Chapitre VI – Les Mouches

     «Une bonne mouche est le produit de l'application appropriée de matériaux de qualité sur un hameçon choisi. »

     S.-J. V.

Les qualités d'une bonne mouche

     Le moucheur est maintes fois confronté avec le problème du choix de mouches de qualité lorsqu'il visite le magasin d'articles de sport. D'autant plus qu'ici, au Québec, les monteurs professionnels qui pratiquent la pêche à la mouche et qui connaissent les normes d'une mouche de qualité peuvent à peine répondre à la demande des boutiques spécialisées; il serait même plus juste de dire que la demande surpasse de beaucoup l'offre dans ce domaine.

CHAPITRE 6: LES MOUCHES
     Même les monteurs professionnels sont souvent aux prises avec un manque de matériaux de qualité, surtout dans le coin des camails dont les hackles servent à garnir les délicates mouches sèches.

     La mouche de qualité doit endurer le fouet des faux lancers et les morsures des truites. Elle doit résister aux phosphates, aux huiles et même à certains acides qui souvent embarrassent la surface des eaux de notre province. La mouche que nous recherchons sera donc le résultat de l'application judicieuse de matériaux de qualité sur la hampe d'un hameçon bien choisi.

La mouche sèche

     L'artificielle représentant un insecte ailé, elle doit être ou sembler être aussi délicate que la naturelle. La queue et les hackles doivent être rigides et dépourvus de duvet. Les composants, barbes de hackle et hackles, qui rencontrent ces normes, ne peuvent provenir que d'un camail de première qualité.

     Considérons maintenant la mouche sèche et établissons les points qui doivent préoccuper le monteur et tout autant le moucheur:

     1.-L'hameçon doit être forgé et de petit diamètre.
     2.-La queue de hackles rigides dépourvue de duvet doit être droite et mesurer deux fois la longueur de l'écart.
     3.-Les hackles de la collerette doivent également être rigides, dépourvus de duvet; ils mesurent une fois et demie la longueur de l'écart.
     4.-Les ailes doivent mesurer deux fois cette longueur et adopter une position parfaite en V, perpendiculairement à l'axe de l'hameçon.
     5.-Le corps doit épouser une forme de fuseau et être constitué de spires serrées en matériaux appropriés: pelage de fourrure, polypropylène, tiges de hackles ou de barbes de paon dégarnies.
     6.-La tête doit être discrète, vernie ou cimentée et ne point embarrasser l'oeillet.

     Fort de ces six points de repère, l'acheteur peut facilement éviter les artificielles de mauvaise qualité garnies de hackles mous, contenant du duvet, à ailes disproportionnées, à corps mal formé ou garni de laine, à queues croches, à têtes non vernies et enfin à hameçons forts ou épointés.

Les mouches noyées

     Les mouches noyées étant appelées à être submergées, elles ne nécessitent donc pas une qualité semblable à celle de matériaux utilisés pour les mouches sèches. Par contre, la technique de garnissage s'avère primordiale tant pour les mouches noyées, les nymphes et les strearners.

     Chez ces trois types d'artificielles, la proportion… la durabilité et la symétrie des matériaux sont les facteurs' qui nous intéressent. Le meilleur essai à faire subir à l'une de ces mouches est de lui pincer le corps entre le pouce et l'index, et de le faire tourner sur lui-même. Si le corps ne vire pas, c'est que le monteur a pris soin d'habiller la mouche de façon à lui assurer une longue vie. Un corps de chenille, de fourrure, de laine, de soie floche ou de tissu synthétique tournera facilement autour de la hampe de l'hameçon si le monteur n'a pas bien ancré son matériau. Il en est de même dans le cas de la queue. En tirant légèrement sur les barbes, elles céderont si elles ne sont pas fixées solidement.

     Quant aux critères de proportion et de symétrie, rappelez-vous que chez l'insecte naturel, le thorax est plus gros que l'abdomen généralement en forme de fuseau décroissant vers la queue. Voici quelques points qui vous aideront dans le bon choix d'une artificielle noyée:

     1.-La queue ne doit pas être trop longue. Chez les nymphes, les cerques (queues) doivent, du moins pour certains modèles, être séparés et composés de deux ou trois segments.
     2.-Le fil d'attache ne doit être visible à aucun endroit, sauf dans la construction de la tête.
     3.-L'abdomen doit être en fuseau et constitué de spires serrées.
     4.-Les côtes (ribbing ) doivent être composées de spires équidistantes.
     5.-Le thorax doit avoir plus d'embonpoint que l'abdomen et mesurer, dans le cas d'une nymphe, le tiers de la longueur de la hampe de l'hameçon.
     6.-Les pattes, formées de hackles, doivent être assez longues.
     7.-L'élytre doit recouvrir en totalité la partie supérieure du thorax.
     8.-La tête doit être discrète et en fuseau. Chez le streamer, la tête qui portera des yeux peints doit être proportionnée.
     9.-Enfin, la tête doit être nette et protégée par un ciment ou une laque.

