L'Histoire de la Grande-Rivière

     Bien avant l'arrivée des premiers Européens sur nos côtes, les Micmacs occupaient déjà le territoire gaspésien. Quelques tribus « iroquoiennes » se rendirent même, occasionnellement, dans la Baie-des-Chaleurs pour y pratiquer la pêche estivale. Des fouilles archéologiques confirment l'occupation d'une partie importante du bassin de la Grande-Rivière par les aborigènes.

L'Histoire de la Grande-Rivière
     La richesse en gibiers et en poissons de toutes sortes, qu'offraient les forêts, les rivières et la mer, favorisa le peuplement du territoire. Les cours d'eau devinrent les voies qui facilitèrent l'accès à l'arrière-pays.

     Quant au peuplement européen à Grande-Rivière, l'histoire ne fait pas mention d'établissement permanent avant la concession de la Seigneurie. C'est à partir de la fin du XVIIe siècle qu'Européens et Canadiens s'implantèrent définitivement ici pour l'exploitation de la pêche à la morue.

     C'est le comte de Frontenac, alors Gouverneur, et l'Intendant Jean Bochart de Champigny qui firent, le 31 mai 1697 à Jacques Cochu, l'acte de concession.

     « De la Seigneurie de la Grande-Rivière, située dans la Baie-des-Chaleurs avec une lieue et demie de terre de front, sur deux de profondeur, à prendre depuis la Seigneurie de Grand-Pabos appartenant au Sieur René Hubert, en tirant du côté du Cap-d'Espoir vers l'Ile Percé. » A titre de fief seulement; d'après les Archives de Québec, volume 4, P.G. Roy.

     Le 15 septembre 1749, on dépose au greffe de Lanouiller, notaire à Québec, quatre certificats relatifs à la propriété de la Seigneurie de la Grande-Rivière.

     Le 15 octobre 1750, le Marquis de la Jonquière, Gouverneur, et François Bigot, Intendant de la Nouvelle-France, rédigent un nouvel acte de concession, cette fois:

     « Aux héritiers de Jacques Cochu, ci-devant habitant de l'Acadie, dans la Baie-des-Chaleurs avec une lieue et demie de terre de front sur deux de profondeur à prendre depuis la Seigneurie de Grand-Pabos appartenant à Sieur Lefèbre de Bellefeuille, en tirant du côté de Cap-d'Espoir vers l'Ile Percé, pour en jouir par les dits héritiers Cochu, par égale portion leurs ayant-cause à toute propriété; à toujours, à titre seulement.»

     Mais la France est toujours en guerre avec les Anglais et, cette fois-ci, les actes de piraterie et de saccage vont déferler jusqu'à nos rives; les établissements de Grande-Rivière et de Pabos seront parmi les pires victimes.

     En juin 1758, Louisbourg et l'Acadie tombaient aux mains des Anglais.

     Le 7 septembre, la flotte de Wolfe entrait à Gaspé et en prenait possession. Le 13 septembre, les soldats anglais venaient à Gaspé répéter ici les dépravations et les violences extrêmes commises à Gaspé et aux alentours.

L'Histoire de la Grande-Rivière
     Un extrait du journal du Capitaine Bell, A.D.C. du Général Wolfe :

     « Grande-Rivière : Grande-Rivière est située environ 12 lieues à l'ouest de Gaspé, et voisin de la Seigneurie de M. Bellefeuille; les troupes débarquées là se comportèrent de la même manière que celles de Pas-Beau, sauf pour la timidité scandaleuse du capitaine Jacobs qui donna le signal deux fois de revenir avant que les soldats n'aient été à terre trois heures ce qui n'était pas le quart du temps nécessaire pour tout brûler. La maison seigneuriale était située sur une petite île dans la rivière; elle avait huit appartements sur une plancher; de grandes quantités de choses entassées dans des bureaux et des coffres pour expédier en sûreté à Québec. Les gens s'enfuirent laissant même leur repas sur le feu. Environ 60 maisons furent brûlées, plusieurs excellentes et en plus tous les biens-meubles et environ quatre-vingt chaloupes. Il y avait aussi des moutons, des bœufs et des volailles, etc.; Comme d'ailleurs à Pas-Beau. Le magasin était très grand, il contenait une quantité de vêtements chauds, précieux en cette région, 60 barils de mélasse, qui pour un américain vaut plus qu'on peut le dire. Quantité d'autres choses furent détruites; 8,000 quintaux de poisson, filets, lignes, hameçons en quantités considérables.

