Une Fin de Semaine Fructueuse

     L'histoire se déroule à la fin du mois juillet 1992. Mon père et moi ne travaillons pas cette fin de semaine, ce qui nous permet d'aller défier salar sur la rivière Matane. La pluie tombée au cours des derniers jours doit avoir fait monter le niveau de l'eau, ce qui nous rend très optimistes. Cependant, cette fin de semaine coïncide aussi avec la fin des vacances de la construction: il risque donc d'avoir beaucoup de pêcheurs sur la rivière. Mais ce n'est vraiment pas suffisant pour nous décourager.

Une Fin de Semaine Fructueuse
     Le samedi matin, nous commençons à visiter les fosses habituelles. Comme nous l'avions espéré, le niveau de l'eau est intéressant et le saumon passablement actif. Cependant, nous devons patienter jusqu'au début de l'après-midi avant de capturer le premier saumon. Un madeleineau de cinq livres pris au Ruisseau Gagnon avec une « Orange Cosseboom ». Après cette première capture, nous allons visiter d'autres fosses. Vers sept heures, mon père et moi convenons d'aller terminer la journée au Ruisseau Gagnon car c'est là que nous avions pu observer la plus grande concentration de saumons. La pêche du soir pourrait donc nous apporter des dividendes intéressantes. Comme j'ai déjà un saumon capturé, je laisse mon père passer la première mouche. 

     La première passe n'obtient pas de succès. Mon père change donc de mouche et attache à sa ligne un gros bomber vert fluorescent. Au premier lancer, un saumon lève mais ne prend pas la mouche. Il descend donc de quelques pas afin d'essayer les autres saumons, tout en laissant reposer celui-ci. Au troisième lancer, je suis la mouche qui vogue doucement quand soudain un saumon prend la mouche. Mon père ferre et le combat commence. Au bout de 15 minutes, un saumon de dix livres entre dans le queutard. Étant donné qu'il reste encore une vingtaine de minutes avant la noirceur, je décide de laver la mouche afin d'aller essayer le premier saumon. Deux lancers seulement sont nécessaires pour capturer ce saumon de huit livres et demie. Inutile de mentionner que nous avions terriblement hâte de voir comment se déroulerait la journée du lendemain...

     Dès l'aube, nous commençons à pêcher dans la même fosse. Malheureusement, la plupart des saumons de la veille ont monté et il n'en reste plus que quelques-uns qui demeurent totalement indifférents face à nos plus belles présentations. Nous entreprenons donc d'aller visiter une autre fosse: « les cèdres ». Le soleil déjà haut dans le ciel nous permet de localiser deux saumons dans le centre de la fosse, un castillon et un autre un peu plus gros. Mon père décide de les essayer avec un « muddler ». Au premier lancer, le castillon se laisse prendre. Après sept ou huit minutes de combat, nous essayons de l'amener à l'épuisette. Malheureusement pour nous et heureusement pour sa descendance, il se décroche et retourne à sa rivière natale. 

     Un peu déçus, nous jetons un rapide coup d'oeil dans la fosse et nous retrouvons l'autre saumon, qui s'est déplacé un peu vers l'aval. Mon père lui envoie sa mouche et, au cinquième lancer, celui-ci la prend et nous pouvons le garder. Il pesait huit livres. Pendant que mon père applique son scellé et range son équipement, je vais voir un peu plus bas afin de vérifier s'il n'y a pas de nouveaux saumons. Il y en a deux; un d'une dizaine de livres et un autre plus gros, qui doit faire près de 15 livres. Je vais donc chercher ma canne et je leur envoie une belle sèche. Au premier lancer, le plus petit vient voir la mouche, mais sans la prendre. Je rembobine donc ma soie et décide d'attendre un peu avant de tenter une nouvelle présentation. Au bout d'une dizaine de minutes, je retourne les essayer. J'étire ma soie et je dépose délicatement mon « bomber brun et blanc » devant les deux saumons. Cette fois-ci, le plus gros lève et prend la mouche. Je le ferre et là s'engage un des plus beaux combats de ma jeune carrière de saumonier, combat qui durera au moins 40 minutes. Ce saumon-là pesait 13 livres.

     Maintenant, chaque fois que je me rends sur la Matane, je croise les doigts pour que mon séjour m'apporte autant d'émotions fortes que celui-là m'en a apporté.

référence

» Par Christian Landry
» Salmo Salar #42, Printemps 1996.
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