     Quelques-uns d'entre vous demeureront sceptiques face à l'attention que je porte à la toilette des artificielles. Je sais que toutes les artificielles ne sont pas subordonnées à ces règles si on tente une innovation; reste que celle-ci ne dispense pas d'utiliser une technique de montage de base.

     Les manufacturiers de moulinets, de cannes et de soies innovent chaque jour en améliorant la qualité de la fabrication et le rendement de leurs équipements. Alors pourquoi accepterions-nous une qualité moindre dans le garnissage de l'artificielle? Si nous ne pouvons pas accepter nos mouches, pouvons-nous nous attendre à ce que les poissons les acceptent?

Dessins comparatifs

Mouches sèches
Mouches sèches
     Comparant la mouche sèche, à droite, à celle qui figure sur la gauche, nous réalisons qu'elle souffre des imperfections suivantes: hameçon pour mouche noyée; queue pendante et écourtée; côtes inégalement distancées; collet trop évasé; hackle non approprié; ailes trop courtes.

Mouches noyées
Mouches noyées
     La mouche noyée, figurant sur le dessin de gauche, rencontre les critères d'une mouche de qualité. Celle de droite, disgracieuse, se voit condamnée par un corps écorché en barbes de queue de paon de qualité médiocre; des pattes/gorge sont d'un hackle de ... première qualité; donc trop raides pour absorber l'eau, des ailes inégales et hétéroclites; une tête hideuse et sans verni.

Nymphes
     L'inesthétique nymphe (dessin de droite), comparée au modèle de première qualité (à gauche), laisse voir quatre défauts majeurs: l'hameçon utilisé est trop long; l'abdomen est difforme et le thorax maigrelet; les pattes sont trop courtes (hackle taillé); la tête enfin, elle aussi difforme, embarrasse l'oeillet.

Streamer
     Le streamer bien balancé (à gauche) n'a évidemment rien à envier à la pauvre imitation à sa droite. Cette dernière fait les beaux yeux, mais son aile en poils de queue de chevreuil est trop courte et a été taillée d'une façon inacceptable; de plus une faille dans la toilette du corps, à la hauteur de la courbure, laisse voir le fil de montage.

La pêche «en sèche»

     La pêche à la mouche sèche, ou la pêche «en sèche» de nos compagnons de la confrérie d'outremer, est la plus spectaculaire et la plus gracieuse des expressions des hommes de la canne. Il y en a qui professent qu'il est immoral de pêcher à la mouche autrement qu'à la «sèche» ; mais d'autres ne sont pas du même avis. Tant mieux pour ces derniers, les multidisciplinaires de cette fraternité; ils peuvent ainsi en profiter davantage.

LA PÊCHE «EN SÈCHE»
     Soi-disant réservées aux truites, aux ombles et aux saumons, les mouches flottantes ne sont pas pour autant refusées par les laquaïches, les achigans, les dorés, les crapets et même les brochets. Elles imitent de nombreux insectes: éphémères (mouche de mai), phryganes (mannes), perlidés (mouches de pierre), libellules, demoiselles, moucherons, maringouins, sauterelles et autres encore.

     Le secret de cette pêche réside dans les connaissances que chaque moucheur a de ses aptitudes à maîtriser les différents lancers qui lui sont propres, dans sa facilité à interpréter les montées, dans son intérêt pour l'entomologie, et l'insatiable nécessité de connaître tout ce monde d'insectes qui se prêtent, chacun selon sa destinée, au menu des poissons.

     La mouche sèche est réellement fascinante même si, il faut l'admettre, elle n'est pas la plus productive. Mais depuis quand le moucheur a-t-il comme objectif de capturer le poisson sur une base industrielle?

     Acceptons dès maintenant, fanatiques mis à part, que cette pêche est soumise à des règles strictes régies par la nature. Elle est une technique, voire une science. C'est l'éclosion. La nymphe est devenu ailée; tandis que la pupe s'est parée, elle est manne. C'est en principe cette classe d'insectes qui préoccupe la plupart du temps le moucheur.

