Taxidermie

Il faut d’abord prendre quelques précautions « sur le terrain »

     Outre la traditionnelle photo-souvenir lors de vos prochaines excursions de pêche, plusieurs d'entre vous aurons sans doute un jour le profond désir de faire naturaliser leur légitime et noble capture, leur « trophée ».

Taxidermie; Il faut d’abord prendre quelques précautions « sur le terrain »
     Ici, mettons immédiatement entre guillemets le mot « trophée », lequel est habituellement relié à tort aux spécimens de forte taille d'une espèce, qui sont à leur tour, tout aussi injustement, associés à la taxidermie. J'ai en effet déjà effectué des montages déjeunes saumons en duo, ou encore de petites mouchetées en trio dans leur milieu naturel qui auraient sûrement fait rougir jusque sur le dessus de la tête les plus grosses truites mouchetées de la rivière Caniapiscau. Une belle pièce de taxidermie, rappelez-vous en toujours, doit avant tout respecter les critères anatomiques de l'espèce et être le reflet exact de la nature par sa composition harmonieuse et originale. La taille du poisson n'est donc pas un critère de première importance.

     La réussite d'une belle pièce de taxidermie est sans contredit directement reliée au talent et à la créativité du taxidermiste choisi pour sa réalisation. Toutefois, il ne faut certainement pas vous attendre à des miracles si celui-ci est aux «prises» avec un spécimen de piètre qualité et c'est là que vous, pêcheurs, devez apporter votre précieuse collaboration afin que votre capture lui parvienne dans le meilleur état possible.

La prise

     On se retrouve donc sur un site de pêche, en pleine euphorie, devant l'adversaire vaincu. Lorsque l'énervement sera dissipé (et je sais de quoi je parie!), vous devez manipuler votre capture très délicatement. Il est d'ailleurs recommandé, une fois le poisson sorti de l'épuisette, de le neutraliser proprement en lui assenant un coup sur le dessus de la tête. En gesticulant, dans l'embarcation ou sur la berge de la rivière, il risque en effet de perdre une importante quantité d'écaillés. Et de toute façon, puisque la tête de tous les poissons se contracte lors du séchage sur le mannequin, la sienne devrait fort probablement être remodelée ou remplacée avant l'étape de la peinture. Si elle est quelque peu abîmée, cela n'a donc pas vraiment d'importance.

     Il existe bien sûr des espèces qui sont plus résistantes à de durs traitements sur le terrain. Mais, comme je m'adresse ici avant tout à des pêcheurs de salmonidés, je me permets de vous dire d'en prendre un soin jaloux: le saumon n'est pas seulement le roi des eaux, mais aussi le premier en tête de liste pour la chute de ses écailles. Fait à noter cependant, plus il est capturé tard en saison, plus les écailles sont résistantes au choc et à la manipulation sur le terrain.

Taxidermie; Il faut d’abord prendre quelques précautions « sur le terrain »
De toutes les couleurs

     En second lieu, rares sont les pêcheurs qui, sur les lieux mêmes de la capture, ne font pas une ou deux photos afin d'immortaliser sur pellicule de si passionnantes vibrations. Pour ceux qui seraient tentés de confier leur « trophée » à un taxidermiste, profitez donc de l'occasion pour faire un gros plan du poisson: déposez-le sur un fond contrastant, tel un rocher ou un lit de verdure et choisissez un endroit ombragé afin d'éliminer tout reflet qui pourrait influencer ses vraies teintes. En plus d'obtenir une bonne photo souvenir, vous aurez en votre possession un outil de référence indispensable au taxidermiste professionnel.

     Plusieurs d'entre vous savent déjà que tous les poissons, sans exception, perdent complètement leur pigmentation et leur éclat lors du séchage sur mannequin. De la séduisante robe d'une truite mouchetée, en passant par l'éclatant reflet bleu métallique du saumon atlantique, toutes ces merveilleuses couleurs se dissipent pour faire place au gris terne et sans vie.

     Les fins observateurs de la nature ont sans doute aussi remarqué la grande différence de coloration entre deux poissons d'une même espèce péchés dans des eaux différentes ou, mieux encore, capturés à des stades et à des moments différents d'une saison de pêche. Ainsi, une truite mouchetée prise tôt en saison n'a pas la même coloration qu'une consoeur pêchée en début de fraie, de même qu'un saumon atlantique capturé en juin, à l'embouchure d'une rivière, ne ressemble vraiment pas à celui capturé au mois d'août à la tête de la même rivière.

