Sommaire
  1. Alain Bogdan: Ébéniste, Monteur de Mouche Classique
  2. Alain Charette: Passionné de Pêche à la Mouche
  3. Alain Laprade: Devenir Instructeur Certifié
  4. Alain Le... Traditionaliste...
  5. André A. Bellemare: Chroniqueur, Saumonier...
  6. André Boucher: Saumonier & Sculpteur
  7. Benoit Deslandes: La P’tite Histoire d’un Passionné
  8. Claude Hamel: M. Saumon
  9. Claude H. Bernard; Le Musée de la Pêche du Canada
  10. Daniel Bolduc: Du Grand Art
  11. Dan Després: Un Retraité qui Vie...
  12. Daniel Dufour: Le Premier
  13. Daniel Duval: le Grand Innovateur...
  14. David Bishop: Spey Casting Instructeur
  15. David Quenneville: Le Prof...
  16. Denis D'Amours: Taxidermiste & Naturaliste Unique
  17. Denys Poirier: L'Artiste de Talent
  18. Geneviève & Dave: Un jeune Couple de Mordu
  19. Gilles Aubert: Chroniqueur
  20. Jacques Héroux: Un Vrai Passionné
  21. Jacques Juneau: Le Grand Chef ...
  22. Jérôme Molloy; Un Champion a l’Oeuvre
  23. Jocelyn Leblanc: Un Guide Chevronné
  24. Les Frères Lord de Matane; Saumon et Sucre à la Crème
  25. Louis Bazin: Monteur de Mouches Aguerri & Guide Accompli
  26. Louis Tanguay : Des Mouches Magiques pour la Pêche
  27. Louise Bérubé; Des Mouches, des Cannes à Pêche... & un Musée
  28. Lyne Trudeau: Toute Menue et si Grande
  29. Marc LeBlanc: Un Monteur & un Guide Réputé...
  30. Mario Viboux : La Maison des Jeunes Point de Mire
  31. Matthieu Vanhoutte; Portrait d'un Guide Réputé
  32. Michel Leblanc: Grand Maître Monteur
  33. Michel Paquin; M. Mouches
  34. Paul Leblanc: Monsieur Orvis
  35. Pierre Manseau: l'Homme qui Chéri...
  36. Pierre Ruelland: Mon Mentor
  37. Robert Delisle: l'Intuitif
  38. Yvon-Marie Gauthier; Le «Richard Adams» de la Sainte-Marguerite

Denis D'Amours: Taxidermiste & Naturaliste Unique

     La taxidermie, c'est un art avec un grand «A». Et comme dans bien d'autres domaines, nombreux sont ceux qui la pratiquent, mais plus rares sont ceux qui le font artistiquement L'auteur, passé maître en la matière, suggère de nombreux critères pour évaluer le résultat final du travail d'un taxidermiste.

Taxidermie: Evaluez la valeur des œuvres...
     Votre excursion de pêche ou de chasse s'est avérée plus que fructueuse, vous avez eu la chance de votre côté ou bien vos techniques et votre savoir-faire ont porté fruit. Bravo! vous voilà en présence d'une imposante truite mouchetée, d'un superbe canard huppé ou bien encore d'un majestueux chevreuil!... Le rêve s'est enfin réalisé.

     Mis à part la traditionnelle photo souvenir, vos désirs vont plus loin. Vous aimeriez faire naturaliser votre capture. Quelles sont alors toutes les avenues possibles pour déceler le taxidermiste qui aura la créativité et la compétence voulues pour redonner toute la beauté, la vivacité, l'expression ainsi que la longévité à votre précieux spécimen?

     Je ne veux surtout pas ici m'aventurer à définir ou à justifier le pourquoi du choix d'un taxidermiste plutôt qu'un autre, trop de facteurs devant être considérés, tel son nombre d'années d'expérience, sa compétence, sa créativité, son sens artistique, sa disponibilité, ses dates d'échéance, ses tarifs, etc. Le premier pas à franchir et cela, de façon logique et méthodique, sera plutôt de vous amener à développer votre esprit critique. Aussi, dans cette optique, mon rôle sera de vous servir de guide afin d'en arriver à évaluer une pièce de taxidermie autant médiocre que des plus artistiques. Celles-ci se diviseront en quatre groupes, soit les oiseaux, les mammifères, les cervidés et les poissons.

