l'Origine de la Pêche à la Nymphe

     Pour connaître l'origine de la pêche à la noyée, il faut retourner 500 ans en arrière, au moment où une religieuse britannique écrit un traité sur la pêche à la mouche. Dame JULIANA BERNERS relève un défi important à l'époque, en s'installant dans la pêche, alors le domaine de l'homme. "The treatyse of Fysshyne wyth and Angle" ou "The Treatyse of Fishing with an Angle" est des plus technique pour l'époque et même aujourd'hui des auteurs modernes en citent des passages dans leurs ouvrages. JULIANA BERNERS parle de l'équipement de pêche à la mouche, de la philosophie du moucheur, de la technique employée pour capturer truites et saumons. Elle décrit systématiquement ses mouches à employer pour chaque mois de la saison; deux pour le mois de mars: une première montée avec de la perdrix et du dubbing (Dubbing: Emprunt linguistique désignant du matériel (fourrure, laine...) utilisé pour confectionner l'imitation du corps et du thorax des insectes) de laine gris-brun, le tout monté sur un hameçon de grosseur moyenne, probablement l'ancêtre de la fameuse March Brown. Et il y avait une seconde mouche, un peu plus petite, semblable à une Hare's Ear.

     Juin avait trois artificielles: The Maure avec un corps de laine grisâtre et l'aile de malard brun; The Donne Cutte montée avec une laine foncée et des ailes de butor; la Tandy fly avec des ailes de plumes de flanc de malard et un corps grisâtre. Ces mouches étaient des noyées, construites grossièrement, quoique valables comme information historique. Concernant la naissance de la pêche à la mouche, il faut attendre cent-vingt-cinq ans avant qu'un espagnol, JUAN DE BERGARA, ne produise un manuscrit sur le montage de mouches.

     En 1624, JUAN DE BERGARA écrit "El Manuscrlto de Astorga", il commence son volume par:

     "Au nom de Dieu et de Notre-Dame. Ceci est un livre de montage et de dressage de plumes pour pêcher les truites durant quelques mois de l'année et, en particulier, janvier, février, mars, avril et mai jusqu'à la Saint-Jean. Il est extrait et tire autorité de livre de pêcheur de grande expérience et a été vérifié par LORENZO GARCIA, pêcheur habitant cette ville d'Astorga, et écrit de la main de JUAN DE BERGARA auquel appartient le dit livre qui commence ainsi qu'on le verra au revers de cette feuille. Fait en l'an 1624".

     En 1984, une traduction de ce document a été produite et on peut maintenant reproduire quelques-unes des mouches décrites dans ce document. Mais malheureusement le nom des mouches est pour la plupart intraduisible et il est difficile de savoir à quels types d'insectes elles ont été associées.

     La soie naturelle était très rare à l'époque et la plupart des corps de mouche étaient construits de fil de lin, qui servait aussi comme fil de montage. Les hameçons étaient forgés à la main de façon très artisanale, utilisant le motif arabesque. On y retrouve de grandes connaissances quant à l'élevage du coq de pêche, et à son utilisation dans le montage de mouches; tradition très présente encore aujourd'hui pour les monteurs européens, et français tout particulièrement.

     La plupart de ces mouches sont des noyées puisque l'on utilise des plumes souples d'oiseaux comme: le courlis cendré, l'engoulevent, le coucou gris, la caille des blés, le martin-pêcheur, l'outarde canepetière et la grive. L'utilisation de plumes de coq dans plusieurs montages, peut nous laisser croire que certaines mouches étaient des sèches. Trois races de coqs de pêche sont recommandées: 1) le Negrisso: tirant sur le noir ou noirâtre, 2) le Pardo: brun roux (couleur de la terre ou celle de la fourrure de l'ours brun). Sa couleur selon les saisons peut aller jusqu'au jaune doré. 3) le Muladar: coq de couleur vermillon très vif. Muladar: fumier en espagnol, on pense que le fumier provenant des écuries de mules donne aux plumes de ces coqs un ton très spécial. La meilleure saison pour récolter les plumes de cou de coq est de Noël à Pâques. En été la plume est très rigide et très brillante mais sèche et cassante. Le soleil d'été par contre change la couleur de certaines plumes qui deviennent plus pâles, les gris bleutés deviennent couleur miel. Le cerclage du corps est habituellement de couleur claire et la tête est de la même couleur que le corps.

     En 1653, celui que l'on qualifie comme étant "le père de la pêche à la mouche", IZAAK WALTON produit "The Compleat Angler", un petit volume de poésies, de règles morales et de moments de contemplation sur le merveilleux spectacle de la nature.

