Le choix d'une canne a mouche

     Le choix d'une canne est l'étape la plus importante à franchir pour celui qui a décidé de s’équiper pour la pêche du saumon. La dépense qu'elle représente, et surtout le fait qu'on s'en servira pendant des années, devrait suffire à faire réfléchir et s'attarder à considérer tous les facteurs pour retirer le maximum de satisfaction de son utilisation.

     Les fabricants et les vendeurs étant souvent avares de commentaires sur les données techniques de leurs produits, le débutant et même le pêcheur d'expérience sont souvent déçus à l'essai d'une canne qu'ils viennent d'acheter.
Les qualités que requiert une canne à saumon, diffèrent selon qu'il s'agit de pêche à la mouche sèche ou à la mouche noyée. On distingue habituellement cinq qualités importantes: la puissance, la précision, la rigidité, la légèreté, la rapidité et la sensibilité :

LA PUISSANCE:

     Une puissance moyenne est suffisante pour lancer une sèche; il est plutôt rare qu'on est besoin d'effectuer de très longs lancers ou qu'on utilise des mouches lourdes dans ce genre de pêche. Par contre, la puissance est de première importance pour la mouche noyée, où l'on est souvent obligé de lancer loin et d'utiliser de grosses mouches.

LA PRÉCISION:

     Pouvoir déposer une sèche à un endroit précis dans une fosse est un atout majeur et représente quelquefois la clef du succès: alors qu'une telle précision n'est pas nécessaire pour couvrir une fosse à la mouche noyée.

LA RIGIDITÉ:

     En raison surtout de la résistance à l'air des mouches sèches, une canne rigide donnera un plus grand contrôle sur la soie et la mouche dans les airs. C'est cette rigidité qui permet d'imprimer un moment d'arrêt dans le lancer, ce qui donne un effet de recul suffisant pour que I' artificielle touche à l'eau avant la ligne. Par contre la pêche à la noyée n'exige pas une telle rigidité.

LA LÉGÈRETÉ:

     Cette qualité est appréciée bien sûr dans les deux genres de pêche. Cependant elle prend une importance particulière dans le cas de la sèche: la lourdeur étant un obstacle à la précision.

RAPIDITÉ ET SENSIBILITE:

     Ces qualités sont liées entre elles, et sont surtout appréciées des amateurs de sèches; il est plus souvent nécessaire de ferrer le saumon quand il happe un mouche qui dérive à la surface de l'eau qu'en dessous de l'eau.

L'ACTION

     C'est en regard des qualités qu'on vient d'énumérer qu'on choisira l'action de la canne qu'on projette d'acheter. L'action est sans doute le facteur le plus important à considérer dans le choix d'une canne, plus encore que la longueur, le poids ou le matériau employé. On peut définir simplement l'action comme étant la courbe que prend une canne et le temps (vitesse) qu'elle met à réagir suite à une action du poignet. La courbe s'étudie sous deux aspects: la portion de la canne où elle se produit et la forme qu'elle prend. C'est de cette courbe que dépend principalement la puissance d'une canne.

     On distingue habituellement 4 endroits de courbure sur la canne; elle peut s'effectuer sur toute la longueur de la canne; sur la moitié, sur le dernier tiers ou tout près du bout de scion. Il est évident que la canne sera d'autant plus rigide qu'elle se courbe plus près du scion. Simultanément, cette courbe peut prendre différentes formes: Elle peut être: progressive, uniforme, multiforme, constante, interrompue...etc. On peut dire que le second paramètre lui, varie de la façon suivante: plus souvent qu'autrement, une canne mettra plus de temps à réagir selon qu'elle se courbe sur une plus grande portion et inversement. On dira alors de l'action qu'elle est lente, modérée, moyenne-rapide ou rapide.

     Le jeu de ces paramètres, combiné au choix des matériaux et à la forme de la canne (fuselée, convexe, concave....etc.) a conduit à une multitude d'actions variées. On pourrait même aller jusqu'à dire qu'il n'y a pas deux cannes dont I' action est absolument identique. C'est cependant peut-être pousser un peu loin les différences. Compte tenu des exigences de qualité émises tantôt, nous discuterons de chacun des quatre types classiques d'action; ces quatre types sont les plus reconnus :

     - 1) ACTION MOUCHE NOYÉE: C'est la plus ancienne des actions; la courbe s'effectue sur toute la longueur de la canne; elle est lente et d'une certaine faiblesse, mais très souple. Cette souplesse procure un plaisir incomparable et permet d'effectuer des lancers d'une grande beauté. Elle n'est malheureusement pas d'une grande utilité pour la pêche du saumon, et ce, même pour la mouche noyée, en raison surtout de son manque de puissance pour des lancers long set l'emploi de grosses mouches. Elle est donc devenue la favorite des pêcheurs à la truite surtout, particulièrement ceux qui apprécient un combat qui dure plus longtemps. Bien qu'il en existe de très bonnes en fibre de verre, ces cannes sont surtout faites de bambou refendu.

