Les Truites de Mer Géantes de la Petite-Cascapédia

    Les amateurs de pêche savent tous que la péninsule gaspésienne est reconnue pour sa pêche du saumon. Et pour cause, car plusieurs rivières accueillent des montaisons importantes. Cependant, ce que plusieurs ignorent, c'est que de nombreuses cohortes d'ombles de fontaine anadromes, communément appelés truites de mer, remontent aussi ces rivières durant la saison estivale. La Branche est et la Branche ouest de la Petite-Cascapédia font partie de ces joyaux que les adeptes de la pêche à la mouche devraient découvrir.

Les Truites de Mer Géantes de la Petite-Cascapédia
     Assis sur un tronc d'arbre renversé le long de la rivière, je discutais de techniques de pêche avec David Bishop, le guide qui m'accompagnait. Soudain, de l'autre côté, un gobage discret attira notre attention. Un poisson venait d'attraper un insecte qui dérivait dans le courant... et ainsi de trahir sa présence. «C'est une belle truite de mer», me dit Bishop. Et une autre perça le film de l'eau à quelque 20 pi (7 m) en aval. Dans l'espoir de saisir sur pellicule des scènes de pêche intéressantes, je demandai au guide de pêcher en premier.

     Il se déplaça légèrement en amont, attacha à son bas de ligne une petite mouche sèche de couleur brun pâle et, dès le premier lancer, l'imitation d'une trichoptère fut gobée dès qu'elle entra dans le champ de vision du premier poisson localisé. La bataille s'engagea et quel combat, croyez-moi! Équipé d'une canne d'une longueur de 6 pi, d'une soie à moucher n° 4 et d'un bas de ligne d'une résistance de a 4 lb. Bishop dut manœuvrer avec habileté pour amener à l'épuisette ce beau poisson aux taches claires sur fond sombre avec des marques vermiculées sur le dos. C'était bien une truite de mer... d'un poids de plus de 4 lb (1,8 kg).

     À mon tour maintenant d'essayer de jouer de ruse et de tromper la princesse des eaux. A la suggestion de Bishop, j'attachai donc un Wooly Bugger, un steamer que je laissai dériver de travers dans le courant, tout en lui donnant du mouvement en imprimant des saccades irrégulières à la soie. Dès qu'il entra dans le repaire des truites, la soie se raidit, la canne se courba... et le moulinet se mit à chanter. Plus de 15 minutes plus tard, je réussissais à échouer sur la berge un superbe poisson d'un poids semblable à celui récolté par David.

     Au cours de la bataille, le guide en avait profité pour traverser la rivière et, debout sur la berge, il me dit apercevoir, toujours au même endroit, deux autres spécimens dont l'un devait atteindre, selon ses dires, plus de 6 lb (2.7 kg). Voilà l'occasion d'essayer une imitation de souris, pensai-je. Dès le premier essai, alors que je ramenais l'artificielle par saccades à la surface de l'onde, la plus grosse truite «décolla du fond», la suivit... mais regagna malheureusement son poste. J'essayai à nouveau, mais en vain.
David me suggéra alors de lancer plus en aval, sous les branches, où avait pris position l'autre truite. Dès que l'imitation de souris toucha l'eau, le poisson partit en trombe et la goba rageusement. Après une lutte épique, je remis cette truite de mer à l'eau; sa grosseur s'apparentait à celle des poissons récoltés antérieurement. Pendant ce temps, Bishop en avait localisé une autre plus en aval... et la récolta avec un Wooly Bugger.

La Petite-Cascapédia

     Croyez-le ou non, ces moments intenses de pêche, je les ai vécus l'été dernier, au Québec, et ce dans une ZEC accessible à presque toutes les bourses, mais éloignée des grands centres urbains. Pour les adeptes de pêche qui habitent loin de la péninsule gaspésienne, il faut compter plusieurs heures de route pour s'y rendre (900 km de Montréal), car la Petite-Cascapédia se jette dans la baie des Chaleurs à New Richmond.

     Si vous prévoyez y séjourner quelques jours l'été prochain, sachez qu'en plus de la distance à parcourir, vous n'êtes pas certain de récolter du poisson à chaque présence, même si cette rivière accueille chaque année une bonne population de truites de mer.

     D'ailleurs, au cours de cette journée mémorable, Bishop et moi n'avons vu que sept truites de mer, nous avons aussi leurré deux saumons atlantique dont l'un faisait osciller la balance autour de 14 lb (8,4 kg). J'y suis retourné seul quelques jours plus tard et je suis revenu bredouille. La qualité va souvent de concert avec la rareté et cette rivière pour mouchetées trophées, bien que très accessible, ne fait pas exception à la règle.