     Le Général, par pitié pour les habitants, au retour du Kennington, apprenant comment les choses s'étaient passées, envoya une chaloupe conduite par des français au seigneur de l'endroit pour lui dire qu'il regrettait que ses officiers fussent obligés d'agir comme ils le faisaient, bien à rencontre de leur inclination ou de ses intentions, mais qu'il croyait que pendant l'hiver il périrait avec tous les habitants s'il n'avait pas de moyens de subsistance; il lui envoyait donc cette chaloupe pour le prendre et lui en enverrait d'autres pour ses gens; mais que si lui et ses gens préféraient la liberté, la chaloupe était à son service et que les gens à bord avaient leur liberté.»
Ne recevant aucune réponse, les Anglais mirent les voiles.

     L'extrait qu'on vient de lire du journal du Capitaine Bell sur l'expédition de Wolfe en 1758, nous montre clairement qu'à cette époque, déjà, Grande-Rivière était un établissement prospère.

     Le 19 mai 1772, un acte de vente est passé au greffe de J.-Claude Panet, notaire à Québec, par « Henri Morin de Québec en sa qualité de concessionnaire et propriétaire des droits de J.-B. Rousseau, Michel et Jacques Rousseau, héritiers de leur mère Mado Cochu et aussi en sa qualité de cessionnaire et propriétaire des droits de Pierre Cochu à Ducan Anderson et William Smith du fief de la Grande-Rivière.»

     Le 18 juin 1793, au greffe de Robert Robson, notaire à Londres, « Duncan Anderson, représentant de la Société Anderson & Smith, vend à Charles Robin de Paspébiac tous ses droits du fief de la Grande-Rivière. »

     Le 15 octobre 1828, on voit un acte de foi et d'hommage à Sa Majesté Georges IV, de Robert Christie au nom et comme curateur en l'absence de James Robin, Philip Robin et John Robin, neveux et héritiers, pour le fief de la Grande-Rivière.

     Le lendemain, 16 octobre 1828, confirmation du titre par Sa Majesté Georges IV à ceux déjà nommés comme propriétaires de la Seigneurie de la Grande-Rivière.
Le 31 mars 1858, une déclaration est faite par le commissaire des Seigneuries à l'effet que « James Robin, John Robin et Philip Gosset, représentant Philip Robin, sont les propriétaires de la Seigneurie et que celle-ci est exploitée par eux comme partenaires de Charles-Williams Robin, Philip et Raoul Lamprière, Anne Robin, John Lane (tous de jersey), Frédéric Gauvin et Richard Valpy de Lisle sous le nom de société de « Charles Robin et Compagnie.»

     Le 6 juillet 1858, « les sus-nommés font un arrangement par lequel james Robin, john Robin et Philip Gosset et les autres abandonnent leurs droits à James Robin, Charles-William Robin et Philip Gosset.»

     Le 24 février 1866, tous les droits sont transférés à Charles-William Robin et Philip Gosset.

     Le 25 avril 1870, Charles-William Robin se retire. Les droits sont alors transférés à Philip Gosset, Paulin Robin, William Lamprière et Frédéric Goghlan Lane.

     Le 31 mars 1885, vente par Paulin Robin, Philip Gosset, William Lamprière et les héritiers de Frédéric G. Lane (Charles Robin & Cie) à Gervaise LeGros, Elias Collas et Edward de la Pérelle.

     Le 31 décembre 1888, vente des précédents, en liquidation, à Charles Robin & Compagny Limited.

     Le 1er juillet 1891, vente par Charles Robin & Co. Ltd à Charles Robin, Collas & Cie. Ltd.

     Le 1er août 1904, vente par Charles Robin, Collas & Cie Ltd (une corporation de Jersey) à Charles Robin Collas Co. Ltd (corporation canadienne).

     En 1916, par testament, Louis Cabot le cède à Georges Cabot et le 29 octobre 1919, vente par Georges Cabot à la Grand-River Co. qui en détiendra les droits jusqu'à 1993.

     Ce qui nous amènera, dans un prochain article, à l'histoire colorée du Grand-River Fishing Club, époque où débuta la pratique organisée de la pêche sportive du saumon atlantique.

référence

» Par François Bouchard
» Photos; collection François Bouchard
» Salmo Salar #36, Automne, Septembre 1994.
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