L’Alose dite Savoureuse

     L'alose savoureuse fréquente plusieurs rivières qui se jettent à l'est du continent, dans l'Atlantique. Au Québec quelques pêcheurs pratiquent timidement la capture de ce magnifique poisson. Hier abondante, l'alose a quitté le St-Laurent; la présence de barrages contribue à sa rareté. C'est dans la Miramichi que l'alose est la plus présente. Cette rivière coule dans une paisible vallée du Nouveau-Brunswick et on retrouve des milliers d'aloses dans ses fosses.

     Ce poisson argenté est de la famille du hareng. Il présente un corps allongé plutôt haut, aplati légèrement, à la tête triangulaire. C'est un poisson aux formes semblables à celles de la laquaiche qui est bien présente dans de nombreux cours d'eau au Québec, en eau douce. La chair de cette espèce, comme son nom l'indique, est savoureuse. Malheureusement elle contient une grande quantité d'arêtes dans ses chairs. Traditionnellement on la consomme fumée et on détache les chairs avec les doigts. On la consomme en entrée et peut être utilisée en cuisine en la substituant au hareng fumé. L'alose est un poisson d'eau salée. Son instinct la pousse à rejoindre la rivière pour y frayer. La température de l'eau déclenche son envie de procréer. Les mâles arrivent en premier dans les fosses. L'eau couleur de thé de la Miramichi est claire.
 
     Lorsque le soleil frappe le corps bleu argenté de ce poisson, la rivière se pare de diamants. Bientôt avec l'arrivée des femelles, l'activité dans ces fosses peu profondes et graveleuses est passionnante. Pour un moucheur c'est l'euphorie car l'alose se promène constamment, tournant en rond dans la fosse. Les premiers poissons sont de grande dimension.
 
     Durant le jour, l'alose demeure dans la fosse en zone de plus faibles courants et remonte en eau rapide en soirée, à la tête de la fosse. Les arrivées d'eau sont à privilégier pour la pêche durant le jour. Lors de période de crue, ce poisson change sa position dans la fosse. À l'approche de la nuit il se déplace à la file en bordure du courant principal et passe par vagues de plus en plus nombreuses.
 
     Lorsque la température de l'eau atteint 53 degrés Fahrenheit (120 Celsius), c'est le signal du début de la période de fraie. Plusieurs mâles suivent la femelle pour lui faire la cour et pour contribuer à la fertilisation des œufs. Tous ces géniteurs nagent vigoureusement sous la surface, y laissant un sillage bien visible. C'est un spectacle hallucinant qui pourrait bien dégourdir les plus calmes des moucheurs. On ne sait plus où lancer la mouche!
 
     On entre dans l'eau et vogue ce poisson peureux vers le large. On ne peut se rapprocher à moins de cinquante pieds de ce poisson sportif, il est très méfiant. Le pêcheur trop hasardeux verra l'alose circuler derrière lui. Rien ne sert de courir, on garde notre position; l'alose va venir devant vous. Tant que la température de l'eau continue à se réchauffer, l'activité se produit, pour atteindre un sommet à 65 degrés Fahrenheit (180 Celsius).
 
     C'est surtout en soirée que les géniteurs sont le plus actifs. Après le coucher du soleil le fraie se poursuit jusque vers minuit. Au Nouveau-Brunswick, la noirceur arrive plus tard qu'au Québec, une heure de plus pour cette merveilleuse activité. Et c'est bien sûr en soirée que l'alose prend plus volontiers l'artificielle. Faut dire que ce poisson semble assez sélectif La présentation et la dérive de la mouche font toute la différence. C'est en soirée surtout, par grande période d'activité et d'agressivité, que l'alose pose sa gueule sur votre offrande.

     La femelle pond entre 20,000 et 150,000 œufs, selon la taille et l'âge. Il semble que durant son existence elle fraie plusieurs fois. Certaines frayent jusqu'à cinq fois. Elles reviennent annuellement dans les fosses de la Miramichi pour y donner la vie. Leur première migration se produit à l'âge de quatre ans. L'alose mesure alors 16 à 17 pouces (43 cm) C'est habituellement à l'âge de cinq ans qu'elle y fraie. Les géniteurs ont alors 18 à 19 pouces (50 cm) de long. Ce qui en fait un poisson sportif des plus désirables. Bien sûr, avec les années, la savoureuse continue sa croissance, des géniteurs de plus de vingt pouces résident dans les fosses de la Miramichi.
 
     Lors de sa migration, ce poisson se nourrit peu ou pas du tout. Il ne semble pas y avoir de construction de nid. Les œufs sont libérés en pleine eau et rapidement fécondés par les nombreux mâles qui courtisent la femelle. D'une densité légèrement supérieure à l'eau et non visqueux, les oeufs s'enfoncent lentement tout en dérivant dans le courant. Lors de ses déplacements dans la fosse, l'alose semble inspecter le fond de gravier. Pourquoi prend-t-elle la mouche? Devant une telle surabondance d'œufs, la nature pousse les aloses à enlever les œufs de moins bonne qualité. Ainsi l'espèce garde les plus forts. Quoi qu'il en soit, ce sont les imitations d'œufs qui plaisent le plus. C'est d'autant plus intéressant que ce sont des mouches simples à produire.
 
     Les couleurs rouge et orangé, de teintes fluorescentes, provoquent l'attaque. Au moment où l'excitation diminue on la ravive avec la couleur chartreuse fluorescent. L'ajout de matériaux clinquants et de poils blancs attire l'attention de ce prédateur. On pourrait penser que l'agressivité des mâles se transporte sur ces matériaux aux couleurs d'autres prétendants.
 
