Chronologie Historique Mondial de la Pêche à la Mouche

Raconté par Michel Lavallée

1310  Textes allemands: la pêche à la mouche est une méthode utilisée habituellement " par le peuple" sur un territoire allant de la Suisse jusqu'à l'actuelle Syrie.

Chronologie historique mondial de la pêche à la mouche par Michel Lavallée
1496 Dame Julyana Berners

     La première édition du livre de Saint Alban (1486), ne traite que de chasse et de héraldique, et est signée Dam Julyans Barnes. La seconde (1496), publiée à Londres chez Winken Worde est signée "Dame Julyans Bernes".

     Dame Julyana Berners - s'est lancée dans la rédaction d'un tel traité car elle tient en haute estime les loisirs de plein air. Son originalité a été non seulement de mettre la pêche au même niveau que la chasse, mais surtout de traiter la pêche comme un sport de loisir. La finalité n'étant pas de prendre du poisson à tout prix. Ce que presque cinq siècles plus tard, nous considérerons comme une approche moderne de la pêche sportive. 1450 (et publié en 1496) « The book of saint Alban » et « A treatyse of fisshinge wyth an angle ».

     C'est le premier traité de pêche édité (1496), il faudra attendre Izaak Walton et Charles Cotton pour retrouver un guide pêche d'une aussi grande qualité. Il faut bien préciser que la première édition de 1486 est un traité de chasse, fauconnerie et héraldique. Le traité de pêche n'apparaît que dans la seconde édition de 1496 sous la forme d'un chapitre ajouté de 23 pages. Il n'existe aujourd'hui que deux copies originales conservées précieusement dans la bibliothèque universitaire de Yale (Connecticut), et malheureusement les deux sont incomplètes. Il aura fallu attendre 36 ans et l'avènement de l'imprimerie pour qu'ils soient enfin publiés par Wynkyn de Worde à Londres. .
 
     Puis commence le traité par lui-même ou l'on apprendra à construire sa canne, en noisetier ou bouleau, la redresser au feu, faire la poignée, elle était à emmanchement avec viroles, les deux bouts creusés avec des broches à gibier chauffer au rouge. Enfin il fallait tresser la ligne à partir de crins de la queue d'un cheval blanc (pas d'une jument car ses urines brûlent le fil). Les crins seront teints suivant les eaux pêchées, description des teintures et comment les obtenir.
 
     Pour la mouche, le crin doit être laissé à l'état naturel. Sans oublier les chaînettes pour l'avançons des lignes à brochets. Puis vient ce qui, aux yeux de notre fée, est le plus difficile: la construction de l'hameçon qui, vu le matériel et les matériaux employés, ne devait pas descendre au-dessous du numéro 10. Dessins et croquis accompagnent le tout, ainsi qu'un croquis de tous les outils nécessaires à la construction de tout votre matériel. Sans oublier le métier à tisser les crins de cheval.
 
1450 - 1540 Fernando Basurto

     Si vous deviez vous rappeler d’un seul nom, d’un seul auteur parmi les précurseurs qui donnèrent leurs lettres de noblesse à notre sport, que ce soit celui-ci. En effet, tous les autres, de Dame Julyana à Izaak Walton, vous les retrouverez cités dans des dizaines de livres ou d’articles différents, alors que notre aragonais demeure ignoré ou négligé, ne méritant au mieux que quelques lignes. Pourtant son manuscrit édité seulement un an avant la disparition de son auteur est d’une incroyable qualité, nous obligeant à relativiser constamment nos complexes de supériorité d’Hommes modernes.

     Fernando Basurto est né à Jaca (Aragon), mais sa profession de militaire au service du roi d’Espagne l’appellera à servir sous d’autres cieux.

     Le livre de Dame Juliana Berners a été écrit en 1486 et le chapitre de pêche sera rajouté dix ans plus tard en 1496, mais ne sera imprimé que 36 ans plus tard, le livre de Fernando Basurto verra le jour 40 ans après et il faudra attendre encore 120 ans pour pouvoir lire Isaak Walton.
 
     Emilio Fernandez Roman nous dit dans son livre "Los Orígenes de la pesca con mosca y el camino de Santiago" (Madrid 1999) que le livre de Fernando Basurto a disparu et qu'il n'en existe aucun exemplaire en Espagne. Edmond Ardaille dans le sien "Des mouches et des hommes" (Nîmes 1994), écrit qu'un exemplaire a été découvert dans les années 70 à la bibliothèque de l'arsenal à Paris.
 
1539 Dialogo que agora le hacia

     Dialogue qu'alors il lui faisait: destiné au très illustre senor Don Pedro Martinez de l'Una Code Aborata: Senor de la casa de Hueca.

     1500 On cite pour cette période un manuscrit en Bavière, propriété de l'abbaye de Tegernsee, recensant environ une quinzaine de modèles de mouches ne portant aucun nom. Mais le plus intéressant, c'est la description de mouches pour capturer les brochets ou les carpes, ce qui est présenté aujourd'hui comme le top de la pêche moderne.
 
     1530 environ, un texte anglais conservé à la bibliothèque britannique de Harley (réf. 2389) décrit comment attraper les " trowte " ... de juin à juillet et août dans la partie supérieur de l'eau (de la rivière) avec une mouche artificielle (artificiall, ce doit être la première mention de cette dénomination) fabriquée sur votre hameçon avec des soies de diverses couleurs comme les mouches (naturelles)..."
 
Les Cinq magnifiques

     La période de la guerre civile (Civil War 1639-1651), outre son cortège de morts, de tortures et d'exils à provoquer l'apparition de cinq personnages qui écriront de merveilleuses pages sur notre pêche à la mouche. Ces cinq personnages sont Izaac Walton, Charles Cotton, Colonel Robert Venables, Thomas Barker et Richard Franck.

Le premier moulinet

     Il est le premier à décrire l'ancêtre de nos moulinets et accompagne son texte d'un croquis absolument incompréhensible. Il faut reconnaître que malgré la polémique qui le sépare de Walton, pour qui il a eu des paroles très dures, la philosophie de la pêche le fait encore coïncider: "The gentlemen angler that goeth to the river for his pleasure". Il pêche pour le plaisir et non pour accumuler les prises.

     Pour tout ce qui nous intéresse plus particulièrement, sa connaissance de la mouche, il nous explique que "to angle with a flye, which is à delightfull sport", c'est un sport délicieux. La canne doit être légère en un seul morceau ou à deux brins à emboîtements. La ligne doit être discrète et oui se terminer à deux ou trois crins de cheval. Il nous prévient quand même, et c'est du vécu, que si l'on peut la terminer avec un seul crin, on pourra attraper (to kill) beaucoup de poissons. Pour la pêche de nuit, il conseille une ligne commençant par quatre brins, deux de soies mêlés à deux crins de cheval et terminant en trois brins, un de soie et deux crins.

     Ayez le vent dans le dos (méthode du dapping), afin de mesurer la longueur du lancer et de s'assurer que la mouche arrive devant le poisson avant le bas de ligne (ne pas couvrir le poisson). Le soleil tout comme la lune, car il pratiquait beaucoup la nuit, doivent être en face, "ayez grand cure de cela". Ce sont ces recommandations que l'on retrouve dans le livre de Walton.
 
     Et enfin la mouche: y sont décrites toutes sortes de "palmers", palmer noir avec cerclage de « tinsel» argent, palmer noir et corps orange, et la fameuse "Red Palmer" qu'utilisaient déjà les Macédoniens d'Alien. Pour chaque mois nous avons droit à quatre à cinq mouches décrites. " Il y a beaucoup de bonnes fourrures qui fournissent de bons corps: et maintenant j'utilise beaucoup de la "laine" (bourre) de sanglier, je trouve qu'ainsi elles flottent mieux et procure un meilleur sport".

     C'est la magie de la sèche toujours recommencée ... mais en « dapping». Sans peur de se contredire, notre homme nous confie à la suite que la mouche naturelle est plus prenante et donne plus de plaisir. Et il continue pour son Lord préféré, une longue description des mouches naturelles et de leur capture.

