Chapitre II: l'Équipements de Pêche

     Vous avez sans doute souvent entendu dire, vous aussi, que la pêche du saumon atlantique est réservée uniquement aux millionnaires qui peuvent se payer l'équipement nécessaire, très dispendieux. C'est absolument faux. Malheureusement, le mythe de «pêche de millionnaire» accolé à la récolte de Salar a la vie dure.

     Voulez-vous que nous vous racontions comment André-A. Bellemare a récolté le premier saumon de sa vie? Il se servait alors d'une canne à moucher bien ordinaire, en fibres de verre, qu'il utilisait depuis plusieurs années pour pêcher la truite mouchetée. Il s'agissait d'une canne d'une longueur de 8 pieds et demi; le moulinet était lui aussi très ordinaire, à action simple, et la soie était flottante no 8 à fuseau décentré vers l'avant. André-A. n'avait même pas de ligne de réserve derrière sa soie à moucher, dans le moulinet, et son bas de ligne était un monobrin de pêche de diamètre uniforme et d'une résistance de 3,6 kg (8Ib). Rien de tout cela ne l'a empêché de « sauver» un saumon pesant 8 kg (18 lb), qu'il a dû combattre pendant 37 minutes dans une fosse excessivement rapide de la rivière Sainte-Anne, en Gaspésie (secteur du Gîte du Mont-Albert). Et nous pouvons vous assurer que André-A. est loin d'être un millionnaire ...
 
     N'importe qui peut en faire autant en utilisant son équipement actuel pour pêcher à la mouche. N'oubliez pas que, sauf en de très rares exceptions, vous ne pouvez récolter du saumon atlantique au Québec qu'en pêchant à la mouche artificielle non plombée. Une soie flottante fera très bien l'affaire dans la plupart des cas. Nous vous recommandons l'utilisation d'un moulinet avec un frein assez puissant. Puis, pour vous éviter des problèmes, il serait sage que vous enrouliez une centaine de mètres (100 ou 150 v) de ligne de réserve sur le tambour du moulinet avant d'y attacher la soie (ex.: du fil Dacron tressé, d'une résistance de 6,8 kg -15Ib). Comme bas de ligne, entre la soie et la mouche, vous pouvez, à la rigueur, ajouter un simple bout de monofilament d'une longueur d'environ 3 m (9 ou 10 pi) et d'une résistance de 6,8 kg (15 lb).
 
     Bon nombre de pêcheurs à la mouche se privent donc d'occasions à leur portée de récolter des saumons, s'ils croient que l'équipement est une embûche. Il leur suffirait de tenter l'expérience, en utilisant leur équipement actuel de pêche à la mouche, pour découvrir s'ils ont toute la patience requise pour devenir de vrais saumoniers; s'ils s'aperçoivent alors qu'ils n'ont pas la vocation, car la pêche sportive du saumon est loin d'être une activité facile à pratiquer, ils n'auront pas investi inutilement dans l'achat d'un équipement spécifique pour la pêche du saumon.
 
     Lorsque, par bonheur, vous récolterez votre premier saumon, vous serez alors inexorablement atteint de saumonite aiguë, une maladie incurable dont vous ne voudrez jamais guérir! Il vous sera alors toujours loisible (je vous procurer un équipement.de pêche a la mouche spécialement adapté à la récolte de Salar. Et c'est de cet équipement dont nous vous entretenons dans ce chapitre. 

     De nos jours, lorsque vient le temps de vous procurer une canne à moucher pour pêcher le saumon, un très grand choix s'offre à vous, ce qui était loin d'être le cas au début du siècle.

     Voilà une centaine d'années, les saumoniers manoeuvraient des cannes mesurant jusqu'à 20 pieds de longueur, en ébène vert (green hart) , qui pesaient de 1,36 à 1,42 kg (de 48 à 50 oz); les moulinets, quant à eux, étaient en cuivre et pesaient de 454 à 567g (de 16 à 20 oz)! Evidemment, il fallait manier de tels «poteaux» avec les deux mains ...
 
     Puis, durant les premières décennies du présent siècle, il était de mode d'utiliser de longues cannes en bambou refendu provenant du Tonkin (l'actuel Sud-Vietnam) qui mesuraient environ 14 pieds de longueur et qu'il fallait encore manier des deux mains. C'était l'époque où les saumoniers avaient l'habitude de lancer de très grosses mouches (no 5/0 ou plus ...).
 
     De nos jours, il est excessivement rare d'apercevoir des saumoniers maniant d'aussi longues cannes. Peut-être aurez-vous l'occasion d'en apercevoir sur les rivières Grande-Cascapédia ou Ristigouche, où pêchent encore de vieux membres des anciens clubs privés. Mais c'est surtout dans les musées que l'on peut aujourd'hui admirer ces longues cannes. Ces années-ci, les saumoniers utilisent surtout des cannes en fibres de verre, de graphite, de boron, ainsi que celles qui sont faites avec des mélanges de ces matériaux (fibres de verre et graphite, fibres de graphite et boron, etc.).
 
     Les manufacturiers continuent perpétuellement les recherches pour découvrir de meilleurs matériaux plus légers et plus résistants que ceux qu'ils utilisent de nos jours pour la fabrication des cannes. Au moment où nous écrivons ce livre, les manufacturiers font des expériences avec le kevlar, entre autres. Le kevlar? C'est le matériau qu'on a utilisé pour la fabrication du toit amovible du stade olympique de Montréal. C'est aussi celui-là qu'a employé l'ingénieur américain Burt Rutan pour la construction de Voyager, cet appareil dans lequel son frère Dick et Jeana Yeager ont survolé le globe terrestre sans escale, en décembre 1986. 

     Au moment de l'achat de votre canne, vous devrez prendre plusieurs paramètres en considération, le premier étant le poisson à capturer, dont le poids est assez imposant, la force prodigieuse et la combativité étonnante. Il vous faudra aussi tenir compte des mouches que vous utiliserez surtout (noyées ou sèches, grosses ou petites). Enfin, vos goûts personnels et vos ressources pécuniaires entreront en ligne de compte. Vous aurez à décider du matériau dont la canne sera fabriquée, de l'action que cette canne devra avoir et de sa longueur aussi.

     Nous n'avons surtout pas l'intention de vous donner un cours sur les matériaux employés dans la fabrication des cannes à pêche. Mais il est quand même important que vous reteniez quelques notions de base pour mieux guider votre choix.
 
- Bambou:
     ce sont des sections hexagonales, aplanies, collées (imprégnées de résine) et vernies.
 
- Fibres de verre:
     ce sont des fibres imprégnées de résine d'époxy ou de polyester.
 
- Fibres de graphite:
     ce sont des fibres unidirectionnelles de rayonne, enrobées de résine d'époxy.
 
- Boron:
     c'est un fil unidirectionnel d'un métal, le borax (traité au tungstène) enrobé de résine d'époxy.                 .
 
- Graphite/fibres de verre:
     c'est un composé de matériaux mentionnés plus haut, dans des proportions souvent inconnues. Le procédé de fabrication de la canne est le même que pour la canne en pur graphite. Cet alliage veut équilibrer les propriétés des deux matériaux, pour donner plus de flexibilité et d'élasticité à la canne.
 
- Boron/graphite:
     le procédé de fabrication ne change pas par rapport à celui de la canne en boron ou en graphite. Cet alliage veut également équilibrer les propriétés des deux matériaux, pour donner plus de flexibilité et d'élasticité à la canne.

     En nous basant sur des recherches faites par Serge Boulard, de Joliette, un grand spécialiste dans le montage des cannes à moucher, nous vous communiquons plusieurs caractéristiques des matériaux mentionnés ci-dessus. Ce qui facilitera peut-être votre choix.
 
A) Résistance
     À poids égal, le graphite est quatre fois plus résistant que l'acier, deux fois plus que les fibres de verre. Le boron est 20 pour1 00 plus résistant que le graphite. Les fibres de verre sont 40 pour 100 plus résistantes que le bambou.
 
B) Rigidité
     À volume égal, le graphite est trois fois plus rigide que les fibres de verre et deux fois plus que le bambou. Le baron est deux fois plus rigide que le graphite.
 
C) Puissance
     Le graphite emmagasine et relâche plus d'énergie que le bambou et les fibres de verre. Par ailleurs, puisqu'on peut fabriquer des cannes d'un diamètre plus petit, il offre moins de résistance au vent et développe plus d'énergie pour atteindre de plus grandes distances. Le boron offre plus de puissance que le graphite.

    Mais vous ne devez pas oublier qu'une canne a une action: extra-rapide, rapide, moyenne ou lente.
 
     Extra-rapide et rapide: se dit d'une canne à moucher qui travaille au niveau du scion (extrémité supérieure). Plus le bout du scion est léger, plus rapide est l'action de cette canne. Cette action permet de faire voyager la soie à une grande vitesse.
 
     Moyenne: se dit d'une canne dont l'action est localisée sur la moitié supérieure.
 
