« L'Instinct Féminin » Porte Fruit…

     Au moment où la chasse bat son plein, je me demande par quel bout prendre la plume. Prendre congé ou jaser un peu avec vous, chères lectrices et lecteurs de Salmo Salar. Bien oui, je ne peux résister à l'envie de vous faire connaître la S.S. (non pas Salmo Salar mais la Salutation Sportive) d'usage à la pêche au saumon...

     J'avais dit à Mme Bérard: « Bella, je ne peux pêcher le saumon que quelques heures demain matin, je dois travailler le reste de la joumée; alors j'y vais seul. » On était à la fin du mois de juin et je n'avais pas encore pu déguster la chair rose de Salmo malgré plusieurs jours de pêche. En toute franchise, je n'avais pas l'âme aux délicatesses, ni à la rotation sur une fosse. Je recherchais davantage un endroit peu fréquenté où je pourrais déposer mes «sèches» en toute quiétude sur quelques saumons. « Ça ne fait rien, je t'accompagne quand même; je vais regarder et je pécherai après ton départ », fut sa réponse.

     Très tôt le matin, nous nous dirigeâmes donc (chacun dans notre voiture) vers la fosse que j'avais choisie. Durant mes quelques heures de pêche, les « sèches » avaient fait monter les 4 ou 5 saumons de la fosse. J'en avais piqué un et perdu un autre après plusieurs minutes de combat. Le soleil montant de plus en plus, je devais quitter, d'autant plus que depuis une bonne demi-heure le vent de face rendait la précision des lancers quasiment impossible et qu'il ne se passait plus rien. Bella, «prête» depuis longtemps, s'empressa de déposer une « sèche » du mieux qu'elle pouvait (malgré le vent de face) à l'endroit privilégié pendant que je ramassais mon attirail. Un gros nuage vint subitement obscurcir le ciel. Poussée par je ne sais quel instinct, Bella courut alors le long de la rive, se plaça en amont des saumons (vent de dos) et expédia la « sèche » en avant du groupe argenté.

     La mouche toucha l'eau, descendit un peu, s'arrêta brusquement au bout de l'avançon et s'apprêtait à glisser vers la rive quand une grande gueule vint la cueillir comme un fruit mûr... Ah! C’est gérants de baseball qui ne jouent pas toujours le livre...

     Tout en jetant un dernier regard aux saumons en visite d'amour « chez eux », il ne me restait plus, encore une fois, qu'à les saluer respectueusement* en portant la main à mon chapeau: « Salut Salmo, bonne remontée nuptiale jusqu'à ta « couche » de gravier submergé et surtout, n'oublie pas de procréer des preneurs de mouches... du moins quelques-uns, s.t.p.».

     * Saluer respectueusement: On ne peut qu'être en admiration face à ces géants de rivières qui, à la fin de l'été et à l'automne, se rapprochent des lieux de reproduction. Ce sont ces spécimens qui ont survécu à la mortalité naturelle, à la prédation en rivière et en mer; ce sont eux qui ont échappé aux filets des Terre-Neuviens, aux pêcheurs commerciaux de toutes sortes, aux braconniers et finalement aux pêcheurs sportifs. Ils ont parcouru des milliers de kilomètres, traversé toutes les embûches, sauté des chutes, remonté de forts rapides et maintenant, près du but, ils attirent le respect… Nous devons les saluer bien haut, comme nous le faisons pour nos grands champions; ils sont de la même race.

NOTE : Il y a quelques jours à peine (fin octobre), ces « champions » ont « préparé » nos saisons de pêche 1995, 1996, etc. Ne l'oublions pas !

référence

» Par Clermont Grand’Maison
» Caricature extraite du livre « Fly Fishing » de John Troy.
» Salmo Salar #18, Automne, Novembre 1989.
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