     Et enfin dans le dernier paragraphe, l'auteur avoue un secret qu'il découvrit sur le tard. Mais s'il l'avait découvert 20 ans plus tôt, il lui aurait fait gagner des "centaines de livres". Un appât merveilleux, le meilleur pour la capture des truites.

     Mais qu'est-ce donc vous dites-vous?

     L'Oeuf de saumon -et oui- vraiment imbattable selon Thomas Barker, et aussi pour nos instances de pêche qui l'on interdit partout.
 
1593- 1683 Isaac Walton

     James Prosek, dans son livre "The Complet Angler" raconte, comment lui, le yankee du Connecticut, est allé en Angleterre faire un pèlerinage sur les pas de son maître, Isaac Walton. Il écrit plusieurs fois que Walton est l'auteur d'un livre dont tout le monde parle, mais que personne n'a lu. Je lis un autre ouvrage sur l'histoire de la pêche à la mouche; cette fois, son auteur y affirme qu'Isaac Walton a écrit un livre de pêche à la mouche. C'est totalement faux bien sûr car il ne pêchait pas à la mouche. Et si Prosek, avec sa provocation toute américaine, avait raison?

     Si d'auteur le plus lu, Walton était devenu aujourd'hui: "celui dont tout le monde parle, mais que personne n'a lu". 

1653 « The Compleat angler or The contemplative man's recreation ». 1653 date de la première édition, puis sans cesse rééditée avec corrections et additifs, jusqu'a l'édition du texte définitif en 1676, 300 ans plus tard on comptera plus de 400 rééditions de ce livre.

     La pêche à la mouche n'apparaît que dans la cinquième édition, du vivant de Walton, mais le chapitre est signé par son grand ami, Charles Cotton et a été rédigé à la demande de Walton lui-même. "Le parfait pêcheur à la ligne ou le divertissement du contemplatif" est une conversation entre un pêcheur passionné "piscator" (en fait Izaac Walton lui-même) et celui qui deviendra son disciple "Venator" le chasseur. Il le convertira au fil des pages non seulement à la pêche à la ligne, noble sport, mais à la philosophie de cet art. Ce qui donne à cette œuvre de divulgation et d'apprentissage toute sa fraîcheur et tout son attrait. Attrait qui dépassera largement le seul cercle des amateurs de pêche à la ligne.
 
     Bibliographies: Le parfait pêcheur à la ligne, Izaac Walton
     Références: Edition: Jerome Millon 134 chenin de l'étoile 38 330 Montbonnot-St-Martin
 
     The origins of angling: An inquiry into the early history of fly fishing with a new printing of "The treatise of fishing with an angle". John Mc Donald
New York: Lyons and Buford 1997
 
Charles Cotton (28 avril 1630 - février 1687)

     Contrairement à Izaak Walton qui est un grand intellectuel mais autodidacte, Charles Cotton est né dans une famille de grands propriétaires terriens et fit de grandes études dans les meilleures écoles anglaises. A la mort de celui-ci, il hérite de grandes propriétés à Bentley et Beresford. Cette dernière traversée par la Dove « river », une excellente rivière à truite et ombres. Il s'y essaiera avec succès à l'art de la pêche à la mouche et à l'étude des " May Flies " dans le sens que lui donne les anglo-saxons, c'est à dire les éphémères en général.

     NOTE: Walton et le père de coton était de bon amis. En dehors de sa participation dans « Compleat Angler », Cotton écrit : « Poems from the works »

1676: Instructions pour la pêche de la truite ou de l'ombre en eau claire.

     En Espagne, nous l'avons vu, les mouches ont connues une évolution et une transformation constante jusqu'aux mouches excessivement compliquées du Manuscrit d'Astorga. Étrangement en Angleterre elles ne connurent aucun changement pendant les 400 ans qui séparent le manuscrit de Dame Julyana et les écrits de Charles Cotton. Cotton continue donc l'œuvre de Walton, dans le même style littéraire.
 
1624 - 1690 (environ) Richard Franck

     Né à Cambridge, sous le règne de James VI. A la grande différence des autres auteurs halieutiques de son époque, il pratiquera ce que l'on appelle aujourd'hui le voyage de pêche. Il écrit un premier livre « Northern mémoires » dans lequel il raconte un voyage en Écosse, ce qui était à l'époque toute une expédition. Il fallait deux jours et demi pour faire Londres-Birmingham. Richard Franck est un pêcheur de saumon à la mouche, et décrira son art, ses techniques et ses parties de pêche avec force anecdotes. Il partira aux Amériques à la mort de Cromwell et ce sera très certainement un des premiers à y pratiquer la pêche sportive. Il y écrira deux autres livres.
 
1658 Northern Memoirs.

     Richard Franck pratiquait la pêche du saumon à la mouche, et fut très certainement un des premiers à en faire une spécialité. Il est en tout cas le premier à décrire son art et à expliquer en détail ses techniques. Comme chacun le sait, le saumon ne se nourrissant pas en eau douce, sa pêche est très complexe et aléatoire. Comment provoquer son agressivité, sa curiosité ... ou réveiller chez lui ses sens ataviques de nutrition? Richard Franck nous fait part de ses réflexions, quelque fois très empiriques et raconte avec forces détails et anecdotes ses parties de pêche. Imaginez un seul instant, qu'il fut très certainement le premier à pêcher, seul, les rivières à saumon d'Amérique du nord. Ces rivières n'avaient pratiquement pas changé depuis l'aube des temps. Même avec un matériel très archaïque, ces parties de pêche devaient être homériques ce qu'il se plait à nous raconter.
 
     Il pêchait avec une canne de noisetier, recouverte de cuir ou de parchemin peint. Comme on le faisait en Angleterre à cette époque. Malgré le poids, c'était des cannes à une main. La ligne était faite de crins de cheval tressés. Une des techniques employée lorsque l'on piquait un gros saumon, et surtout si la morphologie de la rivière s'y prêtait, on jetait la canne à l'eau. Le saumon se fatiguait à la tirer derrière lui, et lorsque le pêcheur jugeait qu'il était éreinté, il lui suffisait de récupérer sa canne comme il pouvait. La ligne pouvait être attachée directement à la canne, ou à une lanière de cuir souple. Cette dernière reliant le bas de ligne à la pointe de la canne, c'était en fait l'ancêtre d'une soie et d'une queue de rat dégressive. Il fallait alors pêcher avec le vent dans le dos pour aider le posé. Mais, Richard Franck décrit aussi une autre technique. La canne possédait alors un seul anneau de pointe ou circulait librement la lanière de cuir, le pêcheur gardant en main un réserve qu'il lâchait ou récupérait au moment du lancer, ou qu'il utilisait au moment du combat avec le poisson. Il décrit aussi l'ancêtre de nos moulinets, s'apparentant plus à la pêche au cadre, mais qui pouvait être fixé à n'importe quel point de la canne. Manier un tel matériel seulement quelques heures devait être absolument épuisant, Richard Franck raconte des journées entières de pêche, il devait être un véritable athlète.
 
1662 The experience'd angler: or angling improv'd

     Comme chez Berners, Walton et Basurto, qu'il aura sans doute lu, Robert Venables note que le pêcheur est d'un naturel plus calme que les chasseurs ou les fauconniers. Mais le corps du livre est destiné surtout à l'apprentissage de la pêche.

     Comment fabriquer son matériel, ligne, hameçons et canne. Liste des mouches artificielles et leur description. Appâts divers et leur préparation et listes des poissons auquel ils sont destinés.

     Il conseille d'imiter les couleurs de l'insecte naturel et précise qu'il faut respecter les proportions de l'insecte. Avec les hameçons grossiers façonnés sur des aiguilles de cordonniers ce ne devait pas être chose facile.

     Il est le premier à traiter de techniques de pêche en lac.
 
1681 : Chetham "Angler vade-mecum", première apparition d'une imitation de March Brown, appelée Moorish Brown, montée avec un corps en laine d'oreille de mouton soie rouge et une aile en perdrix. Une vingtaine de montage qui perdure encore aujourd'hui.
 
1724: Jaumes Saunders "The compleat fisherman".