     Lente: la canne à action lente est flexible sur toute sa longueur, donc plus souple.
 
     N'y aurait-il pas lieu que les manufacturiers de cannes indiquent sur leurs produits quelle est l'action de chaque canne? Cela permettrait au client de choisir une canne possédant une action qui lui convient et qui est adaptée au genre de pêche qu'il pratique.

     N'oubliez pas que le choix de votre canne est une question de goût personnel.
 
     Certains saumoniers, en raison des habitudes qu'ils ont acquises, ne jureront que par une canne à action lente pour pêcher à la mouche sèche, alors que d'autres utiliseront une canne possédant cette action pour pêcher à la mouche noyée uniquement.
 
     Partant de l'hypothèse que vous n'achèterez qu'une seule canne à moucher pour pêcher le saumon, et considérant que la canne sert à lancer la mouche et à lutter contre le saumon; considérant que les mouches que vous lancerez peuvent être montées sur des hameçons dont la grosseur varie du no 4/0 ou 3/0 jusqu'au no 10, no 12 ou même no 16; considérant que Salar peut atteindre un poids assez élevé, éventuellement; considérant que la canne doit être assez forte pour lancer de grosses mouches, tout en étant assez puissante pour atteindre de grandes distances et supporter une soie à moucher relativement pesante; considérant que la canne doit être très maniable, tout en étant suffisamment rigide pour lancer des mouches sèches, mais assez souple pour lancer des mouches noyées; nous vous recommandons une canne d'une longueur de 9 pieds, utilisant une soie à moucher no 9 à double fuseau ou no 10 à fuseau décentré vers l'avant. Il s'agit, évidemment, d'un compromis acceptable! Plus tard, lorsque vous aurez acquis de l'expérience, lorsque vous aurez formé votre goût et lorsque vous aurez plus ... d'argent, vous pourrez vous procurer des cannes plus courtes ou plus longues, si cela vous enchante, en tenant compte de ce que nous vous avons dit plus haut au sujet de la longueur des cannes à moucher.
 
     De nos jours, la majorité des saumoniers (et nous sommes d'accord avec eux) utilisent des cannes à action rapide ou extra-rapide. Pourquoi? Parce que la canne se manie mieux et parce qu'il est possible d'obtenir plus de précision dans les lancers.
 
     La canne devrait être en graphite (notre préférence) ou en fibres de verre (tout dépendant de vos ressources pécuniaires). Cette canne devrait avoir une poignée de rallonge (ou une poignée rétractable, si c'est votre choix), qui vous permettra d'appuyer la canne sur votre poitrine lors de la lutte contre le saumon, tout en vous laissant embobiner la soie facilement. Les anneaux devraient être en acier inoxydable ou en céramique, compte tenu du nombre de lancers que vous ferez au cours d'une même saison de pêche.
 
     Nous vous soulignons qu'une canne en graphite peut devenir un paratonnerre durant un orage: en effet, cette canne peut attirer la foudre. Si vous continuez de pêcher avec une canne en graphite durant un orage, vous tiendrez alors dans votre main un lien avec... l'au-delà!

     Il n'est pas rare d'entendre dire que le choix du moulinet a fort peu d'importance pour le pêcheur à la mouche, puisque cette pièce d'équipement ne servirait qu'au remisage de la soie à moucher lorsqu'on va d'un endroit à l'autre.
 
     Cette affirmation n'est certainement pas valable dans le cas de la pêche du saumon.
 
     Les saumoniers vous diront que le moulinet est la pièce d'équipement la plus importante lorsqu'on veut récolter un saumon!
 
     Ce serait une folie que d'acheter un moulinet de piètre qualité, pour économiser des sous, lorsque vous vous préparez à pêcher le saumon.
 
     Nous devons vous le dire très clairement: c'est le moulinet qui ramènera vraiment le saumon! Car c'est le moulinet qui vous permettra d'amener Salar jusqu'à l'épuisette. Qu'il nous suffise de vous souligner que l'Américain Lee Wulff a réussi à capturer un saumon en utilisant uniquement un moulinet, une soie à moucher et une mouche ... sans canne!
 
     Sur le marché, vous trouverez des centaines de moulinets pour la pêche à la mouche. Il n'est donc pas facile de faire un choix judicieux. Pour vous aider à le faire, nous énumérons ci-dessous les principaux critères que vous devriez analyser. 

     Vous trouverez des gens qui tenteront de vous influencer en vous montrant comment un moulinet «balance» bien votre canne: ils fixeront le moulinet à la canne et poseront le tout sur leur index (placé devant la poignée de la canne). Dites-vous bien qu'un tel «balancement» n'a aucune importance quant à l'achat du moulinet pour la pêche du saumon.
 
     Ce qu'il faut, c'est que le moulinet soit le plus solide possible, tout en étant le plus léger possible. Pensez seulement au nombre de fois que vous aurez à manier votre canne au cours d'une saison de pêche. Pensez aussi à l'effort que le moulinet devra fournir lorsqu'il retiendra un lourd et vigoureux saumon dans l'eau vive, pendant parfois plus d'une heure.

     Ce moulinet devra être muni d'un excellent système de freinage.
 
     Des freins, il en existe de tous les genres, les plus sûrs étant ceux qui exercent une pression tout autour du tambour, au niveau du pivot.
 
     De nos jours, deux matériaux synthétiques, produits de l'ère spatiale, sont utilisés dans la fabrication des systèmes de freinage des moulinets pour la pêche à la mouche: le Delrin et le Teflon, qui sont très durs, légers et résistants. Assurez-vous que l'un ou l'autre de ces matériaux est inclus dans le système de freinage du moulinet que vous achèterez. N'oubliez surtout pas de vérifier si la tension du frein est réglable!
 
     Certaines compagnies fabriquent des moulinets dont le tambour n'est pas complètement enchassé dans le mécanisme: avec un tambour dont la face externe est protubérante, vous pouvez vous servir de la paume de votre main comme frein; ce qui vous accordera la possibilité de ralentir à votre guise la fuite du saumon. Il s'agit d'une technique de freinage très sportive, mais qui exige de l'expérience; vous risquez de perdre votre saumon si vous n'êtes pas expert dans le freinage d'un tel moulinet. Ce genre de moulinet devrait être muni d'un dispositif de blocage empêchant le dévidage involontaire de la soie. Soulignons, de plus, que la tension du moulinet doit être suffisamment forte et résistante pour éviter que le tambour ne tourne sur lui-même, advenant le cas où le saumon accélérerait sa course subitement.
 
     Prévoyez que le tambour de votre moulinet soit assez ample pour contenir, en plus de la soie, une bonne quantité de ligne de réserve, soit environ 90 m (une centaine de verges) de fil de Dacron tressé d'une résistance de 6,8 kg (15 lb). 

Action simple
     La majorité des saumoniers expérimentés préfèrent utiliser des moulinets à récupération simple, avec lesquels un tour de manivelle équivaut à un tour de tambour. Ces moulinets, fort peu compliqués mécaniquement, sont légers, moins sujets aux bris, plus faciles d'entretien et souvent moins dispendieux.
 
Action multiplicatrice
     Durant la dernière décennie, on a vu apparaître sur le marché des moulinets à récupération multipliée, dont le système d'engrenage est décommandé: par exemple, un tour de manivelle donne un et demi, deux ou trois tours de tambour. Ces moulinets, d'une grande capacité d'emmagasinage de soie et de ligne de réserve, ont habituellement un frein plus fort et offrent la possibilité de récupérer la soie à grande vitesse (ce qui est intéressant lorsque l'on pêche à la mouche sèche). Ils sont toutefois lourds, plus compliqués mécaniquement et souvent plus dispendieux. Si c'est votre choix, nous vous soulignons qu'un ratio d'une fois et demie dans le décommandement est suffisant.
 
Action automatique
     Ces moulinets récupèrent la soie par un mécanisme à ressort, déclenché sous pression de la main. Le tambour roule de lui-même, lorsque le ressort intérieur est déclenché. Ces moulinets ne sont pas appréciés des saumoniers et des adeptes de la pêche à la mouche en général: ils sont lourds, souvent enrayés, d'une faible capacité d'emmagasinage, dispendieux. Nous ne vous les recommandons pas pour la pêche du saumon. 

     Un aspect que vous ne devez pas négliger lors de l'achat d'un moulinet, c'est la possibilité de vous procurer des tambours additionnels pour votre moulinet. Car, obligé de faire face à des conditions de pêche changeantes, vous devrez employer tantôt des soies flottantes, tantôt des soies calantes, tantôt des soies à double fuseau, tantôt des soies à fuseau décentré vers l'avant, etc.; chaque tambour additionnel pour le même moulinet s'insérera parfaitement dans le mécanisme du même moulinet et le changement peut être fait en quelques secondes. Il est donc préférable d'acheter plusieurs tambours pour le même moulinet que plusieurs moulinets: un tambour ne coûte habituellement que le tiers du prix du moulinet.
 
