La Sèche en Dérive par Gilles Aubert

     En rivière, pour obtenir du succès à la pêche de la plupart des espèces sportives avec une mouche sèche, il faut d'abord que l'artificielle soit bien construite. Mais elle doit aussi se présenter de la bonne manière dans le champ de vision du poisson. Ainsi, dans la plupart des cas, elle doit flotter à la surface de l'onde et dériver au gré des flots comme le fait l'insecte réel qui se joue des vaguelettes et des remous.
La Sèche en Dérive
     Pour y arriver, le pêcheur doit constamment pallier les effets des courants. Savoir manier la canne avec habileté et contrôler la dérive de la soie et du bas de ligne deviennent donc des atouts importants. Avec le bon équipement, des techniques de lancer appropriées... et de la pratique, tout moucheur peut y arriver.

LE DRAGAGE

     Généralement, la mouche sèche doit descendre au gré du courant avec une liberté qui fait oublier qu'elle reste attachée à un bas de ligne. Tout mouvement non naturel de l'artificielle, comme lorsqu'elle file sur l'eau plus lentement que le courant ou qu'elle provoque un sillage, si minuscule soit-il, constitue un facteur de refus de la part du poisson.
Pour décrire ce phénomène, la communauté des pêcheurs à la mouche a adopté le terme dragage. Souventes fois, le dragage est si subtil qu'il peut être invisible pour le moucheur. Pourtant, une dérive non naturelle de quelques centimètres seulement est suffisante pour alarmer les salmonidés et les empêcher de gober votre offrande.

     La mouche entraînée en travers du courant par le bas de ligne et la soie est le dragage le plus apparent et aussi le plus usuel. Compte tenu de la présence fréquente de plusieurs courants secondaires qui défilent à vitesse variable, la soie ou le bas de ligne peuvent aussi être entraînés sur l'eau plus ou moins rapidement que la mouche dans sa dérive. L'artificielle sera donc «draguée» en direction du pêcheur, laissant derrière elle un sillage et, rapidement, elle s'enfoncera dans le film de l'eau.

Comment y remédier?

     Déposer l'artificielle sur l'eau avec une grande délicatesse, comme si elle était posée à la main, est le premier geste à faire. Mais cela ne suffit pas; il faut aussi éviter que la mouche drague lors de sa dérive subséquente. Selon les courants et leur vitesse, l'une des présentations les plus usuelles consiste à pêcher de l'aval vers 'amont, soit en lançant l'artificielle parallèlement vers le haut du courant, soit en diagonale dans un angle pouvant aller jusqu'à 20 degrés (figure 1), soit perpendiculairement (figure 2).

     Toujours selon la vitesse du courant, il est important de déposer la mouche à plus ou moins un mètre en amont du repaire du poisson, afin qu'elle traverse son champ de vision lors de la dérive. Rappelez-vous que les salmonidés se laissent dériver sous la mouche avant de l'attraper, de sorte qu'il faut lancer l'artificielle bien en amont du rond de gobage. Pour ce faire, servez-vous d'un lancer déporté, en S ou d'un lancer «parachute», mais assurez-vous de ne pas «coiffer» le poisson avec le bas de ligne; de plus, celui-ci devrait être posé sur l'eau sans être tendu. Ainsi, la mouche se présentera dans le champ visuel du poisson avant que la force du courant n'entraîne la soie et le bas de ligne et ne provoque un dragage de la mouche.

     Lors de la dérive, faites des amendements au besoin et ne gardez jamais de mou dans la soie au bout de la canne. Si le poisson refuse l'offrande, laissez filer l'artificielle pour ne pas l'effrayer. Attendez qu'elle soit loin en aval avant d'arracher la soie de la surface et de procéder à un autre lancer. Évitez aussi tout faux-lancer inutile.

Autres tactiques

     S'il y a plusieurs courants de différentes vitesses présents entre le pêcheur et le repaire du poisson, ou que l'environnement empêche l'exécution de lancers, il pourrait être avantageux que le moucheur se déplace dans la rivière et se positionne près du poisson. Cependant, pour ne pas l'alarmer, il doit éviter de lancer directement en amont de sa position, car la soie et le bas de ligne défileraient dans le champ de vision du poisson avant la mouche. De plus, si le courant circule à grande vitesse, la soie sera entraînée très rapidement vers le pêcheur et il deviendra difficile de récupérer le mou créé dans la soie par le courant.

     Une autre approche s'avère souvent très utile et très efficace, même si non conforme aux usages établis. Ainsi, si vous ne pouvez vous placer ailleurs qu'en amont du poisson pour une meilleure présentation, positionnez-vous dans la rivière pour effectuer vos lancers en direction trois quarts aval (figure 3). Il est même des situations où vous n'aurez d'autre choix que de vous positionner directement en amont du repaire du poisson (figure 4).

    Certes, la mouche dérivant en avant de la soie et du bas de ligne, il faut donner du mou à ceux-ci au fur et à mesure de la dérive et ce dernier n'est pas facile à contrôler. Pas assez de mou et il y aura traction et dragage, trop de mou et il sera impossible de ferrer. À ce propos, il faut laisser le temps au poisson de bien gober la mouche et attendre qu'il ait quitté la surface avant d'exécuter le geste de ferrage.

Équipement

     Pour la pêche en rivière, souvenez-vous qu'il est plus facile de contrôler et d'amender la soie avec une longue canne (plus de 8, 1/2 pi). Pour permettre à l'artificielle de descendre librement dans le courant, il est important d'avoir une soie flottante à double fuseau ou à fuseau décentré vers l'avant. Si vous devez exécuter de longs lancers, attachez un long bas de ligne à la soie. Toutefois, si vous péchez dans des eaux à forte turbulence ou dans de petites rivières, il serait souhaitable de pêcher court; dans ces conditions, seules la mouche et une partie du bas de ligne courent sur l'eau. Choisissez alors un bas de ligne moins long... et une longue canne (9 pi et plus).

     Le bas de ligne devrait être léger, ferme et fuselé; souvenez-vous que plus l'eau est basse, claire et chaude, plus il devrait être long. À propos, même si la longueur et la finesse du bas de ligne assurent une meilleure aisance de la dérive, elles n'empêcheront pas la mouche de draguer et il sera toujours nécessaire d'avoir recours aux méthodes de présentation et de contrôle expliquées plus haut.

Références

» Texte & Photo: Gilles Aubert (Avril 1999).
» Magazine Sentier Chasse & Pêche.

Page 12 sur 24