Quel est votre profil de pêcheur? par Jean-Pierre Martin

     Évoluant dans le milieu de la pêche à la mouche depuis plusieurs années en tant qu'instructeur, je suis en contact avec beaucoup de pêcheurs. Avec les années, j'ai observé diverses motivations et différents types de comportement relativement à la pêche. Afin de bien répondre aux besoins des personnes qui viennent me consulter pour être initiées à la pêche ou améliorer leur lancer, je me suis amusé à définir les différents profils de pêcheur. C'est une démarche pédagogique tout à fait sérieuse que j'ai choisi de présenter ici de façon légère et humoristique.

Quel est votre profil de pêcheur?
     Bien que je réponde moi-même à un certain profil, je ne prétends d'aucune façon qu'un profil est meilleur ou supérieur à un autre. Exception faite du non-respect de la réglementation et des règles d'éthique, toutes les raisons et motivations sont valables pour se retrouver avec une canne à mouche dans les mains.

     Les choses étant rarement totalement blanches ou noires, sauf pour quelques cas extrêmes, nous avons tous en nous un peu de chaque catégorie. Voici donc quelques éléments de réflexion pour définir notre personnalité de pêcheur.

     Aux extrémités de ce spectre, on retrouve deux profils principaux qui sont diamétralement opposés. D'un côté, nous avons les adeptes de sports extrêmes et, de l'autre, ceux du «slow fishing».

Le type sport extrême

Quel est votre profil de pêcheur?
     Voici quelques caractéristiques de l'individu appartenant à cette catégorie. La pêche est réellement un sport extrême pour lui. Ce pêcheur est un chasseur, un vrai prédateur. Il ne va pas à la pêche pour perdre son temps et écouter les petits oiseaux. Son objectif ultime, ce sont les émotions fortes et la capture de poissons; les plus gros, le plus grand nombre et le plus rapidement possible. Les difficultés rencontrées sont sans importance pour lui et elles rehaussent parfois même la satisfaction de la mission accomplie.

     Cette catégorie de pêcheur est souvent associée à la jeunesse, mais on y trouve des personnes de tous les âges. Certains éléments permettent d'identifier les membres de cette catégorie :

     • La qualité du lancer : on s'en fout pourvu que ce soit loin;
     • Les breuvages : -boisson énergisante (de préférence); -aucun, pas le temps de boire (dans les cas aigus et extrêmes); -thé et tisane à éviter;
     • L'équipement : le nec plus ultra, dispendieux de préférence, sans oublier la casquette;
     • La musique : énergique. Il faut bien suivre le rythme d'enfer qu'exige la quête de sensations fortes.

Le type «slow fishing»

Quel est votre profil de pêcheur?
     Totalement à l'opposé du sport extrême, on retrouve le «slow fishing». Le terme «slow fishing» est inspiré du mouvement «slow food». Ce courant de pensée a vu le jour en Europe pour s'opposer au «fast food» et tout ce qui y est relié : l'hyperconsommation, la mauvaise qualité, une course effrénée contre la montre, enfin tout ce qui affecte et altère la qualité de la vie. Le concept s'est rapidement élargi pour se développer dans tous les aspects de la vie en société. On retrouve donc le «slow living», le «slow travel», le «slow city», etc. En simplifiant énormément, on pourrait définir quelques caractéristiques communes de ces mouvements :

     -Favoriser la qualité plutôt que la quantité;
     -Goûter sereinement les plaisirs de la vie plutôt que de vivre des émotions fortes;
     -Ralentir et prendre son temps.

     La pêche à la mouche est une activité qui peut s'appliquer à ce concept de façon parfaite. Je dirais même que le «slow fishing» est lié à la pêche à la mouche depuis toujours. De nombreux pêcheurs en sont de vrais représentants, même s'ils n'ont pas encore pris conscience de leur vraie nature. Si vous combinez l'art de la photo à la pêche, vous êtes définitivement un candidat très sérieux de cette catégorie. Le terme pour définir mon approche de la pêche à la mouche m'a été suggéré par Guy Simard. 

     Bien sûr, la capture du poisson est la motivation de base, mais des liens sont à faire avec l'environnement et différents plaisirs de la vie. La pêche est devenue un prétexte pour jouir de tout ce que le contact avec la nature peut apporter comme satisfaction.

     J'avoue donc mon penchant pour la dernière catégorie de type de pêche. Par contre, je rechute facilement. Il suffit que je décèle la présence d'un gros poisson pour que je retrouve mes instincts de prédateur. D'ailleurs, la majorité des pêcheurs se situent entre ces deux pôles et dérivent occasionnellement vers l'un ou l'autre extrême. Pour définir un portrait plus exact du pêcheur, d'autres éléments doivent être pris en compte. Il s'agit en fait de sous-catégories.

