Une « Dernier Recours »

     Je me rappelle de trois saumons pris en trois années différentes sur des modèles de mouches très voisins dans trois différentes fosses dans deux rivières de Gaspé. En plus d'avoir été pris par un modèle de mouche similaire, ces saumons avaient vu, avant de saisir ces efficaces, plusieurs autres types de mouches.

Une « Dernier Recours »
     Comment doit-on interpréter le succès de ces mouches?

Première fois

     En 1989, avec Jean-Pierre Mailhot, le président actuel de la FQSA, sur le sentier conduisant à la fosse Alfred de la rivière York, nous croisons un pêcheur américain qui revient bredouille. Comme il est déjà 11 heures du matin et que, vêtus de nos bottes-pantalons, nous estimons la marche pour s'y rendre à plus de quinze minutes, nous lui demandons s'il y a encore du monde à la fosse.

     Il n'y a personne. Il y a vu quelques saumons et a essayé plusieurs mouches sans succès.

     Nous poursuivons notre marche jusqu'au site de pêche. Ce sera notre troisième fosse de l'avant-midi. Jean-Pierre passe une première mouche, c'est à son tour de débuter. Sa passe terminée, nous nous assoyons un peu en nous disant que ce sera la dernière mouche avant d'aller dîner.

     Je choisis une mouche qui me semble stimulante, de couleur verte et jaune.

     Au dixième lancer dans le rapide, la soie se raidit brutalement et s'immobilise au fond de l'eau, vingt pieds plus loin. Le saumon, pris à la mouche, ne bouge plus. Ça me prendra plus de dix minutes, avant de le sortir du rapide et constater qu'il s'agit probablement de mon plus gros saumon à ce jour. Vingt-cinq minutes plus tard, ma balance m'indique qu'il dépasse vingt de quelques livres. Pour une dernière mouche, quelle surprise agréable!

Deuxième fois

     Fin juin 1990, dans la fosse Juniper de la Saint-Jean, dans son secteur aval, trois amis pèchent tour à tour présentant deux mouches. Nous sommes à la fin de l'avant-midi et peut-être pas le premier pêcheur de cette magnifique fosse.

     Dernier à présenter une mouche, j'opte pour la même que l'année précédente sur la York. Quelques lancers et le moulinet se met à chanter au bout de la soie, le saumon saute à deux reprises avant de s'arrêter dans sa première course.

     Le combat sera glorieux comme seuls les saumons de la Saint-Jean de Gaspé ont l'habitude de nous livrer. C'est ma première prise de cet été et c'est un dibermarin.

Troisième fois

     Début juillet 1993, je me dirige vers « Wild Rose » de la Saint-Jean où Lucie, ma compagne, pêche avec Jean-Paul Duguay, un fidèle ami de Gaspé. Je viens d'essayer « Fiat Rock » où je n'ai rien fait. Jean-Paul me dit qu'à quelques reprises, un saumon s'est manifesté dans le rapide mais rien ne l'a décidé !

     Je passe, à la suite de Lucie, une petite Blue Charm n° 8 qui ne produit aucun résultat.

     Quelques autres mouches passeront au banc d'essai. Il paraît donc évident que ce saumon, et les quelques autres qui ne se manifestent pas, ont vu bien des mouches pendant cet avant-midi.

     Midi moins cinq, je dis à Jean-Paul : « J'essaie ma mouche du dernier recours », une invention inspirée des succès de 89 et 90. Quelques lancers plus tard, le dibermarin saisit avec vigueur la mouche verte et jaune montée sur hameçon simple 1/0. Ce sera, là aussi, mon premier saumon de la saison 1993.

     Voulez-vous connaître cette mouche? Cette mouche Dernier recours est utilisée dans les grosseurs 4 à 2/0 soit au printemps en eau haute, soit pour surprendre Salmo salar qui en a déjà vu d'autres dans les heures précédentes. Mais soyez assurés que ça ne marche pas à tout coup. Je vous ai raconté les trois fois où l'expérience a réussi. Les échecs, comme de nombreux pêcheurs, je les ai déjà oubliés.

TOILETTE DE LA MOUCHE

La Dernier Recours
Hameçon : Simple 1/0 à 4; Double 2 à 6.
Fil de montage : 8/0 noir non ciré.
Ferret : 3 enroulements d'une laminette ovale* dorée.
Cul : Filocelle de couleur jaune canari (BCS** 49).
Côtes : En sens inverse, laminette ovale dorée.
Corps : Petite chenille de couleur vert irlandais (BCS 8).
Sous-ailes : Petite pincée de poils de queue de veau, teinte jaune citron (BCS 52); les poils s'étendent jusqu'au-dessus du ferret.
Aile : Pincée de poils de queue d'écureuil gris, teinte vert irlandais (BCS 8); les poils s'étendent jusqu'au-dessus de la courbe de l'hameçon.
Collet : Enroulez simultanément une plume souple de couleur jaune citron (BCS 52) et une autre vert irlandais (BCS 8). Un tour seulement.
Tête : Noire.

* Laminette ovale : Oval Tinsel.
** BCS : Borger Color System.

référence

» Texte et photos Bernard Beaudin
» Salmo Salar #35, Été 1994.

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