     Il explique avec envie que des Suisses et des Nord-Italiens pêchent avec un fil très fort et très fin ayant la consistance d'un cheveu. Il serait constitué du fil de vers à soie (tripe) et serait si fort qu'aucun fil dans la nature ne pourrait l'égaler en de si petit diamètre. Il a bien raison de préciser "dans la nature" - encore que des araignées tissent une soie bien plus résistante - car l'arrivée du nylon et ses incroyables propriétés fera tomber le "gut" dans l'oublie.
 
1747 Bowlker " Art of angling". Une trentaine d'artificielles, sa March Brown est telle qu'elle est montée aujourd'hui, oreille de lièvre et annelure en soie jaune, hackle de perdrix et aile en poule faisane.

1800 ce sont les balbutiements de la révolution industrielle, de nouveaux matériaux arrivent des colonies, des machines accompagnent le travail des Hommes. On explore tout juste les possibilités immenses qu'offre la miniaturisation.
 
La canne devint fouet ….

     Pendant des milliers d'années, le bois aura servi de canne à pêche, le noisetier, le pin, le frêne. Souvent creusé au fer rouge pour créer les emmanchements. Ils auront servi fidèlement les pêcheurs. Mais le bois est lourd. S'il ne maltraite pas le poignet des plus forts, il finissait toujours par casser au niveau du scion ou aux emmanchements. C'était la hantise de nos ancêtres disciples de Saint Pierre. Pour se prémunir de cette maudite casse, les bois étaient peints, recouverts de tissus ou de parchemins, renforcés avec des cordelettes, de la soie, du cuir. Les emmanchements recevaient des viroles de cuivre, de bronze et même d'argent. Elles mesuraient entre 3,50 mètres (12') et 5 mètres (16') pour les cannes à saumons. Les anneaux apparurent relativement tard, pour la bonne raison que le crin de cheval, en tresse plate, avait une très mauvaise glisse. Le frottement effilochait la tresse ce qui la rendait très rapidement inutilisable. Mais les pêcheurs, et notamment les saumoniers ont rapidement compris l'intérêt de cette réserve de "fil". Ils ont utilisé un temps des lanières de cuir reliées à leur ligne circulant dans un seul anneau en pointe de canne. Jusqu'à ce que des mystérieuses mers de Chine, les grands bateaux apportèrent un matériau naturel et inespéré, le bambou. Bien supérieur à nos roseaux bien que graminés comme lui, il a la faculté de sortir du sol sous toutes sortes de diamètres. Curiosité de la nature son diamètre au sortir du sol sera son diamètre définitif. Autre oriental mystère, il fleurit de façon tout à fait irrégulière, et reste des années sans le faire, mais tous les bambous de la terre fleurissent tous au même moment. Personne n'a encore découvert le mystérieux signal qui les réveille tous en même temps. Tout d'abord il servira à l'état brut pour remplacer avantageusement les scions (60 cm) de coudrier, de pommier sauvage et même en fanon de baleine. Il existe mille espèces de bambou mais seulement deux (Arundinaria amabilis et Pseudosasa amabilis) sont assez dures et denses pour fabriquer des fouets de qualité. Puis suivant le même chemin maritime que le bambou, la technique du refendu arrivera en Europe. La pêche en sera totalement bouleversée. Les cannes à truites raccourciront mais pas les cannes à saumon. Elles ne cassaient plus, elles étaient belles et vernies. Le pêcheur pouvait s'y attacher, elles devenaient l'objet de toutes les attentions, presque le prolongement naturel de notre bras. Un objet de luxe à admirer et à faire admirer. Lorsque le faux lancer fut découvert, la pêche à la mouche prit un tout autre aspect. Fini ces sempiternels conseils de profiter des jours venteux et des eaux grises pour partir à la pêche. La distance allait être multipliée et le moucheur pourrait œuvrer hors de la vue du poisson. Mais pour cela il fallait encore une ligne de qualité avec une bonne glisse.
 
La ligne devint soie...

     Entre la pêche décrite par Alien et la fin du 18ème siècle, la ligne de crin de cheval tressée était le nec plus ultra de la pêche. Un crin en excellent état pouvait supporter jusqu'à 1,8 kilogramme. Malheureusement les tresses finissaient toujours par s'effilocher avant de casser. Monter un hameçon sur un bas de ligne terminé par deux ou trois crins n'était pas chose aisée. La jonction entre l'hameçon et la tresse était un point de friction qui fragilisait la ligne. Et pour couronner le tout, le crin de cheval flotte, et les tresses flottaient encore plus. Le moucheur en était réduit a toujours pêcher juste sous la surface. Avant chaque partie de pêche, il fallait laisser tremper sa ligne afin qu'elle perde un peu de flottaison et surtout qu'elle perde une mémoire exceptionnelle. Qualité particulièrement détestée des pêcheurs, d'hier et d'aujourd'hui. Le premier luxe arriva une nouvelle fois de Chine. Depuis 5000 ans on y élevait un papillon, le "Bombyx morij ", dont la chenille fabrique un cocon formé de deux poches en fils de soie de trente à quarante centimètres chacun, particulièrement résistants, transparents et très faciles à tisser. Les Chinois toujours ingénieux, mais comme aujourd'hui protectionnistes à tout "crin", firent tout leur possible pour empêcher le vers à soie de sortir de leur territoire. Mais soit par mer soit en suivant les fameuses routes de la soie, les premières chenilles firent leur apparition en Europe. Apportées vraisemblablement par les conquérants arabes. C'est l'Espagne qui sera le premier centre de production de soie brute d'Europe

     Le pêcheur mélangea alors cette soie à ses sempiternels crins de chevaux. Il y gagna en souplesse, en solidité, mais pas en glisse ni en mémoire. Les premières machines à tisser permirent d'obtenir des tresses rondes et un "serré" que l'Homme n'était jamais arrivé à obtenir de ses doigts. Les moucheurs ne pourront utiliser la soie seule que
La soie remplacerait le crin de cheval pour devenir le « Gut » que connurent encore nos grands-parents.
 
     Mais il sera détrôné en 1930 par l'arrivée du nylon dûment patenté et commercialisé par Du Pont de Nemours. Un Français établis aux USA à qui nous devons aussi le Téflon et le Kevlar. La soie constituera aussi la cordelette qui entraîne la queue de rat. Elle lui laissera son nom même lorsque celle-ci sera remplacée par des fibres synthétiques. Pour la première fois il y avait dissociation entre le bas de ligne et la queue de rat. Encore fallait-il une réserve permettant un lâcher régulier sans emmêlement. La récupération elle n'étant pas le vrai problème.
 
La bobine devint moulinet…

     Les réserves de lignes se tenaient lovées dans la main, puis enroulées sur une planche, un peu comme dans la pêche au cadre. Les plus ingénieux récupéraient des bobines de soie ou de laine, qu'ils bricolaient et fixaient sur leurs cannes en adaptant une manivelle directement sur le tambour. En 1800 les techniques artisanales et la miniaturisation étaient à ses balbutiements mais on connaissait tous les avantages des rouages et des poulies qui permettaient de démultiplier les mouvements. Les premiers moulinets de cuivre firent leur apparition. Encore une fois ce sont les saumoniers qui innoveront et les utiliseront pour travailler leurs poissons. Rapidement suivi par les pêcheurs de truites. Le débat du moment était de savoir s'il fallait diriger le moulinet vers le haut de la canne ou vers le bas. Aux États-Unis ou l'on pêchait l'omble des fontaines (brook trout) en noyé, la sèche se développera avec l'introduction de notre bonne vieille Fario. Les premiers moulinets seront usinés. Les premières marques feront leur apparition Pfleuger, Lever Winch, et le fameux Perfect que beaucoup de nostalgiques considèrent comme le meilleur moulinet à ce jour, puis naîtra la firme Orvis et bien d'autres ensuite. L'Amérique du nord ne dépendrait plus de l'Angleterre pour écrire sa propre histoire de la pêche à la mouche.
 
