours de fil effectués à cet endroit deviennent plus lâches. L’application d’une bonne couche de laque évitera donc le glissement du ferret sur le tube. Il faut aussi prendre conscience que l’arrière de la mouche sera sollicité lors de la pose et du retrait de l’hameçon.

3. Confection de l’Hameçon:

     J’utilise surtout un hameçon Partridge Bartleet traditional (CS10/1) de grosseur 4 ou 6 (dépendant de la grosseur de la mouche) que je coupe au 1/3 avant. L’idée est d’utiliser un hameçon léger, qui a une hampe relativement fine (mais assez solide pour tenir un saumon!) et dont l’ouverture est assez large pour faciliter le ferrage. Un avantage intéressant de ce système est que l’on peut plier légèrement l’hameçon (en l’ayant préalablement chauffé), de sorte que l’ouverture sous la mouche sera plus grande (« gap » plus large), donc plus de chance de piquer le saumon. J’utilise du fil Gordon Griffith 14/0 de 20 livres de résistance pour fixer la loupe de baking sur l’hameçon. C’est à l’intérieur de cette loupe que le pêcheur vient attacher son avançon. Autrement dit, cette loupe remplace l’oeillet qui est trop gros pour entrer dans le tube. Je tourne deux à trois tours de fil que je barre à l’arrière de l’hameçon, plus précisément là où la courbure de l’hameçon se forme. J’attache par la suite la loupe de baking avec deux ou trois tours au plus et je coupe l’excédent arrière. J’applique ensuite de la laque pour tête de mouche sur la hampe de l’hameçon et je tourne le fil bien cordé sur la hampe jusqu’à l’avant et je reviens vers l’arrière où j’effectue le noeud. J’étends finalement la laque uniformément sur la hampe de l’hameçon à l’aide d’un cure-dent, en prenant soin d’en laisser une mince couche, particulièrement vers l’avant de l’hameçon, car c’est cette partie qui doit être insérée dans le tube. On laisse sécher et l’hameçon est prêt à être inséré dans la mouche (le tube).

     Sur ce, bon montage et Bonne pêche !

Références

» Texte et photos: Benoît Deslandes (2007).
» FQSA.
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