Lancement de « Saumon Illimité »

Conférence de Jean-Paul Dubé, prononcée lors du souper-bénéfice du 6 novembre 1987

     Je suis profondément touché et honoré d'avoir été choisi pour remplir ce rôle ici, ce soir. Peut-être, ma passion pour le saumon me qualifie en quelque sorte mais, et je le regrette pour vous, on a probablement élu le plus piètre tribun de tous ceux qui aient jamais lancé une mouche sur une rivière du Québec. Enfin... « SAUMON ILLIMITÉ ». Seulement entendre ça, n'est-ce pas quelque chose propre à réchauffer le coeur de tous les bons saumoniers que vous êtes?

Lancement de « SAUMON ILLIMITE » par Jean-Paul Dubé
     Ce n'est encore qu'une idée mais, avec votre participation, ça va devenir un regroupement d'action écologique et politique se vouant entièrement à la cause du saumon.

     Parlons un peu du concept « Illimité ». Prenant le mot au sens ILLIMITÉ dans le temps, c'est-à-dire « il y en aura toujours un autre », le saumon est peut-être déjà illimité. Par contre, si on veut dire SANS LIMITE EN NOMBRE. EN QUANTITÉ, le saumon atlantique est beaucoup trop limité eu égard au nombre d'entreprises et d'individus qui sont à sa poursuite.

     Peut-on être réaliste en espérant revoir de vraies bonnes montaisons dans nos rivières? Moi, je crois que oui - à condition qu'on le veuille réellement et je vais vous dire pourquoi, le plus rapidement possible.

     D'abord il faut admettre qu'il y a eu amélioration dernièrement, même s'il ne s'est posé aucun geste spectaculaire visant un plus libre accès du saumon à sa rivière. Ça, ça rend plus optimiste, mais revenons un peu en arrière.

     En 1968, nous en étions à la pire disette que notre génération ait connue. En 1971 et ..72, une entente internationale avait fait accepter des quotas à la baisse aux pêcheurs danois et un ban partiel sur nos pêches commerciales avait été imposé ici.

     Immédiatement, nos frayères se sont repeuplées et l'avenir paraissait plus rose. Malheureusement, nous avons laissé les pêcheurs de Terre-Neuve se substituer aux Danois, nous n'avons pas pu contrôler les pêches dites « accidentelles » et nous avons légitimé une nouvelle pêche commerciale, celle des autochtones.

     En d'autres mots, nous avons perdu tout le terrain gagné.

     Dix ans plus tard. Pêches et Océans Canada, sous la direction de Pierre de Bané avait retardé un tant soit peu, l'ouverture de la pêche à Terre-Neuve. Nous en récoltons présentement les dividendes.

     Remarquez-bien que je m'applique ici à résumer. Je ne veux pas ignorer ni minimiser la magnifique contribution de l’I.A.S.F ou celle de nos propres chercheurs québécois.

     Je veux simplement souligner que la moindre décision politique qui démontre un peu de fortitude intestinale, de « guts » en d'autres mots, a une influence immédiate sur les montaisons. C'est bon à savoir et à souligner, mais ce qu'il y a de réjouissant dans tout cela, c'est qu'on semble avoir accepté le principe que le Saumon atlantique a une valeur exceptionnelle mais en autant qu'il fasse l'objet d'une pêche sportive seulement.

     Nous savons de plus que, mondialement, les fermes marines fournissent déjà 5 fois plus de saumons d'élevage que la pêche commerciale fournit de saumons sauvages. Nous avons pris du retard ici mais bientôt, Baie-des-Chaleurs Aquaculture à Carleton va pouvoir lancer 50 000 saumons sur le marché et si cela ne suffit pas, d'autres verront à combler la demande.

     De là à prendre la décision capitale de légiférer que le saumon atlantique à l'ÉTAT SAUVAGE ne peut plus être commercialisé, il n'y a qu'un pas. Je sais comme vous que l'on pourrait prendre bien du temps à le franchir ce pas, mais je suis convaincu qu'on le fera un jour. Alors pourquoi ne ferions-nous pas un de nos objectifs celui d'obtenir pour Salmo Salar ce statut? D'autres espèces, pas plus menacées que le saumon l'ont obtenu depuis longtemps.

     Tout cela me rend optimiste parce que beaucoup a été fait et les solutions deviennent plus apparentes et moins lointaines. Il faut quand même, pour progresser, maintenir l'intérêt du saumonier et il est évident que nous sommes en régression sur ce plan. Le nombre des permis de pêche au saumon est tombé de quelque 25 000 au début de cette décennie à environ 12 000 maintenant.

     Nous en savons tous la cause: une mesure extrêmement restrictive qu'aucun pêcheur croit valable. Ici, je vois une formule de remplacement qui devrait être facile d'application. Une étude très récente sur le bassin de la Ristigouche permet de conclure que les becs-scies y consomment annuellement en petits saumons l'équivalent de 10 000 saumons adultes. Et il me reste à voir une rivière où ces petits pillards ne sont pas présents.

     Pourquoi ne pas faire pression pour obtenir un contrôle sur ces prédateurs que même les chasseurs méprisent parce qu'ils ne sont guère comestibles. Comme mesure pour aider le saumon et maintenir l'intérêt du saumonier, ce serait une solution beaucoup plus efficace et certainement plus populaire que celle de renvoyer le pêcheur chez-lui après la capture d'un « grilse ».

     J'ai fait preuve d'un certain optimisme, mais il est quand même mitigé parce que parfois il peut y avoir mer et monde entre percevoir une solution et la voir être appliquée. Il ne faut pas se leurrer: le saumon est encore une espèce menacée.

     C'est pourquoi vous allez voir naître ce soir, la corporation « Saumon illimité ». Vous avez tous connu l'Atlantic Salmon Association, la Fondation internationale du saumon, l'Atlantic Salmon Fédération, et plus récemment notre Fédération québécoise pour le Saumon atlantique. La contribution de chacune de ces associations a été monumentale et elle va se poursuivre.

     Chacune d'elles est supportée presque exclusivement par les pêcheurs sportifs. « Saumon illimité » veut bien sûr l'apport des saumoniers, mais veut en plus rallier scientifiques, écologistes, naturalistes et en somme, tous les amants de la nature dans un commun effort pour conserver le saumon.

     Sa formation n'est pas une abdication de notre Fédération, loin de là. Elle deviendra son bras investisseur, après avoir ouvert la porte à de nouveaux collaborateurs que d'ailleurs, chacun de nous devrait s'efforcer de recruter.

     Alors, c'est avec fierté que je vous invite au dévoilement du sigle de « SAUMON ILLIMITÉ »

     VIVE SALMO SALAR, LONGUE VIE À « SAUMON ILLIMITÉ »!

références

» par Jean-Paul Dubé
» Salmo Salar #11, Hiver 1988.
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