Branche ouest et Branche est

     La Petite-Cascapédia prend .sa source dans les majestueuses montagnes du parc de la Gaspésie. Deux rivières importantes aux eaux cristallines de la couleur de l'émeraude, la Branche est et la Branche ouest, forment la tête du tronçon principal et sont alimentées par de nombreuses sources et ruisseaux d'eau claire, très froide et bien oxygénée, éléments indispensables à la «viabilité» de la truite de mer.

     La truite de mer est un omble de fontaine, dont le nom scientifique est Salvelinus fontinalis et le nom commun truite mouchetée. Anadrome, elle s'alimente surtout en eau salée et vient se reproduire en eau douce, ce qui lui permet d'atteindre un poids plus respectable que celle qui ne vit qu'en eau douce, car, en milieu marin, la nourriture est plus abondante. Ajoutons qu'en eau saumâtre, elle se pare d'une robe argentée, mais, après deux semaines passées en rivière, elle revêt les mêmes couleurs que sa cousine qui ne vit qu'en milieu lacustre.

     C'est davantage dans la Branche ouest qu'il est possible de s'adonner à la pêche de l'omble de fontaine anadrome. Certes, dans le tronçon principal, elle s'arrête dans les fosses lors de la montaison, mais presque tous les secteurs sont contingentés et réservés par des saumoniers qui n'ont qu'une seule idée en tête, la récolte de Salar. Quant aux fosses de la Branche est, elles ne sont accessibles que si l'on descend la rivière en canot et il faut compter au moins deux journées complètes en pleine sauvagerie. C'est une aventure qui vaut son pesant d'or, mais n'y allez pas seul, réservez les services d'un guide professionnel.

     Néanmoins, on peut pratiquer la pêche de la truite de mer dans plusieurs fosses de la Branche ouest, lesquelles sont d'ailleurs identifiées le long d'un chemin carrossable en automobile. Mais, comme il n'est pas facile de localiser Salvelinus fontinalis dans son élément, je vous recommande d'être accompagné d'un guide ou à tout le moins d'un pêcheur expérimenté des environs. À ce propos, rencontrez Clément Allard, le propriétaire du dépanneur C. Allard Inc. au 330, boul. Perron à Carleton (tél. : (418) 364-7724). Ce sportif n’est pas avare de renseignements et il pourra aussi vous suggérer et même vous vendre de l'équipement de pêche, comme les mouches les plus productives. Il faut également savoir que c'est surtout au cours des mois de juillet et août que les ombles de fontaine anadromes occupent les fosses de la Branche est et de la Branche ouest.

Équipement de pêche

David Bishop
     Étant donné que la Petite-Cascapédia est considérée comme une rivière à saumon, vous devez pêcher à la mouche, et avec une seule. Il en est de même pour la Branche est et la Branche ouest. La température relativement basse de l'eau, combinée à la vitesse du courant et à la profondeur des fosses, vous oblige à chausser des bottes-pantalon.

    Compte tenu de la grosseur des truites de mer qui remontent la rivière, il est important d'avoir un bon moulinet qui accepte une soie flottante, une ligne de réserve et qui possède un bon frein. Pour m'en faire comprendre l'importance, Bishop me rappela qu'à l'été 1993, alors qu'il guidait un Américain sur la Branche ouest, ce dernier récolta un monstre de plus de 9 lb (4,1 kg). J'oubliais de vous dire de ne pas négliger d'apporter de l'huile pour éloigner les moustiques, car, surtout en fin de journée, vous serez escorté par des escadrons de mouches noires.

     Quant aux artificielles à utiliser, tous les pêcheurs locaux sont d'avis que les streamers devraient occuper une place importante dans la boîte à mouches. Et les plus productifs sont le Muddler Minnow, le Magog Smelt et le Wooly Bugger. Même si le corps du Wooly Bugger est à l'origine fait avec de la chenille verte/olive, la queue avec une plume de marabout de couleur noire et les côtes et la collerette avec un hackle noir, David Bishop n'hésite pas à modifier les couleurs du corps, de la queue ou des côtes du modèle original, et ce avec succès. Souvent, il ajoute même quelques fibres de «cristal flash», soit dans la queue ou soit dans l'aile.

     Et si vous rencontrez sur la rivière un pêcheur qui ne jure que par un streamer dont la description de la parure est la suivante : hameçon double, queue et gorge en fibres de plume teinte en jaune, corps en lamé plat argent (tinsel) et aile formée de poils d'une queue de chevreuil teints en rouge surmontés d'une plume blanche de marabout coiffée de quelques fibres d’une queue de paon, vous êtes fort probablement en présence de Clément Allard ou d'un de ses amis. D'après ses dires, cette artificielle qui porte le nom de «Balloue» est responsable de plusieurs captures sur cette rivière. L'été dernier, lors d'une sortie sur la Branche ouest et toujours avec cette mouche, il a récolté la limite quotidienne permise, soit cinq truites de mer pour un poids total de plus de 20 lb (9,1 kg).