     L'édition originale de WALTON, est composée de treize chapitres, lesquels sont introduits par de petits dialogues ou par des histoires poétiques. Au début du volume IZAAK nous présente VICTOR le chasseur, qui rencontre bientôt PISCATOR le pêcheur à la mouche, le dialogue s'engage et tout au long du volume PISCATOR renseigne le lecteur. Le héros rencontre d'autres personnages et le volume se remplit d'anecdotes et de poésies.

     Durant sa vie WALTON a côtoyé deux grands pêcheurs à la mouche; ALEXANDRE NOWELL, à qui on attribue le chapitre "The Arteo of Angling', et CHARLES COTTON, un écrivain plus jeune que WALTON. COTTON possédait une maison de campagne ayant vue sur une des plus belles rivières d'Angleterre, la Dove. WALTON et COTTON échangèrent de nombreuses discussions sur leur sport commun et dans la sixième édition du volume de WALTON est inséré un chapitre écrit par COTTON: "Instructions How To Angle for a Trout or Grayling in a Clear Stream", spécialement réservé à la pêche à la mouche et au montage de mouches. COTTON aimait imiter les insectes lors des éclosions et il dressa une liste de soixante-cinq mouches originales, servant pour les saisons de pêche sur la Dove.

     COTTON était un monteur très habile et fabriquait comme tous les moucheurs de l'époque ses soies de poils de queue de cheval. Il les tressait en fuseau, terminant avec deux poils comme avançon (tippet), pour y attacher l'artificielle. COTTON se plaisait à dire que le pêcheur qui ne pouvait attraper une truite de vingt pouces sur un avançon (tippet) de deux brins, ne peut être appelé "pêcheur à la mouche". Son dicton qui disait "pêche avec un brin fin et tu feras des lancers plus longs" est encore vrai aujourd'hui.

     La description des matériaux et des techniques de montage de COTTON a servi de référence pendant des décennies. Dans les montages des auteurs de 1800 on retrouve des mouches de COTTON Ces mouches sont les: Cowdung, Whirling Blue Dun, Blue Dun. La Cowdung est l'imitation d'un insecte terrestre, la mouche de bouse de vache (brachycères).

     L'arrivée du 18ième siècle apporte de nombreux changements technologiques dans la pêche à la mouche: la création de bas-de-ligne en fil de soie, rend populaire le bas de ligne fuselé. La construction industrielle des hameçons permet une plus grande accessibilité, et encourage le commerce du montage de mouches.

     RICHARD BOWLKER publie en 1747 "The Art of Angling". Une troisième édition est reprise par son fils CHARLES en 1776. CHARLES BOWLKER fut considéré, même de son vivant, comme le plus grand pêcheur à la mouche de ce siècle. Il préconise la technique du lancer en amont, ce qui permet à la mouche noyée de descendre plus en profondeur. Ses mouches étaient élancées, clairsemées et gracieuses; leurs configurations dénotaient le vrai style des monteurs du nord, et quelques fois le corps comportait un cerclage de tinsel (Tinsel: Emprunt linguistique désignant un fil métallique ou son substitut) enroulé ou un hackle. Des mouches de sa création sont: la Willow Fly, la Yellow Sally, la Green (et) Gray Drake, la Welshman's Button; et il améliore la Cowdung, la Whirling Blue Dun, la Blue Dun et la Grannom.

     Sa théorie de monter le hackle pour imiter les pattes, et son hackle "palmer" sur le corps, pour imiter les branchies sur ses imitations de nymphes, est une première qui confère le rôle de la mouche noyée pour imiter l'insecte au stade de nymphe. Son volume renferme trente mouches, et contient des informations en entomologie qui embrassent des observations sur les éclosions, en terme de couleur, forme, courbure et grosseur. Son style de montage est probablement celui dit du Hampshire.