     Il serait bon de consulter le dépliant accompagnant le moulinet dans sa boîte pourvoir si vous pouvez facilement inverser la rotation du tambour. Des saumoniers préfèrent, par exemple, toujours utiliser la main droite pour lancer et toujours employer la main gauche pour embobiner la soie, comme on le fait avec un moulinet à lancer léger. Qu'est-ce qu'un moulinet droitier? C'est celui que vous moulinez avec la main droite, et vice-versa pour le moulinet gaucher.

     La gamme des prix pour les moulinets est infinie, tout comme celle des modèles actuellement fabriqués par une multitude de compagnies. Consacrez donc un bon montant d'argent à l'achat de votre moulinet et vous ne serez pas déçu.
 
     L'idéal serait d'acheter un moulinet comportant le moins de vis possible, pour éviter que des parties ne s'en détachent lorsqu'il est soumis à un effort extrême. Enlevez les quelques vis que vous verrez sur le moulinet que vous avez acheté, saucez-les dans une laque et remettez-les en place, une fois pour toutes.
 
     Puis, pour éviter d'avoir à le remplacer trop rapidement ou trop fréquemment, soignez votre moulinet, de grâce! Ne le déposez surtout pas sur le sable: les grains de sable s'infiltrent trop facilement dans le mécanisme; s'il vous arrive de le faire, par mégarde, nettoyez votre moulinet et graissez-le.

     L'art de pêcher le saumon consiste à lui présenter une mouche, au bon endroit et de la meilleure manière possible.

     C'est bien évident que les mouvements que vous accomplissez pour y parvenir sont importants. Mais vos efforts sont bien futiles si vous ne disposez pas du bon outil propulseur.
     L'outil qu'utilise le pêcheur à la mouche est composé de la canne, qui agit un peu comme le manche d'un fouet, et de la «soie», terminée par le bas de ligne auquel est attachée une mouche.
 
     Ce n'est pas seulement votre bras qui fait travailler la canne et ce n'est assurément pas le poids de la mouche: c'est le poids, le mouvement et la vitesse de la soie qui font toute la différence. Si la soie est trop légère ou trop lourde pour la canne, vous parviendrez peut-être à manier votre canne un tant soit peu convenablement, mais au prix d'efforts épuisants.
 
     Donc, la soie sert à propulser le bas de ligne ainsi que la mouche: c'est elle qui fait plier la canne, qui crée l'effet de ressort. Lorsque vous pêchez le saumon, plus la mouche est grosse, plus il y a d'interférence dans le lancer.

     Au cours des siècles derniers, la ligne était composée de crins de cheval, habituellement les crins de la queue d'un fier étalon blanc, que l'on mettait un temps infini à choisir et à tresser. Il fallait alors être bien fortuné et doué d'une patience angélique pour pêcher à la mouche! François de B. Gourdeau nous a souvent parlé de cet étalon blanc que gardait Séraphin Vallières, de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, pour répondre aux commandes des membres de la famille Gourdeau, qui désiraient renouer avec les traditions séculaires dans le domaine de la pêche à la mouche. La recette du tressage des lignes en crins de cheval est donnée dans Treatyse of Fysshynge wyth an Angle, de dame Berners.

     Au début du présent siècle, avec l'arrivée des véhicules automobiles, les étalons blancs devinrent plus rares et les pêcheurs à la mouche plus nombreux ... La fabrication des lignes à pêche, de moins en moins artisanale, a conduit à l'introduction sur le marché de nouveaux matériaux. Ainsi sont apparues les soies à moucher, vraiment tressées avec de la soie (matériau relativement léger, résistant et durable). Ces lignes étaient dispendieuses et elles exigeaient beaucoup de soins; il ne fallait pas les entreposer mouillées et enroulées, pour éviter qu'elles ne pourrissent. C'est à partir de cette époque qu'on a commencé à fabriquer des moulinets avec des tambours aux parois trouées, qui laissent passer l'air pour assécher la soie et pour empêcher la ligne de réserve de pourrir.
 
     D'autre part, lorsqu'on voulait pêcher à la mouche sèche, il fallait graisser sa ligne pour qu'elle flotte à la surface de l'eau (d'où l'appellation degreased line fishing pour décrire l'action de laisser dériver sa ligne au fil de l'eau lorsqu'on pêche le saumon en rivière, même lorsqu'on utilise une mouche noyée).
 
     Puis les fabricants se mirent à utiliser des matériaux synthétiques nés de l'industrie de guerre, tels que le nylon et le Dacron, pour augmenter la légèreté, la résistance et la durabilité des soies, tout en diminuant le prix de vente au détail. De nos jours, les soies sont presque toutes faites en nylon recouvert d'une matière plastique: elles sont beaucoup plus résistantes et durables que les anciennes et exigent beaucoup moins d'entretien, tout en coûtant relativement peu. 

     Quelle forme de soie conviendra le mieux? Est-ce que ce sera une soie parallèle, à double fuseau, à fuseau décentré vers l'avant ou bien une soie torpille?
 
Parallèle
     C'est celle dont le diamètre est le même sur toute la longueur de la soie. Son seul avantage est son prix minime. Les pêcheurs à la mouche ne l'achètent pratiquement plus. On ne la conseille même pas à un débutant. Oubliez-la.
 
À double fuseau
     C'est celle qui est effilée à ses deux extrémités. Cette soie permet une présentation délicate de la mouche. Évidemment, vous lancerez moins loin avec une soie à double fuseau qu'avec une soie à fuseau décentré vers l'avant ou une soie torpille, mais vos lancers seront plus discrets, surtout lorsque vous utiliserez de petites mouches sèches. Lorsqu'une extrémité de la soie est usée, vous pouvez dérouler la soie et l'embobiner dans l'autre sens, par mesure d'économie.
 
À fuseau décentré vers l'avant
     C'est celle dont la majeure partie du poids est répartie à l'avant, puisqu'elle possède une section plus grosse et plus pesante sur quelque 9 m (une trentaine de pieds); derrière, le diamètre décroît immédiatement. En créant cette soie, on a voulu distribuer son poids là où il sert réellement à arquer la canne au maximum. Lorsque le fuseau est à l'extérieur du scion de la canne, vous pourrez faire de très longs lancers sans trop d'efforts, tout en utilisant des mouches plus grosses et pesantes. Cette soie sera particulièrement efficace lorsque vous pêcherez par temps venteux: cette situation survient fréquemment lorsqu'on pêche le saumon ... surtout au Québec! C'est la soie que nous vous conseillons pour pêcher à la mouche noyée.
 
Torpille
     La soie torpille est celle dont l'extrémité ressemble à celle de la soie à fuseau décentré vers l'avant, mais cette section est beaucoup plus courte; et cette extrémité est attachée à une autre ligne, de diamètre sensiblement plus petit. Cette soie a été conçue spécialement à l'intention des participants à des tournois de lancer, mais des pêcheurs l'utilisent aussi pour lancer à de très grandes distances. Nous ne vous recommandons toutefois pas son utilisation pour la pêche du saumon, car il vous sera difficile de procéder à l'amendement de votre soie, ce qui empêchera votre mouche noyée de dériver librement dans le courant. Nous étudierons l'amendement de la soie dans le chapitre sur les techniques de pêche (à la noyée). 

     Lorsque toutes les soies pour pêcher à la mouche étaient vraiment fabriquées de soie, les adeptes n'avaient qu'à se préoccuper du diamètre de la ligne à acheter pour permettre à la canne de donner son rendement maximal. Mais, après la Deuxième Grande guerre, lorsque certains fabricants se mirent à employer des matériaux synthétiques, ce fut la pagaille: à diamètre égal, des soies composées de matériaux différents n'avaient plus le même poids et le maniement de la canne devenait un cauchemar.
 
     Vers 1960, les fabricants de soies à moucher, devant les plaintes des sportifs déboussolés, décidèrent de simplifier le choix et d'adopter un nouveau code d'identification des soies, le même pour tous les fabricants membres de la A.F.T.M.A. (American Fishing Tackle Manufacturers Association). On se mit à désigner les produits par des numéros, basés sur la pesanteur de la soie, non plus sur son diamètre. Quel que soit le fabricant de la soie à moucher, quel que soit le matériau utilisé dans sa fabrication, quel que soit le diamètre de la ligne, une soie portant un numéro spécifique de la A.F.T.M.A. a un poids déterminé et la marge d'erreur est minime d'un fabricant à l'autre, d'un matériau à l'autre.
     Ce n'est donc plus un grand problème de savoir quelle soie idéale vous devriez utiliser avec votre canne à moucher. D'ailleurs, les fabricants de cannes sérieux, aussi membres de la A.F.T.M.A., ont accepté d'indiquer sur leurs produits (immédiatement en avant de la poignée de la canne) le ou les numéros des soies idéales que vous devriez employer pour permettre à la canne de donner son meilleur rendement. Ainsi, lorsqu'un fabricant de canne indique sur son produit, au-dessus de la poignée : «#9/10», cela signifie que vous pouvez utiliser une soie à double fuseau du petit numéro (no 9) ou bien une soie à fuseau décentré vers l'avant du plus haut numéro (no 10). Pourquoi? Parce que, au-delà des 30 premiers pieds de longueur, la soie à double fuseau d'un numéro donné (ex.: no 9) est plus lourde que la soie à fuseau décentré vers l'avant (du même numéro donné).
 
