De Fil en Aiguille…

     Quoi de plus satisfaisant que de prendre un saumon avec une mouche qu’on a confectionnée soi-même… en créer une nouvelle... et prendre un autre saumon. Ça peut paraître bizarre à dire, mais ce n’est pas si compliqué à réaliser. Il suffit de se fier à son intuition, à son vécu de pêche, à sa dextérité, à ses envies et surtout au plaisir de se retrouver au bord de sa rivière préférée. Vous verrez alors que les couleurs, les formes, les proportions et l’allure de la mouche viendront naturellement à votre esprit.

De Fil en Aiguille…
     Presque tous les saumoniers ont des visions plus ou moins exactes de ce qu’ils voudraient trouver dans la mouche « miracle ». Je pense vraiment qu’elle n’existe pas. Il en existe des excellentes, des incontournables (vous pouvez ajouter ici tous les qualificatifs inimaginables), mais en définitive, c’est le saumon qui décide et il ne le fait pas uniquement selon la mouche présentée. Heureusement, sinon il ne resterait peut-être plus de saumons dans nos rivières. Quoi qu’il en soit, on continuera à créer de nouveaux patrons de mouches, avec tous les espoirs qui viennent avec.

     À ce propos, j’aimerais partager avec vous le cheminement de la création d’une mouche. Hiver 2007, à mon chalet, en face de la fosse « Red pine » sur la Bonaventure, Jean-Marie Babin et moi dégustions un bon « Glenmorangie » en révisant notre saison 2006. Nous avions eu du succès cet été-là avec des mouches dont la toilette arborait du bleu. Jean-Marie avait noté que peu de mouches sèches étaient confectionnées avec du bleu. Nous avons donc élaboré une mouche à prédominance foncée avec du bleu, de façon qu’elle soit contrastée et visible. Après quelques tentatives (et un autre scotch), nous avions quelque chose d’intéressant.

     Il faillait maintenant la nommer et ceux qui font des nouveaux modèles de mouche savent que ce n’est pas toujours évident de nommer une nouvelle mouche. Ceux qui connaissent Jean-Marie Babin (guide très connu à Bonaventure) vont sourire, car son humour et ses tournures de phrases nous donnent souvent mal au ventre, à force de rire.

     Comme je demeure à St-Hyacinthe et que l’hôpital régional avait fait les manchettes à cause d’une sévère infection de Clostridium Difficile, il a suggéré que le nom de cette mouche reflète un peu cette situation. Imaginez tout ce qui nous venu à l’idée. Et rajoutez-en encore. Cependant, il n’était pas question de banaliser la situation ou de choquer qui que ce soit.

     Après réflexion, je me suis dit que la pêche au saumon C’EST DIFFICILE; l’idée m’est alors apparue dans toute sa simplicité, elle s’appellerait une « C Difficile ». Quoi demander de plus évocateur, pour le vétérinaire que je suis ! La mouche était née et baptisée (certains devront excuser la référence à un symbole religieux, mais ça, c’est une autre affaire…). Vous trouverez la photo et la toilette de la mouche un peu plus loin.

     L’hiver tirait à sa fin et une idée bizarre me trottait en tête; pourquoi s’arrêter à une seule mouche ? Je voyais un concept plus large, corps foncé, cassure blanche pour attirer l’attention, côtes bleues, aile bleue, collerette bleue et blanche, du mouvement (lire ici un peu de type spey), etc. J’ai donc persévéré et conçu trois autres mouches (voir description et toilette plus loin). La « T Difficile » (pour tu es difficile), version mouillée de notre sèche; la « CHU Difficile » (je suis difficile), c’est ici qu’on retrouve le type spey) et finalement, la « Yé Difficile » (il est difficile), version d’automne où on respecte le patron, mais où on remplace certaines fibres par des plumes de couleur rougeâtre (ça semble donner certains résultats en fin de saison).

     En écrivant cet article, j’entends depuis mon ordinateur une question fondamentale, « Ça pogne-tu ? » Nous avons éprouvé ces différentes mouches et toutes ont pris du saumon dans diverses conditions. Là encore, je n’ai pas la prétention de dire que ce sont d’excellentes mouches, mais elles ont fait leurs preuves et salmo a eu lui aussi le plaisir de s’amuser avec elles.

     Petite anecdote en passant… Au mois d’août 2008, Jean-Marie guidait le Dr Philippe Couillard, qui venait de quitter son poste de ministre de la Santé du Québec. J’étais en vacances au chalet et nous avons eu le plaisir de pêcher ensemble. La tentation était trop forte; je lui ai offert la série des Difficiles… Il a froncé les sourcils, souri et s’est exclamé : « C les vacances ! ». On s’est bien bidonnés.

     Somme toute, j’ai eu beaucoup de plaisir à élaborer cette série de mouches et j’en ai encore à les utiliser à la pêche, seul ou avec d’autres. En terminant, je me permets de vous souhaiter une saison de pur bonheur, au bord d’une de nos merveilleuses rivières à saumon.

PARURE DE LA « CHU DIFFICILE »

CHU DIFFICILE
Hameçon : Partridge, CS 10/1, grosseur 2 à 10.
Fil : Uni noir 8/0.
Queue : Selle de poule grise.
Côte : Uni stretch bleu.
Corps : Laine mohair noire et blanche, posée de façon à insérer une petite section blanche qui sépare le corps noir.
Aile : Écureuil teint bleu.
Collerette : 2 tours de Croupion de faisan gris et 2 tours de cou de poule bleu.
Tête : Fil UNI 8/0 noir; laque claire sur la tête

NOTE : J’aime pêcher avec des mouches de type spey…

PARURE DE LA « YÉ DIFFICILE »

YÉ DIFFICILE
Hameçon : Partridge, CS 10/1, grosseur 2 à 10.
Fil : Uni noir 8/0.
Queue : Croupion de faisan rouge.
Côte : Tinsel rond, UNI-Soft-Wire de couleur cuivre, petit.
Corps : Laine mohair noire et blanche posée de façon à insérer une petite section blanche qui sépare le corps noir.
Aile : Écureuil teint bleu.
Collerette : 2 tours de Croupion de faisan rouge et 2 tours de cou de poule bleu.
Tête : Fil UNI 8/0 noir; laque claire sur la tête.

NOTE : Cette mouche de la série des Difficiles devrait en principe être meilleure à l’automne… On verra….

PARURE DE LA « C DIFFICILE »

Hameçon : CS 42, grosseur 2 à 6.
Fil : Uni noir 6/0.
Queue : Queue de veau blanc.
Hackle : Bleu royal.
Corps : Chevreuil noir et blanc.
Ailes : Queue de veau blanche en deux ailes.
Collerette : Bleu royal.
Tête : Fil noir 6/0.

PARURE DE LA « T DIFFICILE »

Hameçon : Partridge, CS 10/1, grosseur 2 à 10.
Fil : Uni noir 8/0.
Queue : Cou de poule blanc.
Côte : Uni Stretch bleu.
Corps : Laine mohair noire et blanche posée de façon à insérer une petite section blanche qui sépare le corps noir.
Aile : Écureuil teint bleu.
Collerette : 2 tours de cou de poule blanc et 2 tours de cou de poule bleu.
Tête : Fil UNI 8/0 noir; laque claire sur la tête.

NOTE : Version mouillée de la C DIFFICILE sèche, elle respecte l’allure générale de la sèche.

Références

» Texte & Photos : Mario Dussault.
» Saumons illimités Été 2013.

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