Les Éphémères

Les Éphémères
     L'éphémère est pêché lors de son éclosion, de la ponte de ses oeufs ou encore de sa mort. À l'éclosion, on dit que l'éphémère est « subimago », c'est-à-dire qu'elle est juvénile et a des ailes plutôt foncées qu'elle sèche en se débattant ou en voguant sur l'eau. Elle rejoint par la suite une feuille d'arbre ou un autre perchoir et vieillit. Elle mue et devient «imago », c'est-à-dire adulte sexuée capable de se reproduire. Elle a des ailes claires. Elle prend part à la valse des accouplés. Femelle, elle dépose ses oeufs fécondés en plongeant, marchant, volant et flottant. Le mâle, épuisé, tente en vain de s'accrocher à la vie mais ses forces le délaissent. Il n'a pas mangé, sa compagne non plus. Il retombe à l'eau les ailes évasées; il est mort. Les Anglais disent que l'éphémère rigor mortis est spent-wing.

     Elle se nourrissait à l'état de nymphe, mais elle n'a que 24 à 72 heures pour naître, grandir, s'accoupler, pondre et mourir; elle n'a nul besoin de nourriture; elle n'a d'ailleurs pas de bouche.

     La nymphe de l'éphéméroptère a une griffe unique à chaque patte. Elle porte 2 à 3 cerques flexibles. Éphéméridé, elle est fouisseuse. Baétidé, elle est nageuse. Éphémelleridé, elle est rampante. Heptagénidé, elle est «aqrippeuse»,

     L'adulte chez l'éphéméroptère est ailé. Il a trois paires de pattes et une paire d'antennes. Sa durée de vie est très courte. C'est un insecte de grande classe. Chacun a la personnalité propre à son ordre qui compte quelque 1 500 espèces.

Les éclosions d'éphémères

     Un avantage dont le moucheur et la truite profitent depuis longtemps: chaque sorte d'éphémère éclot au même moment année après année. Ces éclosions sont conditionnées par la température de l'eau qui atteint les degrés favorables à chacune d'elles à peu près à la même date chaque année.

Les éclosions d'éphémères
     Par exemple, la Paraleptophlebia adoptiva Dark Blue Quill éclot à la fin avril; l'Epeorus pleuralis Quill Gordon éclot au début mai et l'Ephemerella subvaria Hendrickson à la mi-mai, tout comme la Stenonema fuseum Grey Fox. Fin mai début juin, la Stenonema viearium March Brown fait son apparition, suivie de près par la Stenonema canadense Light Cahill, l'Ephemera guttulata Green Drake, l'Ephemerella attenuata Blue Winged Olive et l'Ephemera varia Yellow Drake. Après, c'est relâche. Cependant, si vous pêchez au nord de la province ou dans les lacs de tête des Laurentides, il se peut fort bien que vous viviez avec un important retard ces mêmes éclosions qui sont celles se présentant dans la vallée du Richelieu et la région de Montréal. Août et septembre voient revenir ces éclosions d'éphémères avec la réapparition de l'Isonyehia bicolor State Drake ou Dun Variant et la nouvelle venue de l'Ephoron leukon White Mayfly.

Les éclosions d'éphémères
Les Phryganes

     Ces mêmes eaux du sud de la province et particulièrement celles des rapides de Lachine, sont le lieu de massives éclosions de phryganes telles la Chimarrha atterima (petite phrygane noire), la Braehyeentrus fuligionsus (grannom), la Rhyaeophila lobifera (phrygane verte), la Psilotera frontalis (Dark Blue Sedge) et la Limnephilus individus (phrygane gingembre). La phrygane, dont la famille compte plus de 95 espèces en Amérique du Nord, est active de la fin mai jusqu'en octobre.

Les Perles

     Bien que les perles ne soient généralement pas intéressantes en sèches, il m'arrive de les utiliser à l'occasion, pendant une éclosion, après avoir utilisé la nymphe. Les seules qui, à ce jour, m'ont intéressé sont la petite Taenioteryx faeiata ou Early Brown Stonefly et l'Isoperla signata ou Light Stonefly.

