Les Rivières à Ouananiche du Lac-St-Jean (3e partie)

Les Rivières à Ouananiche du Lac
     En avril dernier, nous avons été contactées pour réaliser un reportage, en collaboration avec la Corporation de LACtivité Pêche Lac-Saint-Jean (CLAP), pour la dernière édition de la trilogie. Puisqu'on prévoyait déjà être dans la région pour un séjour avec La pêche au féminin, et surtout, parce qu'on est de grandes passionnées et mordues de la pêche, c'est avec grand plaisir qu'on a accepté d'aller explorer les belles rivières à ouananiche du Lac Saint-Jean. Voici le récit de notre aventure, remplie d'apprentissages, d'émotions et surtout, de poissons!

     Durant le séjour, nous avons rencontré le directeur de la CLAP, Marc Archer et ses employés passionnés. Depuis 1996, cette corporation a comme mandat la gestion de pêche sportive à l'intérieur de l'aire faunique communautaire (AFC) du lac Saint-Jean. Elle a pour but de gérer, développer et promouvoir la pêche sportive, protéger la ressource et accroître les connaissances. C'est avec brio que les employés nous ont fait découvrir leurs rivières. Ils nous en ont appris beaucoup sur la pêche à la ouananiche et c'est avec joie que nous vous partageons notre apprentissage.

Joannie en pleine action sur la Haute-Ashuapmushuan
Joannie en pleine action sur la Haute-Ashuapmushuan.
On se prépare pour le lunch, question de refaire nos forces pour un gros après-midi de pêche.

La Basse Ashuapmushuan

     Après un sommeil récupérateur au Château Roberval, on se lève au crépuscule afin de rencontrer Rémi, notre guide pour l'avant-midi. Ce matin-là, on va pêcher la rivière Basse-Ashuapmushuan, qui est l'une des 4 rivières où remontent les ouananiches. On se rend à la fosse de la Chute à l'Ours où on pêche sur un immense cap de roche. La largeur de la rivière fait penser à celle d'un fleuve avec plusieurs contre-courants au pied d'une chute. C'est carrément un paysage à couper le souffle! Dès les premiers lancers, plusieurs ouananiches attaquent nos mouches! Il faut toutefois s'habituer à la rapidité et la puissance de ces poissons, ce qui demande une adaptation du ferrage et de la manipulation de la soie. Nos techniques de pêche ressemblent à une pêche aux saumons (45 degrés en aval du courant), mais on active la mouche en fin de dérive, en «strippant» et parfois même pendant la dérive.

     C'est Sabrina qui brise la glace en péchant un petit saumon d'eau douce capturé sur un Muddler au pied de la chute. Rémi a même dit que c'est la plus petite ouananiche capturée qu'il a vue cette année! Tout de même bien heureuse de sa prise, Sabrina remet tranquillement le poisson à l'eau. Ça nous donne une belle dose d'adrénaline, notre envie de pêcher s'est alors décuplée.

     C'est maintenant au tour de Joannie de faire quelques lancers au pied de la chute. Comme il est important de changer de mouche pour faire réagir la ouananiche, Rémi suggère d'attacher une Pink Lady numéro 4. Quelques lancers plus tard... et Bang! Ce fut une belle attaque franche. La ouananiche estimée à 6 lb selon Rémi a fait de très beaux sauts. Pendant que Jo essaie de reculer pour mettre la soie dans le moulinet, la ouananiche remonte dans un contre-courant au pied de la chute, ce qui provoque une perte de la tension et met fin au combat.

Sabrina effectuant une gradation dans les règles de l'art.
Sabrina effectuant une gradation dans les règles de l'art.
Une vue spectaculaire du secteur du Trou de la Fée sur la rivière Métabetchouane
Une vue spectaculaire du secteur du Trou de la Fée sur la rivière Métabetchouane.

     On ne peut pas laisser cet endroit, rempli de potentiel, sans y capturer un beau poisson! On laisse la fosse se reposer quelques minutes. Ensuite, Joannie tente sa chance avec un Muddler en lui donnant beaucoup de mouvement lors de la récupération... et Bang! Ayant appris de nos erreurs, le combat se déroule bien et on prend enfin de beaux clichés! Alors qu'il était censé ne venir nous voir qu'une heure, Marc Archer décide de nous accompagner durant tout le séjour.

La rivière aux Saumons

     Mercredi après-midi, Luc nous rejoint sur la rivière aux Saumons pour la fin de la journée. On se rend à la fosse du Moulin des Pionniers. Joannie part avec Marc prendre des clichés de la passe migratoire à une centaine de mètres en amont de la fosse, pendant que Sabrina travaille le haut de la fosse. Vers la fin des années 60, il y a eu beaucoup d'aménagement de passes migratoires afin de faciliter l'accès aux frayères. À ce jour, les tributaires du cinquième plus gros lac au Québec, soit le lac Saint-Jean, compte 9 passes migratoires.