     Les pêcheurs qui depuis des milliers d'années avaient été obligés de fabriquer eux-mêmes leur matériel, laissèrent ce travail aux machines et aux industriels. Les prix baissèrent d'autant ce qui provoquera l'essor des boutiques spécialisées. Ces centres culturels permirent un échange rapide des informations. Le pêcheur perdit sa liberté de construire son propre matériel, en échange il rentrait lui aussi dans la culture de l'objet et la société de consommation. Ce qu'ils perdaient en initiative, ils le gagnaient en efficacité et en goût pour le beau matériel.

     Mais le pêcheur à la mouche continue à monter ses mouches lui-même, certains montent leurs cannes à partir de « blanks » usinés. Il existe aussi des clubs du refendu dont les membres construisent de véritables petites merveilles à partir du bambou brut. Plus que tout autre sport la pêche à la mouche se pratique encore lorsque la partie de pêche est terminée et que le pêcheur fait naître son matériel de ses propres mains. 

1800: Scotcher "Fly fisher legacy".

     1816: George C. Brainbrige signe «The Fly fisher's guide" publié à Liverpool. Il écrit: " la Gray drake ... doit être lancée directement au-dessus du poisson et manipulée de façon à ce que les ailes ne touchent jamais l'eau". Une description de la pêche à la mouche sèche amont, soixante-dix ans avant la publication de "Floanting fly" d'Halford.
 
1825: Luis de Pena "El manuscrito de Léon"

     C'est en fait la récupération du "Manuscrit d'Astorga" (voir plus haut), adapté et complété. Pendant très longtemps ce sera le seul témoin que l'on connaîtra sur l'œuvre de Juan de Bergara. Au catalogue de Juan Bergara, de la Pena a rajouté 41 mouches artificielles. Certaines, encore connues et utilisées sous le nom de "Montage à l'espagnole". Malheureusement l'original du "Manuscrito de Leon" a été offert au Général Franco en même temps que le "Manuscrito de Astorga", et ils ont disparu tout les deux.

     Selon le spécialiste Alfonso García Melon les imitations de Juan de Vergara étaient des mouches sèches alors que celles rajoutées par Luis de la Pena son noyées.
 
[b] 1836: Alfred Ronalds publie " The fly-fisher's entomology".

     La découverte de la mouche artificielle et la multiplication des modèles imitant la nature devait provoquer immanquablement la naissance de vocations entomologiques.
"Imitez les mouches sur l'eau conseillaient nos lettrés de la pêche. Encore fallait-il les reconnaître, leur donner un nom, ne serait-ce que pour pouvoir parler avec les autres pêcheurs. Les quelques essais de description de la vie des insectes aquatiques avaient été jusqu'a cette date, plus qu'approximatifs.
 
     C'est sur la rivière Dove (Staffordshire), celle de Charles Cotton que Ronalds découvre la pêche à la mouche. Ce n'est pas la seule coïncidence avec Cotton, sur la Blythe river affluent de la Dove il fera construire un tout petit "fishing cottage". Equipé de trois fenêtres donnant sur la rivière et permettant de voir la vie des ondes sans être vue. C'est là qu'il passera ses journées prenant notes et dessinant. Il sera le premier à écrire sur les cônes de vision des poissons et notamment de la truite. Ses déductions sont justes et pourraient être publiées aujourd'hui sans guère de correction. Ronalds observe et décrit la vie des insectes et illustre son livre de 19 planches au cuivre, absolument magnifiques. Il décrit une cinquantaine de mouches artificielles en précisant le nom de l'insecte imité. Malheureusement il n'aura pas connu l'essor de la mouche sèche.
 
     De 1836 à 1877, huit éditions se sont succédées. L'auteur explique dans la troisième édition qu'il se propose de commercialiser ses propres imitations. Ce qu'il fera lorsque ses parents iront s'installer à Dolgelly (Pays de Galles). A la mort de son épouse il laisse ses « Chalk Streams » et part avec ses six enfants en Australie.
 
1845: John Brown "American Fishing writter".
 
1851: Pulman "Vade mecum of fly fishing for trout". Premiers balbutiement de la pêche en surface avec une mouche sèche. Il est le premier à décrire les règles de l'art. A remarquer, une tentative de réunir de façon exhaustive toutes les imitations de mouches artificielles connues à ce jour en Grande-Bretagne.
 
1857: Stewart dans son "Practical Angler" conseille aussi le "Fish up Stream", pêcher amont, a contrario de la noyée qui se pratique 3/4 aval. Il décrivit comment pêcher en mouche flottante (sèche). Ce sont vraiment les débuts de la pêche à la mouche sèche, et ils ont lieux en Ecosse. Il fut l'un des tous premiers professionnels de la pêche de loisir. Il pêchait surtout avec des palmers, Red Palmer et quil Palmer. Il fit école car son livre très facile à lire explique méthodiquement ses techniques. C'était un excellent pêcheur à la mouche. Il écrira: " La mouche qui flotte et attrape (kills) du poisson et c'est parce qu'elle flotte".
 
     Ce jeune Ecossais expliqua qu'il fallait pêcher amont, avec une canne légère et rigide d'environ dix pieds. Il avait déjà tout compris, décrivant avec 150 ans d'avance ce que serait la "Mouche" de nos jours.
 
1864: Thad Norris (U.S.A) publie "The american angler's book". L'Amérique du Nord est encore colonie anglaise.
 
1867: Francis Francis "A book of angling"
 
1879: Ogden "Fly tying".
 
1880: William Senior " Travel and trout in the Antipode" ou il raconte ses expériences et ses aventures de pêche en Australie. En 1890 il publiera: "Near and far sport and colonial". Il est diplomate et est envoyé en Australie pour installer l'Assemblée législative du gouvernement Hansard. Il en profite pour découvrir les rivières Australienne le fouet à la main. La truite vient tout juste d'y être introduite.
 
1885: H. P. Wells "Fly-rod and fly tackle"

     La période victorienne cède la place à l'Empire britannique. La pêche à la mouche se pratique peu ... mais partout dans les colonies anglaises. Cependant la nouvelle révolution qui se prépare dans le petit monde de la pêche à la mouche naîtra encore une fois sur les berges des « Chalk Streams » du sud de l'Angleterre. Les pêcheurs à la mouche anglais ne sont alors que quelques milliers. Tous de familles riches et souvent de nobles lignées. Ils pêchent en costume de tweed trois pièces, chaussent de belles bottes de cuir, ne rentrent jamais dans l'eau. Souvent ils vivent à l'hôtel le temps de leurs parties de pêche. Tant que leur canne ne leur a pas provoqué de tendinite, ce qui était très fréquent avec le matériel utilisé alors, notamment quand ils suivent à la lettre les conseils d'Halford qui préconise trente faux lancers pour sécher sa mouche. Certaines cannes possèdent une pointe biseautée qui se visse sur le talon afin d'être plantée dans le pré le temps de se reposer ou de bourrer une pipe.

     Quelques découvertes vont transformer notre pêche, l'hameçon à œillet, la soie naturelle graissée, le bambou refendu et bien entendu le lancer arrière, tel que nous le pratiquons encore aujourd'hui.

     Il permet enfin au pêcheur de demeurer hors du cône de vision du poisson. Fini les éternelles recommandations de pêcher les jours couverts et venteux (dapping) que nous avons rencontrées dans tous les livres de pêche de Dame Julyana Berners jusqu'a Halford.

     Deux personnages vont illustrer cette petite révolution. Qui, comme toutes les révolutions, ne se fera pas sans heurt.
 
1844 - 5 mars 1914 Frederic M. Halford

     "Le combat épique qui affronta un Halford partisan de la mouche exacte à un G. M. Skues pêcheur à la nymphe. J'imaginais un Halford, loupe en main, comptant les cerques et les annelures du céphalothorax d'une mouche avant de reproduire à l'exactitude le même insecte sur son hameçon. En vérité Halford et Skues défendaient tous deux une imitation de la mouche ou de la nymphe la plus identique à l'insecte naturel. L'origine de la querelle n'a jamais été mouche exacte contre mouche d'ensemble, mais de pêche en surface ou de pêche en profondeur."
 