Le type solitaire vs le type social

Quel est votre profil de pêcheur?
     Nous avons d'un côté le pêcheur solitaire. Que ce soit un adepte du sport extrême ou du «slow fishing», pour lui, l'expérience de pêche doit se vivre seul.

     À l'autre extrême, la pêche est un prétexte pour se retrouver entre amis. Il serait impensable d'y aller seul.

     Entre ces deux pôles se retrouvent encore une fois la majorité des pêcheurs qui ont leur partenaire de pêche régulier ou occasionnel. 

     C'est souvent la formule idéale. En plus d'avoir de la compagnie, quelqu'un est témoin de nos exploits, et ce n'est pas la foule.

     Avertissement : Pour une expérience de pêche agréable, il est essentiel que les partenaires de pêche aient des profils identiques ou compatibles. Sinon, les conséquences peuvent être désastreuses.

     Les membres de toutes les catégories vont irrémédiablement passer en mode social à un moment donné, même le pêcheur solitaire, particulièrement après une grosse prise. L'adepte du «slow fishing» va aussi se retrouver à côtoyer ses confrères avant ou après la pêche, cette relation faisant définitivement partie des plaisirs de la vie.

     Un élément indissociable du type social est le «standing». Avoir péché certaines rivières et fosses (célèbres), dispendieuses de préférence, avec telle ou telle personne, est une obligation pour se démarquer du pêcheur régulier. Les compétitions de pêche à la mouche et de lancer, en plus du plaisir qu'elles procurent à leur participant, ont aussi une composante «standing» indéniable.

     Ainsi donc, sauf dans les cas extrêmes, il n'est pas facile de s'identifier à un groupe, ceux-ci étant souvent interreliés et changeants.

Le type technicien

     On est ici en présence de gens sérieux, la pêche étant trop importante pour laisser la place au hasard et à la chance.

     Pour ces pêcheurs, l'accent est mis sur les savantes explications qui soutiennent les choix de matériel, de période et d'endroit de pêche, ainsi que sur les techniques de mise et les incontournables.

     Si vous faites vos bas de ligne avec plus de trois sections, vous êtes définitivement un candidat sérieux pour cette catégorie.

Le type matérialiste

     La quantité d'équipement possédé est ici un très bon indicateur. Le test est assez facile à faire : combien de cannes, de soies et de moulinets possédez-vous? Bien sûr, on peut rajouter les embarcations, les moteurs à essence et les moteurs électriques, les sonars, le véhicule et, surtout, le nombre de mouches ainsi que tous les accessoires qui permettent de maintenir son statut de pêcheur équipé.
Parfois, on veut briser la routine ou chercher une solution miracle pour arriver à de nouveaux résultats. On va alors essayer différents types de pêche (Spey, Tenkara, pêche à la nymphe, etc.) et différents équipements (canne et soie de dernière génération, mouche tube...). On peut donc facilement se retrouver à cheval entre les types technicien et matérialiste, les deux étant souvent interreliés.

Le type rebelle

     Enfin, le dernier type de pêcheur: le rebelle. Voici quelques caractéristiques de ce personnage dont la rébellion peut prendre plusieurs formes:
     -La façon de faire : il s'en fout ou il l'ignore;
     -La technique : il s'en fout ou il l'ignore;
     -La mouche : il s'en fout (il l'a achetée au dépanneur);
     -Le lancer : bof!

     Et pourtant, ces individus ont une part de succès, ce qui peut en faire rager plusieurs.

     Voici une anecdote qui m'a été racontée et qui correspond exactement à ce profil de pêcheur: une pêcheuse relativement novice a, en situation de pêche, proposé une mouche bleue. Les experts présents lui ont alors fortement déconseillé ce choix. L'avertissement fut ignoré par la pêcheuse, mais vlan! un saumon a sauté sur sa mouche.

     Il y a vraiment de quoi crier à l'injustice; avec toute l'énergie et l'argent investis pour obtenir les meilleures informations, les meilleures rivières et les meilleures fosses, pour tenir compte des phases de la lune, de la température de l'eau et de son débit, pour avoir acheté à gros prix l'équipement, avoir «La» mouche et le premier venu, avec un équipement ridicule et une technique douteuse, attrape son saumon.

     D'un autre côté, on pourrait voir cela comme la justice ultime. De même que nous sommes tous égaux devant la maladie et la mort, riche ou pauvre, intelligent ou niais, nous sommes encore tous égaux devant Salar.

