Souvenir de pêche... La Sorcier de la Rivière

     À l'été 1992, saison qui fut particulièrement difficile sur la rivière Sainte-Anne en Gaspésie, mon compagnon et moi péchions dans le secteur amont en canot avec guides. C'est un secteur que nous privilégions dans nos choix de pêche depuis plusieurs années pour la beauté de la rivière, la qualité des guides et les succès de pêche qui y sont excellents.

Souvenir de pêche... La Sorcier de la Rivière
     Mais en juin 1992 les saumons ne semblaient pas au rendez-vous! Malgré le travail et l'attention apportés par nos guides Réjean et Arsène, nous n'avions localisé que de rares saumons et aucun ne s'était laissé tenter par nos mouches. Sauf que... alors que nos guides dirigeaient le canot d'une fosse à une autre, Réjean aperçut un saumon à un endroit que l'on ne pêche pas habituellement. Nous nous sommes donc arrêtés, avons présenté quelques mouches à Salar, sans succès, et l'après-midi se termina sans que nous ayons réussi à faire une prise.

     Alors que nous terminions notre souper, voilà qu'arrive Raymond Pelletier, excellent guide et ami de longue date qui venait nous saluer.

     « Comment a été la pêche aujourd'hui? » « Pas très bonne! » qu'on lui répond; et on lui raconte qu'un des rares saumons localisés l'avait été dans des eaux qu'on ne pêche pas d'habitude...
Alors Raymond me dit : « Viens avec moi, je vais te le faire prendre ce saumon.»

     Sachant les grandes qualités de guide de Raymond et sa connaissance unique de la rivière, je prends ma moucheuse et nous voilà partis. Nous descendons donc en voiture jusqu' à la fosse « Ruisseau de la Volume », comme Raymond a toujours nommé cette fosse, piquons à travers bois pour environ dix minutes, puis Raymond nous ramène sur la rive exactement à l'endroit que je lui avais décrit.

     « Accroche une petite mouche noire sur ta ligne et pêche le rapide, le saumon y est peut-être monté.» Ce que je fais sans résultat. Alors Raymond va s'asseoir sur une roche environ trente mètres en aval en me disant de continuer à pêcher en descendant assez rapidement par coups de quatre pieds. Lorsque ma mouche s'apprête à passer à sa hauteur, il me lance: « Fais attention, ce n'est pas à se lancer mais au suivant que le saumon va prendre...». Et vlan! Salmo s'est élancé sur la mouche au lancer suivant tel que prédit par Raymond, un beau saumon d'une douzaine de livres. « Sorcier ! », me suis-je exclamé. « Tu es un véritable sorcier dans ta rivière !!! » Et après un beau combat d'une quinzaine de minutes, le saumon était sur la batture.

     Ce n'est pas tout, en revenant au chalet du Petit-Saut, nous trouvons mon compagnon qui tente depuis un moment d'allonger sa ligne de l'autre côté de la fosse vers un saumon qui s'est manifesté en entrant dans la fosse. Après l'avoir observé quelques instants, Raymond s'approche et lui dit: « Mets une petite mouche noire et pêche moins carré et moins loin, le saumon va venir prendre la mouche. » Et au lancer suivant, notre pêcheur avait ferré son saumon. Mon compagnon a eu exactement les mêmes paroles que moi: « Sapré sorcier! ».

     Sorcier, je crois bien qu'il l'est dans sa rivière. Raymond est sûrement une des personnes qui connaissent le mieux la rivière Sainte-Anne et les saumons qui la fréquentent.

     Et en terminant, j'aimerais vous confier un secret que m'avait livré Roger Pelletier, lui qui fut un ami et compagnon de pêche de notre sorcier. Roger allait rarement pêcher sans le consulter, et il m'avait dit: « Quand Raymond dit : " Ça me l’dit ti-gars ! ", va à la pêche avec confiance, tu peux être certain que Salmo salar sera au rendez-vous !.»

référence

» Par Pierre Martin
» Salmo Salar #32, Automne, Septembre 1993.
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