La Géante Hexagina

     J'ai vécu une expérience fantastique au début de l'été 1983 et je m'en voudrais de ne pas la souligner, car vous aurez peut-être vous aussi l'occasion d'assister à une éclosion majeure de la grande éphémère, l'Hexagina limbata, faussement appelée la Michigan Caddis. À ce moment-là, qu'il pleuve ou qu'il fasse soleil, que le lac soit calme ou cassé par les vagues, aucune importance! Ce sera l'euphorie, le bal des bals! Les truites grises ou touladis se précipiteront vers la surface, la lacéreront à la recherche de ces petits voiliers de 16 à 35 millimètres qui assèchent leurs ailes ou s'empressent de se dégager de leurs gaines de nymphes. C'est ainsi que durant un après-midi froid, pluvieux et venteux, sur un lac des Laurentides, j'ai capturé et relâché plus d'une quinzaine de truites grises, et pas des petites. Elles avaient happé des Wulffs noires sur hameçon no 4 à saumon. Je n'avais pas son imitation en sèche. J'avais par mégarde mal rangé mes mouches. J'ai donc dû faire avec celles que j'avais.

     Plusieurs amis m'ont confirmé avoir vécu la même chose sur les lacs dans les régions où ils chassent le caribou. D'après les scientifiques qui ont étudié l'Hexagina limbata dans le sud de la province, ou les auteurs américains qui l'ont décrite dans leurs traités sur la mouche, la Michigan Caddis éclot à la brunante ou le soir.

     Ce n'est cependant pas le cas dans le nord où cette éclosion se déroule sur l'heure du midi. Pensez donc! Pêcher en sèche des truites grises de 0,9 à 3 kg (de 2 à 7 Ib) sur un lac, en plein sur le coup de midi! Cela confirme, si besoin est, que la pêche à la mouche a plusieurs facettes et qu'il n'en tient qu'à votre initiative de les découvrir.

L'importante Blue Quill

     J'ai pêché à la sèche au mois de mars dans le Richelieu, en avril dans les rivières Ausable et Châteauguay, et je puis vous assurer que la truite n'hésite pas, lorsque la température est favorable, à suivre la nymphe vers la surface. Une mouche artificielle qui est, à mon avis, de première importance, car elle se pêche de la mi-avril à la fin octobre, est la Blue Quill sur hameçon no 18. Elle représente en sa forme artificielle, en toilette Blue Quill ou Dark Blue Quill, la plupart des petites éphémères de la famille de la Paraleptophlebia.

Un tableau guide Les éclosions d'éphémères
Les minuscules Caenidae et Tricorythidae

     Les Caenis aneeps et simulans dépassent rarement 5 mm et leurs éclosions se produisent en soirée souvent à la noirceur ou aux petites heures du matin, dans les mois qui suivent juin. Plutôt difficiles à imiter et à utiliser, les Caenis toilettées sur hameçon no 24 ou 26, telle la Pale Sulfer Dun, la Pale Olive Dun ou encore la Dark Brown Spinner et sa compagne la Reverse Jenny Spinner avec ailes en polypropylène, donnent à l'occasion des résultats intéressants pour ceux qui ne craignent pas d'utiliser des bas-de-ligne de 7X et de 8X.

     Les Tricorythidae, qui ressemblent beaucoup à la Caenis, sont représentées par les mêmes artificielles que cette dernière.

Un tableau guide

     Il est simple de choisir, parmi une gamme présélectionnée de mouches, celle qui est active et qui excite la truite. Encore faut-il ne pas être pris au dépourvu. Je me réfère depuis plusieurs années à un tableau guide des mouches sèches. Il s'est avéré très souple et très fiable. Il est scientifiquement incomplet. Pour l'être, il devrait tenir compte d'un grand nombre d'insectes. Un seul exemple: les trichoptères se présentent sous plus de 30 espèces dans les eaux périphériques de l'archipel de Montréal. Toutefois toutes ces espèces ne présentent pas le même intérêt pour le pêcheur. Incomplet, ce tableau reste pourtant une bonne source de renseignements.

La pêche à la nymphe

     Tous les cours d'eau et lacs, habitats de la truite, regorgent d'une vie aquatique faite d'éléments minuscules. Cet ensemble, constitué de menés, de gastéropodes, de crevettes et d'insectes, joue un rôle important dans les habitudes gastronomiques des salmonidés. Les scientifiques affirment que les nymphes constituent plus de 80 p. 100 de l'alimentation de la truite, et ceci est particulièrement vrai de la brune.

LA PÊCHE À LA NYMPHE
     C'est donc dire que le moucheur qui pêche à l'aide d'imitations de larves ou de nymphes, peut être récompensé par de belles captures et ce, indépendamment de l'heure des éclosions majeures. Toutefois ces dernières règlent les horaires de sortie des puristes de la sèche.