     Donc, les soies modernes portent chacune un numéro, allant du no 1 au no 12 (du plus léger au plus lourd). Voici le poids que chacune de ces soies devrait théoriquement avoir, selon la A.F.T.M.A.:
 
     Retenez seulement que les fabricants ont décidé, d'un commun accord, que seulement les 9 premiers mètres (30 premiers pieds) de la soie seraient calibrés, même si les soies ont 27,5 ou 32 m (30 ou 35 v) de longueur. Pourquoi? Parce que des tests ont prouvé que la majorité des pêcheurs à la mouche, dans la majorité des circonstances, n'ont pas besoin de plus de 9 m (30 pi) de soie au bout de la canne pour atteindre le poisson, tout simplement! Ajoutés à la longueur de la canne et à celui du bas de ligne, ces 9 m (30pi) de soie seraient suffisants pour le pêcheur moyen, dans des conditions de pêche usuelles, selon l'AF.T.M.A. Ne vous considérez pas malhabile si vous ne déroulez pas une longueur de soie supérieure!
 
     Certains pêcheurs à la mouche sont d'opinion qu'il faut utiliser une soie d'un poids supérieur à celui recommandé par le manufacturier de la canne, ce qui permettrait de faire des lancers plus longs. Nous croyons que cette surcharge de la canne pourrait affaiblir cette dernière, à la longue, parce qu'elle n'a pas été conçue pour recevoir une soie aussi pesante. Et nous devons signaler que plus le poids de la soie est léger, plus le lancer sera délicat et moins la surface de l'eau sera perturbée; ce que vous rechercherez, c'est de déranger le moins possible l'environnement du saumon avec un lancer. Évidemment, avec une soie plus lourde, il vous sera possible de lancer plus loin des mouches plus grosses et plus pesantes. Avec du temps et de la pratique, il vous sera aussi possible de faire des lancers délicats.

Flottante à bout calant
     Cette soie flotte, sauf sur les 3, 6 ou 9 derniers mètres (10, 20 ou 30 derniers pieds), au choix. La soie qui cale sur ses 3 derniers mètres (10 derniers pieds) est généralement la plus employée par les saumoniers. Vous utiliserez fréquemment une soie à bout calant, tôt en saison, lorsque l'eau sera haute et froide, ou bien après une pluie diluvienne (eau haute et brouillée). Le bout calant faisant descendre la mouche plus profondément dans l'eau, vous serez assuré que Salar aura plus de chances d'apercevoir cette mouche, surtout dans de telles conditions.

Calante
     Les saumoniers utilisent très peu ce genre de soie. Elle pourrait être très utile, très tôt en saison (au printemps). Toutefois, elle est plus difficile à maîtriser; son retrait de l'eau demande beaucoup d'efforts, ce qui devient épuisant à la longue. Avec une soie calante, il devient impossible de procéder à un amendement, car cette dernière est trop profondément enfoncée sous l'eau.
 
     Nous ajoutons que l'emploi des soies calantes et à bout calant a l'avantage de faire caler le bas de ligne et donc de rendre ce dernier moins visible pour Salar. Nous vous soulignons aussi qu'il serait avantageux de raccourcir votre bas de ligne lorsque vous utiliserez les soies à bout calant ou calantes: la mouche descendra plus profondément sous l'eau.
 
     À la suite de toutes ces constatations, nous vous indiquons que les saumoniers avertis emploient habituellement deux soies: ils utilisent d'abord une soie flottante à fuseau décentré vers l'avant lorsque les conditions de pêche sont normales (tant pour la pêche à la mouche noyée que pour celle à la mouche sèche), puis une soie flottante à bout calant de 3 m (10 pi) en d'autres conditions (pour lancer la mouche noyée, de toute évidence).

     La couleur de la soie a-t-elle de l'importance? Nous le croyons et nous soutenons que les couleurs pâles sont à recommander. Pourquoi? Parce que vous pourrez facilement observer la course d'une soie pâle, tandis que Salar sera moins effrayé: vus de sous la surface, le blanc et l'ivoire tendent à se confondre avec le ciel. Selon la théorie de l'évolution de Darwin, tous les oiseaux aquatiques ont le dessous du ventre blanc pour moins effrayer leurs proies sous l'eau.

     Compte tenu du prix de vente à la hausse des soies à moucher, il est avantageux pour vous d'en prendre soin pour les faire durer plus longtemps. Au terme de chaque journée de pêche, nettoyez-la à l'aide d'un enduit que chaque fabricant sérieux livre habituellement dans le même empaquetage.
 
     Ainsi, votre soie glissera mieux dans les anneaux de la canne et vous obtiendrez plus de distance et de précision dans vos lancers. Ne craignez pas de la faire tremper dans de l'eau tiède et savonneuse pour mieux la nettoyer. Puis, après la saison de pêche, il s'agira de ne pas laisser votre soie enroulée dans le moulinet pour qu'elle puisse mieux «respirer»; gardez-la enroulée, par exemple, autour d'un gros tube en carton. Les magasins spécialisés vous vendront des produits pour réparer les craquelures dans la couche plastifiée extérieure d'une soie trop utilisée. Évitez de pratiquer le lancer sur la pelouse: votre soie sera coupée par les brins d'herbe. Si votre moulinet n'est pas suffisamment ample pour contenir à la fois votre ligne de réserve et votre soie à fuseau décentré vers l'avant, vous pourrez amputer votre soie de quelques mètres (à l'extrémité arrière, soit celle qui est reliée à la ligne de réserve), car il est rare que vous vous servirez de toute la soie durant vos lancers!
 
     Au magasin, lorsque vous achèterez votre soie, vous ne pourrez vous tromper puisque les caractéristiques sont inscrites sur l'emballage (en anglais, rarement en français, bien souvent en franglais ...). Pour vous permettre de bien comprendre le système, nous vous soulignons que la lettre «L» est pour «Level», «DT» pour «Double Taper», «WF» pour «Weight Forward», «ST» pour «Shooting Taper», «F» pour «Floating», «S» pour «Sinking». 

     L6F: parallèle (Jeve/) no 6, flottante (floating)
     DT7F: à double fuseau (double taper) no 7, flottante (floating)
     DT8S: à double fuseau (double taper) no 8, calante (sinking)
     WF8F/S: à fuseau décentré vers l'avant (weight forward) no 8, à bout calant (floating/sinking)
     WF9F: à fuseau décentré vers l'avant (weight forward) no 9, flottante (floating)
     ST8S: Torpille (shooting taper) no 8, calante (sinking).
 
     Ici, nous voulons vous communiquer un de nos trucs: avec un crayon feutre à encre indélébile noire, faites un trait sur votre soie à 9 m (30 pi) de son extrémité, deux traits à 1 2 m (40 pi), trois traits à 1 5 m (50 pi) et ainsi de suite. Pourquoi? Lorsque vous pêcherez à la noyée, vous pourrez visualiser immédiatement le nombre de mètres (pieds) de soie déroulée; si, par hasard, un saumon lève sur votre mouche sans la prendre, vous pourrez revenir pêcher au-dessus de lui avec exactement la même longueur de soie, après lui avoir accordé plusieurs minutes de repos. Il s'agira, avant de vous retirer de la fosse, de marquer votre position dans la fosse et de noter à quel «trait» vous en étiez rendu sur votre soie.

    Que penseriez-vous d'une personne qui consacrerait plusieurs centaines de dollars à l'achat d'une excellente carabine, mais qui rechercherait ensuite les munitions les moins dispendieuses ou qui ne se préoccuperait nullement de la pesanteur en grains des balles et qui n'ajusterait pas les mires et le télescope de l'arme?

    Voilà: vous traiteriez cet hurluberlu d'imprévoyant, pour le moins, même d'imbécile. Vous ne parieriez pas un «vieux 2.$» sur ses chances de succès.
 
     Cependant, bon nombre d'adeptes de la pêche à la mouche agissent de cette manière bizarre: ils investissent des sommes rondelettes dans l'achat de cannes, moulinets, soies et autres pièces d'équipement, mais ils n'attachent que fort peu d'importance au choix de leurs bas de ligne.
 
     La munition est le moyen ultime permettant au chasseur d'atteindre le gibier convoité. Le bas de ligne est le lien essentiel entre le pêcheur et sa prise. Le bas de ligne, qui relie la mouche à la soie, est l'extension de cette dernière: mais, parce qu'il est transparent, le bas de ligne vous permettra de présenter la mouche à Salar avec l'espoir que ce dernier n'apercevra pas la soie à moucher. Ce bas de ligne subit la poussée de la soie à moucher, se déroule et pose la mouche en douceur; si vous le choisissez bien, le bas de ligne permettra en outre à la mouche de dériver le plus naturellement et le plus librement possible dans la fosse.
 
