La Pause-Santé du Docteur SALMO FLY...

    L'été ne sera là que dans quelques jours mais déjà plusieurs d'entre vous ont déjà senti l'eau glacée dans leurs bottes. Pourquoi cet empressement, diront les uns? Pourquoi attendre les beaux jours, diront les autres? Si l'on excepte la contrainte des vacances annuelles pour certains, il existe trois grandes catégories de patients, pardon, de pêcheurs de saumon.

Première catégorie: Les grands malades.

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    D'abord: les « grands malades ». Dès le 31 mai, ceux-ci se dirigent vers «leurs» rivières. Quand l'aube du 1er juin se pointe, nous les découvrons congelés dans l'eau jusqu'à la taille ou grelottant dans le fond d'un canot, quand ce n'est pas carrément à la flotte ...,la violence de la crue printanière leur ayant fait perdre tout ce qui leur restait de dignité humaine.

     Remis du choc glacial, leurs «barres» de graphite propulsent un «streamer» de trois pouces au bout du «vingt livres test», lui-même attaché au câble numéro dix. Tout cet attirail calant est littéralement charrié aussitôt déposé à la surface de l'eau en furie. Quelques saumons sont déjà arrivés mais il est quasiment impossible de les localiser. L'ensemble des éléments naturels jouent contre ces grands malades de la confrérie salmonicole. Pourtant, jour après jour, nous voyons ces hurluberlus se faire violence et s'acharner, dans de l'eau poussiéreuse, à fouetter certains points stratégiques de la rivière. Mais pourquoi donc risquer ainsi d'attraper une grippe, une pneumonie et de prendre un bain glacial paralysant qui aboutira aux rhumatismes? Des études récentes sur le cerveau tendent à démontrer que ces «hommes» (si l'on utilise l'épithète qu'ils s'accolent eux-mêmes) sont soumis dès la lune de mai à un profond stress qui déséquilibre les deux hémisphères cérébraux au point d'activer, chez ces sujets, l'envie de se suicider. Comme ils sont généralement de bons vivants, il est surprenant de constater cette activité du cerveau; elle semble tout à fait démesurée par rapport au stimulus identifié. Le seul remède que ces aventuriers connaissent à leurs troubles « psychologiques » est la prise d'un saumon de trente livres ou plus. Pour plusieurs d'entre eux la guérison se fera attendre…

Deuxième catégorie: Les souffrants.

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     La deuxième catégorie de pêcheurs de saumon, les « souffrants », est atteinte du même mal que la première. La maladie n'apparaît toutefois qu'à la lune de juin, soit celle qui précède généralement les grandes montaisons de saumon. Le déséquilibre au cerveau ne pousse toutefois pas ces sujets au suicide; ils deviennent plutôt enclins à l'oisiveté et à la paresse. La première phase de leur maladie influence à la baisse leur rendement au travail; ils regardent à tous les jours l'équipement de pêche soigneusement astiqué depuis des semaines. Ils voudraient dormir 24 heures par jour pour fuir le temps et pour accumuler les heures de sommeil qu'ils perdront en juillet à la pêche au saumon. Le seul calmant à leur détresse provient de la quête d'information, durant le mois de juin, concernant l'état des montaisons de saumon sur leurs rivières préférées. Les effets secondaires de ce médicament sont toutefois nombreux et variés: l'excitation, l'envie, le désespoir, la colère, l'espoir, etc.. Puis, quand vient l'heure d'intervenir directement sur la maladie (fin juin - fin juillet), ils retrouvent curieusement toute leur énergie. Nous les voyons, tôt le matin, la fleur de l'oreiller encore gravée dans la figure, tenter délicatement de provoquer le roi par des présentations légères et dignes des Grands ballets canadiens.

     Sous le soleil de plomb de l'Angélus, plusieurs désertent la rivière pour d'autres plaisirs, dont ceux de la sieste, de l'apéro, de...; ils ne réapparaîtront qu'en fin d'après-midi, gonflés à bloc malgré leurs insuccès matinaux. Qu'il y ait capture ou non, nos amis(es) terminent la dure journée par un repas bien arrosé tout en décrivant, avec amples détails, l'aventure consacrée à la guérison de la maladie.

     L'ensemble de ces mesures prophylactiques n'assure toutefois pas le rétablissement des «souffrants». Cela permet tout au plus à la pathologie d'améliorer ses diagnostics et ses pronostics concernant l'évolution de ce «stress-luno-cérébral». Après plusieurs jours de cette médecine paradisiaque, certains patients atteignent un haut degré de sevrage et peuvent ainsi reprendre leurs occupations journalières pour onze mois. Pour les autres, elle ne fait malheureusement qu'atténuer la douleur et la rendre supportable pour les mois d'hiver.

Troisième catégorie: Les incommodés.

     Nous pouvons identifier la troisième catégorie, les «incommodés», par le remède qu'ils utilisent Juin étant trop froid et juillet trop chaud, ces demi-malades utilisent une médecine douce. Us sont là en août, dans un climat plus tempéré, à déposer inlassablement des sèches sur des groupes de saumons «brunis» en espérant qu'un «frais» y soit présent La plupart ont été atteints directement ou indirectement par contagion; la maladie ne prend toutefois pas, chez ce groupe, de proportion alarmante. Quelques jours de détente et de paix rétablissent généralement l'équilibre de ces «granolas» du saumon. Il est cependant inquiétant de noter un accroissement du nombre de personnes atteintes par contagion ; certaines même seront plus tard affectées par les lunes de mai ou de juin, démontrant ainsi hors de tout doute que la maladie n'est pas héréditaire.

     En terminant, je prie la lectrice ou le lecteur de ne pas m'en vouloir si je n'ai pu cette fois traiter de son cas spécifique. Vous savez qu'entre malades chroniques, il est difficile d'évaluer notre misère humaine.

référence

» Par Clermont Grand'Maison
» Potos Clermont Grand'Maison
» Salmo Salar #21, Été, Juin 1990.
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