     - 2) ACTION MODÉRÉE: C'est une action d'une grande puissance, mais peu précise. La courbe s'effectue sur environ la moitié de la canne. Sa vitesse de réaction est moyenne, donc comme l'action précédente, on a facilement le temps de sentir toutes les étapes composantes du lancer. Même si on la qualifie (à tort, à mon avis) d'action "mouche sèche" en Europe, elle convient particulièrement bien à la pêche du saumon à la mouche noyée; sa puissance est très appréciée. Elle est fabriquée aussi bien dans les trois matériaux.

     - 3) ACTION RAPIDE OU DE POINTE: Nommée aussi "action américaine" par les Européens, elle est d'une puissance relativement limitée. Elle est cependant très précise (surtout lorsque légère). La courbe s'effectue sur la dernière partie du scion. Elle est donc très rigide et rapide. C'est l'action idéale pour la mouche sèche. On peut contrebalancer sa puissance limitée en employant une soie légèrement plus lourde que celle nécessaire. Le graphite se prête très bien à la fabrication de brins qui ont ce genre d'action; ce qui donne une légèreté, donc une précision accrue.

     - 4) ACTION "PARABOLIQUE" Très populaire en France, c'est le compromis entre l'action modérée et l'action rapide. Même si elle porte le même nom, elle n'a rien à voir avec la courbe parabolique en géométrie. On l'appelle aussi "paramétrique" et de bien d'autres noms. Il s'agit en fait d'une action moyenne-progressive. Elle allie une bonne puissance à une vitesse et une précision moyenne. Elle tire sa puissance du fait que la courbe, qui s'effectue sur presque toute la longueur de la canne, se fait de façon progressive et toujours identique quelques soit le stade de courbure selon la force de l'impulsion du poignet. C'est la fameuse action sur laquelle Charles Ritz a travaillé pendant de longues années pour mettre au point son action "super-parabolique PPP" (puissance, pendulaire, progressive). C'est la canne idéale pour celui qui veut n'en posséder qu'une seule. Elle convient parfaitement à mon avis aux deux genres de pêche. C'est ce qui explique que sa popularité croit d'année en année. Le bambou et la fibre de verre conviennent le mieux à ce type d'action.

     Il y a enfin deux derniers éléments à considérer en rapport avec l'action. Peu importe l'action choisie, il faut se rappeler deux choses:

          1- l'action sera d'autant meilleure (uniformité) qu'il y aura le moins de viroles; une canne d'un seul bout représentant l'idéal;

          2- l'action d'un brin de bambou, de fibre de verre ou de graphite peut être complètement modifiée par l'emploi d'anneaux trop lourds, de qualité médiocre, en trop grand ou trop petit nombre, mal répartis sur la canne et filés trop lourdement.

LONGUEUR ET MATÉRIAU

     Quand on a choisi le type d'action de canne pour le genre de pêche qu'on veut pratiquer, il nous reste à choisir la longueur de la canne et le matériau. Beaucoup plus que l'action, la longueur est avant tout affaire de goût personnel. Le facteur qui prime est l'aisance qu'elle procure. On se sent habituellement à l'aise quand on emploie une canne proportionnelle à sa taille et à sa force. Il faut cependant se rappeler trois choses:

          1- toutes choses étant égales par ailleurs, une canne plus longue permet de lancer plus loin;

          2- toutes choses étant égales par ailleurs, une canne qui utilise une soie plus lourde permet aussi de lancer plus loin et;

          3- plus souvent qu'autrement, une canne sera d'autant plus rigide qu'elle est plus courte; ceci ne s'applique cependant pas aux cannes de graphite.

     Quant au matériau, il est souvent l'objet de longues discussions entre pêcheurs ou "spécialistes". Je ne veux pas tenter de trancher ces débats, mais plutôt de rappeler, simplement, les principales caractéristiques de chacun.

     BAMBOU: on a fabriqué tous les genres de canne avec le bambou refendu. Il donne cependant le maximum de rendement aux actions lentes en leur conférant une grande souplesse. On dit souvent qu'un tel genre de canne a du "spring". Ses deux grands défauts sont sa lourdeur et sa sensibilité aux changements de température et d'humidité. Enfin, le bambou refendu de qualité est maintenant hors de prix.

     GRAPHITE: c'est un matériau très léger, solide pour le fléchissement mais sensible aux chocs. Les cannes à action  de pointe ont atteint un haut degré de perfection grâce à ce matériau. Cependant, l'emploi du graphite pour des actions lentes et de type "parabolique" a donné jusqu'ici des résultats mitigés. De plus, son coût est encore relativement élevé.

     FIBRE DE VERRE: son poids se situe entre le bambou et le graphite. C'est un matériau très solide et on l'emploie pour tous les types d'action. Bien  qu'il existe plusieurs qualités de fibres de verre, son prix abordable en fait le choix numéro 1.

référence

» par Jacques Boudreau
» Salmo Salar, Avril 1978.
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