     Un bas de ligne mal choisi ou mal fabriqué vous fera perdre des chances de ferrer Salar; le saumon ignorera votre mouche, ou bien il montera peut-être la voir mais ne la gobera pas. Si Salar prend la mouche attachée à un mauvais bas de ligne, vous n'aurez peut-être pas la chance de bien le ferrer et il pourra se décrocher.
 
     Vous vous rendrez compte qu'il existe un bas de ligne pour diverses conditions de pêche, tout comme il existe des armes à feu et des munitions idéales pour différents types de chasse. 

     Un nombre croissant de saumoniers fabriquent personnellement les bas de ligne qu'ils utilisent, à partir de monobrins de pêche de très haute qualité spécialement conçus à cette fin. Serait-ce du maniérisme? Que non! Plusieurs raisons militent en faveur de cette fabrication personnelle des bas de ligne. Des raisons d'ordre pratique, d'abord. Parce que les saumoniers ont de la difficulté à trouver sur le marché des bas de ligne fuselés sans noeuds assez longs et assez forts. D'autre part, les bas de ligne fuselés sans noeuds généralement vendus dans les magasins ont été fabriqués à partir d'un monobrin de diamètre égal, qui a ensuite été étiré mécaniquement pour le rendre effilé; on peut concevoir que la résistance et la qualité d'un tel bas de ligne ne sont pas constantes. Lorsque vous utiliserez un bas de ligne sans noeuds, il raccourcira constamment, puisque vous changerez fréquemment de mouche et que vous devrez donc couper chaque fois un bout du bas de ligne pour ce faire.
 
     Le bas de ligne que nous préférons est celui qui est fait à la main, à partir de segments de monobrins de diamètres différents. Les noeuds faits dans un bas de ligne fuselé à plusieurs segments lui donnent plus de corps et l'extrémité ou bout fin peut être changé à volonté; lorsque cette extrémité est raccourcie à la suite du changement fréquent de la mouche, vous couperez tout simplement près du dernier noeud de raccord du bas de ligne et vous attacherez alors un nouveau bout fin. Dans la section E de ce chapitre, portant spécifiquement sur la manière de faire différents noeuds, vous verrez comment attacher deux segments de diamètres différents de monobrin pour fabriquer des bas de ligne. Donc, pour obtenir la meilleure performance dans vos lancers, le bas de ligne doit être fuselé, mais également ferme et léger.

     Les magasins spécialisés offrant des bas de ligne faits à la main sont rares et il vous faudra mettre le prix pour vous procurer annuellement un éventail complet de bas de ligne neufs montés par des artisans. Tout compte fait, mieux vaudrait que vous fassiez, chaque année, provision de quelques bobines de monobrins de haute qualité conçus spécifiquement pour la fabrication personnelle des bas de ligne ... (leader material). Et que vous appreniez la manière très simple de les faire. Il est essentiel d'utiliser, dans le montage du même bas de ligne, des segments de monobrins fabriqués par une même compagnie: le monobrin de pêche d'une compagnie a normalement un diamètre précis, pour une résistance donnée (exprimée en «kg de résistance» ou «lb test») et le diamètre est différent pour un monobrin d'une même compagnie possédant une résistance différente. Si vous utilisez des monobrins fabriqués par des compagnies différentes pour faire un bas de ligne fuselé avec des noeuds, vous risquez de vous retrouver, par exemple, avec un segment de monobrin d'une résistance de 6,8 kg (15 lb) qui serait du même diamètre (ou, pire, d'un diamètre inférieur ...) qu'un segment d'une résistance de 5,5 kg (12 lb).
 
     Vous devrez absolument éviter de soumettre aux rayons du soleil ou à une source de chaleur intense les bobines de monobrin ou les bas de ligne déjà montés, ce qui affaiblirait le nylon et le rendrait friable.
 
     Lorsque nous parlons de monobrins spécifiques pour montage de bas de ligne, nous excluons généralement les bobines contenant plusieurs centaines de mètres (verges) de monobrin (que l'on vend habituellement aux adeptes de la pêche au lancer léger), car ce denier type de fil est beaucoup plus souple.
 
     Nous tenons à vous souligner que certaines compagnies vendent du matériel possédant plus de corps pour la fabrication de bas de ligne. Nous préférons fabriquer nos bas de ligne avec ce genre de matériel: cela permet d'éviter la formation de noeuds dans le bas de ligne durant les lancers et d'étendre le bas de ligne bien droit.

     Quelle devrait être la grosseur de l'extrémité ou bout fin du bas de ligne? Plusieurs facteurs en détermineront le diamètre et la résistance: la grosseur des saumons à récolter ainsi que la mouche utilisée (grosseur, type: noyée ou sèche).
 
     En pêchant à la mouche noyée, si l'eau est très claire, vous emploierez une petite mouche et le bout fin du bas de ligne devrait alors être le plus petit possible. Plus la mouche est petite, plus l'extrémité du bas de ligne doit être fin, autant pour empêcher Salar de détecter ce bas de ligne que pour permettre à la mouche de dériver le plus naturellement et le plus librement possible.
 
     Lorsque l'eau est froide, haute, brouillée et rapide, vous utiliserez habituellement une plus grosse mouche (pour qu'elle soit plus visible pour le saumon). Le fuselage du bas de ligne et la finesse de son extrémité auront alors relativement moins d'importance; il vous faudra alors utiliser un bas de ligne dont l'extrémité sera proportionnée au poids de la mouche, pour faciliter vos lancers, d'autant plus que Salar aura de la difficulté à détecter le bas de ligne qui retient la mouche, dans de telles conditions de pêche.
 
     En pêchant à la mouche sèche, vous emploierez un bas de ligne dont le bout fin sera relativement gros, si votre mouche sèche est grosse. À mesure que vous diminuerez la grosseur de votre mouche sèche, vous devrez également diminuer la grosseur du bout fin de votre bas de ligne.

     La longueur du bas de ligne dépendra, d'une part, de l'habileté du saumonier à lancer la mouche et, d'autre part, des conditions de pêche (les conditions d'eau, le type de mouche: noyée ou sèche). La longueur variera habituellement de 2,14 à 3,65 m (de 7 à 12 pi); nous vous soulignons qu'un bas de ligne d'une longueur de 2,75 m (9 pi), dont l'extrémité ou bout fin est constitué d'un segment de monobrin ayant une résistance de 4,5 kg (10 lb), est celui qu'emploient le plus les saumoniers, dans des conditions de pêche normales.
 
     Tôt en saison, que ce soit en pêchant à la mouche noyée ou à la mouche sèche, vous pêcherez habituellement avec de grosses mouches: vous pourrez alors utiliser généralement un bas de ligne d'une longueur de 2,14 m (7 pi), dont l'extrémité sera constituée d'un segment de monobrin d'une résistance de 6,75 ou même 9 kg (15 ou même 20 lb). N'oubliez pas que les saumons qui prennent la mouche, en début de saison de pêche, sont souvent gros et très combatifs.
 
     En période d'étiage, c'est-à-dire lorsque l'eau est basse, claire et chaude, et quand vous devrez utiliser de petites mouches, il sera évidemment préférable d'employer un bas de ligne plus long, de 3,35 ou 3,65 m de longueur (11 ou 12 pi), et dont l'extrémité sera un segment de monobrin d'une résistance aussi basse que 3,6 ou 2,7 kg (8 ou 6 lb),
 
     Pour que votre bas de ligne se déroule bien au bout de votre soie, l'extrémité d'emprise ou le gros bout de votre bas de ligne, soit celui qui est immédiatement attaché à votre soie, devrait avoir un diamètre équivalant aux deux tiers de celui de votre soie. 

     Prenant pour acquis que vous avez fait provision de bobines de matériel à bas de ligne de haute qualité (un éventail allant du fil d'une résistance de 2,7 ou 3,6 kg - 6 ou 8 lb - jusqu'à une résistance de 9 kg - 30 lb - fera l'affaire), nous vous communiquons la formule la plus simple que nous connaissons pour fabriquer vos bas de ligne. Cette formule s'applique aux bas de ligne fuselés de n'importe quelle longueur.

     1) Déterminez la longueur, en centimètres (pouces), du bas-de-ligne que vous désirez fabriquer;
 
     2) Calculez que 30 pour 100 de la longueur totale seront consacrés à l'extrémité d'emprise ou gros bout, que 40 pour 100 iront aux quatre segments égaux en longueur qui constitueront la graduation du fuselage, tandis que les derniers 30 pour 100 seront réservés à l'extrémité fine de votre bas de ligne.
 
