La Matapédia... Ma Rivière Préférée ! (suite)

Suite du numéro 68

     Dans le dernier numéro, M. Tanguay nous racontait un de ses nombreux voyages de pêche sur sa rivière préférée, la Matapédia. Il s'agissait d'un séjour qui se déroulait en juillet 2003- Deux semaines plus tard, il avait le plaisir d'y retourner, mais seul cette fois. Nous voici donc le 25 juillet 2003 alors que M. Tanguay est de retour sur la Matapédia.

La Matapédia… ma rivière préférée ! (suite)
     Mario Pineau, le gérant de la Glen Emma, me confie aux bons soins du sympathique Yvon Leblanc, un de ses guides les plus expérimentés. On nous a attribué une fosse qui m'est quelque peu étrangère, la Wheel Lock. Encore une fois, nous faisons face à des conditions extrêmes, soit des eaux hautes et colorées «rouges, comme me dit Yvon, et que le saumon n'aime pas, parce qu'il n'y est pas dans son élément familier». Après avoir jeté un coup d'œil à mes mouches, il me suggère une Pompier no 6. Nous péchons en canot et, après une vingtaine de minutes, soit à 8 h 20, voilà que la glace est cassée, et ce, à notre grande surprise. Je capture un petit grilse, de plus ou moins 4 livres, que nous réussissons à sauver. Court combat, mais début agréable et prometteur, du moins nous l'espérons. La journée se passe et nous visitons deux autres fosses sans succès.

     Le lendemain matin, nous voilà sur la Richard, la fosse la plus sportive du secteur, avec ses rapides assez impressionnants, vu le niveau de l'eau. Je pêche à gué en amont des rapides. À cet endroit, si l'on pique un saumon et qu'on le laisse prendre le rapide, on peut lui dire «Good Bye». Yvon me suggère un emplacement et m'indique jusqu'où avancer (ça remonte un peu plus au large, qu'il me dit !). Il connaît le fond de la rivière comme le creux de sa main, et moi, eh bien, j'aime beaucoup la Matapédia, mais je n'ai pas envie de m'y baigner à nouveau comme cela m'est arrivé la dernière fois, alors je suis plus que prudent. Une première passe avec une Green Highlander n° 6, une deuxième et une troisième, et puis Wow ! Un beau combat débute à 9 h 45. Je réussis à maintenir en haut du rapide le combattant qui s'avérera un mégagrilse de plus ou moins 24 pouces, pesant environ 5 livres.

     Un message arrive, nous disant que la fosse Angus, eh oui, c'est bien celle-là, nous attend, deux saumons y ayant été pris. Nous y allons et nous avons le temps de moucher une trentaine de minutes avant dîner. À 4 h 30 nous voilà de retour. Encore une fois, nous délaissons le canot pour pêcher à gué. Je balaie la fosse avec une mouillée et je mouche vers mon bloc de béton, mais sans succès. Yvon me dit : «Non, non, ils sont plus au centre, et un peu plus en amont.» On change pour une sèche, une petite Aqua, et voici qu'à 5 h 15 je suis connecté. Un autre beau combat débute et se termine de façon positive. Un autre de ces mégagrilses que nous mesurons et pesons, car sur cette extraordinaire Matapédia les grilses sont souvent des quasi-saumons. Celui-ci mesure 24 pouces et trois quarts (62,5 cm) et fait un bon six livres (NDLR : Rappelons qu'à 63 cm et plus, nous avons affaire à un saumon).

     Encore un merveilleux voyage qui se termine sur une note des plus agréables.

     Jusqu'à maintenant, j'ai taquiné Salmo sur la Jacques-Cartier, la Gouffre, la Ouelle, la Trinité et sur la merveilleuse Sainte-Anne, mais sans résultat... Comme dans d'autres domaines, je me rends compte qu'il faut faire ses classes avant de graduer.

Camp de la rivière à la Loutre
     Nous sommes à l'automne 1984. Tout en montant quelques mouches à saumon, je commence à planifier ma prochaine expédition au pays de Salmo salar. C'est que je viens de prendre connaissance d'une publicité concernant des forfaits «tout inclus» sur la rivière à la Loutre à Anticosti, ce paradis que je n'ai jamais eu l'occasion de visiter. Un coup de téléphone m'a de plus appris qu'il y a de bonnes dates disponibles pour juillet prochain, soit la meilleure période.

     Quatre places étant disponibles, je communique avec mon neveu Raymond Bourget et deux copains, Jacques Delisle et Gilles Simard. Avec force détails, je leur présente mon projet. Bien entendu, il ne s'agit pas de la rivière Jupiter ni de la Chaloupe, mais tout de même, c'est à Anticosti ! Je dois être mauvais vendeur car, malgré mon enthousiasme, tous me donnent une réponse négative. Quelques jours plus tard, le téléphone sonne. Il semble bien que, malgré tout, j'ai éveillé l'instinct de moucheur de ceux-ci, car tous sont maintenant d'accord pour cette expédition qui s'annonce enivrante.

     30 juin 1985, c'est notre départ de l'aéroport Jean-Lesage. Tout a été bien planifié, vérification faite, rien ne manque et des mouches de toutes les sortes, couleurs et grosseurs, nous en avons amplement. Atterrissage à Sept-îles, changement d'avion et nous voici à Anticosti en début d'après-midi. Nous nous enregistrons à l'Auberge de Port-Menier, car le vrai départ pour la Loutre n'est prévu que le lendemain matin. Nous en profitons pour visiter le village et ses abords. Bien que nous soyons dépaysés, nous apprécions cette visite intéressante que nous faisons à pied, bien entendu. Retour à l'auberge, histoire de passer le temps, nous décidons de monter quelques autres modèles de mouches. Soudain, l'un de nous jette un coup d'œil dehors et s'exclame : «Bizarre, il semble y avoir des animaux dans la cour.» Notre curiosité étant piquée, nous nous approchons de la fenêtre. Surprise ! Environ une douzaine de chevreuils sont en train de brouter en arrière de l'hôtel, et ce, en plein village. C'est une vraie course. Caméra à la main, nous descendons l'escalier à toute vitesse pour constater que nous les avons dérangés. Ils ont pris la poudre d'escampette, mais tout de même, quel émoi. Le lendemain matin, départ pour notre camp sur une route passablement cahoteuse et, après un trajet qui nous paraît trop long vu notre anxiété, nous arrivons à l'embouchure de cette rivière à la Loutre.