     Marc a la merveilleuse idée d'aller pêcher la fosse de l'autre côté de la rivière à bord d'une chaloupe. La rivière est plus étroite, mais les rives sont profondes et une bordure d'arbres nous empêche d'atteindre notre cible correctement à gué. Après plusieurs lancers avec des mouches de type streamer Marc suggère d'utiliser une belle grosse sèche #2 (Bombe à saumon). Joannie attache une des mouches favorites de Captain Archer, la Labatt Bleue. Après plusieurs montées de petits tacons, Marc propose de se déplacer sur la fosse, mais Joannie veut faire encore quelques «derniers lancers». Par chance, parce qu'un beau mâle est monté à la surface pour gober la fameuse Labatt Bleue.

     Voilà que Joannie tient dans ses mains le plus beau poisson du voyage. Un vrai ballon de football! En plus d'avoir le gros crochet sur la mâchoire inférieure, celui-ci présente les couleurs foncées typiques d'un poisson séjournant depuis longtemps en rivière. C'est le signe que la période de frai approche. La ouananiche, aussi appelée saumon d'eau douce, est un saumon atlantique (Salmo Salar), mais le cycle de vie se déroule strictement en eau douce. Le mot ouananiche proviendrait du mot montagnais « aonanch », signifiant « celui qui va partout, qui est partout » (Legendre, 1967). Ce beau buck remis à l'eau devrait frayer vers la mi-octobre lorsque l'eau atteindra entre 5 et 7 degrés Celsius. Suite à l'éclosion des oeufs au printemps, les alevins passeront entre 2 et 3 ans en rivière jusqu'à ce qu'ils deviennent tacons. Lorsqu'ils seront d'une bonne grosseur, ils retrouveront le lac Saint-Jean pour se nourrir principalement d'éperlan durant au moins 2 ans, avant de remonter leur rivière natale pour se reproduire. Saviez-vous que 10% des ouananiches remontant la rivière fraieraient pour une deuxième fois?

Photo #8 Un beau mâle en livrée de frai, remis à l'eau pour lui permettre d'accomplir sa mission
Un beau mâle en livrée de frai, remis à l'eau pour lui permettre d'accomplir sa mission.
     Plus tard, on s'est déplacé sur la fosse du Curé et c'est Sabrina qui a eu le plaisir de prendre de belles ouananiches en embarcation. Encore une fois, le truc est de bien couvrir la fosse tout en changeant fréquemment de mouche. Il ne faut pas avoir peur d'oser sur les choix de mouche. Cette fois-ci, c'est sur de petites mouches à saumon #10 que les ouananiches ont collaboré. C'est la preuve qu'il s'agit d'un poisson opportuniste lorsqu'il est actif. Après une journée pareille, on s'endort avec des images plein la tête, déjà fébrile pour la pêche du lendemain.

La Haute-Ashuapmushuan

     Jeudi, on rencontre nos guides, Mikael et Fabien, qui nous accompagneront toute la journée sur la Haute-Ashuapmushuan en embarcation de type « Freighter ». On est littéralement traité comme des Reines. On arrive sur la première fosse où les guides sont étonnés de voir comment la rivière a monté depuis les deux derniers jours. Puisque l'eau haute entraîne souvent une dispersion des poissons, on tente une autre technique afin de couvrir le maximum de surface. On laisse dérouler nos soies à l'arrière du bateau et le mouvement des mouches est dirigé grâce à la vitesse du moteur. Au bout de nos soies, on attache un streamer imitation d'éperlan d'environ deux pouces.

Sabrina s’exécute au lancer Spey sur la Haute-Ashuapmushuan…
Sabrina s’exécute au lancer Spey sur la Haute-Ashuapmushuan…
…et le résultat est de toute beauté !

     Tout comme les saumons atlantique, les ouananiches cessent de se nourrir en rivière lors de la fraie. Toutefois, elles semblent conserver leur instinct de chasseuse. Leur alimentation dans le Lac-Saint-Jean est composée à 90% d'éperlans arc-en-ciel (Osmerus mordax). L'abondance de cet éperlan est imputable à l'abondance du saumon d'eau douce. Toutes deux suivent un cycle des populations directement relié; plus il y a d'éperlans (proies), plus il y aura des ouananiches (prédateurs). C'est pourquoi plusieurs efforts ont été mis afin d'améliorer les frayères à éperlan. De plus, la CLAP tente d'éviter une chute drastique des éperlans, causée par une surpopulation de ouananiche, en contrôlant le nombre de prises par jour. Cette année, sur la rivière Ashuapmushuan, le nombre de captures maximales est de quatre, avec possibilité de conserver deux ouananiches, alors que celui de la rivière Métabetchouane est de trois, avec possibilité d'en conserver deux. Puisque la population de ouananiche cette année est élevée, la conservation des prises est même suggérée.

