Une Journée Mémorable sur la Matane

     On est à la mi-août, à l'une des plus belles rivières à saumon de la Gaspésie, la Matane.

     Ça fait déjà quatre jours que nous péchons mes deux garçons et moi, et nous n'avons pris que cinq saumons. Le matin de bonne heure, ce dit jeudi matin, je dis à mes deux garçons (David et Karl), «Écoutez»! «Je suis pas mal tanné de me lever à trois heures tous les matins et être le premier dans les fosses et ne rien ferrer».

     Ces dits matins, nous étions premiers à cap 16, au grand Tomagadi métropole, des fosses qui contiennent du saumon. Eh bien, ce fameux matin, je décide que nous serons les premiers au Lebreux. Comme de raison, à l'heure qu'on se lève, je peux vous assurer qu'on était bien encore les premiers.

     Bon, comme la coutume le veut, celui qui a été le dernier à prendre du saumon, laisse passer les autres. C'est alors, que je dis à mon fils aîné David: «Va donc faire la rapide en haut. En attendant, Karl lui commencera plus bas, mais en haut du «V» de la charrue.»

     Bon et bien, moi je pense et rumine, ça fait cinq matins en ligne et rien, ça commence à m'agacer de toujours me lever pour rien, merde de merde, ding ding, etc...

     Tout à coup, j'entend crier « papa, papa, j'en ai un » et oui, c'était mon beau David, il venait de ferrer un très beau saumon. Il était quatre heures cinquante-cinq. Bon, bon, je lui dit: « Prend ton temps, ton père arrive. » Bon, tout énervé, je pars comme si c'était le premier qu'il prenait. «Eh! bien non, calmes-toi, le père! J'ai ai déjà pris avant ça!» O.K., O.K., le fils! Bon, le saumon se promène à grandeur de la fosse, remonte, descend... Mon Karl lui un peu plus bas, continuait de pêcher. Tout à coup, il se retourne et me dit: «Papa, j'ai eu une «tirette». Bon bon, ne m'énerves pas! «Écoute Karl, tu vois bien qu'on est occupé en haut avec ce saumon; eh bien, attends cinq minutes et recommences plus court et en allongeant jusqu'au même endroit.»

     « Mon David, tu as un beau saumon, faudrait penser à l'échouer. Forces-le un peu, forces-le pas trop, écoutes ton père, si tu veux le sortir. Maudit qu'il est beau! Bon, il est encore reparti. »

     « Papa, papa! J'en ai un. » Eh oui. Croyez-le ou non, mon Karl en bas, est lui aussi accroché sur un saumon. C’est pas facile d'être père! Les deux gars en même temps, chacun avec un saumon. Bon je ne sais plus où donner de la tête! «David, David, faudrait que tu forces plus que ça! Ton frère en bas est pris lui aussi et je ne peux pas être à deux endroits en même temps. Bon, David, forces, on va l'échouer. Bon, Karl, montes tranquillement, ne forces pas. Bon, David, continues, mouline. Bon Karl, attention, il va sauter, baisses ta canne. Bon, David, continues de reculer, continues, continues, et voilà la batture. C'est beau, David, félicita-bon. Bon, Karl montes, ne forces pas, prends ton temps, on va le sortir à la même place que ton frère. Le même manège»! Je pars, reviens, repars, reviens, etc.. Vous allez me rendre dingue, ce matin, ma foi! Bon, moulines, moulines, O.K., recules, recules, voilà la batture. Encore une fois un très beau saumon frais. Que c'est beau»! On s'embrasse, on se félicite tous les trois... Deux beaux saumons, les gars! Que c'est exaltant! Enfin, un matin extraordinaire. Ça vallait la peine de s'être levé de si bonne heure tous les matins.

     Il était cinq heures trente et nous avions deux très beaux saumons au sec. David a pris un saumon de 12 livres avec une « Mickey Finn » n° 4 en 19 minutes et Karl a pris un saumon de 9 livres avec une St-Laurent SPC n° 2 en 15 minutes. Moi, j'ai pris des photos.

     Je peux vous dire, qu'en tant que père de famille, j'ai connu des moments mémorables et, comme pêcheur, des sensations de toutes sortes.

     J'espère que ce récit vous a plu; quant à moi, j'ai eu deux plaisirs: celui de le vivre et celui de vous le raconter. Ah! oui, nous avions un témoin qui ne savait pas trop ce qui se passait (photo, bière, saumon), discussion, etc...

     Eh! oui, plus tard dans la journée, je rencontre un type. On jase ensemble sur le bord de la rivière, puis il me dit: « Tes gars pèchent pas? » « Bien non, mon cher, ils ont chacun leur saumon. » Ah! Ah! C'est vous autres au Lebreux, ce matin (bière, photo, saumon)? « Bien oui! C'est nous autres. »

     Salut Yves Veilleux (St-Georges), notre témoin à distance. Pour finir l'histoire, je péchais au petit métropole, et Yves embarque en arrière de moi et me collecte un castillon (Grise).

     P.S.: Yves avait deux témoins: mes deux fils!

référence

» Par: Rock St-Laurent
» Atossement Vôtre, Été 1987.
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