     Notons que la plupart des insectes fréquentant les rivières ou les lacs ont commencé leur vie, sous la surface de ces eaux, victimes possibles des poissons, des insectes chasseurs et de la pollution. L'insecte dans sa forme ailée est d'abord né d'un oeuf, est devenu larve et, suivant l'espèce, a opté pour la construction d'une cabane - il est donc phrygane - ou bien choisi de continuer sa métamorphose et de devenir pupe de moucheron ou nymphe parfaite de perle, éphémère, demoiselle ou libellule.

Quand doit-on utiliser la nymphe?

     Vous êtes un moucheur qui ne s'intéresse aucunement à la sèche ou au streamer et «la nymphe toujours!» est votre mot d'ordre ... Pourquoi pas? Les nymphes étant présentes dans l'eau à longueur d'année, vous pouvez donc vous servir de leurs imitations quand bon vous semble. Cependant, si vous êtes plutôt un moucheur universel aux talents variés, la nymphe ne vous sera utile qu'à certains moments précis: quand il n'y a pas d'activité en surface, quand les nymphes se déplacent en s'agitant sous la surface, quand la truite en chasse «marsouine », quand la surface est troublée par les montées subaquatiques (causées par les truites se nourrissant de nymphes) du genre «bombette », «éventail» ou «poussée », et enfin quand vous avez le pressentiment que la nymphe est l'artificielle du moment.

Quand doit-on utiliser la nymphe?
Comment pêcher à la nymphe?

     Le moucheur-nympheur sait que l'eau courante des rapides est l'habitat des nymphes de perlidés (stonefly) et d'éphémères (Iron fraudator, Stenonema viearium, fuseum, eanadense, ithaea et de l'Isonyehia bicotor); les fosses à débit régulier sont l'aire des phryganes, diptères et éphémères (Paraleptophlebia adoptive, Ephemerella subvaria, invaria, rotundu, dorothea , attenuata et souvent isonyehia) ; les eaux calmes, le pays des nymphes de libellules, de demoiselles, de certaines phryganes, de diptères et d'éphémères (Ephemera guttulata et toutes les Ephemerellas ).

     Deviennent grosses les truites qui se cachent et se nourrissent en serrant le fond. L'emploi de nymphes plombées avantage le moucheur qui veut explorer les profondeurs en variant ses techniques spécifiques dans la façon de pêcher à la nymphe.

     Le moucheur emploiera une variété de soies, les adaptant aux lacs et rivières profondes (soie calante), aux étangs et rapides (soies flottantes à extrémités calantes wet-tip) ou encore aux montées d'une truite en chasse venant gober des nymphes (soie flottante). Enfin, s'il est de l'école d'Yvan Bédard, il n'emploiera à longueur d'année et dans n'importe quelle condition que la soie flottante pour pêcher à la nymphe.

Comment pêcher à la nymphe?
     Le nympheur averti ne laisse aucune issue aux truites opportunistes qui hantent le fond. Il pêche en tandem, c'est-à-dire avec une artificielle précédant de 45 cm (18 po) environ celle de queue. La nymphe de queue sera généralement plus grosse et d'une couleur différente de la première. Pêchant dans un lac, le moucheur varie ses méthodes de récupération. Il ramène l'artificielle par petits coups, puis par grands coups, hésite entre les fausses arrachées, ou encore branle le scion de sa canne, donnant ainsi un semblant de vie à cette petite masse de poils et de plumes.

     Ses lancers traversent les rivières peu profondes. Il suit le trajet de l'artificielle avec le bout de sa «moucheuse », tout en la laissant dériver à la façon d'une naturelle. Au cours de ce trajet, il n'anime la nymphe que de temps à autre, mais il est très alerte lorsqu'elle atteint la fin de sa course et entreprend l'arc de traversée. Dans une rivière profonde, il lance en amont de sa position, pour permettre à l'artificielle d'atteindre la profondeur voulue. Parfois, il se moquera de ce que je viens d'écrire et pêchera en aval. Car l'important est d'adapter les diverses techniques aux situations particulières qui se présentent, sans pêcher à l'aveuglette.

     Sur un lac, s'il se retrouve seul, il lui sera possible de pêcher systématiquement tout le tour de l'embarcation avec une longueur donnée de soie. Il commencera l'exercice avec 6 m (20 pi) de soie, au deuxième tour il ajoutera 1,5 m (5 pi), et ainsi de suite. Dans la rivière, chaque lancer suivra la même trajectoire, mais la longueur de soie variera à chaque fois.

Quelle nymphe employer?