Technologie

     A l'époque où nous vivons, même l'art de la taxidermie a subi des transformations majeures. En effet, il existe aujourd'hui sur le marché toute une gamme de matériaux incroyables, autant pour le taxidermiste amateur que professionnel.

     Nos voisins du Sud ont vite compris les besoins des «nemrods» d'aujourd'hui. Aussi, existe-t-il chez eux de vraies industries de la taxidermie. Et il n'est pas rare de voir des entreprises qui comptent au-delà de cent employés, afin de desservir en matériel de montage les taxidermistes de toute l'Amérique du Nord.

     Je vous ferai grâce ici de l'inventaire (même discret) de ce qui constitue tout ce matériel de fine pointe. Mais pour vous donner un aperçu concret de ce que peut être capable cette industrie, sachez que votre voisin n'aurait aucun problème à faire naturaliser son « cobra », ou votre vieil oncle riche à immortaliser son rhinocéros capturé lors d'un safari en Afrique. Un mannequin artificiel sera disponible pour l'un ou l'autre de ces montages. Le taxidermiste expérimenté et doué d'une très grande dextérité manuelle saura aussi concevoir et sculpter de façon concrète et réaliste l'anatomie même d'un sujet et ce, à partir de deux merveilleux produits disponibles de nos jours, le polystyrène ou le polyuréthane.

     Même chose en ce qui concerne les préservatifs chimiques, les ciments de finition, les yeux de verre, les cartilages d'oreilles, les peintures pour les poissons, etc. Mais ce n'est pas tout que l'arrivée de ces nouveaux produits de grande qualité, il faut aussi que le taxidermiste sache les utiliser et, surtout, les dénicher, chose qui n'est pas toujours facile.

Oiseaux

     Afin d'obtenir un résultat positif d'un montage, votre collaboration, à vous chasseur, est indispensable. Ainsi, si possible, choisissez un oiseau récolté tard en saison de chasse. Assurez-vous que son plumage est mature, que les couleurs sont bien définies et, de grâce, transportez-le délicatement, car tant et aussi longtemps que le corps de l'oiseau demeure chaud, les plumes s'en détachent très facilement. Si votre sujet a une aile cassée ou maculée de sang et de boue, ne vous en faites pas. Le taxidermiste d'expérience lave complètement chacun des oiseaux avec des détergents et des solvants spéciaux afin de les débarrasser de toutes leurs saletés, de tous leurs corps gras et, enfin, des parasites propres à l'espèce.

     Mais avant de remettre votre oiseau au taxidermiste, il est indiscutable que vous devrez observer minutieusement ses récents montages, soit à son atelier, lors d'expositions ou chez un ami qui possède déjà une pièce ou deux dudit taxidermiste.

     Ainsi, de prime abord, l'oiseau naturalisé devra vous apparaître bien balancé, c'est-à-dire que sa physionomie générale reflète bien les critères anatomiques de son espèce. Pour ma part, j'ai déjà observé (trop souvent d'ailleurs) des perdrix qui ressemblaient étrangement à des corneilles et, pire encore, des bernaches qui avaient le cou tellement démesuré qu'on aurait dit des cygnes trompettes déguisés en outarde!

     En second lieu, l'oiseau devra afficher une position naturelle, éveillée et, surtout, bien équilibrée. Les yeux doivent être symétriques, bien centrés et posséder l'angle approprié. La courbure des paupières doit être régulière et sans défaut. Notez la finition de l'œil et son maquillage qui ne doit pas être excessif, mais discret.

     Le bec et les pattes de l'oiseau s'avèrent aussi un bon guide d'évaluation. Assurez-vous que tous les trous faits avec des épingles, des plombs ou des broches sont bien obturés, il est également primordial que le bec et les pattes aient été repeints, car tous les oiseaux, au même titre que les poissons, perdent complètement leur pigmentation colorée lors de la période de séchage. Toutes les parties charnues et cornées de l'oiseau devront donc être retouchées (paupières, becs, pattes, etc.) et, encore une fois, ces teintes devront respecter avec le plus d'exactitude possible celles de l'oiseau vivant. Examinez aussi la symétrie des ailes et du plumage en général. Un taxidermiste consciencieux prendra le temps de replacer chacune des plumes au bon endroit.