     Nous vous illustrons cette formule avec le montage d'un bas de ligne de 280cm (110 po):

     Lorsque Salar aura été ferré et qu'il se sentira pris, croyez  bien qu'il ne restera pas là à ne rien faire! Il entreprendra une course folle, à une vitesse étonnante, pour s'éloigner de vous.
 
     Pour le retenir, vous disposerez de votre canne et du moulinet contenant la soie à moucher, à laquelle est relié votre bas de ligne suivi de la mouche. Mais la soie à moucher ne mesure habituellement qu'une trentaine de verges (30 pour certaines compagnies et 35 pour d'autres) et le bas de ligne n'a que 3 m de longueur (une dizaine de pi), ce qui constitue un lien d'une longueur totale de quelque 30 m (100 pi) entre vous et le saumon. Est-ce que ce sera suffisant? Il se pourrait bien que ce le soit: ce fut le cas, pour André-A. Bellemare, lorsqu'il a récolté son premier saumon dans la rivière Sainte-Anne, comme il vous l'a raconté au début de la partie de ce livre portant sur le choix d'une canne à moucher.
 
     Toutefois, dites-vous bien que Salar vendra chèrement sa peau et qu'il cherchera à vider votre moulinet dans sa fuite. Alors, pourquoi prendriez-vous des risques en n'utilisant pas de ligne de réserve?
 
     Cette ligne de réserve devrait avoir une résistance d'au plus 9 kg (20 Ib) et une longueur d'environ 90 à 135 m (100à 150v). Il ne vous servirait à rien d'avoir une ligne de réserve beaucoup plus résistante que le bas de ligne, n'est-ce pas? Vous utiliserez rarement un bas de ligne dont l'extrémité la plus fine aura une résistance de plus de 9 kg (20 lb).
 
     Vous croyez peut-être, d'un autre côté, qu'il est exagéré d'embobiner 135 m (150 v) de ligne de réserve? Laissez-nous vous raconter une aventure à ce sujet.
 
     Un été, en début de juillet, André-A. Bellemare pêchait dans la fosse Richard's du secteur Glen Emma de la rivière Matapédia. Cette fosse, nommée en l'honneur du fameux guide Richard Adams, mondialement connu, est située en haut d'une chute. Pour se rendre à la fosse, on gare sa voiture en bordure de la route, on descend un escalier, on traverse un bras de la rivière sur un ponceau fait de troncs d'arbres renversés et on traverse ensuite un îlot rocheux avant d'arriver à la fosse. Lorsque André-A. est arrivé à la fosse, le guide Omer Lévesque lui a demandé s'il avait une ligne de réserve suffisamment longue pour sauver un saumon; il lui a affirmé qu'il en était sûr (cette ligne de réserve avait une longueur de 275 m (300 v). André-A. «couvre» sa fosse avec sa mouche et arrive enfin à la queue de la fosse (juste au-dessus de la chute): un gros saumon gobe la mouche et entreprend de fuir. ..en descendant la chute! Imaginez la scène: André-A. court dans la fosse vers l'îlot rocheux, court sur l'îlot lui-même, traverse le ponceau fait de troncs d'arbres, monte l'escalier pour rejoindre la route et entreprend, tout en sueurs et tout essoufflé, de courir sur la route nationale pendant que son gros saumon continue de descendre la Matapédia à vive allure en dévidant le moulinet. Avant même d'avoir eu le temps de redescendre la berge de la rivière, vis-à-vis de la fosse située au pied de la chute, le saumon a complètement vidé le moulinet: 275 m (300 v) de ligne de réserve! Il nous semble encore revoir les touristes qui avaient immobilisé leur véhicule pour assister à la scène et qui avaient le sourire en coin devant l'air hébété du camarade André-A. ...

    Afin d'introduire la ligne de réserve la plus longue possible dans votre moulinet, vous devriez en choisir une offrant le plus petit diamètre possible pour sa résistance. N'utilisez jamais un monobrin de pêche comme ligne de réserve: le monobrin prendra du volume en séchant et pourrait éventuellement déformer le tambour de votre moulinet. N'employez que des matériaux tressés, en Dacron ou en Micron. Le noeud entre la ligne de réserve et la soie devra être réussi à la perfection pour bien glisser dans les anneaux de la canne, où il passera avec une rapidité folle durant la fuite du saumon.

     Avant de devenir des «moucheux», nous avions pu observer des adeptes à l'oeuvre. Nous avions l'impression qu'ils se déguisaient en magasins ambulants d'articles de sport, avec tout le stock qu'ils transportaient sur leur personne ... C'est vrai que l'accoutrement d'un adepte de la pêche à la mouche, surtout celui d'un saumonier, paraît bizarre au profane.
 
     La réalité est bien simple. Lorsque vous êtes à pied dans l'eau d'une fosse, vous devez avoir immédiatement à votre portée tout l'équipement et tous les outils nécessaires pour faire face aux conditions de pêche changeantes.
 
     S'il fallait, chaque fois que vous voulez changer de moulinet, de soie, de mouche, que vous soyez obligé de sortir de l'eau et de retourner fouiller dans votre havresac, vous accompliriez alors des efforts inutiles et perdriez un temps précieux. 

     Vous ne verrez pratiquement jamais un saumonier pêcher pieds nus dans l'eau vive et froide d'une rivière à saumons; les originaux qui tentent cette expérience abandonnent rapidement cette pratique. La température relativement basse de l'eau, jointe à la vitesse du courant, a de quoi vous ankyloser les membres inférieurs, même si vous vous targuez d'avoir une excellente circulation sanguine. Ne courez donc pas de dangers inutiles: chaussez de bonnes bottes, les pieds bien au chaud dans des paires de bas de laine (deux ou trois paires, au goût et selon la saison, pour absorber l'humidité). Sous les bottes, évitez de porter des jeans en denim, qui s'imbibent facilement d'humidité (transpiration condensée) et qui sèchent très difficilement; le port de jeans mouillés est excessivement désagréable et peut être nocif. N'hésitez pas à porter des sous-vêtements en laine ou en duvet sous vos pantalons, même lorsque la température de l'air au-dessus de l'eau est relativement élevée.
 
     Mais, quelles bottes choisir? Éliminez immédiatement les bottes noires en caoutchouc qui vont sous le genou (communément appelées «bottes d'habitant», «suces», ou «bottes de vêlage» ...). Elles vous protégeront certes le dessous des pieds, mais elles ne vous permettront pas d'avancer assez loin dans une fosse d'une rivière à saumons.
 
     Les cuissardes, qui montent à la hanche, sont très pratiques pour pêcher dans les ruisseaux peu larges et peu profonds ou dans de petites rivières (comme celles d'Anticosti); mais, à l'expérience, vous vous rendrez vite compte que les cuissardes ne conviennent pas à toutes les occasions. Les cuissardes sont évidemment plus économiques que les bottes-pantalons, qui montent au-dessus de la taille, mais elles ne vous permettront pas de traverser complètement une fosse ou de vous approcher plus près des saumons lorsque vous ne pourrez plus allonger vos lancers. Si vous perdez pied sur des roches glissantes avec vos cuissardes, vous vous retrouverez le derrière à l'eau!
 
     L'idéal, c'est de posséder des cuissardes et des bottes-pantalons; mais, si vos ressources pécuniaires ne vous permettent pas d'acheter les deux types de bottes, procurez-vous des bottes-pantalons. Choisissez les meilleures que votre budget vous permet d'acheter, parce que vous les utiliserez fréquemment, qu'elles vous dureront longtemps et qu'elles auront une existence pleine de misère. Il serait sage d'emporter durant vos excursions de pêche un nécessaire de réparation pour vos bottes-pantalons, car vous ne trouverez pas toujours facilement un garagiste complaisant à proximité pour réparer une crevaison de celles-ci ...
 
     Lorsque vous porterez vos bottes, serrez la taille avec une ceinture: advenant une chute dans l'eau, vous retarderez la pénétration de l'eau dans celles-ci, ce qui pourrait éventuellement vous sauver la vie. Des bottes-pantalons pleines d'eau finissent rapidement par peser lourd, surtout si vous tentez de surnager dans les rapides! D'ailleurs, il serait sage d'acheter des bottes munies de semelles de feutre à l'extérieur de la semelle de caoutchouc: vous diminuerez ainsi les risques de glisser sur des cailloux ronds et limoneux. Si vous possédez déjà des bottes-pantalons qui ne sont pas munies de semelles extérieures en feutre, vous pourriez pallier la situation en collant des semelles taillées dans de vieux tapis; vous remplacerez ces semelles au besoin.
 
     Pour protéger la durée de vos bottes-pantalons, accordez-leur un minimum d'attention. N'oubliez pas que le caoutchouc se détériore facilement lorsqu'il est soumis trop longtemps aux rayons du soleil, à l'ozone dans l'air, à une chaleur excessive ou lorsque vous les entreposez à l'humidité pour une période de temps prolongée.
 