Les différentes étapes dans la vie du pêcheur

Quel est votre profil de pêcheur?
     Je ne me souviens pas où et quand j'ai entendu cette pensée en lien avec l'évolution d'un pêcheur, mais cela m'a marqué. Côtoyant beaucoup de pêcheurs de tous niveaux depuis de nombreuses années, j'ai été en mesure de constater la justesse des propos suivants. Bien que je les présente dans un ordre chronologique, sachez qu'on peut parfois sauter ou mélanger les étapes.

Premier temps : prendre un poisson

     Le pêcheur novice doit prendre un poisson à tout prix. Un petit, un gros, un meunier noir, une truite de 4 pouces... N'importe quel poisson fera l'affaire, mais il faut qu'il se passe quelque chose.

Deuxième temps : le plus de poisson possible

     La glace étant brisée, la deuxième étape apparait rapidement. À ce moment, l'objectif est de prendre le plus de poisson possible. Il est alors nécessaire d'éduquer les pêcheurs pour les sensibiliser à l'importance de protéger la ressource en respectant les quotas.

     Donnant des formations à des jeunes (à la Fondation du Dr Julien à Montréal) depuis sept ans, je suis en mesure d'affirmer que, particulièrement chez les jeunes, la première étape est souvent de très, très courte durée.

Troisième temps : les plus gros

     On retrouve ici la majorité des pêcheurs pour qui le gros poisson est la plus grande source de satisfaction. Dans les cas extrêmes, les compétitions de pêche à la mouche sont un bon exutoire pour les membres des deux dernières catégories avec, en bonus, l'aspect social et la célébrité.

     Encore ici, il est important d'éduquer et d'enseigner qu'un gros poisson, en plus d'avoir une quantité d'oeufs supérieure, a une génétique de gros poisson, d'où l'importance de le remettre à l'eau. Il n'y a pas de problème à garder les petits pour un bon repas, mais les gros devraient être remis à l'eau (après une photo, bien sûr!).

Quatrième temps : les plus difficiles

     On arrive ici dans le domaine des spécialistes. Le nombre de candidats est moindre, mais on retrouve ici des pêcheurs déterminés, ceux qui ont tout vu, tout capturé. On n'a pas de temps à perdre avec le menu fretin. On peut s'en contenter pour ne pas revenir bredouille, mais la quête est d'accomplir l'exploit et, bien sûr, de le faire savoir par la suite.

Cinquième temps : on s'en fout

     On est ici officiellement dans un cas de «slow fishing». L'important est d'avoir les pieds dans l'eau d'une rivière et une canne à mouche dans les mains. La capture du poisson, bien qu'elle représente la cerise sur le sundae, n'est qu'un élément du plaisir global.

Le lancer dans tout ça?

     Tous ont avantage à augmenter leur habileté en lancer, particulièrement lorsqu'on se rapproche des extrêmes. Même le rebelle y trouvera son compte, exprimant sa différence par l'exécution de lancers que la majorité des pêcheurs ignorent. Le lancer ovale en est un bon exemple. Voici une autre histoire de rebelle et de lancer. Sur la rivière du Gouffre, un de mes amis péchait à la mouche sèche avec sa canne à une main et des lancers Spey. Arrive un autre saumonier. Voici le résumé de leur conversation :

     Le pêcheur - C'est un lancer Spey, ça?
     Le rebelle - Oui.
     Le pêcheur - On n'est pas supposé pêcher en sèche avec les lancers Spey?
     Le rebelle - Ah non! Bon, alors appelle cela comme tu veux, mais moi, c'est comme ça que je pêche.

     Et vlan! Un saumon qui ignorait cette consigne saute sur la mouche.

     En tant qu'instructeur de lancer, j'ai autant de plaisir à côtoyer des pêcheurs de tous profils. Chacun d'eux représente un défi et nécessite une approche différente. Le pêcheur extrême saura tirer parti de ses habiletés pour mieux arriver à ses fins, et le contemplatif découvrira le plaisir de la maitrise du lancer. Personnellement, j'ai maintenant autant de plaisir et de satisfaction à enseigner et à lancer qu'à pêcher, ce qui explique en partie mon affinité avec le «slow fishing».

Conclusion

     J'avoue être passé par tous les situations et cycles que j'ai mentionnés, et parfois même de façon excessive. Aujourd'hui, je peux définir mon profil personnel ainsi: «slow fisher» ascendant rebelle, à l'aspect social très développé (vu mes formations), mais pêcheur solitaire.

     Pour ce qui est des lancers, je suis 100% technicien et, côté matériel, bien que j'apprécie l'équipement de qualité, ce qui compte vraiment, c'est celui ou celle qui manie la canne.

Et vous? Quel est votre profil?

     *Salutations respectueuses à tous les pêcheurs et pêcheuses qui m'ont inspiré pour cet article.

références

» Texte de Jean-Pierre Martin; Instructeur certifié de lancer à la mouche
» Magazine Saumon Hiver 2017.

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