     En 1806, ALEXANDER MACKINTOSH, publie "The Driffield Angler", un volume qui change l'évolution du montage de mouches noyées de l'époque. Bien qu'il soit écossais MACKINTOSH ne montait pas dans le style des gens du nord. Le corps de ses mouches était construit de façon à imiter celui des nymphes naturelles. Il disait que le corps de la mouche, est l'élément premier servant à tromper la truite. Ses instructions pour construire le corps, étaient en contradiction avec les monteurs de l'époque, qui produisaient des mouches dans le style CLYDE et TUMMEL, lesquels n'utilisent que la moitié de la longueur de l'hameçon. MACKINTOSH observe les insectes et dans sa construction des corps, il recherche la couleur des insectes naturels, allant jusqu'à mouiller ses mélanges de fourrures pour les comparer avec la couleur de l'insecte naturel. Comme la plupart des corps de ses artificielles sont construits de fourrure, il nous dresse dans son volume une liste impressionnante de matériaux utilisés: poils d'ours de différentes teintes, poils de chameau, de blaireau (cueilli près des oreilles), laine de poils de porc, (spécialement recueillie sur la peau du cochonnet), fourrure de phoque (blanchon), poils de veau, de vache et de chèvre. Il recommande l'utilisation de poils de veau avorté, et soutient que la fourrure de phoque est excellente pour les petites mouches; tandis que la laine de porc est excellente pour les grosses mouches. Il nous fait remarquer qu'un tapis de Turquie est une excellente source de dubbing dans de nombreuses teintes. Il utilise aussi les fourrures de queue d'écureuil, de renard et renardeau, de loutre et de jeune loutre, de putois, de poils de lièvre pris sur le cou, la fourrure orangée de la gorge de martre, etc....

     Il porte un soin minutieux dans le mélange de couleurs qu'il pose sur des fils de couleurs bien déterminées. Il est le premier à utiliser la laine de bourse de bélier pour reproduire le corps jaunâtre de la Green Drake Mayfly. MACKINTOSH est un innovateur qui va même jusqu'à pêcher le brochet à la mouche.

     JOHN YOUNGER produit son volume "On River Angling for Trout and Salmon" en 1840, dans lequel il fut le premier à décrire avec conviction le rôle des nymphes dans le régime alimentaire de la truite. Ses techniques de pêche avec les "soft hackle patterns" fabriqués de plumes de perdrix ou d'oies, pour imiter des trichoptères (caddis) en émergence, sont simples et rémunératrices. JONH YOUNGER a développé de sérieuses imitations de nymphes pour appuyer ses théories.

     WILLIAM STEWART avec son volume "Pratical Angler" devient un pilier dans le temple de la pêche à la mouche. Ce volume est publié à Edinbourg en 1857. Il relate des histoires de pêche sur des rivières coulant dans des paysages grandioses; à travers les pâturages de moutons, des abbayes en ruine et des châteaux. Ce sont de merveilleuses rivières à saumon et à la truite. Son étui à mouches en toile de lin était rempli de patrons traditionnels comme: Grouse and Green Woodcock, Blue-Winged Hare's Ear. et ses propres créations comme: Grouse Spider, Dotterel Spider, Starling Spider. Ses écrits démontrent l'importance des nymphes d'éphémères (mayfly) dans le régime de la truite, et il parle aussi de l'importance des éclosions de trichoptères (caddis).

     Le chanoine CHARLES KINGSLEY écrit "Chalkstream Studies" en 1858, dans lequel il présente sa création la fameuse Alder.

     DAVID WEBSTER publie "The Angler and the Loop Rod" en 1885, son volume illustre et décrit le style de montage de mouches noyées utilisées dans les frontières de l'Écosse. Ses mouches ont l'aile droite à 90 degrés, dans le style Tweed Wet fly. Il monte ses matériaux d'une façon clairsemée, son style a influencé Skues dans la création de ses imitations de nymphes émergentes.

     T. E. PRITT dans la même année écrit "Yorkshlre Trout Files", un volume qui contient les meilleures mouches de ce temps qui sont utilisées dans le Yorkshire, un ensemble de 62 mouches noyées construites dans le style soft hackle.

     Il y a deux mouches noyées qui tirent leur origine du début et qui représentent un grand nombre de nymphes en éclosion: Hare's ear et Greenwell's Glory (créée par J. WRIGHT en l'honneur du chanoine WILLIAM GREENWELL).

     Nous avons maintenant présenté l'origine de la mouche noyée qui est à l'origine de la nymphe. Dans les pages qui suivent nous entrons dans le vif du sujet, et cela à une époque plus près de la nôtre.

Juan de Bergara

JUAN DE BERGARA

Walton (Blue Dun)

WALTON (BLUE DUN)

Hampshire (Richard Bowlker)

HAMPSHIRE (RICHARD BOWLKER)

Clyde Wet Fly

CLYDE WET FLY

Derbyshire wet fly

DERBYSHIRE WET FLY

Usk Wet Fly

USK WET FLY

Stewart Wet fly

STEWART WET FLY

Twed wet fly

TWED WET FLY

Yorkshire wet fly

YORKSHIRE WET FLY
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