     Parmi toutes ses nymphes artificielles, chaque pêcheur donne souvent sa préférence à quelques-unes d'entre elles. Ces dernières seront ses artificielles à succès, celles avec lesquelles il réalisera la plupart de ses captures. Généralement il utilise de petites nymphes dans les petits lacs ou les ruisseaux. Il utilise de grosses artificielles dans les grandes étendues d'eau. Les insectes de fond sont généralement colorés pour se marier à leur environnement et le pêcheur, dans son choix de l'artificielle, considérera donc aussi la couleur.

     Les perles (stoneflies) s'amorcent sur un hameçon Mustad no 79580 dans les grosseurs 8, 10, 12 et 14. Les autres nymphes sont montées sur un Mustad no 3906-8 dont la grosseur varie de 8 à 18. Une sélection de nymphes de base compte des perles (stoneflies), des phryganes (caddis), des éphémères, des diptères et quelques suggestives.

Le streamer, leurre à poisson record

     De toutes les artificielles qui agrémentent les boîtes à mouches, le streamer est de toute évidence le moins compris. Au printemps, à la crue des eaux, il se voit attribuer une place d'honneur au détriment des autres appâts pour la simple raison que les éclosions massives de mouches (sèches) ne viennent qu'un mois plus tard et que les nymphes ne rejoignent qu'avec beaucoup de difficultés le fond des rivières parcourues de courants qui doublent souvent leur vitesse normale. Le streamer est alors à son apogée; il vit son moment de gloire; mais celui-ci est de trop courte durée. Sitôt les rivières remises de leurs crues printanières, l'adepte de la soie s'en détourne pour utiliser les nymphes, les mouches sèches et noyées. Et le streamer reprend sa place dans la boîte pour attendre la montée des eaux de l'année suivante, délaissé, incompris et sous-estimé. Souvent, il servira de parure à chapeau, caprice d'exhibitionniste s'il en fut jamais un.

LE STREAMER, LEURRE À POISSON RECORD
     Voilà une tendance dépréciative, une ingratitude manifeste envers ce singulier et valeureux appât! Sans être un tacticien chevronné, un pêcheur d'adresse moyenne peut, en comprenant et en imitant l'action du vairon, capturer sa limite quotidienne à longueur d'année.

     Il y a deux sortes d'imitations de vairon: Ie streamer, fait de poils et de plumes variés, et le bucktail, composé exclusivement de poils. La morphologie de petit poisson nous intéresse à trois points de vue: l'apparence, la taille et la couleur.

L'apparence

     Il y a trois groupes de vairons: le premier, sans ligne médiane, à dos foncé et ventre pâle (ex.: Nine-Three), le deuxième, avec bande latérale distincte, à dos foncé et ventre pâle (ex. : Black Nose Dace), et le troisième, à rayure verticale ou zébré (ex. : Trout Perch).
     À peu près tous les streamers s'identifient à ces critères, sauf les partons dits « attrayants ».

La taille

     Généralement, la grosseur des vairons déjà présents dans l'eau détermine la grosseur de votre streamer. Avec un peu d'observation, c'est chose vite faite. Cependant, une eau basse commande l'utilisation d'un petit streamer et une eau plus haute, un streamer un peu plus gros; s'il y a doute, optez pour le plus petit.

La couleur

     Le choix de la couleur est influencé par les conditions atmosphériques et par l'eau. Si la journée est ensoleillée et l'eau claire, choisissez un modèle terne avec un minimum de tinsel. Si la journée est grise et l'eau claire, utilisez un modèle aux couleurs un peu plus prononcées, avec un tinsel moyen. Si l'eau est boueuse, le modèle «attrayant», avec ses couleurs brillantes et son éclat métallique, est de mise. Ce même modèle, dans une eau claire, effraie le poisson au lieu de l'attirer; son usage est donc limité.

     Bien imiter le vairon est important. Observons-le. Immobile dans les herbages, il se protège par son immobilité même. Si ce comportement ne présente aucun intérêt pour le pêcheur, il n'en est pas de même de celui qu'il adopte face à un danger imminent, par exemple la proximité d'un de ces gros poissons qui restent, bien évidemment, notre objectif dernier. Le méné, affairé à manger, attire le poisson par le miroitement de ses écailles. Lorsqu'il prend conscience du danger, il fuit en une course erratique et saccadée qui, d'ailleurs, a souvent pour effet d'inciter le prédateur à le poursuivre.

     Avant même de lancer son streamer au loin, le pêcheur devra le faire évoluer dans l'eau, près de lui. Avec un peu d'exercice, il parviendra à lui imprimer un mouvement très semblable à celui du méné naturel.