     Quel site merveilleux ! Un pavillon d'une splendeur et d'un luxe tout à fait inattendus ! Il est établi devant le Home Pool. Le terrain devant est gazonné et forme un genre de promontoire. Nous jetons un coup d'œil et allons de surprise en surprise. Devant nous, une dizaine de pieds plus bas, quelques dizaines de saumons nagent d'aval en amont, puis tournent en cercle comme dans un véritable carrousel. L'eau est limpide et nous les distinguons très bien. Mon rythme cardiaque en prend un coup. On s'installe, on visite, on prépare notre équipement pour le lendemain. Le personnel du pavillon est des plus sympathiques, le chef cuisinier hors pair, l'aménagement super, bref tout s'annonce très bien.

     Le lendemain matin, Raymond et moi nous faisons conduire au secteur qui nous est attribué un peu plus en amont. Notre chauffeur nous laisse à la fosse no 6 et, après un certain temps, nous constatons que le saumon brille par son absence. Nous explorons donc le secteur. Mon neveu me quitte, décidant d'aller beaucoup plus en amont. Je mouche tout en avançant lentement dans la même direction. J'arrive près d'un bassin d'environ trente pieds de diamètre qui semble intéressant. Quelques lancers, rien ne se passe. Je remonte la rivière qui n'a pas plus de vingt pieds de largeur, et oups! J'échappe mes lunettes. Je me mets à leur recherche en marchant dans deux ou trois pieds d'eau. Je laisse ma mouche descendre le courant. Plus la mouche est à l'eau, plus nos chances sont bonnes de prendre du poisson paraît-il !

     Soudain, en plein milieu du bassin où ma mouche est rendue, une fusée bondit hors de l'eau ma Silver Rat n° 8 accrochée à la gueule. Oh ! Mon Dieu, quel spectacle ! Il part à l'épouvante, fait deux ou trois bonds et j'essaie de le ramener. Je suis seul, pas de filet ni de queutard. Il ne faut pas que je le perde. C'est simple, je vais le saisir à la main après l'avoir fatigué. Je sais comment faire, je l'ai lu nombre de fois dans mes bouquins ! Il se fatigue, s'approche, j'essaie de le saisir mais la fusée repart de plus belle. Le même manège se répète deux fois. Pourtant, c'est supposé être si facile... Je n'ai d'autre choix que de le «beacher ». Ouf ! C'est mon premier ! Comme je suis fier et content ! Mon neveu s'amène (je dis mon neveu, mais c'est un véritable frère pour moi et seulement une dizaine d'années nous séparent) et moi, de lui dire en badinant: «Maintenant, mon cher Raymond, lorsque tu m'adresseras la parole, tu m'appelleras oncle Georges.» Nous nous esclaffons et, évidemment, j'ai droit à de chaleureuses félicitations.

     À la fin de l'après-midi, nous retournons au pavillon. Deux moucheurs ont passé la journée au Home Pool sans résultat. Tous entrent pour l'apéritif, mais, fort de mon premier succès, je suis attiré irrésistiblement par ce carrousel. Quelques lancers et j'installe une mouche locale, une Patate n° 8. Mon avançon est maintenant trop court, ma mouche tombe mal, mais je continue. Tiens, après quelques lancers, un saumon sort du carrousel et semble intéressé. Il retourne avec ses semblables, je lance à nouveau, il monte à la surface et le voilà piqué! Je lâche un cri, les copains et le personnel du camp arrivent en trombe et le spectacle commence. Encouragements de tous et chacun, cris de joie, c'est fantastique. Soudainement, je crois être devenu un «pseudo-expert». Le saumon est combatif, mais ne saute pas. Eh bien, petits coups sur la poignée et il fait des bonds de deux pieds. Finalement, un des copains le saisit avec la puise.

     Un deuxième saumon dans la même journée! Je suis vraiment gâté. Lui aussi fait un bon huit livres. On m'avise que la pêche est finie pour moi aujourd'hui. Mais, me dis-je, il me reste deux autres jours! Oui, deux autres jours, mais, hélas, sans une autre touche. Raymond et moi avons vu des dizaines de saumons sauter près de nos mouches, souvent presque dans nos bottes. Après avoir visité plusieurs fosses, les doigts presque en sang d'avoir essayé toute une panoplie de mouches, nous devons nous avouer vaincus. Le manque d'expérience y est certainement pour quelque chose et l'assistance d'un bon guide aurait sûrement aidé.

     C'est déjà le temps du retour. Gilles Simard a eu lui aussi du succès avec un beau huit livres. Ces saumons nous ont vraiment fait la fine gueule, mais comme nous sommes heureux de ce séjour au paradis.

     La nature est grandiose. Les chevreuils et autres gibiers y abondent et de longues marches entre nos sessions de pêche nous ont permis de nous remplir les yeux.
Saumoniers, amants de la nature, si l'occasion se présente, n'hésitez pas à visiter ce paradis. Tout comme nous, vous en conserverez sûrement un souvenir inoubliable.

références

» Par Georges E. Tanguay
» Saumons illimités #69, Été 2004.
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