     Il conviendrait que vous laviez l'extérieur souillé de vos bottes-pantalons à l'aide d'eau tiède et de savon doux, avant de les éponger avec un linge doux. Enlevez les semelles de feutre intérieures pour les faire sécher; même si vos bottes ne prennent pas l'eau, la condensation et la transpiration pourraient faire moisir ces semelles de feutre intérieures et cette moisissure pourrait attaquer la doublure du caoutchouc des bottes. Pour faire disparaître l'humidité due à la condensation ou à la transpiration à l'intérieur des bottes, ne placez jamais ces dernières au-dessus d'une source de chaleur intense ou au soleil: introduisez-y plutôt des boules de papier journal sec, que vous retirerez évidemment lorsqu'elles seront imbibées d'humidité.
 
     C'est l'ozone dans l'air qui fait craqueler le caoutchouc. Entreposez vos bottes dans un endroit non éclairé, frais et sec; ne les placez pas dans une pièce de la maison où il y a des moteurs électriques en marche, où il y a des plinthes de chauffage électrique, des radiateurs, etc. Pour découvrir si vos bottes-pantalons sont percées ou craquelées et si elles ont besoin d'être réparées, utilisez une ampoule électrique fichée au bout d'un fil d'extension; dans une pièce absolument noire, insérez l'ampoule allumée dans les bottes pour découvrir les trous et craquelures. Faites attention de ne pas toucher la doublure du caoutchouc avec l'ampoule chaude. Une autre méthode à utiliser serait de remplir vos cuissardes et vos bottes-pantalons d'eau pour découvrir par où s'échappe l'eau; cette seconde méthode a le désavantage de vous obliger à bien assécher les bottes ensuite, avant l'entreposage.
 
     Tous les fabricants de bottes vous diront qu'il peut être dommageable d'entreposer ces bottes suspendues pour de longues périodes de temps, car le caoutchouc risque de fendiller et de craqueler lorsqu'il est étiré. Imitez la méthode des fabricants lorsqu'ils vous livrent les bottes dans leur empaquetage: saupoudrez l'intérieur et l'extérieur de vos bottes d'une très mince couche de poudre de talc (poudre pour la peau de bébé) et repliez soigneusement vos bottes (sans trop serrer) avant de les réinsérer dans leur empaquetage d'origine. 

     Avec des bottes-pantalons, contrairement à ce qui survient dans le cas du port des cuissardes, il n'est pas nécessaire d'acheter les culottes d'un habit de pluie. Vous pourrez vous asseoir sur la berge humide ou dans le fond d'un canot, même lorsqu'il pleut.
 
     Mais l'achat d'un habit de pluie (surtout au Québec...) demeure essentiel. Procurez-vous, encore là, le meilleur habit de pluie que votre budget vous permettra d'acheter, car il vous servira fréquemment et vous voudrez l'utiliser le plus longtemps possible.
 
     Il vaut la peine de mettre le prix pour l'achat d'un habit de pluie qui «respire», c'est-à-dire qui ne fait pas de condensation à l'intérieur lorsque vous suez; vous vous rendrez compte de l'importance de cette respiration de votre habit de pluie après avoir «portagé» dans les broussailles et après avoir mouché vigoureusement pendant des heures sous la bruine ou la pluie. Choisissez un habit de pluie très étanche aux poignets et au col, muni d'un capuchon qui se referme autour de la figure. Ces détails, insignifiants en apparence, prennent une importance capitale lorsqu'on subit les averses pendant des heures et des heures à la pêche.

   Une pièce d'équipement importante pour un adepte de la pêche à la mouche, surtout si c'est un saumonier, c'est la veste de pêche. Munie de poches en cascades, cette veste sera remplie d'un attirail impressionnant par sa quantité et sa diversité.
 
     Quelle veste acheter? Oh, bien sûr, vous en trouverez de très économiques, fabriquées dans des contrées asiatiques; mais, à l'expérience, vous découvrirez que ces vestes ont un nombre trop restreint de poches et que ces dernières sont trop petites. Après moult frustrations et complaintes, vous finirez par acheter une veste plus dispendieuse, mais très légère, contenant 12, 15 ou même 20 poches, très amples et très hermétiques.
 
     Dans les poches de votre veste de pêche, vous voudrez transporter, c'est bien certain, vos boîtes de mouches; dans le cas de la pêche du saumon, ces boîtes sont habituellement grosses, parce que les mouches noyées ou sèches sont souvent grosses et en grand nornbre.
 
     Vous voudrez également transporter des soies de rechange sur bobines pour votre moulinet; puis des bobines de monobrin pour bas de ligne; puis vos lunettes à verre polarisé, votre petit pot de pommade contre les insectes, la poignée d'extension de votre canne à pêche, la pierre à affûter vos hameçons, le morceau de caoutchouc pour «chauffer» et redresser votre bas de ligne, la pâte de silicone pour faire mieux flotter vos mouches sèches, une lampe de poche minuscule pour attacher vos mouches à l'aube et au crépuscule, l'assommoir à poisson, un couteau pour saigner ou éviscérer le saumon, l'imperméable, quelques victuailles à vous mettre sous la dent, votre permis et vos formulaires de droit d'accès, vos cartes d'identité et votre porte-monnaie; puis, peut-être, le kit de réparation pour vos bottes, le nécessaire pour le montage de mouches sur la berge, un minuscule appareil photographique pour capter la scène inoubliable de cet immense saumon qui saute ... avant de s'échapper!
 
     N'oubliez pas que la veste idéale a un anneau, dans le cou, pour y suspendre le queuetard; les poches sont munies de fermetures Velcro (pour un accès plus facile et plus rapide que par les fermetures-éclair); certaines poches sont doublées d'une toile imperméable, pour y loger tout ce qui doit absolument rester sec (boîtes de mouches sèches, imperméable, etc.), d'une ganse dans laquelle vous enfilerez la poignée de votre canne pour empêcher que cette dernière ne tombe à l'eau lorsque vous changerez le bas de ligne ou la mouche.

     Cette veste sera aussi munie d'un carré de peau de mouton rasé pour y accrocher vos mouches et les faire sécher à l'air libre; certains de nos amis saumoniers préfèrent accrocher leurs mouches dans un mince bloc de polyuréthane attaché à leur veste de pêche, parce qu'ils perdraient ainsi moins de mouches que si elles étaient piquées dans un carré de peau de mouton rasé.

     Pour transporter tout votre attirail, d'une excursion à l'autre ou d'une journée à l'autre, vous constaterez qu'il est frustrant d'utiliser un havresac ordinaire: dans ce dernier cas, vous serez obligé de fouiller longuement ou de le vider complètement pour y trouver le moindre objet.
 
     Un sac spécial, à fond imperméable et à jointures et coutures renforcées, bien compartimenté, voilà l'article idéal! Chaque objet sera toujours à la même place, d'une excursion à l'autre, d'une saison à l'autre. Des sacs en toile épaisse, dont se servent les photographes (professionnels ou amateurs avertis) pour transporter leurs appareils et objectifs, sont pourvus d'une multitude de petits compartiments étanches, rembourrés et, souvent, qu'on peut agencer à volonté (lorsque les parois de ces compartiments sont munies d'une bande Velcro). N'hésitez pas à visiter les magasins où l'on vend des sacoches pour dames : vous y découvrirez peut-être le «sac à pêche» de vos rêves!

     Une fois que le saumon aura mordu et que vous lui aurez livré un bon combat, vous déciderez peut-être de le garder et de le ramener sur la berge. Vous aurez besoin, si vous n'êtes pas habitué de ramasser votre prise à main nue, d'une épuisette ou d'un queuetard.
 
     Si vous optez pour l'achat d'une épuisette, procurez-vous en une au manche relativement long, à l'ouverture grande et au filet profond : n'oubliez pas que vous pourriez capturer des saumons de taille impressionnante!
 
     Si vous pêchez surtout en solitaire et qu'aucun copain n'est là pour vous aider à sortir le saumon de l'eau avec une épuisette, le queuetard pourrait être particulièrement utile. Le fil d'acier torsadé du queuetard devra être d'un diamètre suffisamment gros pour en favoriser une bonne rigidité; cette rigidité permettra que le noeud coulant tienne en place dans le courant. 

     L'assommoir est cet instrument qui sert à tuer le saumon, pour ne pas le faire souffrir inutilement sur la berge après la capture (si vous décidez de ne pas le relâcher vivant à l'eau, mais de le conserver pour un repas avec des amis).
 
     Au cours des ans, vous découvrirez que l'outille plus utile, à la chasse comme à la pêche, est un couteau d'officier de l'armée suisse: le modèle haut de gamme est un véritable «coffre à outils» miniaturisé. Un couteau de ce type vous sera d'une grande utilité durant vos excursions: en plus des lames pour saigner ou éviscérer le poisson, ce couteau renferme des tournevis pour réparer les moulinets et une multitude d'outils souvent indispensables, dont un tire-bouchon pour ouvrir une bonne bouteille de vin lors d'un pique-nique sur la berge!