     Pour donner l'effet d'un méné blessé, enduisez-le de silicone pour mouches sèches; il pourra ainsi flotter.

     Donnez-lui un mouvement de soubresauts trahissant une colonne vertébrale brisée, ou encore laissez-le aller à la dérive avec de petits coups irréguliers.

La qualité compte

     En achetant votre équipement, évitez les mouches vendues au rabais; elles ne durent pas longtemps. Procurez-vous des mouches de qualité. Une mouche de bonne qualité est beaucoup plus productive qu'une mauvaise. Son action est facile, car elle est libre de tout excès de garniture. L'oeillet ne doit pas être recouvert de fil et l'ouverture doit être exempte de laque. La pointe des poils doit terminer l'imitation pour donner la souplesse de corps nécessaire et un mouvement sensible à l'eau. Si un coup de ciseau perpendiculaire a été donné à cet endroit, il détruit cette action requise à une bonne présentation. Idéalement, on devrait donner une couche de laque très mince au fil d'attache à chaque addition de garniture. Une tête laquée, courte, libre de fils (lâche) et agrémentée d'un oeil, qui tient lieu du jungle cock classique, sont autant de bons points. Un corps fuselé sert à bien modeler le ventre du poisson et aide à appesantir quelque peu l'hameçon qui joue le rôle de quille stabilisatrice, ce qui lui donne une belle présentation et non un air de méné nageant sens dessus dessous.

     Tout compte fait, ne nions pas la validité des sèches, des nymphes ou des noyées, mais n'oublions pas que le titre «leurre à poisson record» appartient toujours au streamer. Le nombre de poissons pris est réduit, dira-t-on, mais leur taille augmente en proportion. Ce qui nous amène à demander: que cherche-t-on, la qualité ou la quantité?

     Et pour terminer, une preuve à l'appui! La compilation (assermentée!) des résultats sur quatre années d'un tournoi de pêche d'envergure provinciale, démontre irréfutablement que le streamer a produit 76 p. 100 des prises ayant obtenu des médailles et des mentions honorables, ne laissant que 24 p. 100 aux autres types de mouches artificielles de cette discipline.

La trichoptère, une manne inexploitée

     Est-il un exercice de la canne offrant autant de facettes que la mouche? Et les moucheurs ne trouvent-ils pas la tranquillité dans cet art, sanctuaire de l'esprit? Perdu dans cette masse, le pêcheur à la nymphe n'affirme sa présence qu'en se retranchant dans l'univers subaquatique de la larve.

La trichoptère, une manne inexploitée
     Le pouls d'une rivière s'enregistre au décompte de la variété des minuscules insectes qui l'habitent. Le «nympheur» car, il s'identifie ainsi, tâte les courants, comptabilise les pulsations, sonde les fosses, scrute les bas-fonds à la recherche de la truite qui tourmente éphémères, phryganes et perles.

     La rivière fourmille d'un monde de «bibites», plus laides les unes que les autres - des monstres sous la loupe! -, mais d'une fragilité telle qu'elles sont impuissantes face aux sautes d'humeur de dame Nature et surtout, face au déséquilibre écologique causé par l'homme pollueur (Homo piscador polluens et Homo sapiens).

     D'un oeuf, coulé, prisonnier d'une faille, d'un gouffre ou enseveli sous la boue au fond d'un cours d'eau, une larve pourtant se développe. Elle hérite de certains traits qui la situent dans son genre, car elle est «victime" de l'hérédité. Forcée de demeurer larve, elle s'habille de sable, de feuilles ou de brindilles. On la baptise «portefaix", «traîne-bûches". Elle est phrygane. Drôle d'insecte qui traîne sa maison. Elle a plusieurs cousines qui s'habillent, mais certaines ont horreur de porter toilette. Adulte, elle s'envolera en nuages et ira s'écraser contre les pare-brise des voitures circulant près des rives des rivières du Québec. Chez moi, on l'appelle « manne». Le pêcheur ne la connaît souvent que par son nom anglais, Sedge ou encore Caddis.

     La famille des phryganes compte au-delà de 800 espèces et habite tout le continent nord-américain. Elle assure, tant à l'état de larve que de pupe, une riche nourriture aux salmonidés. La pupe, dernier stade avant la liberté ailée, s'imite très bien dans l'étau d'un artiste de l'artificielle et jouit d'une haute estime, autant de la part de la truite que du moucheur qui la maîtrise en nymphe.

     Abondants, ces insectes de l'ordre des Trichoptères intéressent le moucheur, dans les genres scientifiques suivants : Brachycentrus , Rhyacophila Hesperophylax , Psilotreta , Stenophylax.

