Conclusion...
Il est certain que l'homme Blanc, à son arrivée à Bonaventure, même s'il apportait avec lui un bagage de connaissances et de coutumes, ne pouvait ignorer le milieu qui l'entourait. Au fil des années, le canot, croyons-nous, a contribué largement à créer une relation étroite entre les habitants, les riverains surtout, et leur nouvel environnement. Les réfugiés ont vite appris à utiliser le canot pour circuler sur l'une des seules routes existantes : la rivière. Deux embarcations s'offraient à eux : le canot d'écorce et la pirogue. Selon la tradition orale, peu de gens connaissent l'art de construire un canot d'écorce. Les Indiens restaient les maîtres-constructeurs, aussi bien à l'embouchure de la rivière Bonaventure que sur les rivières Cascapédia ou Restigouche. Les Acadiens avaient apporté avec eux, pour la navigation en rivière, la connaissance de la pirogue. Ces deux embarcations, croyons-nous, en dépit de leurs qualités propres, représentaient des inconvénients aux canotiers, s'ils avaient à les utiliser quotidiennement. A mesure que l'homme a exploité les nouvelles sources de subsistance offertes à lui à cause de la présence de la rivière, naturellement il a cherché à adapter ses techniques et à s'adapter lui-même à ce milieu. Peu à peu s'est implanté un canot de planche dont les caractéristiques architecturales représentaient des avantages sûrs aux usagers : légèreté, maléabilité, solidité et volume.
Est-il nécessaire de mentionner, cependant, que ce n'est pas l'homme qui a inventé les caractéristiques oui donnaient à son canot les qualités qu'il recherchait. Nous croyons plutôt que c'est le milieu, la topographie des lieux qui les lui ont imposées. L'homme a mis à profit son intelligence et sa découverte des ressources du milieu, de même que ses connaissances techniques de construction de barques de pêche. Quant au modèle, il lui était déjà fourni par le canot d'écorce et la pirogue déjà en usage sur la rivière.
La construction de canot de planche illustre bien le lien étroit qui assujettie, relie et marie tout à la fois, l'homme à la nature. A cette dernière qui lui offrait en abondance du cèdre, du tremble et du violon pour construire un canot, l'homme a répondu en inventant des outils et en développant des techniques qui permettaient de travailler plus aisément ces sortes de bois. C'était là un apport important à l'évolution de la technologie.
D'autre part, à mesure que le canot a pris une place considérable dans plusieurs activités de subsistance de la vie traditionnelle, comme la drave, la chasse, la pêche en rivière, le métier de canotier s'est imposé de lui-même comme source de revenus complémentaires aux métiers traditionnels. Comme de génération en génération on était pécheur, agriculteur, forgeron, ainsi de père en fils, se transmettait-on les métiers de canotier et de constructeur de canot.
La tradition relative à la culture matérielle allait également susciter des manifestations dans la culture spirituelle locale. Les séjours des canotiers en forêt favorisaient la perpétuation et le développement des croyances, contes et légendes, tout en permettant une participation active à la vie sociale, religieuse et politique de la communauté.
D'autre part, les canotiers manifestaient d'une façon notoire et même incontestable, leur présence et leur importance dans la collectivité. Au nom de cette dernière, ils prenaient possession du territoire dont ils contribuaient â élargir les frontières; et ils y étaient les maîtres comme en font foi les titres de maître-canot, maître-guide, maître-constructeur. Ils donnaient leurs noms a divers endroits le long de la rivière; ces noms perpétuaient leur souvenir dans la famille et le village et avaient un effet stimulateur chez les descendants prêts à prendre la relève.
D'autre part, les canotiers manifestaient d'une façon notoire et même incontestable, leur présence et leur importance dans la collectivité. Au nom de cette dernière, ils prenaient possession du territoire dont ils contribuaient â élargir les frontières; et ils y étaient les maîtres comme en font foi les titres de maître-canot, maître-guide, maître-constructeur. Ils donnaient leurs noms a divers endroits le long de la rivière; ces noms perpétuaient leur souvenir dans la famille et le village et avaient un effet stimulateur chez les descendants prêts à prendre la relève.
En somme, si nous comparons la croissance du village de Bonaventure, depuis 1760, à celle d'un individu, la présence du canot se révèle â nous comme un rite de passage qui a marqué et facilité la prise de possession du territoire et l'intégration au milieu en favorisant l'implantation, dans la collectivité, d'un nouveau métier et d'une culture transformée et enrichie. L'habitant de Bonaventure aime, encore aujourd'hui, évoquer ses origines acadiennes auxquelles il se sent toujours lié et solidaire; cependant, ses deux cents ans d'histoire le rattachent tout autant à sa nouvelle patrie, la Gaspésie, où il a transplanté ses racines.