Joan Miquel

     Fils d'une famille bourgeoise très aisée qui s'installe à Londres, alors qu'il n'a que sept ans. Il pêche déjà car on peut encore le faire autour de la capitale anglaise. Mais ses débuts à la mouche se feront sur la Wandle river. Une rivière que possède un ami de son père. Il a 24 ans et sa première canne à mouche est une 11 pieds et la soie est tressée mélant soie naturelle et crins de cheval. Mais, très vite, ayant accès aux nouveaux matériaux, il achète une soie 100% naturelle. C'est toujours sur la Wandle qu'il apprendra à pêcher les gobages en sèche. Une pratique connue mais qui en est encore qu'à ses balbutiements.

      Membre du Hougton club, il rencontrera Georges Selwyn Marryat.

En 1886, son premier livre voit le jour. Il voulait le signer avec Marryat, mais celui-ci refusera, en disant qu'il préfère " rester sur la ligne de touche (side line)". Aussitôt "Floating flies and how to dress them" connaîtra un énorme succés de librairie. A 45 ans, il renonce à sa vie professionnelle, sa situation familiale lui permet de se dédier totalement à ses deux passions: la pêche et l'écriture.
 
     Cinq livres naîtront de ce travail quotidien. Après "Floating flies" déjà cité viendront:
     Making a fishery (1895)
     Dry fly entomology (1897)
     Modern development of the dry fly (1910)
     The dry fly man's handbook (1913)


     Il y expliquera, pas à pas, ses observations et ses découvertes sur le comportement des poissons. Imaginez, un Sherlock Holmes, un peu pédant mais d'une rectitude absolue. D'un livre à l'autre, il n'hésite pas à présenter ses excuses pour une affirmation trop rapide ou une erreur de jugement précédemment publiées. De ces cinq livres, le dernier seulement sera traduit en français: "The dry fly mans' handbook" ( Précis de la pêche à la mouche sèche) en 1913 par le Fishing Club de France, réédité en 1924 (Doin) et en 1982 par (P.E.L Plaisir de la pêche).

     Halford n'était pas un fanatique de la sèche ni un défenseur pathologique de la mouche exacte. Dans aucun de ses livres, il ne traite jamais par le mépris aucune des autres pêches. Bien au contraire.

     Dans son troisième livre "Dry fly entomology" (1897), il décrit une centaine de modèles de mouches et la plupart sont des mouches d'ensemble. Pratiquement les mêmes que nous utilisons encore aujourd'hui.
 
     Dans: "Modern développent of the dry fly" il se fait encore défenseur des mouches d'ensembles qu'il appelle " fantaisies" que chaque "pêcheur possède dans ses boites, et auxquelles il croit, "car à la pêche comme ailleurs, rien ne peut remplacer la foi"".

     Le gros défaut d'Halfort c'est sa rigidité dogmatique, et ce que les Anglais appellent garder "la lèvre supérieure rigide en toutes circonstances". Imiter la mouche sur l'eau lui valut une réputation juste mais trop souvent exagérée de défenseur de la mouche exacte. En revanche il "péche" de trop vouloir enfermer le fouet dans un carcan idéologique.

     C'était un révolutionnaire, bien que cette parole lui aurait fortement déplu, mais comme la plupart des révolutionnaires, il voulait que la révolution s'arrête juste à l'instant ou lui-même l'avait décidé. Il respectait toutes les formes de pêche, mais en matière de mouche artificielle, seule la sèche n'avait grâce à ses yeux. Il réussira quand même à totalement bannir la pêche à la mouche noyée des chalk streams anglais. Il y est totalement interdit de pêcher en aval encore aujourd'hui.
 
     Ce qui l'opposa à Skues, ce fut l'utilisation de la nymphe dans les. »Chalk  Stream » anglais. Ces cours d'eau sont de véritables aquariums où la nymphe à vue peut être extrêmement facile et trop prenante. Preuve en est, qu'aujourd'hui encore elle demeure interdite sur la plupart des parcours. Au mieux, elle n'y est autorisée que quelques mois dans l'année.

     Halford respectait toute les pêches, en témoigne son éloge des pêcheurs à la noyée et de leur sens de l'eau. Il décrit avec respect l'adresse des pêcheurs au coup de la Tamise. Il se permet même de fustiger "la prétention exagérée des pêcheurs en mouche sèche ... je serai le dernier à écrire une seule ligne susceptible d'encourager cette prétention erronée de supériorité du pêcheur à la mouche ".
 
     En revanche, Halford n'a pratiquement rien inventé et a couché sur le papier des techniques déjà existantes et d'usage courant à son époque. Ce sont ses observations et déductions à partir de ces techniques connues qu'il nous décrit minutieusement. G. M. Skues, lui, a vraiment inventé une nouvelle technique inconnue jusqu'alors: La pêche à la nymphe en lancer amont.

     Si cette pêche a encore beaucoup de détracteurs en Grande-Bretagne, en France elle est considérée comme le nec plus ultra de la pêche au fouet. En Angleterre, un très bon pêcheur à la nymphe à vue est un tricheur qui va au plus facile, en France c'est un héros admiré par tous ses confrères! Deux visions diamétralement opposées.
 
     La réputation sulfureuse de défenseur inconditionnel de la sèche, Halford la doit surtout à son décalogue connu aujourd'hui encore comme la : « New orthodoxie »
          1°) Localiser le poisson à son gobage
          2°) Observer l'insecte que la truite mange
          3°) Choisir l'artificielle la plus proche de cet insecte.
          4°) la lancer sur le poisson gobeur

     "Le succès n'étant pas dans le nombre de poissons capturés, mais dans la manière de les prendre.
 
     Halford malgré ses rigidités et peut être grâce à elle, a donné un code éthique de la mouche, sinon appliqué au moins connu par tous les moucheurs de la planète Terre (et surtout eau).
 
1840-41 - 1896 George Selwyn Marryat

     "Had the been no Marryat, there would have been no Halford" S'il n'y avait pas eu Marryat il n'y aurait pas eu Halford. Il est tout à fait impossible d'écrire sur Walton sans parler de l'amitié qui le lia à Charles Cotton, parler de d'Halford sans parler de Marryat.
 
George Selwyn Marryat :Veste "knicker-bocker" poivre et sel et béret "Tam o' Shanter".
 
     La rencontre entre les deux personnages, telle que la raconte Halford, a eu lieu exactement le 28 avril 1879 dans la boutique de John Hammond à Winchester. Une boutique de matériel de pêche, il ne pouvait en être autrement. Frederic Halford à 35 ans, à peu près le même âge que Marryat. Cette première rencontre pour Halford fut une révélation, tant et si bien qu'il lui fut très difficile de se résigner à rentré chez lui.
 
     En fait, comme Cotton est le vrai grand pêcheur de l'époque Walton, Marryat sera le très grand de la période Halford. Le monteur de mouche, l'innovateur, l'observateur accompli de la vie des rivières. Mais il restera toujours dans l'ombre, refusant même de signer le premier livre d'Halford comme celui-ci le lui propose.

     Il est de Winchester, ville enchâssée dans le dédale des « chalk streams ». Après une courte vie militaire, qui l'envoie en Inde servir comme Lieutenant du 6ème dragon, il profite de l'aubaine pour voyager jusqu'en Australie. Il revient chez lui en 1870, rapportant dans ses bagages une peau d'opossum qui lui permettra de monter la Pale Watery Dun, connue aujourd'hui comme "The little Marryat". Très rapidement il acquiert une réputation de meilleur pêcheur à la mouche de la région et de très grand monteur d'artificielles. Dans une lettre à Henry S. Hall, en novembre 82 il décrit sa nouvelle mouche, les ailes sont faites à partir de deux portions de plumes d'ailes de canne, à partir d'une plume de l'aile droite et de l'aile gauche de l'oiseau. Il monte aussi des ailes à partir de touffes de soie qu'il sépare en deux avec le fil de montage. Avec Henry Sinclair hall, ils fabriquent le premier hameçon à œillet, car les soies montées directement sur l'hameçon s'usaient très vite pendant les faux lancer. Fini les lignes montées avec la mouche que l'on doit transporter dans un portefeuille, les mouches pourront enfin être classées en rang d'oignons dans des boites comme celles qui remplissent nos gilets. Marryat disait de l'hameçon: pour être bon, il faut qu'il soit assez fin pour être invisible et assez fort pour capturer un taureau dans un pré de dix acres". Il est le premier, bien avant Skues à imiter la nymphe de la mouche de mai. Son ami Halford, plus théorique que physique, n'était pas un très grand pêcheur, en témoignent ses livres de prises si on les compare à ceux de Marryat. C'est la complémentarité des deux qui est à la base de l'œuvre de Frederic M. Halford.