     Enfin, la base où repose l'oiseau est tout aussi importante. S'agit-il d'un simple morceau de contre-plaqué, ou bien d'une base en noyer ou en chêne massif travaillé sur un tour à bois ? L'habitat de l'oiseau a-t-il été reproduit? 

     Évidemment, ici, comme dans le reste du montage proprement dit, plus le taxidermiste y investit temps et matériel de qualité, plus les résultats seront originaux et artistiques, et plus le montage sera dispendieux, ça va de soi! C'est à vous déjuger et de choisir. Entre un oiseau qui conserve toute sa splendeur indéfiniment, et un autre qui, après un mois, « branle » de la tête autour de laquelle voltigent de petites «bibittes», lequel, selon vous, s'est avéré un bon investissement?

Mammifères et tapis

     Comme pour les oiseaux, le choix d'un sujet qui possède une fourrure dense et dite «de saison» s'avère préférable, et même essentiel. D'ailleurs, la plupart des mammifères seront des animaux à fourrure dont la capture est régie par la loi du piégeage. Leur récolte coïncide donc avec des périodes correspondant à la maturité du cuir et de leurs poils.

     Votre observation première devra être centrée sur l'allure générale du mammifère, c'est-à-dire sa physionomie naturelle et, surtout, son expression ou son action, captés dans un mouvement de vie.

     En y regardant de plus près, examinez minutieusement la symétrie ou l'angle des oreilles et des yeux, qui doivent être parfaits. Portez aussi attention au museau, au nez ainsi qu'au détail des narines. Ces parties anatomiques trahissent souvent un laisser-aller inexplicable chez certains taxidermistes. En effet, la plupart du temps, des fissures et des crevasses apparaissent à ce niveau, souvent dues à une température de séchage excessive et à l'utilisation de ciment de finition de mauvaise qualité. Ou pire encore, le nez et les narines de l'animal sont exagérés, ou bien tordus et irréels. 

     Surveillez aussi la jonction des mâchoires inférieure et supérieure. Celle-ci laisse souvent voir de grossières irrégularités.

     Le maquillage de l'animal au niveau des yeux, du nez, de l'intérieur des oreilles et, dans certains cas, de la bouche (lorsque celle-ci est ouverte), doit reproduire des teintes naturelles, et non exagérées. Les dégradés de couleurs doivent bien se marier avec le début de la fourrure. Et en parlant de fourrure, celle-ci devra être soyeuse, propre et légèrement lustrée. Le bas des pattes ainsi que les griffes doivent également être bien placés et non exagérés sur leurs points d'appui.

     Après l'examen minutieux de votre animal, déplacez votre regard vers la base sur laquelle il repose. Encore là, et selon votre budget bien sûr, la présentation sera beaucoup plus rehaussée sur une base qui reconstitue tant soit peu l'habitat naturel du trophée, que sur un simple morceau de contre-plaqué.

     Certains autres facteurs, invisibles à l'œil nu, devront aussi faire l'objet de votre curiosité, tels que le type de sculpture employé, les préservatifs, les yeux artificiels, les cartilages et, surtout, la qualité du tannage de votre spécimen afin de lui assurer une longue «vie».

Têtes de cervidés

     Ici, contrairement aux deux autres groupes précédents, on n'a guère de contrôle sur la qualité du spécimen. Ainsi, j'ai déjà fait le montage de jeunes chevreuils qui n'avaient que leurs petits «cornichons» réglementaires, mais qui, par contre, possédaient une couleur et une densité de fourrure à faire rougir les plus beaux « bucks ». À l'inverse, j'ai durement effectué le même travail sur des spécimens style «Boone and Crockett» possédant un « rack» épouvantablement démesuré, mais qui, hélas, avaient une fourrure clairsemée, usée, frisée et dont les oreilles étaient en dentelle.

     Toutefois, pour la majorité des chasseurs de gros gibier, les occasions de pouvoir choisir un cervidé à la fourrure et au panache parfaits étant rares, ceux-ci s'accommodent, et avec raison d'ailleurs, du premier spécimen se présentant dans la ligne de visée de leur carabine.

