L'Histoire de la Port-Daniel

Localisation

     Située dans la baie des Chaleurs, la rivière Port-Daniel « nord » coule vers le sud en traversant la municipalité du même nom, dans la MRC de Pabok.

     Longue d'une cinquantaine de kilomètres, la Port-Daniel prend sa source sur les hauts plateaux appalachiens. Dans sa partie amont, les rives sont parfois très escarpées. Cette vallée encaissée, creusée par le retrait des glaciers, laisse à nu le calcaire qui peu à peu se dissout au contact de l'eau. Ce phénomène donne une eau pure et alcaline. Un barachois de type estuarien reçoit ses eaux.

l'Histoire de la Port-Daniel
L'histoire

     Lorsque l'explorateur français Jacques Cartier se résigne par cette torride journée du 4 juillet 1534 à donner l'ordre à ses navires de mouiller dans cette anse qu'il vient de nommer baie Baint-Martin (1), en l'honneur du grand évêque des Gaules, il ne se doute pas qu'il se trouve en face d'un lieu que les Micmacs nomment EPSEGENEG, lieu où l'on se chauffe.

     L'absence de vent l'oblige à cette brève escale. Les hommes d'équipage devinent qu'une rivière se jette dans le barachois.

     Bien que les Basques aient fréquenté cette baie qu'il nommera « baie des Chaleurs » bien avant lui pour y chasser la baleine, Cartier, lui, croit avoir découvert le passage vers les Indes. Quelques jours d'exploration lui feront réaliser sa méprise.

     Ce n'est que vers la fin du XVIIe siècle qu'on nommera cette anse Port-Daniel en l'honneur de Charles Daniel. Ce marchand dieppois fit plusieurs voyages en Nouvelle-France à titre de capitaine de vaisseau. Contemporain de Champlain et membre de la Compagnie des Cent-Associés, il demeure célèbre pour s'être emparé, en 1629, d'un établissement anglais situé sur l'île du Cap-Breton.

     Déjà en 1685, Emmanuel Jumeau consignera ce nom sur sa célèbre carte. Quand, en 1696, on concède pour la première fois cette seigneurie à René Deneau, on décrit l'endroit comme étant « au lieu dit, le Port-Daniel ». En 1785, apparaîtront sur papier les limites du canton de Port-Daniel.

     Les établissements français de la baie des Chaleurs ayant été à peu près tous détruits lors de la guerre de Sept Ans, il faudra attendre le début du XIXe siècle avant qu'une prospérité nouvelle s'installe. C'est à cette époque que des Écossais s'établissent au côté des quelques Acadiens, Français et loyalistes présents. Des Américains y inaugureront même une conserverie de homard, dès 1847.

     Plus tard, des Irlandais, des Anglais et des Jersiais s'installent à leur tour. Ils seront fermiers, bûcherons et pêcheurs pour la plupart.

     L'exploitation forestière débute vers le milieu du siècle dernier. Pendant longtemps, les goélettes y chargent du bois et même de la pierre à chaux, abondante à cet endroit.

La rivière Port-Daniel

     De tout temps, la rivière Port-Daniel a fourni de quoi survivre à ceux et celles qui la côtoient. L'abondance du saumon, la richesse du barachois, la présence de lacs poissonneux et du gibier en abondance ont attiré très tôt les peuplades autochtones. Les Micmacs avaient l'habitude d'installer leur campement tout près de l'embouchure de la rivière.

     Au XIXe siècle, la pêche excessive du saumon réduisit beaucoup les populations des rivières de la baie des Chaleurs. Déjà en 1821, on portait cet état de fait à l'attention des membres de l'assemblée de la province du Bas-Canada.

La pêche sportive

     L'ouverture du pays à la colonisation donnera accès à de nombreux territoires. Vers la fin du XIXe siècle, les « sports » fréquenteront la rivière Port-Daniel ainsi que les nombreux lacs situés à proximité. La pêche sportive ne prend véritablement son essor qu'au début du présent siècle. Certains personnages influents se voient alors concéder par le gouvernement du Québec de magnifiques paradis de pêche. C'est l'âge d'or des fishing's clubs. Plusieurs industriels, marchands, magistrats et même ministres du culte se voient ainsi « récompensés ». Certains vendent leur chalet au gouvernement lors de la création de la réserve en 1948.

La création de la réserve

     Beaucoup de personnes s'inquiètent cependant de la forte diminution du saumon dans la rivière et ses tributaires ainsi que de l'omble de fontaine des lacs de Port-Daniel. Des pressions s'exercent, des représentations sont faites. Finalement, le gouvernement du Québec consent, le 19 mai 1948, à officialiser la création de la Réserve de chasse et pêche de la rivière Port-Daniel. Seule la pêche y est autorisée et réglementée.

     Située à six kilomètres au nord de la municipalité du même nom, la réserve est agrandie par arrêtés ministériels en 1955 et 1954. En plus d'inclure la rivière, le territoire comprend 25 lacs. 5a superficie est d'environ 57 kilomètres. Certaines activités de chasse y sont permises à partir de 1955.

     En 1974, un autre arrêté en conseil détache de cette réserve la rivière Port-Daniel « nord » qui devient une réserve distincte sous le nom de Réserve de la rivière Port-Daniel.

     Finalement, en 1984, ce territoire devient la Réserve de Port-Daniel.

Le saumon

     Malgré une protection importante, les stocks de saumons ne cessent de diminuer dans la rivière. Le braconnage intensif ruinera tous les efforts. Qui ne se souvient pas de la fameuse opération « Daniel »? Cette action de force des agents de conservation a donné une idée de l'ampleur du phénomène.

     Durant les années 1980 et 1990, de rares ensemencements ont été réalisés. L'indifférence des populations locales a d'ailleurs amené les autorités à regarder ailleurs.

Un espoir au bout du tunnel

     À l'été de 1995, le gouvernement du Québec confiait à la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq) la gestion de la réserve de Port-Daniel.

     La Sépaq envisage sérieusement la possibilité de reprendre la pêche sportive du saumon dans les parties la de rivière incluses dans les limites de la réserve.

     Il va de soi que les retours de saumons devront augmenter. La pisciculture de Gaspé, elle aussi transférée à la Société, pourrait jouer un rôle important à ce niveau. On pourrait bien taquiner Salmo salar plus vite qu'on ne le pense sur cette rivière.

     Le comité de gestion local de la réserve qui regroupe, en plus des responsables de la Sépaq, des représentants régionaux portera une attention spéciale à ce dossier.

(1) Cartier baptise l'anse Conche Saint-Martin. Conche, du latin Concha, conque, coquille, coque, désigne un enfoncement du rivage dont l'entrée est serrée.

référence

» Par François Bouchard
» Salmo Salar #42, Printemps 1996.
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