     Après le fraie, l'alose retourne à l'eau salée. Les mâles s'attardent sur les frayères jusqu'en fin de juin, mais les géniteurs sont plus petits. Les jeunes passent leur premier été en rivière et retournent à l'automne en mer. Ils mesurent deux à trois pouces et séjourneront en mer jusqu'à maturité. On leur connaît peu d'ennemis, si ce n'est les phoques, et ils reviennent en force dans la rivière l'année suivante.

Technique de pêche

     Curieusement la technique se rapproche de celle utilisée pour capturer le steelhead. On utilise une dérive contrôlée avec une soie à bout calant. Pour ainsi bien laisser traîner l'artificielle près du fond. L'imitation doit dériver à peu près à six pouces au dessus du gravier. On lance l'artificielle à 45 degrés vers l'amont et on poursuit une dérive un peu plus lente que la vitesse du courant. On termine la dérive à 45 degrés en aval.
 
     Lorsque l'on commence à pêcher, on essaie de trouver la bonne profondeur où doit se trouver le poisson. Marc dit souvent « trouver le fond ». Adaptez votre soie et la pointe du bas de ligne en fonction de l'éclairage et de la vitesse du courant. Lorsque l'on pêche en journée, la lumière est plus vive, la dérive est plus lente et près du fond. Les jours sombres on se rapproche de la surface. Plus la lumière descend en soirée plus nous verrons l'alose se manifester en surface.
 
     L'animation de l'artificielle lors de la dérive est plus importante en après-midi et très discrète en soirée, au moment où l'alose rejoint la surface. L'animation est plus rythmée ou saccadée à la fin de la dérive. Le courant créé par vos jambes immergées permet au saumon du pauvre de s'y réfugier. Souvent l'attaque se produit à la fin de la dérive. Il faut bien garder l'attention jusqu'à la fin de la course. Que de poissons perdus en rentrée sur des poissons à peine ferrés qui ont tiré à la fin de la dérive.
 
     La touche est délicate, à peine perceptible. Il faut sentir les moindres vibrations sur la soie. Gardez le contact avec la soie. L'alose est douce avec la mouche, pourquoi se presser, un geste rapide enlève l'offrande de la gueule de l'élue. Le secret est de laisser reposer la soie sur l'onde en baissant la canne. Lorsque le pêcheur anxieux ferre, il se produit un temps mort qui permet à l'alose de fermer les mâchoires sur l'artificielle.
 
     Le ferrage se produit en douceur. En soulevant délicatement la canne. Gardez le contact, ce poisson possède une mâchoire extrêmement dure et un second ferrage s'impose pour bien ancrer l'ardillon. La grosse brute fait place à la douceur féminine lors du combat. Un combat tout en douceur et court, si possible, pour ne pas trop épuiser ce poisson délicat. Mais quand même, une corde de réserve est nécessaire car les gros géniteurs vous réservent des surprises. Vous trouverez aussi tout le plaisir de battre ce poisson sportif sur une petite canne légère et courte. L'alose est fragile et doit être rapidement retournée à la rivière, si on veut la gracier. La ré-oxygénation face au courant est essentielle et demande le temps de bien rétablir le poisson avant de le relâcher.

Les artificielles

     L'alose savoureuse semble sélective sur les artificielles, ce saumon des pauvres semble attiré par les artificielles peu garnies et de couleur rouge et blanc. Quelques mouches développées au Nouveau-Brunswick sont productives. La Savoureuse et la Douce de Marc Madore sont des incontournables. Depuis quelques temps Marc ne jure que par un nouveau montage ...

La Savoureuse

Hameçon: Mustad 3906, #6.
Fil de montage: Fil Uni, 8/0 rouqe fluorescent.
Queue et aile: Poils de queue de chevreuil ou de veau ou encore mieux d'ours polaire dans le blanc.
Corps: Tinsel martelé couleur argent.
Tête: Fil de montage rouge fluorescent.

La Douce

Mustad 3906, no. 6.
Fil de montage: Fil Uni, 8/0 noir ou rouge.
Corps : Monté court en Tinsel Uni-Mylar Hot. Silver, #12 ou 14. Tinsel holographique.
Corps : Poils courts de queue de chevreuil ou encore mieux d'ours polaire, de couleur blanche.
Aile : Poils courts de queue de chevreuil ou encore mieux d'ours polaire, de couleur blanche.
Oeil : Yeux de nymphes en plomb et plaqué de couleur argent.
Tête : Chenille rouge fluorescent. En boule sur les yeux. Et finir avec le fil noir.

Elle Madore

Hameçon: Mustad 3906, #6.
Fil de montage: Fil Uni, 8/0 noir ou rouge.
Queue: Krystal Flash or.
Corps: Tinsel embossé or.
Yeux: Billes de chaîne or.

En conclusion

     L'alose au Nouveau-Brunswick offre une merveilleuse aventure à prix raisonnable. Nous pêchons en province voisine et il faut avoir recours à un guide local, pour deux pêcheurs visiteurs étrangers. Le permis de trois jours ou une semaine est peu dispendieux. Pour plus d'information vérifiez les sites touristiques du Nouveau-Brunswick et vous pouvez contacter Marc Madore résident de Blackville ou Roger Sorel à sa pourvoirie.

Références

» Textes et photos Jacques Juneau (2007).
» Magazine Pêche à la Mouche.
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