     Je ne reviendrai pas ici sur les techniques de dépeçage d'un cervidé pour fin de taxidermie, le magazine en ayant déjà fait mention à quelques reprises. La règle générale consiste cependant à laisser le plus de fourrure possible derrière l'épaule de l'animal. Et, de grâce, ne perforez pas les oreilles pour y apposer votre permis, mais attachez-le plutôt au panache ou bien à une des pattes de l'animal.

     Autre point important, ne jamais saigner l’animal sous la gorge. Cette opération s'avère d'ailleurs totalement inutile, car plus une seule goutte de sang n'est véhiculée par les veines d'un animal mort et, de plus, on procède à l'éviscération immédiate de l'animal abattu. Les coupures et déchirures qu'entraînent ces deux derniers gestes irréfléchis sont souvent très difficiles à réparer et ne font qu'augmenter le coût total du montage.

     Dernier conseil, si vous désirez prendre votre temps pour choisir votre taxidermiste, ne laissez jamais traîner votre animal sur le toit de votre véhicule ou bien dans le fond de votre sous-sol. Faites-le plutôt congeler le plus rapidement possible dans un emballage de plastique.

     J'ai toujours de la difficulté à comprendre certains chasseurs qui, après avoir investi une somme rondelette pour la chasse des cervidés, ne semblent vouloir consacrer qu'un infime montant pour la naturalisation de leur « trophée ». Au retour de leur randonnée, ils s'empressent de se «débarrasser» du fruit de leur chasse, si durement acquis, au premier venu et au plus bas prix possible.

     De prime abord, une tête de cervidé doit «briller» par le regard de ses yeux; ceux-ci sont le miroir de la santé de votre spécimen. La symétrie de ces derniers doit donc être parfaite: l'œil d'un cervidé qui vous regarde possède un angle de 45° avec la ligne médiane de la tête et doit avoir un plan incliné de 8° à 10° vers le bas. Le type d'yeux utilisés devrait être de très bonne qualité. Sur le marché, on retrouve des yeux de cervidés à 3,50$ la paire, et aussi des importations qui «frisent» les 30,00$ la paire... mais quelle différence!

     Pour ce qui est des ciments et époxy de finition des paupières, des narines et des mâchoires, il en existe aujourd'hui de très haute qualité et qui donnent des résultats remarquables. Ces produits résistent fort bien aux variations de températureet d'humidité, et ne craqueront pas après un certain temps.

     Après cette étape de remodelage, vient celle du maquillage qui revêt une grande importance. Pour le tour de l'œil ou des paupières, trois à quatre teintes différentes devront être appliquées, en commençant par du beige près de l'œil, en passant par le brun, pour enfin fondre avec du noir vers la fourrure. Une légère teinte de rose doit être présente au centre des narines et celles-ci seront marquées d'un peu de noir vers l'extérieur.

     Quant au museau, la teinte varie, selon l'espèce, du brun foncé au noir, légèrement teinté de gris, et il doit indéniablement avoir l'aspect d'un museau mouillé, en action quoi! À plusieurs reprises, j'ai observé des narines d'orignal qui avaient l'aspect d'une grosse tache luisante de goudron. Observez les naseaux d'un orignal fraîchement abattu. Vous remarquerez les teintes de beige et de rose auxquelles devraient correspondre celles de votre pièce montée.
Au niveau des mâchoires, la lèvre inférieure devra être bien emboîtée et dissimulée à l'intérieur de la lèvre supérieure et ce, de façon élégante et équilibrée.

Autres points à considérer

     La position des oreilles est un autre détail non négligeable. Un cervidé vivant pointera ses oreilles bien symétriquement s'il vous regarde droit dans les yeux. Par contre, s'il est seulement distrait par un bruit, selon l'angle d'inclinaison de sa tête, une seule des oreilles pourra pointer dans une direction précise. Il en va donc de même pour votre pièce montée et c'est à vous de discuter de la situation que vous voulez reproduire.

     Portez aussi une attention spéciale à la bonne adhérence de l'oreille au cartilage artificiel inséré à l'intérieur de celle-ci. Encore là, grâce à la nouvelle technologie, on peut se procurer des résines et des colles aptes à ce genre de travail. Elles sont dispendieuses, mais très efficaces.

     Le poil de l'animal devra être très propre, soyeux et bien brossé, sans trace de coupures laissées par les projectiles ou les «couteaux» maladroits.

