Graciation; Aspects Techniques

     Le texte de Gilles Shooner sur la mécanique respiratoire du saumon démontre hors de tout doute  l’importance  des bonnes pratiques que le saumonier doit absolument adopter pour que le saumon gracié survive. 
 
     À l’intérieur de cette grande thématique portant sur la graciation, présentée dans ce magazine, nous allons maintenant aborder les éléments que le saumonier doit connaître et surtout pratiquer. Pour ce faire,  j’ai eu avec un long entretien avec Jocelyn Leblanc, de Baie des Homards sur la Côte-Nord, dont je rapporte les propos dans les lignes qui suivent .

Qui est Jocelyn Leblanc

Graciation : Aspects Techniques
     Jocelyn est une figure bien connue au sein de la communauté des pêcheurs à la mouche  de l'Est du Canada et du Québec. Il travaille comme guide de pêche depuis 1992 mais il a choisi d’exercer ce métier à temps plein à compter de 1998. Il fréquente surtout des rivières situées sur la Côte-Nord : rivière Outarde, rivière Trinité, rivière Pentecôte, et rivière aux Rochers sont ses favorites. Sur ces rivières, il passe plus de 100 jours par saison à convoiter les espèces suivantes avec ses mouches artificielles: saumon atlantique, brochet du nord, truite grise (touladi), truite mouchetée anadrome et d’eau douce et corégone. Il monte des mouches depuis son adolescence et le fait sur une base professionnelle depuis plusieurs années. Enfin, il agit aussi comme instructeur de pêche à la mouche.

     « J'ai grandi à une époque où chaque petit garçon qui allait pêcher l'omble de fontaine dans les petits ruisseaux du coin, avait un fusil à air comprimé et voulait être un coureur des bois. Merci mon Dieu, une grande partie de moi n'a jamais grandi » de me dire Jocelyn avec enthousiasme. Il poursuit : « tout ce qui comptait pour moi semblait se situer à l'est là où j'ai passé toute mon enfance. À la fin de mon adolescence, j'étais à Terre-Neuve. Après y avoir guidé pendant 2 étés, j'ai décidé de voir ce qu'il y avait de l'autre côté du détroit de Belle-Isle. Je me suis donc retrouvé sur la Côte-Nord au Québec. Depuis 1998, ma femme Sonie et moi organisons des voyages de pêche à la mouche sur la Côte-Nord en montrant à nos amis des coins de pêche merveilleux ».

Aspects Techniques

     Jocelyn pratique la graciation du saumon depuis plusieurs années. Comme guide, il a été le témoin privilégié de nombreuses captures dans diverses conditions. Ses observations et ses lectures sur le sujet lui ont permis de se forger une idée assez précise sur l’équipement à utiliser et le comportement à adopter afin d’assurer la survie des saumons graciés.

     Au sujet de l’équipement, voici les éléments incontournables que suggère Jocelyn :

Jocelyn sur la Aux Rochers Fosse #4
     » Quand un saumon est ferré, le saumonier doit agir de manière à le maîtriser le plus vite possible. Pour ce faire, Jocelyn croit que l’utilisation d’une canne pouvant propulser une soie # 7 devrait représenter un choix minimal. Un équipement trop léger limite la pression que l’on doit exercer constamment sur le saumon en situation de combat. Jocelin encourage ses clients à exercer une pression de côté avec la canne forçant ainsi le saumon à faire des efforts additionnels pour nager.

     » Le moulinet doit comporter un très bon frein afin d’augmenter la pression que le saumonier fait subir au saumon dans ses déplacements.

     » Seul l’hameçon simple doit être utilisé et son ardillon doit être écrasé pour faciliter le retrait rapide de la mouche hors de la gueule du saumon.

     Une fois le saumon ferré, il faut adopter les comportements suivants :

     » Dès les premiers instants du combat, le saumon utilisera toute sa force et son énergie pour se libérer. La pression exercée sur le saumon par la canne et le frein du moulinet doit être ferme mais pas excessive. Au fur et à mesure que la lutte progresse, il faut augmenter graduellement cette pression. Un truc : il ne faut jamais accorder de répit au saumon. Dès qu’il ralentit ou arrête de nager, il faut rembobiner la ligne le forçant ainsi à se déplacer.

     » Au début du combat, le saumonier doit chercher à se positionner afin d’entraîner éventuellement le saumon en eau calme et de l’y maintenir le plus longtemps possible. Ce faisant, le saumon fera des efforts additionnels pour s’y déplacer avec comme conséquence de réduire la durée du combat.

     » Le saumonier doit prendre position dans l’eau à hauteur des genoux environ afin d’avoir suffisamment d’eau pour garder le saumon dans l’eau et éviter qu’il ne se blesse sur des roches. Pour les mêmes raisons, il ne faut jamais « beacher » un saumon, comme on le voit malheureusement sur des vidéos tournés récemment sur des rivières de la Gaspésie.

     » Après quelques tentatives, le saumon va finalement se laisser entraîner près du pêcheur. Il ne faut jamais le sortir de l’eau. Le saumonier doit s’empresser de saisir la mouche le plus vite possible, avec la main ou une paire de pinces, et la retirer rapidement sans la tordre dans tous les sens au risque de causer des blessures.  Si cette opération est difficile voire impossible à réaliser dans un court délai, il faut couper l’avançon et  libérer le saumon.

     » Il est légitime de vouloir conserver un souvenir de sa capture mais jamais au détriment de sa survie. Le confrère photographe doit se tenir prêt pour qu’au moment venu, il puisse réaliser rapidement ses clichés. Pendant cette opération, le saumon doit avoir la tête dans l’eau.

     » La réanimation du saumon se fait en le tenant face au courant. Comme Gilles l’indique dans son texte, il ne faut jamais exécuter des mouvements de va et vient avec le saumon sous peine de l’affaiblir irrémédiablement. Si l’eau est sale ou boueuse le saumon doit être entrainé dans un secteur de la rivière où la circulation de l’eau assure sa limpidité.

     » L’expérience a enseigné à Jocelyn que lorsque la température de l’eau atteint ou  dépasse 18 degrés Celsius, on ne devrait pas pratiquer la graciation du saumon. Dans ce cas, il est préférable de pêcher très tôt le matin jusque dans le milieu de l’avant-midi, période au cours de laquelle l’eau est généralement plus fraiche.

    » Jocelyn croit qu’il ne faut jamais utiliser une épuisette, même ceux dont le filet est fait de caoutchouc. Il privilégie la manipulation du saumon avec les mains. Pour les gros saumons, l’outil idéal serait ,selon lui, un « fish cradle » ou « cradle net », sorte de civière utilisée parfois par les biologistes. Lorsqu’un poisson s’y retrouve, il cesse immédiatement de bouger rendant ainsi sa manipulation plus facile.

Référence

» Texte Jocelyn Leblanc
» Propos recueillis par Gérard Bilodeau
» FQSA.
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