     Un Marryat qui aurait pu tomber dans l'oubli par excès de modestie et qui meurt prématurément à l'âge de 56 ans emporté par une épidémie de grippe.

13 août 1858 - 9 août 1949 George Edward Mackenzie Skues

     Skues un avocat hâbleur et très imbu de sa personne. Il n'hésitera pas à attaquer Halford, directement, même après la mort de celui-ci. Mais personne ne lui enlèvera qu'il fut l'inventeur d'une technique de pêche révolutionnaire: la pêche à la nymphe "émergeante".

     Il est né au Canada, mais ses parents reviennent s'installer en Angleterre. La profession du père le pousse à voyager dans les colonies, et le jeune George Edward doit le suivre jusqu'a ce qu'il soit admis à l'école de Winchester. C'est là au coeur des « chalk streams » qu'il achètera ses premiers hameçons à blanchaille, chez Hammond, la même boutique ou se rencontreront Marryat et Halford. Plus tard, ses premiers achats pour la mouche seront, un 11 pied, une ligne de soie et de crins de cheval et une Wickam's Fancy. Presque les mêmes achats qu'Halford. En 1887, grâce à une invitation, il pêchera l'Itchen, qui deviendra sa "Home River".
 
G. M. Skues un innovateur

     Il pêche à la mouche depuis 30 ans, en Angleterre, mais aussi en Europe lorsqu'en 1910, il publie ses premiers écrits "Minor tacties of the chalk streams". Il y a trois ans que Halford a publié son dernier livre. Il commence à décrire les nouvelles possibilités de la pêche à la nymphe. Il cherche déjà la bagarre et dédit son livre à " Mon ami le puriste de la mouche sèche et à mes ennemis, si j'en ai". Qu'il se rassure, il en aura. Le titre même est une provocation " Minor tacties" contre les "Majors tacties" des élitistes de la pêche en sèche. L'homme éprouve un véritable désir d'en découdre qui le pousse à écrire de la façon la plus agressive qui soit.

     De Walton, qui était véritablement une personne délicieuse, ce qui se reflète dans tous ses écrits, il n'hésite pas à écrire: " Un misérable vieux "plagieur" qui a écrit la première partie de son livre en copiant dame Julyana et la seconde est de Charles Cotton". C'est un taureau mal embouché, et Haldford qui l'a parrainé pour entrer au Fly Fishers' Club - on n'y entrait pas sans le parrainage d'un membre prestigieux - sera le centre de toutes ces attaques. Halford est un gentleman, au début il jouera avec lui comme un torero qui esquive les charges d'un taureau. Préférant aux disputes sur la voie publique les échanges de lettres ... parfois venimeuses.

     Dans ce premier livre Skues nous décrit sept mouches à ailes, ce sont encore des mouches noyées mais qu'il appelle nymphe: de la Greewell's Glory à la Black Gnat. Il y écrit aussi qu'au mois de juillet 1908: " J'ai pris sur l'Itchen un poisson et en examinant sa bouche, je trouvais une Dark Olive Nymph. J'avais mon matériel de montage avec moi, et pris de la fourrure de phoque et l'ai mélangé à des poils d'ours marrons foncés et laineux, afin de reproduire exactement les couleurs de l'insecte naturel. Aussitôt j'attrapais six poissons sous la surface". Il essaie alors en sèche, et rate deux poissons, il reprends sa nymphe et capture à nouveau six poissons en peu de  temps.
 
     Avant Skues, une truite qui nymphait était considérée "infaisable". Il sera le premier à comprendre et à expliquer que lors d'une "éclosion", la prise de la nymphe sous l'eau est la première activité, visible ou non, et ce n'est que plus tard qu'aura lieu la prise en surface. Il utilise des plumes de poules pour monter ses mouches.

     Ce qui choquera son auditoire viendra surtout de son affirmation qu'un pêcheur à la nymphe se doit de ferrer pratiquement sans voir sa prise, un écart du poisson, un éclair sous l'eau ou le plus souvent d'instinct. Une véritable hérésie au temple de la sèche.
 
     Contrairement aux nombreuses mouches d'Halford qui sont tombées en désuétudes, les nymphes de Skues sont utilisées encore aujourd'hui.

     Selon Skues, si une truite ne prends pas votre mouche, 20% des causes viennent de la mouche, mais 80 viendront de la présentation. En revanche notre Skues ne s'est intéressé qu’à la nymphe émergeante, c'est à dire dans la partie supérieure de la rivière. Il semble ignorer tout de la vie larvaire et des premiers temps de la métamorphose. Il ne pêche que les poissons intéressés par l'ascension de la nymphe juste avant qu'elles n'atteignent la surface.

En 1921, Skues publie «The way of a trout with a fly". Il raconte parmi toutes ses expériences comment, lors d'un repas il trouva une cuillère à moelle qui lui permit d'aller chercher directement dans l'œsophage et l'estomac des truites les dernières mouches qu'elles avaient avalées. Une grande partie ne sont pas des subimagos mais des nymphes.
 
     Trois autres livres verront le jour:
          Nymph fishing for Chalk Stream Trout
          The pratical angler
          Side-lines, sides-lights and reflexions


     Mais son ultime livre édité (1932) ne sera qu'un règlement de compte avec Halford qui est décédé depuis déjà dix-huit ans. Il prendra chaque point défendu par ce dernier dans ses écrits et leur portera contradiction.

     Une dernière pensée du maître: " Le jour ou la truite ne confondra plus la mouche artificielle avec l'insecte qu'elle est en train de manger, la pêche à la mouche aura perdu tout intérêt ".
 
1890: Théodore Gordon "Quill Gordon".
 
1913 : Muriel Constance Foster (1884 - 1952).

     En 1913, elle commence son journal de prises comme tout bon pêcheur minutieux et constant, il durera 37 ans et traversera deux guerres mondiales.
 
     C'est Agustí Jausas bibliophile à Barcelona qui le présenta lors d'une conférence devant l'Association des Bibliophiles de Catalogne.

     Ce journal est une petite merveille. Non seulement Dame Foster note le temps, la mouche du moment, ses imitations de types Elisabetains, la rivière péchée, mais elle décore patiemment les pages de son journal de merveilleux petits dessins à la plume. Animaux rencontrés, mouches utilisées, plantes et fleurs, et bien sur ses plus belles prises. Vous y trouverez dessinée "la plus belle truite de sa vie" pourtant après un combat mémorable, elle cassa le fil et s'enfuit dans les ondes. Mais l'imagination et l'art permettent parfois de réaliser ce que le sort et l'adresse de notre adversaire n'auraient pas permis autrement.

     Elle décrit aussi ses parties de pêche en« dapping » avec une mouche de Mai vivante, sur le loch Irlandais. Car elle pratiquait toutes les formes de pêches sportives avec le même enthousiasme. Ses dessins de poissons de mer ou de bateaux de pêche sont tout aussi merveilleux
 
Franck Sawyer

     La pêche à la mouche est pratiquée des Antipodes aux Etats-Unis d'Amérique. Des chercheurs et des usines perfectionnent un matériel de pêche qui se vendes de plus en plus. Nous pourrions imaginer sans peur de se tromper que la prochaine évolution ou révolution peut surgir de n'importe quel coin du globe.

     Pourtant, c'est encore de la vieille Angleterre et de sa petite région bénie des Dieux, le triangle des « Chalk Streams », au sud du pays, que naîtra le père de la "Pheasant tail", Frank Sawyer.

     L'autre révolution bien involontaire celle-là et que nous pouvons attribuer aussi à Frank Sawyer, sera d'ordre social. Pour la première fois la mouche quittera le rang des nantis, de la noblesse et des propriétaires terriens pour être pratiquer par un roturier issu des milieux les plus pauvres d'Angleterre. La "mouche fouettée" telle que nous la pratiquons aujourd'hui, pénètre, timidement, les couches sociales plus humbles avec Franck Sawyer.