     Celui qui possède une bonne collection de têtes préfère souvent ne pas apposer de panneau mural derrière le cou ou l'épaule de l'animal ; ces montages se marient ainsi beaucoup mieux lors de leur étalage sur un mur. La majorité des chasseurs ne possédant cependant qu'un ou deux cervidés, l'apport d'une riche et somptueuse plaque de bois massif donnera alors encore plus de prestige à leur trophée.

     Pour ce qui est de la touche extérieure finale, soit la finition du panache, celui-ci ne devrait au grand jamais être scellé sous une couche de vernis ou une finition semblable, au risque de ressembler à un «bibelot». Il doit plutôt être enduit d'une huile spéciale de façon à faire ressortir discrètement le ton naturel des bois.

     Quant à l'aspect invisible du montage, comme pour les oiseaux et les mammifères, chaque taxidermiste a sa «recette», interrogez-le à savoir quel type de tannage il utilise? La peau est-elle collée au mannequin? Le cuir a-t-il été bien dégraissé et aminci? La peau a-t-elle été salée avant le tannage? Le cartilage de l'oreille a-t-il été remplacé, et par quoi ? Quel genre de mannequin utilise-t-il? Quel est le type d'yeux artificiels? Plusieurs questions, mais des réponses qui demeurent personnelles à chacun.

Poissons

     Pour bien des taxidermistes, la naturalisation des poissons se révèle leur bête noire, le cauchemar de leur art. Plus moyen de dissimuler un seul défaut sous les plumes ou la fourrure, car nous avons affaire ici à des spécimens complètement nus, mis à part les écailles bien sûr. Et pour compliquer encore plus les choses, une fois la belle livrée du poisson séchée sur son mannequin, celle-ci perd complètement et définitivement ses couleurs. Il en va ainsi pour toutes les espèces de poissons. Mais pour celui qui maîtrise complètement l'art de la taxidermie, chaque montage devient un défi et une occasion de déployer son génie artistique.

     Il m'est difficile ici de poursuivre sans, encore une fois, ouvrir une parenthèse sur les méthodes de conservation sur le terrain. La méthode idéale demeure toujours le refroidissement de la prise sur la glace, puis sa congélation le plus rapidement possible. L'an dernier, j'ai fait l'essai suivant, soit de plonger une mouchetée d'environ douze pouces dans du sel fin. Après quatre jours à la température de la pièce, mon poisson avait l'aspect d'un paquet de dattes séchées.

     Mais, miracle, après hydratation de celui-ci dans l'eau froide, j'avais la nette impression de tenir un poisson fraîchement sorti de l'eau. En plus, la peau était intacte. Malheureusement, je ne peux conseiller cette méthode au «grand aventurier» qui s'éloigne pour un long séjour, ne connaissant pas les résultats de cette pratique sur de gros spécimens.

     Manipulez toujours vos belles prises avec soin et délicatesse, les écailles s'enlevant très facilement, surtout chez les poissons à grosses écailles tels que le brochet et le saumon par exemple.

     L'emballage d'un poisson à naturaliser est également très important. Après avoir fait refroidir votre pièce, l'idéal serait de l'enrober dans plusieurs couches d'un mince feuil de plastique connu commercialement sous le nom de « Strech and Seal » ou « Saran Wrap », de le déposer sur une planche de la même longueur que celui-ci, en portant une attention spéciale à la queue, d'insérez le tout dans un ou deux sacs de plastique et de le placer au congélateur. De cette façon, vous éviterez la désydratation du poisson, vous assurant du même coup d'une conservation adéquate pour plusieurs mois.

Les qualités à rechercher

     Bien sûr, la première chose qui retient l'attention lors de l'examen d'un poisson est sans contredit la reconstitution des couleurs. Pour le pêcheur d'expérience, un simple coup d'œil attentif lui permettra de déceler les irrégularités de la pigmentation ou l'application de mauvaises teintes. Le profane en la matière pourra toujours se référer aux illustrations qu'on retrouve dans les ouvrages spécialisés ou encore à des photos prises lors d'excursions de pêche, bien que la pigmentation des poissons varient d'un plan d'eau à un autre.