     C'est là que votre photo, prise sur le vif, sera d'un grand secours au taxidermiste. Elle lui permettra de reproduire, avec le plus d'exactitude possible, la pigmentation de votre poisson et non celle d'un poisson « standard ».

     Dernier point sur les couleurs: ne paniquez surtout pas si des plaques se forment sur le corps de votre poisson. Ceci est dû au contact de ce dernier avec le sol ou le fond de l'embarcation et, de toute façon, les plaques seront masquées à l'étape de la peinture. Même chose si votre spécimen a des nageoires atrophiées, la queue abîmée ou d'autres blessures. Les réparations sont quelquefois difficiles et ardues, mais tout de même réalisables.

Taxidermie; Il faut d’abord prendre quelques précautions « sur le terrain »
Déguster ou conserver? Pourquoi pas les deux...

     Pour ce qui est de la conservation, la règle générale veut que le saumon soit refroidi le plus rapidement possible. Remisez-le dans un endroit frais, sur la glace, ou mieux encore directement au congélateur. Il est conseillé d'enrober votre poisson d'une pellicule de plastique (« Stretch'n Seal », « Saran Wrap »). N'utilisez jamais de papier journal car, en plus de dessécher votre poisson, il devient quelquefois difficile de le séparer de la peau. Insérez ensuite le saumon dans un et même deux sacs de plastique puis, finalement, déposez-le sur une petite planchette afin qu'il ne se brise pas parmi d'autres pièces congelés ou lors de manipulations quelconques dans votre congélateur. Si vous n'avez pas de petite planche ou de contre-plaqué, fixez simplement une pièce de carton rigide tout autour de la queue car, une fois congelée, celle-ci devient cassante et s'effritera facilement, au même titre que toutes les nageoires.

     N'oubliez pas que vous êtes toujours en mesure de faire réserver ou mettre de côté votre morceau de chair de poisson car, pour le montage, seule la peau du poisson, et non sa chair, est nécessaire. En fait, « ce dont le taxidermiste a besoin vous le jetez et ce dont vous, vous avez besoin, lui le jette ».

     J'insiste beaucoup sur ce fait, car plusieurs pêcheurs se sont privés et se priveront encore d'une belle pièce de taxidermie, ce merveilleux et unique souvenir personnalisé, sous prétexte de perdre leur chair de poisson. Bien sûr, ce ne sont pas tous les taxidermistes qui offrent ce service de préparation de la chair, mais certains offrent un service très personnalisé et on sait quelle importance à ce poisson pour les « moins chanceux ».

     Votre poisson étant capturé et bien en sécurité dans votre congélateur, il vous reste bien sûr à dénicher l'artiste qui saura lui redonner le vrai sens de l'art de la taxidermie avec un grand « A ». Soyez bien conscient de la valeur «inestimable» de la pièce qui sera naturalisée pour vous. Cette oeuvre artistique, qui s'intégrera à votre demeure, a nécessité votre collaboration de maître-pêcheur, alors à vous de bien choisir la main de maître qui saura lui redonner l'éclat de vie qui vous fera vibrer d'émotion chaque fois que votre regard la croisera.

     J'ai hélas trop souvent observé des spécimens complètement ruinés par des soit disant professionnels. Ainsi, en plus de perdre votre capture, vous aurez perdu les sous investis et, pire encore, vous n'oserez même plus raconter votre aventure de pêche de peur de présenter votre montage à vos auditeurs.

     Songez à toutes les énergies, à tous les rêves caressés et bien sûr à tous les dollars dépensés dans une royale capture. N'allez surtout pas gâcher ces efforts en remettant votre pièce au premier venu. Magasinez prudemment et sérieusement La plupart du temps, vous avez parcouru des centaines de kilomètres pour récolter votre spécimen, alors ne lésinez pas non plus sur les distances pour le choix de votre taxidermiste.

     Suite à ces simples mais judicieux conseils, il ne vous reste plus, amis pêcheurs, qu'à étendre votre soie en espérant que Salmo Salar collabore...

référence

» Par Denis D'Amours
» Photos Denis D'Amours
» Salmo Salar #17, Été, Juin 1989.

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