     L'artisan exploite la «Trichoptère». Il toilette habilement son hameçon de jaune, brun, vert, blanc et noir sur des fers de 8 à 14 pour la larve, de 12-14 pour la pupe, et enfin de 14-16-18 dans sa forme ailée, Tentwing ou Hairwing.

«Miniatures» et terrestres

     Le pêcheur de mouchetées des zones extérieures à Montréal appréhende avec amertume la venue de septembre, fin de la saison de pêche à ce salmonidé. Cependant, il peut, à l'instar de son confrère de la région métropolitaine, profiter de l'offre d'août. Sans changer son «fusil» d'épaule, le moucheur peut s'enrichir de captures de façon beaucoup plus régulières en utilisant les mouches de petit format et les imitations d'insectes terrestres.

Les «miniatures»

     En août, l'eau est généralement basse et claire. La nature, avançant d'un pas régulier vers sa période latente, refroidit l'eau des ruisseaux alimentant rivières et lacs. C'est durant cette période-là que les éclosions d'éphémères sont les plus fournies. La pêche du matin cède la place pour accommoder les retardataires. Les rivières désertées par les pêcheurs du dimanche reçoivent les vrais, ceux qui n'hésitent pas à offrir la Blue Winged Olive sur hameçon numéro 18, ses midges ou moucherons numéros 24 et 28, ses Dark Blue Dun numéros 24 et 28.

     Cette pêche est un défi, mais les résultats compensent les heures de frustration et d'obstination pour le moucheur qui, avant de tout foutre en l'air, a su réduire son bas-de-ligne à 8X pour y attacher les « miniatures».

Les terrestres

     Une solution de rechange s'offre au moucheur qui ne veut pas faire le trip des minis: les terrestres.

     Sauterelles, criquets et autres « bibites» terrestres ayant atteint leur maturité, alourdis par la rosée du matin ou simplement trop pansus pour se retenir aux feuilles et aux branches des arbres, ou encore emportés par le vent, se retrouvent à l'eau.

     Le moucheur exécute sa présentation en imitant la fourmi, volante ou non, sur hameçons numéros 14, 16, 18 ou 20 et même 24, la Jassid sur numéros 20 ou 22, la sauterelle sur numéros 12, 14, ou 16, le criquet sur numéros 10, 12 ou 14, la Dark Blue Quill noyée sur numéros 18 ou 20. En fin de journée, la pêche à la noyée sur hameçons numéros 10 et 12 compétition ne avec la Muddler montée sur numéros 12 ou 14.

     La Muddler, cette mouche toute saison, damnation de la mouchetée, juge et bourreau de l'arc-en-ciel, exécutrice de la brune, garantit une bonne friture à tout un chacun qui requiert ses services. Je l'exploite en août et la sers à toutes les sauces: sèche et flottante sur hameçons numéros 12 et 14, semi-noyée sur numéros 10 et 12 et enfin noyée sur numéros 8 et 10.

     La truite n'est pas la seule à fléchir devant cette artificielle. L'achigan, le doré et le crapet l'apprécient égaIement. C'est en août, sur les rivières à saumons, qu'elle déniche le poisson dormant: de la Matépédia à la Sainte-Marguerite, elle terrasse le roi, et sur la rivière George, foudroie régulièrement le roi argenté.

La fourmi

     Jean-Paul Pequegnot, dans L'Art de la pêche à la mouche sèche, consacre quatre pages à cette «bibite» de l'ordre de hyménoptères qui compte 75 000 espèces. Louis-Paul Allard a dit que toutes les espèces de fourmis sont des insectes sociaux; Pequegnot l'a écrit !... Si vous en rencontrez une, qu'elle soit ouvrière ou femelle inféconde et non ailée, ou qu'elle soit toilettée, ailée, sexuée et fertile, au cours de la période du vol nuptial, invitez-la à la pêche. Pequegnot a étudié les fourmis et comme il le dit si bien: « En août et au début de septembre, c'est le temps des «moumours» : « Les reproducteurs quittent le nid pour effectuer le vol nuptial. Les femelles sont de deux à trois fois plus grosses que les mâles, mais beaucoup moins nombreuses ... » C'est après une attaque bien orchestrée de plusieurs mâles que ce vol intéresse le moucheur. La copulation accomplie, les mâles fléchissent, replient leurs ailes et piquent vers le sol, ou vers l'eau! L'imitation exacte de la «bibite» noire est nécessaire, car lorsque le phénomène se déclenche, c'est le bal des truites!
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