     En second lieu, votre attention devra se porter sur la tête du poisson. Lors du séchage, celle-ci s'est contractée, surtout chez les salmonidés. Le taxidermiste consciencieux devra donc reconstituer et remodeler le dessus et les côtés de la tête. Il en va de même pour l'intérieur de la gueule, les narines, la base des nageoires pectorales et ventrales ainsi que l'anus.

     Ce travail délicat requiert du taxidermiste une très grande attention, une dextérité manuelle impeccable et une bonne dose de patience, car une mauvaise reconstitution de ces parties deviendra très apparente après les étapes de peinture.

     Les incisions pratiquées sur le poisson devront être pratiquement invisibles et bien dissimulées. La totalité des nageoires ainsi que la queue devront recevoir un traitement spécial de façon à ce qu'elles conservent leur souplesse, sinon elles demeureront cassantes et s'effriteront à plus ou moins brève échéance. Les fissures et déchirures devront aussi être bien réparées.

     Quant à la peau, elle doit également faire l'objet d'un traitement, surtout chez les salmonidés qui sont des poissons très gras. Celui-ci consiste à faire tremper la peau dans divers solvants organiques. Si vous voyez que la peinture d'un montage s'effrite, surtout au niveau de la tête et de la mâchoire, cela est dû aux corps gras qui refont surface. Évidemment, le poisson devra lui aussi subir une étape de trempage spécifique pour fin de tannage.

     Les yeux doivent être de très bonne qualité et propres à l'espèce. J'ai déjà observé des poissons montés avec un seul œil, celui du côté du mur étant absent... drôle d'économie ! Pire encore, récemment, mon attention fut immédiatement attirée par des yeux de canard malard insérés grossièrement dans l'orbite d'une truite mouchetée... drôle d'hybride!

     Pour ce qui est des couleurs, ces fameuses couleurs, elles seront tantôt mates, tantôt très métalliques, mais surtout bien fondues entre elles. À titre d'exemple, plus de quinze couleurs opaques et semi-transparentes composent la «pelure» d'une truite mouchetée, et il y en a davantage sur un achigan.

     Quant au fini, il est laissé à la discrétion du pêcheur. Celui-ci pourra être mat de façon à représenter l'aspect limoneux d'un spécimen sous l'eau, ou super luisant pour évoquer l'apparence d'un poisson sortant de l'eau et exposé au soleil. À vous de choisir!

     En dernier lieu, il reste le choix de la plaque murale. Celle-ci est matière de goût et les prix varient selon la complexité du design ou de l'essence choisie. Pour le pêcheur exigeant et peu scrupuleux sur les tarifs, le taxidermiste professionnel et artistique peut pousser son art au maximum en offrant un montage sur meuble recréant l'habitat du fond du lac ou de la rivière. Le ou les poissons ainsi montés peuvent être regardés de tous les côtés (360 °), mais cela représente tout un défi qui demande la complicité du pêcheur par l'apport d'un poisson sans mutilations graves.

Conclusion

     Les quelques notions abordées ici ne représentent qu'une infime partie de tous les critères servant à évaluer les performances techniques et artistiques d'un taxidermiste. Les Américains possèdent une qualité que j'admire et qui se définit comme suit: «the best». Dans la recherche incessante de ce standard de qualité, les associations de taxidermistes de chaque État organisent de grandes compétitions internationales lors desquelles de talentueux taxidermistes professionnels et amateurs se disputent médailles d'or, d'argent et de bronze. Encore plus, certains montages, qui ne sont parfois composés que de deux ou trois oiseaux, se vendent à des prix aussi fabuleux que 10 000$ et même 20 000$ dollars!

     Farfelu, croirez-vous? Pourtant non! Ces pièces sont de véritables œuvres d'art animalier qui ont gagné, à juste titre, le respect de difficiles collectionneurs ou d'amants de la nature recherchant dans cet art le plus haut degré de perfection. Ceux-ci ont compris qu'une belle pièce de taxidermie artistique s'intègre tout aussi bien dans la décoration d'une résidence ou d'un édifice, qu'une sculpture ou une peinture animalières. Malheureusement, il se trouve très peu de taxidermistes de ce calibre au Québec, mais il en existe. À vous de les dénicher!

Références

» Texte & Photos: Denis D'Amours (Avril 1988).
» Magazine Sentier Chasse & Pêche.
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