     Une bonne balance mettra un point final aux discussions sur le poids de vos prises ... ou bien vous obligera à corriger vos premières estimations et vos exagérations ... Votre carnet de pêche sera plus complet, si vous pouvez y inscrire le poids réel de vos prises après la capture. Sur le marché, vous trouverez facilement des balances de ce type, conçues spécialement pour les pêcheurs, qui peuvent vous indiquer très exactement le poids d'un saumon atteignant jusqu'à 27,2 kg (60Ib).

     Pour voir où vous mettez les pieds dans l'eau, une bonne paire de lunettes à verre polarisé éliminera les reflets à la surface de l'eau, par une journée ensoleillée. Ces lunettes vous aideront aussi grandement à déceler la présence des saumons dans les fosses. Nous préférons le verre polarisé de couleur ambre à celui de couleur gris: l'ambre donne plus de contraste et permet de mieux définir les contours des obstacles sur le lit de la rivière et les saumons présents dans une fosse, bien entendu. Certains soutiennent que le verre polarisé teinté gris permet de mieux voir dans des eaux très claires, alors que le verre polarisé teinté ambre permettrait de mieux voir dans des eaux sombres. Quoi qu'il en soit, pour celui qui veut ne s'acheter qu'une paire de lunettes à verre polarisé, nous recommandons celles avec le verre polarisé teinté ambre. 

     Pour faciliter vos déplacements dans la rivière, vous pourrez utiliser un bâton de rivière. Ce bâton, vous pourrez l'acheter, mais aussi le fabriquer vous-même, à votre goût et avec le matériel de votre choix. Cette longue canne vous servira à résister à la poussée du courant, surtout lorsque vous traverserez les rapides à la tête ou à la queue de la fosse. Vous pourriez tout aussi bien utiliser un vieux bâton de skieur, dont vous aurez pris soin d'enlever la petite raquette à neige circulaire; nouez un anneau au bâton, pour l'attacher à votre ceinture et ne pas le perdre si vous l'échappez.

     Un couvre-chef protégera vos yeux, vos oreilles et vos joues contre la piqûre d'une mouche ... artificielle, qu'un faux mouvement ou la force du vent amènerait en direction de votre tête. La visière d'une casquette empêchera les rayons du soleil de vous aveugler. Un chapeau en ratine, trempé dans l'eau au cours d'une journée de canicule, vous servira de serviette pour vous rafraîchir le visage et «d'humidificateur» pour votre tête. Vous pourriez entourer votre chapeau d'une bande de mouton rasé, pour y accrocher les mouches que vous voudrez faire sécher.

     Vous entendrez certains adeptes de la pêche à la mouche et, surtout, des saumoniers, vous dire que le vulgaire coupe-ongles est peut-être l'outille plus utile. Ils ne sont pas loin de la vérité. Cet outil très commun servira à couper le bas de ligne lorsque vous changerez la mouche, ou à enlever la partie du bas de ligne en surplus lorsque vous ferez le noeud d'attache de votre mouche, ou à couper les bouts de monobrin pour fabriquer vos bas de ligne. Le coupe-ongles, épinglé à votre veste de pêche à l'aide d'une épinglette à corde rétractable (à ressort) sera un véritable bijou.

     Vos mouches, il faudra évidemment les classer dans des boîtes. Lesquelles? Il yen a une infinité sur le marché. Les meilleures? Celles en aluminium. Dans ces boîtes, les mouches noyées sont pincées par des ressorts ou des languettes métalliques flexibles; elles ne tomberont pas à l'eau lorsque vous ouvrirez de telles boîtes. Ces dernières sont perforées pour permettre aux mouches de sécher. Pour les mouches sèches, de petits compartiments en plastique transparent, fermés hermétiquement, vous permettront de voir les mouches sans que ces dernières ne s'envolent au vent. À vous de décider si vos mouches sont assez dispendieuses et assez belles pour exiger de tels écrins. À dédaigner: les «porte-feuilles» en mouton rasé, sauf peut-être pour les gros streamers et les grosses mouches noyées. À votre retour de l'excursion de pêche, sortez les mouches à l'air libre pour les faire sécher; remisez les mouches pour l'hiver dans un tiroir contenant de la naphtaline («boules à mites»).

La pâte de silicone
     Pour bien faire flotter les mouches sèches, la pâte de silicone est préférable au silicone en aérosol, parce que plus économique et parce que vous pourrez vous assurer que toutes les parties de votre mouche sont bien graissées.
 
Le chasse-moustiques
     Pour faire fuir les vraies mouches et les insectes authentiques (qui ne manquent assurément pas, au Québec, durant l'été ...) vous devrez emporter de l'huile pour vous en enduire. Mais, attention! Les composants chimiques des meilleures chasse-moustiques liquides sont toutefois très puissants et pourront endommager le vernis de votre canne à moucher et la couche plastifiée de votre soie à moucher ou affaiblir votre bas de ligne si vous ne prenez pas le soin de nettoyer la paume de vos mains après application.
 
Pierre à affûter
     La pierre à affûter est indispensable à tout pêcheur à la ligne, encore bien plus au pêcheur à la mouche et au saurnonier. Combien de saumons ont été échappés à cause d'hameçons peu affûtés?
 
Morceau de caoutchouc
     Vous avez souvent vu des adeptes de la pêche à la mouche utiliser un morceau de caoutchouc (morceau de chambre à air de pneu d'automobile, bout de garrot médical, morceau de vieille botte, etc.) et vous vous êtes toujours demandé à quoi cette pièce d'équipement pouvait bien leur servir. C'est tout simplement pour chauffer et redresser le bas de ligne, en faisant passer ce dernier entre deux parties du morceau de caoutchouc bien pincé entre les doigts. Car, lorsque le bas de ligne est déroulé de sa bobine ou du moulinet, il reste souvent bouclé ou en spirales; pourtant, lorsque vous lancerez la mouche, il faut que votre bas de ligne s'étende bien droit pour présenter correctement votre mouche au saumon, ce qui est capital. Par ailleurs, votre bas de ligne devra être bien droit pour permettre de ferrer Salar sans délai.
 
La lampe de poche
     Une lampe de poche minuscule, avec tête flexible, vous sera un outil précieux lorsque vous voudrez changer de bas de ligne ou de mouche et que la lumière du jour sera insuffisante (à l'aurore ou au crépuscule). Cette lampe de poche, qui projette quand même un rayon lumineux assez surprenant, vous permettra de vous diriger facilement dans un sentier, très tôt le matin ou très tard le soir.
 
Et quoi encore?
     Nous pourrions vous parler de la nécessité d'emporter un bout de corde pour transporter votre saumon jusqu'à votre véhicule, si vous avez un portage relativement long à faire. Avec cette corde, vous fabriquerez une poignée: une extrémité de la poignée en question sera attachée à la tête du saumon (via les branchies et la gueule) tandis que l'autre extrémité sera nouée près de la queue du saumon. Ainsi, vous pourrez transporter, sans trop de fatigue, un saumon de quelques kilogrammes de pesanteur, l'autre main restant libre pour transporter la canne à moucher et l'épuisette.
 
     Nous pourrions vous parler des étuis en aluminium, légers, pour transporter vos cannes à moucher de façon sécuritaire. Ou bien des étuis doublés de mouton rasé pour transporter vos moulinets sans risque de les égratigner.
 
     Nous pourrions vous parler de ces longues et étroites boîtes en polyuréthane facilitant le transport et la conservation du saumon durant une excursion de quelques jours.
 
     Mais nous vous laissons le soin ... et le plaisir ... de découvrir d'autres gadgets pour vous simplifier la vie. 

     Le canot doit contenir des avirons de secours, une «pôle», un ou des sièges et une ancre suffisamment pesante pour retenir l'embarcation dans les courants les plus rapides; l'ancre est pendue à la proue du canot (pince), mais elle est commandée de la poupe via un système de poulies. Les meilleurs canots pour la pêche du saumon sont longs (minimum 6,5 rn- 20 pi) et étroits; ces caractéristiques leur assurent une stabilité nécessaire (pour que le pêcheur se tienne debout) et empêchent le canot de devenir comme un pendule au bout de son ancre dans le courant. Les plus célèbres canots utilisés pour la pêche du saumon sont fabriqués de façon artisanale par des membres de la famille Arsenault, de Bonaventure. Plus un canot est long, meilleur sera son tirant d'eau, ce qui veut dire qu'il pourra naviguer dans quelques centimètres (quelques pouces) d'eau à peine.

     Nous vous répétons ce que nous vous avons déjà dit: vous pouvez aller pêcher le saumon avec un équipement réduit. Lorsque vous aurez réussi à faire lever un saumon, à le piquer, à le capturer ... ou à l'échapper, ce sera peut-être seulement à ce moment-là que vous aurez vraiment le goût d'améliorer votre équipement et d'être un saumonier mettant toutes les chances de son côté.