     Comment est acceptée cette intrusion dans un domaine réservé aux grandes fortunes? Parfaitement bien, d'une part parce que Franck Sawyer sera à "leur" service en étant garde pêche et leur fera profiter de ses découvertes et de sa technique, ensuite et comme l'a si bien dit l'écrivain américain Thomas McGuane "les riches ne respectent que deux pauvres, le dresseur de chien de chasse et le guide de pêche". Parce qu'ils leurs sont supérieurs dans les hobbies qu'ils chérissent le plus.

     Franck Sawyer est né en 1906 au Mill cottage, à Bulford, sur les bords de l'Avon, « Chalk stream » qui agira sur lui comme un véritable aimant. Il dit lui-même que le chant de la rivière sera le premier son qu'il entendra en venant au monde. Fils de garde pêche, absent au début de sa vie pour cause de guerre de 14-18, il raconte sa prime enfance et la naissance de sa passion pour les ondes dans une autobiographie.

     Franck ne sait pas encore que dans quelques années c'est lui qui deviendra garde et devra faire la chasse à des chenapans qui lui ressemblent comme deux gouttes d'eau de l'Avon River.

     Ce métier lui permettra de consacrer tout son temps à sa passion et à améliorer au maximum le cours d'eau des sociétaires qui lui fournissent gîte et couvert. Ces années d'observations et de braconnage n'auront pas été vaines. Il sera l'inventeur d'un traitement à la craie des cours d'eau à truite afin de faire baisser l'acidité de l'eau, ce qui détruit les algues parasites et favorise la flore et multiplie la micro faune benthique. D'où une croissance optimum des ombres et des truites. Mais la pêche à la mouche le passionne toujours. Disciple de l'école de Sues, il veut tout comme son maître traquer la truite sous la surface puisque c'est là qu'elles se nourrissent la plupart du temps.
 
     Franck Sawyer, autodidacte absolu, s'imposera une discipline de fer. Il publiera trois livres, près de 200 articles et réalisera une cinquantaine d'émissions de radio et une douzaine de reportages télévisés dont certains en direct. Prendre une truite sous l'œil de la caméra, en direct, c'est à dire en temps réel, c'est la magie Sawyer.
 
     Avec Charles Ritz, le patron des Hôtels Ritz ce sera une autre forme d'amitié, de complicité. Ritz sera au refendu ce que sera Sawyer à la nymphe, un innovateur. L'amitié entre le nabab et le plus que modeste garde-pêche sera sans faille, c'est la magie de la mouche. Étrangement, c'est Ritz qui aura une gouaille de roturier extraverti alors que Franck Sawyer aura toute sa vie la retenue d'un vrai gentleman.
 
Nymphes et techniques de pêche.

     Lors de ses longues heures d'observations, Franck Sawyer avait bien remarqué que les truites et ombres capturaient de minuscules proies sur le fond des rivières, entre deux eaux et à ras du gravier des Chalk stream. Skues avait marqué le pas avec ses nymphes de surface ou dans la couche supérieure de la rivière avec ses nymphes non plombées. C'était encore une pêche visuelle.
 
     Lorsque Sawyer monte sa fameuse "Pheasant tail" il veut qu'elle s'enfonce, pour aller chercher la truite là où elle se trouve et se nourrit la plupart du temps. Il n'utilise pas de fil de montage, mais lie les fibres de queue de faisan avec un fil de cuivre. Sur un hameçon de 14, 15 ou 16, il leste d'abord sa mouche avec plusieurs couches de fil de cuivre et superpose plusieurs couches à la hauteur du thorax pour imiter le sac alaire. Il recouvre le tout en tournant les fibres de faisan et finit de lier le tout avec le même fil de cuivre. Les reflets métalliques rendent le montage encore plus attrayant pour notre carnassière.

     Toujours perfectionniste, il avait acheté un microscope d'occasion, grand sacrifice pour son petit budget. Il élevait des mouches dans des aquariums et avait remarqué que lors de leur ascension elles gardaient leurs pattes plaquée le long du corps. Pour cette raison, aucune de ses mouches ne possède de pattes.
 
     La Grey Goose autre création emblématique, se décline en 14, 15 et 16, et ressemblerait en tout point à la "Pheasant Tail" si elle n'était montée avec les fibres d'une plume de l'aile d'une oie grise. Le fil métallique est doré.
 
     La killer-bug. est la troisième, destinée à capturer et détruire les ombres des Chalk streams. Il l'utilisait sur des hameçons 9 et 10, afin de capturer les truites de lac et les truites de mer. Le fil était en cuivre rouge et la laine, un mélange de nylon et de laine cardée beige ou du coton à repriser dont il donne les références "Chadwicks ref. 477" qui est introuvable depuis, et les quelques pêcheurs qui en possèdent encore le conservent comme une relique.

     En allant traquer des poissons invisibles sur le fond, ces nymphes échappent également au champ de vision du pêcheur et pour cette pêche en aveugle, il fallut qu'il invente une nouvelle technique de  pêche.
 
La nymphe au fil!

     Il explique alors qu'il faut fixer le point du fil qui flotte juste là où il brise la surface pour s'enfoncer. Au moindre arrêt ou accélération de la descente, il faut ferrer. Mais il obéit très souvent à son sixième sens qui le prévient quand une truite a pris sa nymphe.Il apprend aussi à ses amis à pêcher en Nymphe à vue, en calculant la vitesse de descente de la nymphe et la vitesse du courant afin d'apporter l'imitation, difficile à voir, devant la bouche d'un poisson qu'il a surpris et voit en train de se nourrir. Exactement comme nous procédons encore aujourd'hui.

     Sawyer fut donc le précurseur de la NAV (Nymphe à vue) et de la NAF (nymphe au fil), nec-plus-ultra de tout  pêcheurs.
 
Oliver Kite

     Oliver Kite est l'antithèse de Frank Sawyer. Autant Franck possède la maîtrise d'un parfait gentleman anglais, autant Olly est hâbleur, extraverti et aime éblouir son entourage. Sawyer préfère se tenir à l'écart des discussions tapageuses, Kite les domine et les anime à loisir. Portant les deux grands pêcheurs furent amis, à tel enseigne qu'Oliver Kite choisit de s'établir à Netheram, le village de Sawyer, les deux maisons se faisant face. Oliver passa des heures chez Sawyer à discuter de nymphes et de réactions des poissons. Il se fit expliquer en long et en large toutes les expériences de Sawyer, car Kite n'était pas un homme à passer des heures à observer. Puis un jour l'amitié se tarit, et les deux voisins ne s'adressèrent pratiquement plus la parole. Oliver Kite dans les traces de Sawyer écrivit un livre excellent "Pratique de la pêche à la nymphe" traduit en français par Raymond Rocher.
 
1852: Les premiers écrits français

     La pêche à la noyées à trois mouches peut être considérée comme traditionnelle en France, mais au début du vingtième siècle, la pêche à la mouche sèche n'en est encore qu'à ses balbutiements. Si pour la noyée, les techniques s'apprennent de bouche à oreille et au bord de l'eau, l'apprentissage de la mouche sèche s'accompagne de livres, de schémas, de descriptions de mouches et même d'entomologie.
 
Le "de Massas" (1852) et le "Perruche"(1922) sont les premiers ouvrages français originaux consacrés à la pêche à la mouche, publiés respectivement 356 et 426 ans après l'œuvre de dame Julyana Berners.
 
     Charles de Massas dans ce tout premier livre français de 1852 : "Le pêcheur à la mouche artificielle .... dédié à la pêche à la mouche, nous explique, tout comme l'a fait Walton avant lui, comment fabriquer nous-mêmes presque tout notre matériel. Canne, ligne et même hameçons. Car, ces derniers, en petites tailles, n'existent pas encore dans le commerce. Il faut pallier le manque du marché pour pouvoir s'attaquer aux poissons à petites bouches comme la vandoise, l'ablette ou l'ombre. Et l'auteur de nous apprendre comment les forger à partir d'aiguilles, exactement comme le faisait dans son livre Dame Julyana Berners.
 