     Notez que les mouches sèches sont aussi un atout important, surtout si les truites se nourrissent d'insectes qui dérivent dans le film de l'eau au gré du courant ou si vous les avez localisées. Les imitations d'éphémères et de trichoptères sont à conseiller, mais, même si l'omble de fontaine est moins sélectif que les truites brunes et arc-en-ciel, rappelez-vous que la présentation est beaucoup plus importante.

Coûts et hébergement

Cascapedia Angling Specialists Team (CAST)
     C'est l'Association des pêcheurs sportifs des rivières Cascapédia inc. qui s'occupe de la gestion de la rivière Petite-Cascapédia. En 1994, pour pêcher dans le secteur D. la Branche ouest et dans le secteur E, la Branche est, on exigeait 22,26 $ (taxes comprises) par jour pour les membres, dont la carte coûte 22,26 S (taxes comprises). Les secteurs sont contingentés à 10 perches, jour. On peut se procurer les droits d'accès au poste d'accueil situé près du pont couvert qui enjambe la rivière, à Saint-Edgar, à près de 15 km de New-Richmond.

     Quant à l'hébergement, on peut toujours demeurer dans des motels à New-Richmond, Carleton ou Maria, mais réservez plutôt au Camp Mélançon, un endroit de rêve localisé à moins de quatre kilomètres du poste d'accueil sur la berge de la rivière Petite-Cascapédia. Sous la responsabilité de la ZEC, les quatre chalets comprennent chauffage et éclairage, douches et toilettes intérieures, cuisinière, réfrigérateur et accessoires de cuisine. Vous emportez votre bouffe et vos effets personnels. Toujours en 1994, on exigeait 89,02$/ jour (taxes comprises) pour les chalets de quatre personnes et 61,20$/jour pour les chalets de deux personnes.

    Pour obtenir une carte de la rivière indiquant les fosses et plus de renseignements concernant la ZEC Petite-Cascapédia ou pour des réservations de chalets, je vous invite à écrire à l'Association des pêcheurs sportifs des rivières Cascapédia inc., au 610, chemin Mercier à New-Richmond (Québec) GOC 2B0 ou à téléphoner au (418) 392-4105 (même numéro pour le télécopieur). Il est aussi possible de demeurer au "Relais du vieux pont- situé face au pont couvert, à Saint-Edgar, et qui peut accueillir 16 personnes. On exige 32.$/personne pour le coucher, le déjeuner étant compris, et 44.$ si deux personnes occupent la chambre. On s'informe en composant le (418) 392-6061 ou le (418) 392-4632.

CASCAPEDIA ANGLING SPECIALISTS TEAM (CAST)

     Et si vous désirez retenir les services d'un guide professionnel, je vous recommande d'entrer en contact avec David Bishop ou Marc Leblanc qui ont plus de 25 années d'expérience de pêche sur la rivière. Je vous rappelle qu'il n'est pas facile de localiser la truite de mer dans son élément et un guide expérimenté est un atout presque indispensable. Pour une descente dans un canot d'une longueur de 24 pieds ou de 26 pieds sur la Branche est, et ce si vous êtes deux personnes, prévoyez débourser 575.$ pour ce forfait de deux jours (375.$ pour une seule personne). Tous les repas préparés par le guide sont compris dans le forfait et vous couchez un soir dans une tente bien équipée (éclairage au propane, matelas, etc.). Vous n'apportez que votre équipement de pêche et votre sac de couchage. Bien entendu, les droits d’accès pour la pêche sont en sus.

     Si vous désirez pêcher dans la Branche ouest, vous descendrez la rivière en canot sur une longueur d'environ 15 km, ce qui se fait en une journée. Le tarif demandé : 235.$ pour deux personnes et 150 $ pour une seule, repas et droit d'accès non compris. Pour en savoir davantage, n'hésitez pas à écrire à CAST inc., 10, rue des Mésanges, Maria (Québec) GOC 1Y0 ou à téléphoner au (418) 759-3866.

Conclusion

     Les ombles de fontaine anadromes de taille, appelés aussi truites de mer, ne se retrouvent que dans les baies de James et d'Hudson, au Labrador, à Terre-Neuve et au Québec. Dans la Belle Province, les rivières accessibles assez facilement et qui comptent une bonne population de gros géniteurs ne sont pas légion. En plus de couler dans un décor des plus enchanteurs en pleine sauvagerie où règnent le calme, la détente et la sérénité, la Petite-Cascapédia fait partie de ces plans d'eau privilégiés. Lorsque vous péchez dans l'une des branches de cette rivière de la péninsule gaspésienne, vous n'êtes pas assuré à coup sûr de récolter le trophée tant désiré, mais soyez assuré que le bain de nature vaut le déplacement.

Références

» Texte & Photos: Gilles Aubert (Avril 1995).
» Magazine Sentier Chasse & Pêche.
Page 6 sur 8