     Après un copieux repas «de Reines» préparé par nos guides (normalement les clients amènent leurs lunchs), Mikael nous propose de faire quelques lancers là où le ruisseau «Petite saumon» se jette dans la rivière. Au deuxième lancer, un beau mâle s'accroche au streamer de Joannie, et s'ensuit d'un combat épique et de sauts acrobatiques. On passe une superbe journée! Mikael n'arrête pas de nous dire comment il aurait aimé que le niveau de la rivière soit «normal». Il explique que la pêche aurait été plus agréable à gué. Une chose est sûr, c'est que nous n'hésiterons pas d'y retourner avec un débit de rivière plus «normal» !

La Métabetchouane

     Vendredi, la dernière journée, on est guidé par Charles sur la rivière Métabetchouane, où il nous amène à la fosse du Trou de la Fée et celle du Cran Serré. Cette rivière nous révèle des bordures de roches abruptes, nous donnant la chance de pêcher dans un petit canyon. C'est paradisiaque! L'eau légèrement teintée nous permet de voir nos mouches s'activer dans le courant. La rivière est plus étroite et les ouananiches se pèchent surtout en amont de la fosse principale, à une distance de moins de 40 pieds. On peut facilement distinguer une dizaine de ouananiches dans la fosse et plusieurs réagissent aux mouches présentées.

     Vers 10 h 30, alors qu'on discute aux abords de la fosse, nous voyons une ouananiche marsouiner. Nous nous regardons tous les trois surpris... et c'est au tour de Sabrina de tenter sa chance. Elle lance sa soie munie d'un bout calant et d'un Muddler à queue rouge sur la ouananiche qu'on peut percevoir dans l'eau. A la première parade, Sabrina ramène rapidement, mais sans réponse. Au deuxième lancer, on voit la ouananiche se précipiter sur la mouche en surface. Nous n'avons pas le temps de cligner des yeux que Sabrina dresse sa canne et le spectacle commence. La ouananiche saute à maintes reprises et bien qu'elle descend les rapides à toute vitesse, on réussit à la puiser quelques mètres plus bas.

Sabrina est connectée sur une autre belle ouananiche.     
Le Captain Archer, Sabrina, son guide Luc et Dame Ouananiche !

     Enfin, nous terminons notre reportage sur la fosse du Cran serré. Pour s'y rendre, une bonne descente s'impose, suivie d'une traversée en pneumatique. Les guides de la CLAP sont très professionnels, sécuritaires et connaissent très bien leur environnement. Sabrina est partie avec Captain Archer sur la roche «tranquille» pêcher dans le courant «tranquille» où elle prend une ouananiche monstre qui pèse 8 lb, sans blague ! Sabrina a crié de toutes ses forces pour avertir qu'elle avait LE poisson du voyage. Malheureusement, en regardant vers la direction de Joannie et Charles, le monstre se propulse en dehors de l'eau et se décroche. Morale de l'histoire, les gros spécimens sont imprévisibles et, par conséquent, on doit rester concentré sur tous nos faits et gestes. Une chose est certaine, on n'a pas dit notre dernier mot. On reviendra pour attraper ce «monstre» de la rivière!

     Ce séjour compte définitivement parmi les plus beaux qu'on a vécu. La gestion des droits d'accès permet une qualité de pêche incroyable avec un nombre limité de 1100 perches par année sur les tributaires du lacs Saint-Jean (Ashuapmushuan, aux Saumons, Métabetchouane et Mistassini). Pour réserver une date, il faut participer au tirage au sort de présaison où les gagnants sont appelés dans la deuxième semaine de mars. Il est aussi possible de téléphoner en tout temps pour combler les places restantes. Au prix de 50 à 150 $ par personne, la pêche à la ouananiche au lac Saint-Jean vous transportera dans de magnifiques décors. L'amabilité et le professionnalisme du personnel vous assureront un séjour inoubliable. Pour plus d'informations, vous pouvez consulter le site Internet de la CLAP : https://claplacsaintjean.com/

Épilogue

     Ce troisième reportage conclut une fructueuse collaboration entre l'éditeur de votre revue et la CLAP. J'aimerais ici remercier chaleureusement M. Marc Archer et son équipe de guides. Des gens accueillants, passionnés de leur région et, tout comme moi, un peu «maniaques» de ce Salmo Salar d'eau douce si combatif. Également, un merci bien senti à l'Hôtel Château Roberval qui nous a hébergés très confortablement au fil de ces reportages. Sans oublier, un coup de chapeau à nos pêcheurs: Karl Béliveau, Phillipe Charron, Joannie De Lasablonnière, Sabrina Barnes et votre humble serviteur.

références

» Texte et photos: Sabrina Barnes et Joannie De Lasablonnière.
» Pêche à la Mouches Destinations 2018.

» NOTE : Le magazine annuel « Pêche à La Mouche Destinations » édité par François Boulet est disponible dans les bonnes boutiques Chasse & Pêche, Dépanneurs… François Boulet est sur Facebook ou tu peux écrire un Courriel à François Boulet (l'éditeur)
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