     Charles de Massas, fait partie de la dernière catégorie, ce qui ne l'empêche pas de nous apprendre comment fabriquer soi-même sa canne à mouche "rubanées". Elle est en bois et enveloppée de toile pour éviter les brisures, tout comme Charles Cotton conseillait de le faire cinq siècles auparavant
 
La canne et la soie.

     Le bambou est à peine cité, car, curieusement, seul le scion est en refendu tout le reste de la canne est encore en bambou naturel. Il est lourd et dans les lancers appuyés il finit par se fendre. Il y a quand même une différence majeure entre Walton et de Massas, désormais le pêcheur fouette avec un long lancé arrière pour étendre sa soie sur l'eau. On a découvert la soie naturelle qui sert de cordon pour entraîner le bas de ligne, mais on y mêle encore le crin de cheval. Selon de Massas les deux matériaux ne répondent pas de la même manière une fois mouillés et la pression se fait surtout sur les brins de soie qui finissent par s'effilocher. Il préfère acheter de la cordelette de soie de grège ( à 3 francs l'écheveau de 70 mètres) qu'il imprègne à cœur de graisse, et nous fait encore part de toutes les belles économies qu'il réalise ainsi.
 
     Les meilleurs hameçons sont irlandais et appelés "Limericks". Il faut les acheter sans palette pour profiter d'une longue hampe où monter sa mouche. Il n'existe qu'un seul fil de pêche, le crin de Florence qui est en soie naturelle.
 
     Le bas de ligne est en trois brins dégressifs en tresse ronde. Il existe encore les plates que l'auteur déconseille. Tous les nœuds, y compris ceux du bas de ligne doivent impérativement être renforcés par des tours de soie poissée. Ils doivent être constamment vérifiés et renforcés pendant la pêche.
 
     En revanche, Charles de Massas, consacre au moulinet un long article accompagné de croquis. Non pas pour comparer les différents modèles existants, mais tout simplement pour expliquer son utilisation et tous les avantages qu'un pêcheur peut tirer de ce tout nouvel ustensile.
 
Les mouches
 
     Lorsqu'il va à la pêche, Charles de Massas ne s'embarrasse pas de nombreux portefeuilles regorgeant de modèles différents d'artificielles. Il n'y croit pas. Pour lui une truite a tellement d'insectes différents qui passent à sa portée que n'importe qu'elle imitation peut arriver à la tromper. Les hameçons n'ont pas encore d'œillets et les mouches sont montées déjà liées au brin de fil qu'il faudra rattacher au bas de ligne. Deux modèles sont décrits : un palmer qu'il appelle chenille, corps de « quill" de paon et hackle de coq. Il nous confie qu'en Angleterre, on ajoute un léger fil doré (tinsel) du plus bel effet qui "attire les truites comme tout ce qui brille attire les humains".
 
     La seconde est une mouche, car l'auteur fait la différence entre la mouche et la chenille (palmer). Hackle plus fin, prise sous la barbe d'un vieux coq et deux portions de plumes de canard pour former les ailes, corps, à nouveau, en barbe de plume de paon :
 
Lucien Perruche: La Truite et le saumon à la mouche artificielle: / éditions halieutiques. Paris 1922
 
     "Aucun auteur français n'a encore publié d'étude détaillée de la fabrication des mouches artificielles pour truites et saumons … c'est pour cette raison que cette question a reçu ici quelques développements" L. Perruche
 
     Lucien Perruche signe un manuel d'apprentissage relativement réduit, 143 pages, mais décrivant tout ce qui se sait à ce jour sur la vie des truites et des saumons. Il donne des cours de lancer avec croquis à l'appui mais ne fait qu'ébaucher les rudiments du montage des mouches artificielles.
 
     La partie consacrée à la pêche de l'ombre est signée du grand spécialiste de son époque J. d'Or Sinclair, pseudonyme de Paul de Beaulieu. Les pêcheurs d'ombres n'étaient pas légion à cette époque, et à la mouche fouettée encore moins.
 
     Le livre de Lucien Perruche est une véritable anthologie des connaissances et du matériel utilisé au début du vingtième siècle en France.
 
     La soie, toujours naturelle, bien sûr, est tressée, imperméabilisée à cœur à l'huile de lin. L'auteur préconise déjà la soie "queue de rat" terminée en fuseau.

Les Mouches

      C'est un premier livre de pêche français décrivant la mouche fouettée. Toutes les expériences personnelles commentées par l'auteur sont judicieuses.
 
1939 Les mouches à truites de Ryvez (pseud; Henri Edouard VEZE)

     Pêche à la mouche sèche. Entomologie des mouches à truites. Utilisation des mouches artificielles. Fabrication des mouches artificielles.
 
Lee Wullf, (1905-1991), le père du "No Kill".

    "Game fish are too valuable to be caught oly once" : Un poisson de sport est trop important pour n'être capturé qu'une seule fois.
 
     Lee Wulff est né à Valdez en Alaska en 1905. Un territoire où l'eau et la terre n'ont pas de limites. Difficile de dire si le petit Lee apprit d'abord à marcher ou à pêcher. Son père encourage sa passion et pour ses neuf ans, il lui achète sa première canne à mouche en bambou refendu. Il se jette alors sur les catalogues de "Chasse et Pêche" afin de trouver des images de mouches artificielles à imiter. Il monte à la main et sans étau, il procédera ainsi toute sa vie. Il voyagera dans le monde entier, pêchant et capturant tout ce qu'il peut qualifier de poisson de sport, s'obligeant à utiliser le matériel le plus léger possible. Il établit  ainsi les normes de la pêche sportive en mer et en rivière. Au début des années 30, il monte les premières mouches de la collection Wulff: Grizzly Wulff, Black Wulff, Brown Wulff, Blonde Wulff et bien sur la. Mouche parfaite pour les eaux rapides et agitées.

     Dans les années 60 avec son inséparable compagne de pêche, sa femme Joan - que certains n'hésitent pas à déclarer meilleure pêcheuse que lui - ils découvrent Boca Paila (Caraïbe Mexicaine). Ils entreprennent la prospection des flats à la mouche et découvrent les incroyables atouts du permit (Trachinotus falcatus), du bonefish (Albula vulpes) et du tarpon (Megalops atlanticus) capturés avec une canne à mouche. Il invente ses premières artificielles "eaux salées" et vante leurs qualités sportives dans toutes les revues du monde anglophone. Les résultats ne se font pas attendre et les années suivantes, les flats à bonefish, du monde entier, deviennent le nouvel Eldorado des moucheurs aisés.

No Kill

     L'anglais J. C. Mottram au début du XXe siècle relâchait ses prises, il disait défendre des principes moraux. L'américain Harold T. Pulsifer, à la même époque, cassait son ardillon pour relâcher ses prises "vivantes". John Alden Knight dans son livre "The modern angler" défend l'idée qu'un pêcheur désireux de jouir de son sport des années durant, doit impérativement relâcher une partie de ses prises. Enfin en 1939, Lee Wulff écrit son immortelle phrase dans son livre "Handbook of freshwater fishing".

     Peut-être ne fut-il pas l'inventeur du No Kill, mais sans aucun doute il en sera le meilleur propagateur à travers le monde entier. Pour les chasseurs-cueilleurs que nous sommes, ce simple geste représente une rupture radicale avec une tradition de plus d'un million d'années. C'est casser avec une peur séculaire de manquer, demain, de nourriture. Relâcher aujourd'hui, c'est avant tout un geste généreux et une révolution face à "l'utilité de l'action.

     Le No Kill, c'est évidemment sauver la vie de notre partenaire. D'adversaire le poisson devient compagnon. Enfin, le No Kill, comme l'entretien des cours d'eau, est la philosophie qu'il manquait à la pêche à la mouche pour devenir un vrai loisir écologique.
 
EXTRAIT et adaptation d’une recherche de : Aux origines de la pêche à la mouche. Par Joan Miquel TOURON (Libreria Catalana-Perpignan), FRANCE
 
     Par Michel Lavallée, Octobre, 2017.

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