Chapitre XXIV

     Dans le montage de mouches, comme dans tous les autres domaines, il y a du nouveau chaque année. Certains nous présentent de nouveaux étaux de montage, d'autres des ciseaux ou un nouveau repousse poils. Parfois, c'est un nouveau fil de montage, une nouvelle lame gaufrée ou satinée, ou encore un monofilament de montage. On nous propose de nouveaux produits synthétique pour remplacer une bourre, une laine ou un poil. Aussi nous sont transmises de nouvelles techniques de montage, plus ou moins adéquates ou utiles. Mais des mouches qui innovent vraiment, c'est plutôt rare. Il arrive plus souvent qu'un monteur ou un autre améliore une mouche, en modifie une autre. Cependant, il ne faut jamais penser que l'esprit créatif de certains se calme pour autant.

     Mais avant, en 1985, Daniel nous est arrivé avec un type de mouches "capotées", la CASSURE, une mouche qui flotte sur deux appuis avec rien au centre. Pour moi, ce n'est pas un style de mouche complètement inconnu, car vers 1951, lorsque j'ai débuté l'apprentissage de la pêche à la mouche avec mon paternel Donat, nous taquinions la truite sur les lacs du Royaume du Saguenay avec des mouches de son cru, je pense. Il s'agissait de mouches au corps en filoselle agrémenté par quelques enroulements d'une daguette de coq au-dessus du dard et de quelques autres enroulements d'une daguette juste à l'arrière de la tête. J'ai découvert par la suite et beaucoup plus tard qu'un certain Guy Plas, un français, monte des mouches semblables et qu'il les appelle DIABOLO. Un peu plus tard, j'ai encore pêché avec une FORE and AFTER et une RENEGATE. La création de la RENEGATE remonte autour des années 20, c'est une création d'un résident du Wyoming du nom de Taylor "Beartracks" William.

     Dans l'univers des monteurs de mouches sèches à saumon, nous avons connu beaucoup d'innovateurs au cours du dernier siècle. Certains n'ont créé qu'une mouche, d'autres plusieurs. Cependant, celui qui mérite selon moi la palme est Lee Wulff. Celui-ci a su, au cours des six dernières décennies, créer des mouches qui, en plus de leur efficacité, avaient le mérite de n'être pas trop difficiles à monter. Wullf était facilement abordable et peu avare de conseils, il ne cachait jamais à personne ses mouches, il était fier des succès que les autres obtenaient avec les mouches qu'il leur avait données. Malgré les moyens de diffusion qu'il avait à sa portée, quelques-unes de ses mouches innovatrices ne sont que peu ou pas connues du saumonier. Parmi celles-là, nous pouvons nommer la SPRUCE MOTH, la DRAGON FLY et la WULFF'S HOPPER.

     Cette mouche de Wulff pourrait aussi être montée de la façon plus traditionnelle en se servant d'une aiguille droite garnie d'une perle trouée comme poteau pour supporter les pattes. Dans ce cas, nous pourrions la construire en suivant cette toilette.

     Et pourquoi ne pas terminer la description des toilettes des mouches sèches à saumon par une création d'un de mes jeunes amis. Au cours des années, il m'est souvent arrivé de rencontrer ou d'être en contact avec des gens intéressants, dans toutes sortes de domaines. Mais pour un pêcheur et un monteur de mon âge, quoi de plus satisfaisant que de rencontrer des jeunes qui, comme nous, ont acquis la passion de la pêche à la mouche et du montage de celle-ci. Parmi ceux-ci, se trouve Pierre Saumur, un jeune père de famille de Saint-Constant, au sud de la Métropole. Selon les dires de beaucoup de pêcheurs chevronnés, Pierre peut être considéré comme le meilleur expert de la pêche à la truite dans les Rapides de Lachine et de la truite brune au Québec. À peine âgé de trente ans, Saumur compte déjà plus de quinze années d'expérience. Il ne se contente jamais des mouches existantes, celles que monsieur tout le monde utilise; il innove et tente ses propres expériences. Pierre peut apporter à ses créations des modifications multiples et ce, jusqu'à ce que sa mouche soit preneuse et là encore, il n'est pas satisfait. En cela il me fait penser à un Jean-Guy Côté, à un Jacques Juneau, à un Claude Bernard.